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Contre la légende et l’oubli

Contre la légende et l’oubli

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Écrit en mai 2018.
Publié en juin 2024.

Je dédie ce livre à mes camarades
de France et d’Espagne,
car il faut que nous cherchions à dégager
de la légende et de l’oubli le vrai visage
de la révolution,
il le faut pour épurer nos forces,
obéir plus librement à la plus haute nécessité,
ne pas lui demander de justifier nos fautes,
mieux accomplir ce qui doit être accompli,
et que l’Homme renaisse un jour en tout homme.

Victor Serge, Ville conquise (1932)

Ces « Notes partielles et partiales » ont été écrites, sans diffusion publique, depuis la Zad de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) de janvier à mai 2018. Elles étaient à destination de soutiens qui étaient loin de la Zad et ne comprenaient pas la complexité des enjeux, des conflits, des processus à l’œuvre. Cette tentative de reportage informel, voire d’analyse sur le vif est politiquement située du côté de ce qui s’est appelé, au cours de la lutte, la dissidence de la Zad. Ces notes sont précédées de deux articles écrits en août et octobre 2017 pour un fanzine militant, diffusé uniquement sur papier : le Tiramisu.

Six ans après la période des expulsions et la fin des expériences sociales anti-autoritaires sur la Zad de NDDL, certains groupes, qui ont ramassé la mise (et habitent toujours la zone) se retrouvent à la tête du mouvement des Soulèvements de la Terre (dont deux des porte-paroles médiatiques). Depuis ce qui a été appelé la « victoire » de la lutte contre l’aéroport et son monde, la Zad sert de caution, de modèle pour faire rêver et attirer du monde dans les luttes environnementales. Nous proposons de rendre disponibles ces documents afin de comprendre ce que fut ce modèle dans une période de grande tension (les expulsions de 2018), moment où les masques tombaient dans l’urgence des intérêts à sauver.

Ce texte (et certaines des photos) prennent aujourd’hui une valeur d’archives, réactualisées au moment où nombre de militant-es ou sympathisant-es se posent des questions sur l’organisation des Soulèvements de la Terre et leur participation ou non à ce mouvement. Ce document permet d’avoir un regard critique sur ce qu’implique une alliance avec d’autres composantes, dont la Confédération paysanne.

Des chicanes sur la ZAD

[Article écrit en août 2017 et publié dans le Tiramisu.]

La route des chicanes est un lieu célèbre sur la ZAD de Notre Dame des Landes. Officiellement, c’est la D281 qui relie les Ardillières au nord et La Paquelais au sud. C’est au moment de l’opération César en 2012, lors de la tentative d’expulsion de la zone ordonnée par le gouvernement PS, que sur environ deux kilomètres de cette D281 furent construites de multiples chicanes et barricades pour empêcher la circulation des forces de répression.

Depuis, cette route est toujours aménagée de chicanes et cabanes en bois et en terre, habitées par des gens qui l’occupent. Depuis, cette route fait l’objet de nombreux fantasmes, peurs et conflits. Quelles sont les raisons de ce point de fixation sans cesse réalimenté ?

En premier, les agriculteurs affirment l’impossibilité de circuler avec les tracteurs et les remorques pour travailler dans les parcelles adjacentes. En second, l’ACIPA, association des populations alentours, voit d’un très mauvais œil cette occupation pérenne d’un espace public. De leur côté, certains Zadistes, voulant imposer une zone « non-motorisée » à l’est de cette route, cherchent à refuser l’accès aux engins agricoles. D’autres Zadistes souhaitent contrôler la vitesse des véhicules du fait du passage de nombreux piétons et vélos.

Au printemps dernier, des paysans et certains occupants de la ZAD ont décidé, après plusieurs réunions, de réaménager cette route, laissant les habitations mais enlevant certaines chicanes qui gênaient le passage des tracteurs. Le but était aussi de permettre aux habitants de la région d’emprunter de nouveau cette route plus sereinement. Quelques temps après, sont apparues de nouvelles chicanes et des ralentisseurs faits en gros cordages de marine. Et certains habitants, même favorables aux Zadistes, continuent de s’opposer à ces chicanes.

Pourquoi tant d’ardeurs et de passions de part et d’autre ?

Ne serait-ce pas parce que cette route est devenue le symbole de l’opposition de deux mondes qui s’affrontent ? Un monde où l’espace public est approprié par un groupe non-légitimé par l’État : quelques Zadistes obstiné-es. Des gens qui s’arrogent le droit de contrôler éventuellement la route et remettent ainsi en cause, sur cette zone, le privilège de l’État qui, lui, peut envoyer les forces de l’ordre boucler une cité sans que personne ne s’en offusque.

Sur cette route, certains automobilistes auraient été rackettés de quelques euros ou effrayés par quelques personnes cagoulées en 2013, plus rarement depuis. Alors que Vinci rackette lui aussi les automobilistes consentants à tous ses péages d’autoroute.

Par ses chicanes, cette route fait concrètement l’éloge de la lenteur alors que les transports à l’heure actuelle imposent un monde de circulation à grande vitesse pour les marchandises et les personnes (TGV, LGV, TAV, sans oublier le transport aérien), une application concrète de la devise libérale : « Laisser faire, laisser passer ».

L’opposition entre propre et sale semble être aussi un enjeu important, actualisé dans l’entretien ou non des bas-côtés, le nettoyage ou non des mûriers et des haies

Enfin, le fait que des gens construisent des habitations sur la moitié de la chaussée scandalisent de nombreux habitants des bourgs avoisinants, alors que cela se faisait fréquemment dans le passé notamment sur les ponts et dont on peut voir un des derniers exemples à Landerneau.

Ainsi, les conflits au sujet de cette route semblent renvoyer à des intérêts politiques qui s’expriment d’une manière détournée et non-consciente. Ces deux kilomètres de la D281 pourraient donc être vus comme le théâtre où s’affrontent de manière euphémisée un monde de production marchande et un monde qui tente de faire sécession.

Du coup, loin d’être des chicaneries, cette route est devenue une zone test et il s’agira de rester attentif, dans la période qui s’annonce, aux rapports de force qui pourront y être mis en scène.

La ZAD sans les Zadistes ?

[Article écrit en octobre 2017 et publié dans le Tiramisu.]

Ou du moins sans certains Zadistes... C’est ce qui pourrait se dessiner à l’issue de la période de Médiation, qui prendra fin le 1er décembre, après six mois d’auditions avec certaines composantes de la lutte.

A ce jour, ont accepté d’y participer les membres de la Coordination des opposants à l’aéroport qui regroupe une soixantaine d’organisations très disparates [1]. Par contre, les occupant-es de la ZAD ont refusé, à ce jour, d’y participer, certain-es ne reconnaissant pas de légitimité à cette Médiation, d’autres se positionnant comme une force d’opposition permanente. Dans les faits, il n’y a pas de voix commune parmi les occupant-es : certain-es définissent déjà des projets, agricoles ou non, à présenter éventuellement au gouvernement, d’autres estiment que leur présence sur ce territoire est déjà effective depuis près de dix ans pour les plus ancien-nes, et qu’elle n’a pas à être négociée.

Les paysans du collectif COPAIN [2] avaient refusé de participer à la première partie de la Médiation, volet technique sur l’aéroport, mais envisagent d’y participer, maintenant que l’avenir de la ZAD est à l’ordre du jour. Participation qui s’inscrirait dans le cadre d’une délégation commune avec le maximum d’entités contre l’aéroport.

