Sudan
[Soudan] Déclaration du Groupe anarchiste après la chute d’El Fasher
Publié le 30 octobre 2025 | Par CNT-AIT https://cnt-ait.info/2025/10/31/elfasher-ar Déclaration du Groupe Anarchiste au Soudan À tous les révolutionnaires du monde, à tous les socialistes libértaires, à tous les anarchistes : Aujourd’hui, nous pleurons le martyre de nos camarades d’El-Fasher, tombés en défendant leur ville, leurs familles et leur propre vie. Il s’agit de : Faisal Adam Ali Radwan Abdel Jabbar (« Kahraba ») Adam Kibir Musa Abdel Ghaffar Al-Tahir (« Al-Sini ») Nous pleurons également de nombreux jeunes volontaires tués par la milice terroriste des Forces de soutien rapide, alors que leur seul « crime » était d’apporter de la nourriture aux habitants de la ville. Nous, membres du Groupe Anarchiste, appelons tous les compagnons : le moment est venu de nous rassembler et de nous unir contre cette guerre autoritaire et destructrice. Nous devons alerter le monde entier sur l’extermination de masse perpétrée par les milices des Forces de soutien rapide, soutenues par les Émirats arabes unis. Ces milices se livrent à un nettoyage ethnique et à un génocide fondés sur la race, au service d’intérêts impérialistes pervers qui cherchent à contrôler les ressources et l’or au prix du sang. Le monde ne peut rester les bras croisés. Les révolutionnaires du monde entier doivent connaître nos sacrifices et notre lutte contre la terreur capitaliste sauvage, contre le pouvoir sanguinaire et contre le nettoyage ethnique systématique. Au sein du Groupe anarchiste du Soudan, nous avons perdu des camarades ; certains de nos membres ont été blessés, d’autres sont morts ; d’autres encore sont confrontés au danger imminent de la guerre. Nos familles souffrent de la faim, du manque de médicaments et de nourriture. Nous avons cru en l’anarchisme dans un pays où l’autorité est omniprésente, et nous avons combattu pour nous défendre, défendre nos idéaux et préserver notre unité. Aujourd’hui, nous avons besoin de vous : tendez-nous la main et soutenez-nous afin que nous puissions résister aux autorités et aux Janjawid. Que la révolution perdure ! Qu’elle soit une lame empoisonnée plantée dans le cœur des tyrans. Ali Abdel Moneim

Soudan, le colonialisme et l’impérialisme à la source de la guerre et la misère II
Le corps des femmes comme champ de bataille Dans le chaos de la guerre au Soudan, les femmes sont devenues des cibles privilégiées de la violence, leurs corps transformés en un champ de bataille, victimes de tactiques de guerre brutales. Lors de la révolution de 2019, avec la chute du dictateur Omar el-Béchir, les femmes soudanaises ont été en première ligne des soulèvements, défiant les normes sociales et les menaces de violence pour réclamer leurs droits et revendiquer un avenir démocratique. Dans les rues de