Les réflexions qui suivent ne sont en rien une version officielle ou unanime, mais sont basées sur nos observations et réflexions qui ont eu lieu sur la ZAD dans le courant de l’été.

Rappelons qu’une Médiation a été nommée par le premier ministre, M. Philippe, le 1er juin, dans le but : « d’identifier la mesure la mieux apte à satisfaire les besoins de transport à long terme et de préservation de l’environnement, [...] tout en permettant un retour à l’état de droit et le respect de l’ordre public. » (Lettre de mission signée par M. Hulot. De son côté, M. Macron avait déclaré à WWF (source Le Monde) : « Je prendrai ma décision six mois après l’élection, mais avec malgré tout en tête le fait que la concertation locale a donné un avis favorable. Donc, il faudrait des éléments forts pour que nous y revenions. »

On ne peut être plus clair. De chaque côté de cette lutte, il s’agit de l’aéroport et son monde.

La ZAD est un endroit exceptionnel, en ce sens qu’il est possible d’y expérimenter différents types d’organisations sociales et matérielles, sans que ni la police, ni aucune forme de contrôle social ou par les normes n’intervienne. Ceci à la suite de l’échec cinglant de l’opération César en 2012, et du rapport de forces qui s’est imposé alors et qui perdure. Contrairement à de nombreux endroits en France ou dans le monde où les forces de répression interdisent toute mise en place d’une société autonome.

La lutte contre l’aéroport

C’est le premier temps imposé par la Médiation : analyser les conséquences économiques, sociales, environnementales, agricoles, techniques, d’un transfert ou non de l’aéroport de Nantes-Atlantique à NDDL. Les Naturalistes en lutte ont été auditionnés par la Médiation sans pouvoir présenter tous leurs arguments, sous prétexte qu’ils avaient déjà été déboutés en justice ; étaient présents à cette même audience les experts de Vinci. La Coordination y est allée porter ses expertises techniques.

Plaçons-nous dans l’hypothèse où la Médiation conclut à l’absurdité du projet et que le Président, E. Macron, conclut à son annulation. N’oublions pas que cette victoire indéniable contre un grand projet inutile et imposé ne perturbera en rien l’organisation du transport aérien. Et tout ne sera pas terminé à ce moment-là. Pourtant, certaines composantes de la lutte pourraient bien s’arrêter là, estimant que les Zadistes n’auraient plus besoin d’être sur Zone.

Mais une nouvelle lutte commencera.

La lutte contre son monde

C’est le second temps préparé par la Médiation qui a débuté en septembre. La lutte se déplace clairement sur le terrain de la propriété et du foncier. Déjà des forces se structurent qui ont des intérêts divergents, voire antagonistes.

Du côté des paysans, des personnes sont à peu près sûres de retrouver la situation d’avant : ce sont les paysans qui ont résisté. Les paysans regroupés dans le réseau COPAIN, appuyés par d’autres composantes du mouvement, ne veulent pas voir les agriculteurs qui ont vendu à VINCI revenir sur les anciennes terres. Une lutte risque alors de s’engager au sein de la mouvance paysanne.

Le mouvement de lutte a déjà récupéré 230 ha sur les 1650 ha de la ZAD et souhaite en prendre d’autres, voire la totalité, en charge. La manifestation des 21/22 octobre pour la prise de nouvelles terres et l’aménagement de nouveaux projets, a servi à montrer cette détermination [3]. Certaines terres servent à des Zadistes ayant le statut de paysan pour faire la production de lait, de pain, de bière ou des petits élevages. D’autres terres sont communisées et servent à de grandes cultures (céréales, maïs, pommes de terre, oignons, tournesol...). D’autres sont utilisées pour du maraîchage approvisionnant le non-marché au sein de la ZAD. Enfin des Zadistes ont imposé une zone « non motorisée » d’une trentaine d’hectares où ils vivent et cultivent de manière non conventionnelle. On voit donc que derrière la façade unitaire le mouvement est très divers.

Une ZAD sans Zadistes ou presque

En ce qui concerne le sort des occupant-es, de nombreuses questions sont soulevées. La lettre de mission de la Médiation le précise bien : « [...] tout en permettant le retour à l’état de droit et le respect de l’ordre public. »

Verra-t-on se dessiner une sorte de compromis proposé par la Médiation ? Déjà, on entend dire en réunion que « tous les Zadistes ne pourront pas rester » ou que « il faudra faire des projets ou des compromis pour être entendus ». Cela veut-il dire que certaines personnes risqueraient de devoir quitter les lieux ? Or, pour de nombreux Zadistes, le slogan « contre l’aéroport et son monde » gardera tout son sens, même après l’abandon du projet. Et ils/elles n’accepteront probablement pas que l’Etat capitaliste reprenne possession de la Zone, ce qui équivaudrait à la vider de toutes les cabanes hors normes, de toutes les cultures sans autorisation, de toute tentative de vie sociale sans oppression.

Pour éviter cela, certaines composantes cherchent à créer une « entité », comme il y a eu au Larzac, qui pourrait devenir une sorte d’interface entre l’Etat et les Zadistes. Mais il y a de nombreux Zadistes à ne pas légitimer cette autorité, d’autant que cette dernière risquerait de chercher à donner des gages de bonne volonté à l’Etat, pour asseoir sa crédibilité. Se dessineraient alors des positions devenues antagonistes, entre celles et ceux qui chercheront une solution juridique, reconnue par l’Etat et en négociant avec lui, et celles et ceux qui refuseront toute négociation avec l’Etat, en se disant prêt-es à une confrontation directe pour éviter l’expulsion.

Cela revient à poser des questions plus fondamentales : qui donne autorité aux autorités ? Qu’est-ce que la propriété ? Peut-il exister une propriété commune des terres, des habitations ? Peut-il exister des propriétés sans Etat pour les légaliser ? Quelles sont les personnes qui pourront rester sur la Zone ? Selon quels critères ? Edictés par qui ? Qui se chargera de « faire le ménage » ? Et, en parallèle, on peut se poser la question : quelles seraient les caractéristiques des gagnant-es et des perdant-es ?

Si, pour tirer son épingle du jeu, il faut avoir une position proche de celles attendues par l’Etat, et si celles et ceux qui perdront le plus ont les positions le plus « hors cadre », le contenu et le résultat de la lutte risque de prendre un tout autre aspect. Et bien des occupant-es de longue date risquent de ne plus trouver intérêt à rester dans un tel univers en voie de normalisation.

Si on arrive au constat que, plus on est conforme aux règles et plus on gagne au jeu, pour qui pourra-t-on parler de « victoire » ?

Avec la victoire, on a tout perdu !

[Nouvelles partielles et partiales n°1.]

Salut,

Au lendemain de la « victoire » contre l’État et Vinci, voici quelques impressions absolument pas impartiales, mais quand même utiles, peut-être…

Nuance : victoire contre l’État ?

Les fractions dominantes du mouvement se mettent progressivement en conformité avec les règles légales en vigueur : forcing de la charte des 6 points qui se révèle être l’ébauche d’une norme, d’un droit commun, forcing dans l’urgence pour le choix d’une délégation inter-composantes à la négociation y compris avec les Zadistes ; forcing dans l’urgence pour la constitution d’une association loi 1901 dans le but de signer l’accord avec le gouvernement (sic), réflexion poussée avec des juristes sur les sorties légales comme bail emphytéotique, société civile type Larzac, sans parler de la commission juridique renommée commission hypothèse pour l’avenir, commission gestion des conflits, sous-commission cartographie et recensement des sites de la Zone, commission Premières installations renommée commission Bienvenue, pour mettre au jus les nouveaux candidats. Si ce n’est pas une ébauche de pouvoir central, qu’est-ce que c’est ?

Le contrôle qu’exerce l’État se retrouve donc progressivement, à plus petite échelle, sur la ZAD. Les fractions dominantes du mouvement se sont mises en marche vers l’État qui les reconnaît maintenant comme interlocutrices potentielles. Ce qui ne préjuge pas des suites…

C’est ainsi que l’on entend des Zadistes (ceux du groupe Com’ externe, bien sûr) qui parlent depuis hier de régler les problèmes en interne. Non seulement aux médias, mais, n’en doutons pas avec des sous-fifres du gouvernement. Gouvernement qui les a entendus et leur a laissé jusqu’à la fin de la semaine prochaine pour « libérer LES routes ». Ce qui, politiquement et économiquement serait plus rentable pour le pourvoir.

Ce qui leur manque à ces fractions dominantes du mouvement pour obtenir la légitimité de la part du gouvernement, c’est évidemment la démonstration qu’elles sont en mesure d’instaurer l’ordre sur la Zone, celui du mouvement se rapprochant de celui de l’État. (Et pas l’inverse. Il y en a un qui fait un pas vers l’autre.)

C’est ainsi qu’on pourra comprendre l’empressement de ces fractions dominantes du mouvement à sortir les tracteurs et à virer les cabanes sur la route des Chicanes, bien sûr après décision prise en AG « souveraine » ! La division du travail est désormais bien réglée.

Pour nous la victoire est plutôt dans le camp de l’État qui réinstaure son sacro-saint état de droit, à quel prix pour les Zadistes qui se veulent « hors-contrôle » ?

Nuance : Victoire sur Vinci ?

L’abandon de l’aéroport va-t-il changer quelque chose à la manière dont Vinci va tirer la plus-value de l’exploitation de ses travailleurs, avec l’aménagement de l’aéroport de Nantes (ce qui lui aurait été possible aussi si l’aéroport avait été transféré à NDDL) ? Et, cerise sur le gâteau : on se dit que Vinci est déjà en train de placer en bourse, avec effet de levier (l’effet de levier doit être, si on a bien compris, le fait de faire un investissement sans avoir le capital, d’autant plus facilement que cette rentrée future est garantie par l’État) de placer en bourse donc les futures indemnités que l’État, (donc les contribuables, donc les travailleurs) va reverser à la multinationale.

Pour nous, la victoire est du côté de Vinci et de la politique d’accroissement du transport aérien.

Cependant, nous ne boudons pas le soulagement que procure l’annonce du gouvernement.

Hier soir, nous avons fait un tour rapide à la Vache-rit, lieu appartenant au plus gros agriculteur de la Zone qui gère environ 300 ha, lieu fermé au mouvement depuis avril pour cause de discorde. La route D81 (pas la D281, nouvelle nuance) était bloquée… par les voitures qui affluaient dans le coin. Et aucun tracteur pour la libérer. Que faisait la police ? Il y avait les comités de soutien, les paysans de Copain, les militants de la Coord. Pour ce qui est des zhabitant-es de la Zad, y avait quelques pontes, et des gens isolés, mais pas la majorité des gens qu’on fréquente, loin de là.

Alors on est repartis, libérant la route d’une épave que les forces de… n’ont pas eu le plaisir de dégager. Et on est allés passer la soirée avec d’autres qui ne se réjouissaient pas tant que ça. Des pro-aéroport ? Ben non, quand même pas. Mais des anti-monde de l’aéroport, et pour elles et eux, c’est pas la liesse.

En effet, ces copains copines rappelaient que ce n’est pas qu’une lutte des paysans, il y a eu aussi les « habitants qui résistent », et qui ne retrouveront pas tous leurs billes (et certains ne le veulent même pas). Ainsi que restera-t-il de l’Auberge des Q de plomb, quand il faudra la mettre aux normes, crainte exprimée par son tenancier, Ti-Claude ?

La route des chicanes reste au cœur des discordes, non horizontales, puisque dans cette histoire, il se dessine des groupes plus égaux que les autres. Une fois cette route libérée, nettoyée, dégagée, rendue à l’État, quel sera le sort de celles et ceux qui ont porté le soutien à cette route comme un combat non symbolique mais de préservation d’un mouvement encore une fois « hors-contrôle » ? On veut parler ici de la zone « non motorisée » que les paysans vivent comme une épine dans le pied depuis des années, du non marché, de l’accueil des gens non productifs, etc.

Depuis longtemps, depuis l’arrivée des Zadistes sur zone, les différentes composantes (non homogènes) en soutiennent certains pour en lâcher d’autres, font le tri dans leurs appuis. Il s’avère qu’au-delà de la « bienveillance » affichée comme dogme, le nettoyage de la zone se fera d’ici le printemps. M. le premier ministre a donné carte blanche au mouvement pour faire son boulot de façon à ce qu’il (le ministre) n’en soit pas éclaboussé.

Tout cela ne se fera pas sans conflits, résistances, oppositions. Quelles en seront les formes ? Quelle en sera l’intensité ? C’est ce qui va se vivre dans les semaines qui viennent. L’univers de la Zone va devenir d’autant plus impitoyable que la galette est maintenant sur la table et que chacun a en main une fourchette plus ou moins aiguisée, plus ou moins émoussée.

On en arrive en effet au moment où les masques vont tomber, y compris du côté de la FNSEA : il s’agit enfin de choses sérieuses : il s’agit de la production marchande, il s’agit du foncier, comme le disait Paul Blineau : il s’agit de la propriété privée.

Info toute fraîche (9h30) : des barrages filtrants de gendarmeries ont été signalés via le téléphone d’urgence de la Zad dans les bourgs avoisinants, avec contrôle d’identité et fouille de véhicules. Ils sont là pour quelque temps, sûrement. Ils sont là pour dissuader les éventuels soutiens non désirables.

Ça passe ou ça casse

[Nouvelles partielles et partiales n°2.]

Salut,

7h30 heures de réu non-stop hier, après une nuit courte pour certains qui ont fêté LA victoire.

17h/20h : réu des zhab

20h/0h30 : réu extraordinaire

Seul objet de "notre" ressentiment : la route des chicanes.

Tous les arguments se sont interchoqués, des plus émotionnels au plus autoritaires.

Tensions, engueulades, menaces, accusations, règlements de contentieux...

On vous passe le contenu que vous imaginez, on préfère réfléchir sur la forme.

Après coup, on voit que la réu a été préparée à l’avance, que les mises en scène ont été calculées pour manipuler les opposants à la "libération" de la route.

3 heures d’embrouille où aucune des grosses pointures ne se manifestent, seulement la piétaille.

A 23h : certaines composantes sortent, pour "discuter entre elles".

Du coup, interruption de séance pour 10 minutes pour tout le monde.

Retour des composantes qui prennent la parole :

« Au nom de Copain, de l’Acipa, de la Coord, des Comités qui se sont exprimés ce soir, du comité de St Nazaire, de l’Adeca, du Cedepa, et des Naturalistes en lutte... »

Les naturalistes se sont désolidarisés, ils avaient été mis dans le package, au cas où...

Sont nommées ici des composantes absentes de cette réunion...

Dès le début de la réunion, les postes clés ont été verrouillés par des membres de la fraction dominante des habitants de la Zad, les propos hostiles étaient hués ou la facilitatrice (une vétérante) a tenté de raccourcir les interventions hostiles.

On reprend le déroulé :

« Au nom de..., nous ferons un chantier lundi pour nettoyer la route : enlever les cabanes et les obstacles (seule concession, ils laissent Lama Fâché, une des 4 cabanes en terre) ».

Pas de "on vous propose de" ou de "ça vous va si..."

Quelques questions techniques sur les ralentisseurs que les zhabs veulent "tout de suite".

Copain répond : « On enlève, on nettoie, on ne met rien ». Pas de concession.

Du coup, certains se tournent vers la préfecture pour demander la livraison de ralentisseurs.

Après ces combats d’arrière-garde, la décision passe dans les têtes sans appel au consensus.

Pas de "Y a-t-il une personne qui s’oppose ?" comme cela se faisait habituellement.

On vous laisse vous faire votre opinion sur la culture de l’"horizontalité" et de "l’unité dans le respect de la diversité".

De toute manière l’opposition se fera sur le terrain lundi matin, physiquement.

Et peut-être même avant ?

Les gens de l’Est ne fréquentent plus ces AG depuis longtemps.

Premières ondes de choc

[Nouvelles partielles et partiales n°3.]

Que ceux et celles qui peuvent affirmer

avoir sur cette phase de la lutte à NDDL

une vision complète et objective se lèvent…

Salut,

Moins d’une semaine après l’annonce du gouvernement d’abandonner un projet d’aéroport trop coûteux économiquement et socialement, se dessine un mouvement qui se fissure comme growlers au soleil de l’Arctique.

Rappelons le contexte pour celles et ceux qui ne sont pas trop au fait. Il s’agit maintenant de se partager une galette de 1650 ha de terres justes bonnes à du pâturage, et une culture de céréales de mauvais rendement, de landes humides et de forêts.

Sur ces 1650 ha :

  • environ 400 ha reviennent de droit aux agriculteurs qui ne sont pas partis, même s’ils ont été jugés expulsables en janvier 2016.
  • 400 autres ha sont des forêts, des chemins, des habitations.

Restent 850 ha qui deviennent objet de convoitise.

  • Depuis 2013, « Sème ta ZAD » occupe et s’occupe de 230 ha environ (devenus 270 au fil des semaines) : pour des cultures collectives (pommes de terre, oignons, céréales, maraîchage...) et pour de l’élevage (bovin, caprin, ovin, volaille). Une partie est utilisée par des occupant-es qui mènent une activité agricole personnelle plus ou moins dans les clous. Environ 24 ha ont été déclarés, par d’autres occupant-es, « zone non motorisée ». Sur d’autres parcelles sont installées des habitations auto-construites, sans droit ni titre.
  • Les 600 ha qui restent sont redistribués par la Chambre d’agriculture (tenue par la FNSEA) chaque année aux agriculteurs qui ont vendu à Vinci et qui ont reçu compensation et priorité pour d’autres terres hors ZAD. Ces baux précaires sont renouvelés chaque année.

Depuis le 17 janvier, un tsunami avec ondes successives secoue le « mouvement ».

Première onde de choc : la route des Chicanes, symbole de la lutte de toute part. Les agriculteurs (Copain) et la Coordination (dont l’Acipa) voulaient depuis 2013 la rendre à une circulation normale. Des occupant-es se sont progressivement rangé-es à cette option. Beaucoup d’autres jusqu’à jeudi 18 janvier s’y opposaient. Après des réunions marathon très intenses, émotionnellement et stratégiquement, le groupe Copain et l’Acipa ont décidé unilatéralement de nettoyer la route le lundi 22 janvier. Ils ont été appuyés en cela par une partie des occupant-es, partie pour qui la négociation avec l’État ne pose aucun problème. Cette décision a été très vraisemblablement prise après négociation en sous-main avec la préfecture de Nantes.

Depuis lundi, la route est nettoyée, de force par les paysans qui veulent aller à la négociation avec l’État pour les terres, sans cette épine dans le pied. Cette opération nettoyage, qui ne permet pas de rouvrir officiellement la route, puisque c’est le travail de la DDE, est l’occasion de reconfigurer les forces au sein du mouvement : qui prend la direction, qui suit, qui sera combattu comme fauteurs de troubles, etc.

Seconde onde de choc

Cette façon de procéder, de passer en force sans recherche du fameux consensus, qui a fait l’image de marque de ce mouvement anti-aéroport et de moins en moins « contre son monde », fait grincer beaucoup d’occupant-es. Appelé-es dès 2009 quand le monde paysan et les « habitants qui résistent »avaient besoin d’eux pour s’opposer à l’État, et aux gendarmes mobiles, ils sont maintenant tenus pour quantité négligeable lorsqu’ils gênent le bon déroulé des négociations.

Dans les discussions autour de soupes partagées, certain-es pensent quitter la Zone : ils étaient venus pour s’opposer non seulement au projet, mais plus politiquement à l’État. Maintenant que les agriculteurs, aidés de pas mal de Zadistes, font le travail de l’État, ils ne voient plus l’intérêt de vivre sur la Zone.

D’autres, sans faire partie du groupe dominant qui prend la direction du mouvement de plus en plus ouvertement, espèrent pouvoir tirer leur épingle du jeu, s’ils se font petits dans leur coin, et s’ils acceptent les conditions de normalisation qu’est prête à proposer d’emblée la délégation inter-composantes qui ira à la négociation avec le gouvernement.

Enfin, une bonne partie des Zadistes, qui ne viennent ni aux réunions ni aux AG, et qui ne participent pas aux commissions, se disent qu’ils en ont « jusqu’au printemps », date fixée par le premier ministre pour amorcer les expulsions des indésirables. Et que personne ne les soutiendra parce qu’ils n’ont soit pas l’envie, soit pas la force de présenter un projet conforme aux normes.

Bien sûr, le groupe qui prend la direction du mouvement affirme que tous les Zadistes pourront rester, que la « charte des 6 points » affirme le refus de toute expulsion. Mais il ajoute : « pourront rester tous les Zadistes, enfin ceux qui le veulent. »

Comme les entreprises qui rechignent à licencier et préfèrent pousser à la démission ceux qu’elles désirent voir partir, est-il excessif de penser que les indésirables risquent d’être poussés à quitter les lieux, de leur plein gré bien sûr ?

Cela sera là une seconde onde de choc. Pas la dernière...

Et l’État vous dit merci !

[Toujours notre chronique à chaud, partiale et partielle n°4.]

Salut,

Un épisode d’une contre-histoire, à l’instar de quelques autres qui s’écrivent ou se racontent dans des cabanes de la ZAD… Mais qui ne seront jamais réunies en compil !

Ce lundi 22 janvier, dès 10h00, la Coord et Copain avaient mobilisé leurs troupes. Plus d’une demi-douzaine de gros tracteurs avec fourches et remorques, plusieurs centaines de retraités des comités de soutien des alentours avec pelles et sacs poubelle, ont envahi la route des chicanes pour la « libérer ».

Ce qui avait été dit le lendemain de l’AG marathon de jeudi en « ateliers de préparation pour le chantier », et redit le lundi matin avant le démarrage, c’est : on déblaye toutes les chicanes. On déblaye le salon qui empiète sur la route aux Planchettes. On laisse Lama Fâché (la préfète est d’accord), on installe des ralentisseurs en gros cordage de marine (apparemment procurés par la CGT). Et, en signe d’apaisement, on laisse (pour le moment) l’Epicerie du Sabot.

Lama Fâché et le Sabot étant des lieux symboliques de la lutte de 2012, auxquels sont fortement attachés les Zadistes historiques, annoncer de suite leur destruction n’aurait pas été bien malin...

L’atmosphère était calme, mais les gens étaient sur leur garde.

Les visages des paysans, conscients de la situation à risque, étaient fermés. Ceux des organisateurs, talkie-walkie à la ceinture ou en main, étaient tendus. La piétaille mobilisée, laissée dans l’ignorance des conflits engendrés surtout par la manière dont la décision avait été imposée, affichait sourire aux lèvres et bonne humeur à la boutonnière. Ils parlaient de consensus, ce qu’on leur avait dit. Ils ne se souciaient pas de la brutalité du processus jusqu’à ce que...

Les « Zadistes » étaient partagés. Certains étaient affairés, pris par l’organisation matérielle, d’autres s’étaient donné le rôle de négociateurs : la consigne était à l’apaisement. Quelques-uns gardaient de façon déterminée des lieux symboliques afin qu’ils ne soient pas détruits. D’autres encore participaient en signe de conciliation et pour éviter le pire. Ou tout aussi probablement pour tenter de maîtriser l’angoisse qui grossit quand on pense à l’avenir. Quelques-uns allaient et venaient. Pas mal n’ont pas voulu en être, même s’ils ne pensaient qu’à ça au fond de leur tête.

La victoire, la revanche se lisait sur le visage de certaines composantes. L’échec, l’amertume, l’humiliation sur celui des autres.

Peu de banderoles ont été affichées :

  • Et l’État vous remercie, qui a été vite arrachée
  • L’État nous pisse dessus, l’Acipa dit qu’il pleut
  • On a gagné
  • Alors, on fait copain-copain ? (quelques jours plus tard)
  • Citoyennistes liquidateurs des luttes (quelques jours plus tard)

La matinée s’est passée comme prévue par les organisateurs : les tracteurs ont déblayé les chicanes et les pneus. Un manitou a déblayé les carcasses. Les comités de soutien et quelques Zadistes ont remblayé les trous. Certains triaient le matériel pour reconstruire.

Le désaccord a pu certes s’exprimer de manière édulcorée à l’échelle individuelle, un zadiste se désolait que les citoyens à la manœuvre jettent les débris d’une cabane incendiée il y a trois semaines dans le fossé. Une autre demandait qu’on leur laisse encore un peu de temps, manière de résister à la pression de l’urgence. Une autre encore replantait des adventices sur un reste de chicane destiné à être de toute façon poussé dans le fossé au godet.

Seule « tâche » dans le scénario : des irréductibles de Jesse James refusaient de laisser la place propre devant l’entrée de leur lieu de vie. Et en plus, ils parlaient mal le français ! Plusieurs Zadistes ont joué les conciliateurs. A l’usure, les habitants de J J ont accepté d’abord le retrait d’une carcasse, puis deux. Et le reste ensuite…

L’après-midi fut plus hard-core.

Les paysans, réunis pour pique-niquer, ont décidé de détruire l’Epicerie du Sabot, contrairement aux bruits qu’ils avaient fait courir le matin pour éviter les confrontations. Du coup, plein de gens se sont retrouvés devant l’Epicerie. Pendant une heure, les paysans de Copain et les pontes de la Coord se sont réunis dans le pré d’en face. En rond. Cercle fermé qui n’accepta aucun intrus. On les voyait s’engueuler, sans rien entendre. C’est eux qui avaient la main. C’est eux qui prenaient la décision. Les autres, Zadistes, comités de soutien étaient massés devant ou dans l’Epicerie. Là aussi, les gens discutaient et s’engueulaient. Beaucoup étaient déterminés à ne pas laisser les tracteurs pulvériser le Sabot.

Au bout d’une heure, les paysans sortirent de leur pré. Ils annoncèrent qu’ils ne détruiraient pas cette Epicerie, pour ne pas se confronter aux résistances. Mais il fallait que les Zadistes la détruisent eux-mêmes dès le lendemain. Sinon… les gendarmes (qui exercent toujours une pression en contrôlant certains ronds-points dans les alentours, mais pas aux abords immédiats de la Zad) les gendarmes mobiles viendraient eux-mêmes et que :

  • 1) dans cette situation, personne ne viendra soutenir les Zadistes, alors seuls contre la force publique
  • 2) quand « ils » seraient là, ils ne se contenteraient pas de nettoyer la route. Ils nettoieraient aussi les cabanes aux alentours, par souci de sécurité, bien sûr. Suivez mon regard…
  • 3) Copain ne viendra pas dégager l’Epicerie avec des tracteurs le lendemain.

Sur ce, ils quittèrent le terrain et retournèrent à leur salle de traite. Il était 16h30. Une partie des Zadistes, en particulier ceux qui habitent dans la zone Est, se sont réunis à leur tour dans le pré pour s’engueuler sur le fait de détruire eux-mêmes ou laisser le Sabot sur la route. Nous n’avons pas participé à cette réu. On n’avait pas le cœur de jouer les spectateurs dans ce douloureux psychodrame.

Le lendemain, le Sabot fut détruit, à la pioche et à la pelle par des Zadistes. Ils ont donc obtempéré, espérant sauver Lama Fâché, la dernière habitation en terre-paille sur la route. Redoutable, le diktat de Copain et de la Coord : « vous ne voulez pas qu’on fasse le boulot que l’État nous demande de faire », ou plutôt, ne réécrivons pas l’histoire : « vous ne voulez pas qu’on fasse le boulot que, depuis des mois, voire des années, on promet à l’État de faire, parce que cela nous arrange, alors faites-le vous-mêmes ! » oblige des Zadistes à faire ce qu’ils ne s’imaginaient pas de faire, quelques heures auparavant. Ils ont autogéré la destruction de leurs propres symboles de lutte. Nous n’avons pas assisté non plus à cet épisode qui fut tumultueux, selon un témoin avec qui on a parlé.

Un paysan rencontré l’année dernière nous avait dit « les Zadistes seront les cocus de l’histoire ». On pensait alors qu’il regrettait cette situation. On a vu ce même paysan, lundi, être déterminé à tout nettoyer, à libérer la route.

Le réel objectif de ce nettoyage, chantier programmé sur trois jours, n’est pas la réouverture de la route, puisque la mise aux normes pour la réouverture d’une départementale est menée à son terme par la DDE. L’objectif est bien de prendre la main sur la partie réfractaire du mouvement, en lui imposant ses décisions, en l’obligeant de gré ou de force à participer. Un exemple : une camionnette installée en chicane, fut déplacée sur le talus. Jamais la DDE ne la laissera à cette place. C’est une mise en scène pour travailler sur l’acceptation symbolique de cette domination.

Les Zadistes, qui avaient avalé bien des couleuvres depuis cinq jours, avaient eu le toupet de manifester un sursaut de résistance. Pas tous les Zadistes, vous l’avez compris maintenant. La fraction dominante se désolidarisant du reste du lot. Il fallait briser un bon coup les résistances. Ce fut l’objet de l’épisode suivant, joué le mardi matin, au moment même où le Sabot tombait sous les coups de pelle et de pioche.

La préfète l’avait accepté : Lama Fâché resterait sur la route. Du moins, c’est l’annonce que l’interlocuteur de la préfète, un paysan de Copain, avait diffusée. Mais, le matin de ce mardi, deuxième jour de nettoyage, la préfète ne voulait plus laisser Lama Fâché sur la route. Du coup, les paysans ont annoncé qu’ils détruiraient ce lieu hautement symbolique, mercredi. Deuxième fois qu’ils passent en force, sans même faire semblant de rechercher le consensus. Normal, cette méthode avait marché une première fois, jeudi dernier. Il n’y eut pas de réelle réaction de la part des Zadistes opposants, mais isolés et démoralisés. Marchera-t-elle cette deuxième fois ?

Nous le saurons ce matin. Vous le saurez un peu plus tard.

Pour le moment, l’amertume et la désillusion assomment le monde des occupants. Pas tous, évidemment. Les gens participent ou assistent à leur propre implosion.

Pour certains observateurs, le groupe de paysans poussent les Zadistes récalcitrants à bout, soit pour les mater un bon coup, soit pour les amener au clash et pouvoir se désolidariser d’eux en les accusant d’être les diviseurs. C’est une sorte de stratégie du choc, un tsunami sciemment provoqué, sans que nul ne puisse en contrôler toutes les conséquences. De toute manière, lors des négociations pour le foncier qui s’ouvrent, ils ne veulent pas s’encombrer d’encombrants. Il faut neutraliser les Zadistes devenus désormais inutiles.

Cette route, fermée par l’État en 2013 et toujours interdite à la circulation, a été réouverte en 2013 « par le mouvement » quelques jours après que l’État ait mis des blocs de béton en travers. Ce sont les tracteurs qui ont poussé ces blocs de béton, avant tout pour libérer l’accès aux parcelles desservies par cette route. Mais tout le monde luttait main dans la main à l’époque. Et cette analyse était alors inaudible.

Maintenant, ce sont les mêmes paysans qui obligent au nettoyage de cette route : ils n’avaient jamais accepté ces chicanes et ces cabanes, mais faisaient le dos rond tant que la lutte continuait. On ne sait jamais. On pouvait avoir besoin de ces chicanes et des Zadistes combattant les CRS en cas de reprise des travaux.

Maintenant, « le mouvement » nettoie lui-même la route. Il est même prévu un service d’ordre lorsque la préfète viendra parader sur cette même route, enfin normalisée, en fin de semaine.

Pour de vrai, il n’y a jamais eu de « mouvement » unitaire. Et il est fort probable que, ces derniers jours, on ait assisté au point de rupture irréversible dans ce dit mouvement. Comme dans la lutte No-TAV, en Italie, où depuis quelques temps déjà, les anarchistes ont été sortis du mouvement, manu militari, par leurs propres alliés de la veille. A NDDL, il se passe le même processus : les alliés de la veille brisent les résistances internes de leurs ex-camarades de lutte.

Avant de gerber, on se doit d’analyser cette situation de fin de conflit afin de réfléchir avec qui on s’allie dans nos combats actuels ou futurs. Encore une fois, les luttes de territoires sont traversées par des luttes de classes. Au moment où il s’agit d’engranger les bénéfices de la victoire, ceux qui ont fait confiance à ceux qui les dirigent, qui les organisent dans la lutte tomberont de haut. Sachons que nos alliés d’aujourd’hui seront nos adversaires de demain, voire les alliés de nos ennemis.

AG exceptionnelle du mouvement ce soir (mercredi 24 janvier). Après les deux passages en force des « composantes » [4], il est patent que l’horizontalité, la bienveillance, l’AG souveraine ne sont que du blabla pour endormir les idéalistes. Ceux qui ont « les pieds sur terre » (titre d’un film sur le Liminbout, village de la ZAD où vivent des paysans historiques) jettent les masques et ne s’embarrassent plus de ces fadaises. Beaucoup s’inquiètent pour l’avenir. Beaucoup sont dégoûtés : ils ne se sont pas battus pour en arriver là. En 2012, ils combattaient le préfet, ils ne se reconnaissent plus dans un mouvement qui aujourd’hui protège la préfète. Il est clair que l’écrémage, le nettoyage, vont se faire sans que l’État n’ait besoin d’intervenir. Il est toujours plus économique de pousser à la démission que de licencier, pas ?

Petite note pour ceux qui sont en relation avec les Zadistes du groupe de tête [5] qui avaient trouvé horribles nos articles sur la ZAD écrits en août et octobre 2017 :

Non seulement on ne retire rien de ce qu’on a écrit, mais on les trouve bien modérés. Ce qui se passe sur le terrain confirme ce qu’on prévoyait. Ce qui se passe sur le terrain est encore plus horrible que nos articles écrits cet été.

La route passe, la lutte trépasse

La lutte ne trépasse pas encore,

mais comme l’oiseau de Prévert,

elle a une aile arrachée...

[Nouvelles partielles et partiales n°5. Vendredi 26 janvier.]

Salut,

Mercredi soir : en AG

Rappelons la situation au soir du mercredi : toute la route est presque dégagée. Des Zadistes ont détruit eux-mêmes le Sabot : il n’en reste pas un grain de sable, seulement des cicatrices. Cependant, la destruction de Lama Fâché est enrayée par l’opposition des gens qui tentent une dernière bagarre d’arrière-garde. Copain n’est pas passé en force, tracteurs en action, mais fait des pressions énormes pour faire céder. Il s’appuie sur des relais au sein de la « fraction dominante » des occupants.

A l’AG exceptionnelle de mercredi, savamment cadrée par un professionnel de la lutte à Dijon (les Tanneries) et une professionnelle de la manipulation d’ATTAC au sein de la Coord, le point sur la route D281 a été bâillonné : il n’était plus question d’en discuter, juste d’entendre le retour de toutes les composantes qui s’étaient réunies, chacune de son côté depuis la veille.

Ce qui fut fait sous la forme de lecture de textes.

Copain a eu la parole le premier en réitérant son objectif de dégager totalement la route, pour la rendre à sa fonction normale. « C’est un enjeu fondamental pour construire ensemble l’avenir sur la ZAD. Si les flics intervenaient, Copain 44 s’en irait du mouvement. » Menace forte et qui a plus porté que : si les flics viennent vous foutre la raclée, on ne bougera pas [6].

Les Habitants, qui s’étaient réunis la veille au soir pendant 6h30, ont accepté de démonter Lama Fâché, à condition de le faire eux-mêmes. Ils notent le mépris des Comités de soutien à leur égard, alors que certains habitants avaient accepté de faire cette autodestruction pour « faire plaisir aux voisins et améliorer les relations »… Ils émettent des craintes pour la destruction à venir de la zone non motorisée.

Copain reprend en répétant ses engagements de normaliser la route.

La CLIC, groupe des Zadistes devenus paysans avec vente de leurs productions à l’extérieur, s’aligne sur COPAIN et promet de s’engager à sauvegarder les cabanes quand la route sera dégagée.

Le CMDO, fraction pensante, agissante et dominante des occupants, se fait le défenseur de la ZAD et des habitats auto-construits, mais menace : soit on est capable de libérer et on sera là avec le mouvement pour faire le travail sur la route, soit les flics viennent… Rappelons que le CMDO a quitté la réunion des Habitants du Jeudi depuis plusieurs mois.

Et puis voilà, c’était torché. Le sort de Lama Fâché était scellé. On avait été prévenus que Lama Fâché risquait d’être incendié pendant la nuit. Cela ne fut pas fait, « de peur de brûler les arbres alentours ».

Le point suivant fut la proto-délégation pour une « première prise de contact » avec la préfète. On ne sait pas qui peut croire qu’il n’y a pas eu de contacts depuis des semaines…

Un rapporteur annonça que la Commission Hypothèses pour l’avenir [7] avait décidé que pour une première délégation, ce sont les membres de cette commission qui étaient les plus qualifiés. Et donc que les représentants des occupants s’étaient auto-désignés : 2 membres du CMDO. Évidemment parce qu’il faut rencontrer dans l’urgence la préfète. Évidemment sans prise de décision en réunion des zhabitants, puisque le CMDO ne reconnaît plus cette instance…

La seule incartade à cette mise en scène chloroformée a été le cri d’un ex-habitant, qui a quitté le mouvement parce qu’il ne s’y reconnaissait plus. Il fut rapidement entouré et après quelques bousculades, il fut contraint à quitter la salle. La violence, pas seulement symbolique, est à l’œuvre...

C’est la stratégie du choc version salamis : tous ces coups portés à la fameuse unité, au fameux consensus (réitéré dans un texte adopté en AG le 18 janvier et qui est lisible sur ZAD-nadir), assomment les zhabitant-es. Ils et elles avaient créé des liens forts personnels avec toutes les composantes du mouvement d’opposition et maintenant tombent des nues. Il n’y eut pas d’oppositions vives à ce nouveau coup de force.

Il faut dire que dans l’après-midi (parallèlement au démantèlement de la route), se mettait en place un processus trop long à expliquer ici de choix des délégués pour la négociation qui devrait s’ouvrir avec l’État : réunions, petits groupes, discussions, élaboration de listes, désignation dans cette liste de 8 pré-candidats selon des critères bien définis en réu, etc. Le CMDO est arrivé à cette réunion de l’après-midi, et sans avoir envie de participer à ce processus. Ils sont venus en disant : dans cette délégation, il y aura un candidat du CMDO, que cela vous plaise ou non. Voici notre liste, signée de 42 noms. Quelques engueulades qui ont glissé comme de l’eau sur le plumage d’un canard. Mais ils sont restés pour faire du lobbying pour leur liste dans les groupes qui se sont constitués dans la foulée.

Jeudi matin, sur « la route » [8]

Quand nous sommes arrivés, à 10h30, Lama Fâché était en cours de destruction. Certains étaient sur le toit, pied de biche ou clé à molette à la main. D’autres aussi sur le toit montaient en pression. A terre certains récupéraient les matériaux pour les entasser dans un coin du champ limitrophe. Une chaîne s’était formée pour déplacer pierres, pneus et planches.

Les comités avaient été appelés en renfort, les paysans de Copain aussi, mais sans les tracteurs. Certains mettaient les mains dans la boue, beaucoup d’autres regardaient et bavardaient de choses et autres. Leur seule présence mettait une terrible pression.

Des occupant-es étaient en larmes, tous avaient le visage tendu, fermé.

Puis un occupant se jucha sur le point le plus haut du toit qui était en train d’être démantelé. Les Zadistes occupés à défaire ce toit ont continué malgré les interpellations de ce gars. A un moment, la tension monta quand ce gars fut gênant pour la suite des travaux. Il fut pris à bras le corps pour être descendu. Il s’accrocha à une poutre. Il y eut d’en bas des invectives « vous êtes pires que les flics » et autres insultes. Quelques coups ont été échangés entre Zadistes. Des gens grimpèrent alors sur le toit (bien fabriqué parce qu’il a supporté au moins une vingtaine de personnes sans s’écrouler). Les occupant-es ont crié aux badauds : cassez-vous ! Laissez-nous entre nous !

Il a fallu du temps à tous ces braves gens, dont beaucoup ne se rendaient pas compte du rôle de voyeur et de pression qu’on leur faisait jouer, pour comprendre qu’il valait mieux partir plus loin. Ils se sont repliés aux « Fosses Noires », pour boire un coup et pique-niquer.

Nous sommes partis aussi boire un café avec une copine pour « faire un pas de côté et réfléchir ». Nous ne sommes pas revenus à la route dans l’après-midi, des contingences domestiques nous appelaient ailleurs…

Ce qui suit vient de témoignages. La pression n’est pas retombée de suite, les engueulades à huis-clos ont continué. Mais ne doutons pas que des truchements ont été mis à la manœuvre. On nous a raconté que la suite du démontage de Lama brisé avait été menée à son terme, de façon plus calme dans l’après-midi. Merci aux musiciens qui sont venus sur place…

Jeudi soir, réu des Zhabitant-es

On n’y a assisté qu’un petit peu. Nous sommes arrivés en cours de route et nous sommes repartis avant la fin.

Premier point : les ressentis. Ce fut ce qu’on peut appeler une séance collective de reconstruction du groupe qui s’était entre-déchiré depuis des jours et des jours sur cette route. « Séance d’illusion groupale » diraient certains psy [9]. Ont parlé à cette séance plus psychologique que politique les perdants, les truchements. Mais pas les deux membres du CMDO qui étaient présents. A noter que, s’il y avait eu près de 150 Zadistes à la réu de mardi soir (qui avait duré 6h30), il n’y avait quasiment aucune personne de l’Est, les vrais vaincus de cette histoire et qui n’ont pas fini de perdre, ont été absents de cette réunion.

Puis le point suivant a été long et chiant : comment améliorer le processus de désignation des délégués à une négociation dont personne ne voulait il y a quelques semaines encore.

La venue de la préfète a été évoquée. Quelques banderoles pour ne pas se sentir totalement humiliés. Certains voulaient empêcher la venue de la préfète. Mais avoir fait tous ces « sacrifices » pour rien n’enchantait pas beaucoup de monde.

Un habitant a tenté de politiser la situation en demandant si on était étonné que ceux qui possèdent les moyens de production prennent le pouvoir. Dans cette ambiance post-traumatique, il n’a pas a été entendu.

Un bruit court que le CMDO pense sérieusement à se dissocier du mouvement des occupants, les sales gosses qui ne font que s’engueuler et n’agissent que sous la contrainte. Ce qui ne serait que la suite de leur scission avec la réu des zhabitants et fait écho à ce que disait le CMDO à l’AG de mercredi « on sera avec le mouvement si... »

Comme on sent que les paysans se positionnent dès maintenant pour gagner les élections à la Chambre d’agriculture de l’année prochaine, ils ont une bataille ici à gagner, et prendre de vitesse la FNSEA.

Les plans sur la comète n’ont pas fini d’être tirés. La négociation devrait porter sur la gestion collective (entendons Copain Acipa CMDO) des terres. Or, la presse vient d’annoncer que l’État voulait vendre les terres… Ce qui fout tout par terre.

Pour le reste, vous verrez la retransmission de la visite de la préfète. Maintenant, les gendarmes vont pourvoir circuler sur toute la ZAD...

Le mot des envoyés spéciaux qui vous ont fait ces 4 épisodes depuis une semaine :

C’est une première phase de recolonisation de cette enclave intérieure ayant fait un temps sécession. Avant, il a fallu rouvrir un axe routier, un axe stratégique de pénétration, le préalable a été que la pensée d’État soit réactivée dans la tête des Zhabitant-es. Ce fut le rôle des instances du mouvement qui ont forcé l’allure pour mettre en place une bureaucratie qui cadre les pensées et positions depuis des mois.

Ceux qui, parmi les Zadistes, s’opposeraient à ce processus de recolonisation ne pourront plus compter sur les appuis dont ils bénéficiaient aux alentours. Il a été nécessaire de retourner une partie des élites internes pour s’en servir de cadres. Eux-mêmes attirant des « éléments-charnière » pour s’infiltrer au sein des opposants.

A été aussi mis en œuvre la guerre psychologique : faire circuler de fausses informations, comme on a pu en donner quelques exemples dans les lignes qui précèdent.

Pour le côté spectaculaire de cette destruction : certains ont regretté que les médias ne soient pas là. Ils étaient tenus à distance à chaque entrée de la route. Ainsi, il n’y aura pas eu de témoins de la mise en œuvre de cette domination d’une partie du mouvement sur une autre.

Des grains de sable dans la machine… d’État

[Relations partiales et partielles n°6. Semaine du 28 janvier au 2 février.]

Après le chapitre sur le déblayage de la route des chicanes qui a connu 5 épisodes, voici un nouveau chapitre, celui des travaux. Il va falloir se mettre au parfum avant de venir le 10 février !

La préfète est donc venue le vendredi 27 janvier remercier ses acolytes pour leurs bons et loyaux services. COPAIN et la Coord avaient donc maté la canaille. Canaille qui, comble d’ironie, a détruit elle-même les deux symboles de cette route, auxquels elle tenait le plus.

Il y avait eu quelques banderoles, sorties de l’écomusée de la ZAD ou toutes fraîches : alors, on fait copain-copain ?, en solidarité avec Rojava, mais pas avec Lama Fâché, yes, chicane, capitalisme vert, le mur de toute manière…

Quelques Zadistes ont salué la préfète en montrant leurs fesses, ce qui a régalé les journalistes, mais n’a pas vraiment soulagé les occupant-es de l’humiliation et du traumatisme subis pendant cette semaine frénétique. Si cette réaction peut être comprise dans la logique de l’honneur et des relations interpersonnelles, elle nous semble décalée par rapport à ce que représente la violence symbolique produite par le fait de l’État mettant un pied sur la ZAD, la préfète en visite officielle et médiatisée. Un hélico survolait en rase-motte, à la recherche d’éventuels trublions, des camions de robocops stationnaient à proximité. Ne dit-on pas « baisser son froc » ou « prendre une déculottée » pour décrire une situation d’infériorité ?

Samedi 28 Janvier, un chantier débutait dès le lendemain pour reconstruire Lama fâché appelé maintenant Lamassacré. Un hangar a été donné pour remonter ce lieu et en faire un lieu de rassemblement.

Dimanche 29 en fin d’après-midi, sur le chantier même de cette reconstruction, s’est tenue une AG improvisée, avec pour une fois les « gens de la route », les « gens de l’Est », bref les Zadistes qu’on ne voit jamais en réu parce que ça ne leur va pas le blabla. Mais là, sur leur « territoire », concernés qu’ils étaient par la suite du processus de normalisation de la D281, ils et elles ont discuté sec. Il y avait plus d’une centaine de personnes, en plein air, dans le froid et la bruine, puis le crépuscule.

Il fallait décider d’une position, si possible commune, pour le lendemain. Parce que la préfète allait très vite. Le lendemain, la DIRO (Direction Interdépartementale des Routes de l’Ouest) allait commencer les travaux. Quelle position adopter ?

Il fut décidé de laisser entrer les ingénieurs de la DIRO, pour qu’ils fassent un diagnostic de la route. Mais il fut aussi décidé de ne pas laisser pénétrer les flics. D’ailleurs, en pleine AG, les keufs sont venus se poster au bout de la route. Immédiatement signalés dans l’AG, une délégation est partie leur dire que leur présence était une provocation. Ils sont partis. Comme quoi, l’État n’a pas forcément envie de commencer les hostilités tout de suite.

Le lundi matin, la DIRO et les keufs étaient attendus par deux fois trente occupant-es à chaque bout de la route, plus des composantes (style la Coord qui est là pour rappeler que si les jeunots vont trop loin et que la police investit les lieux, personne ne les soutiendra, et les naturalistes en lutte qui jouent les médiateurs dans cette histoire).

Après discussion avec la DIRO et les gendarmes, les ingénieurs acceptent de faire leur taf sans être accompagnés des flics qui se retirent un peu plus loin, prêts à intervenir.

Leur taf dure une heure : un peu rapide pour décider d’un chantier qui va coûter entre 600 000 € et un million d’€, pour une route qu’ils n’ont pas surveillé depuis cinq ans… Ils repartent en disant que le temps de faire leur rapport et d’organiser le chantier, les travaux ne commenceront pas avant le jeudi 1er février.

Mardi, c’est avec stupeur que les occupant-es voient débouler les broyeurs, toujours accompagnés des keufs. Nouveau barrage. Nouvelles négociations : les ouvriers entrent mais pas les flics. C’est d’ailleurs écrit sur une banderole en début de route : les travailleurs, oui, la police, non. Pour les deux jours suivants, ils doivent broyer les arbres des côtés et curer les fossés, dans une partie de la D281 qui n’est pas sur la ZAD. Jeudi, il est prévu que les ouvriers entrent « en zone sensible » (dixit la pref).

Mercredi soir, cela fait trois jours que le chantier a démarré. Il y a une AG des usages, celle qui doit faire référence maintenant. L’AG du mouvement étant liée aux affaires courantes. A cette AG donc, il n’est pas prévu de point sur la route, mais des sujets à négocier avec l’État : la gestion du foncier. La facilitatrice a été apparemment choisie pour son autoritarisme. Elle a l’intention de cadrer la parlote.

Sauf que c’est sans compter avec quelques occupant-es de la route qui sont venu-es exceptionnellement et qui ne respectent pas les us et coutumes. Pendant le point info, ils et elles prennent la parole, et la reprennent avec insistance. Ce qu’ils ont à dire ? « On a des copains qui, demain, vont se coucher dans les fossés pour empêcher les engins de continuer à broyer les arbres et curer les fossés. Qu’est-ce qu’on fait ? » Ou plutôt « qu’est que vous faites de cette information ? » Silence radio de toutes les composantes, bien qu’elles soient emmerdées. Il a fallu plusieurs interventions pour que ce problème soit discuté, sans trouver de solution, évidemment. Et le point D 281 qui n’était pas à l’ordre du jour a été de fait mis en discussion. La facilitatrice s’est faite débordée. Il a duré 1h15mn.

Les gens de la route, appelons-les comme ça pour le moment parce qu’ils s’appellent ainsi pour le moment, toujours méprisés et niés, et qui seront la variable d’ajustement mise dans la balance des négociations et qui le savent, les gens de la route, par leur détermination et leur action directe avaient imposé leur existence dans cette assemblée qui voulaient parler de choses sérieuses : le foncier.

Au bout de l’heure et quart, un agriculteur de COPAIN se lève en colère : « y en a marre ! Si on continue de parler de la route, je quitte l’assemblée ». La facilitatrice, du coup, se met en colère, et d’autorité coupe court à la discussion : « ceux qui veulent parler de la route : dehors ! » L’agriculteur de COPAIN se marrait en se tournant vers son voisin. C’était une mise en scène pour rappeler à la facilitatrice ses responsabilités. Et la suite a été l’exposé de la gestion du foncier selon les rêves de la future entité gestionnaire et interface avec l’État.

Nous écrivons que le problème n’a pas pu être solutionné, évidemment. Parce que maintenant, il va falloir se coltiner avec le problème : qui va mater la canaille, une deuxième fois ? Et si possible définitivement.

Voir en ligne : Infokiosques

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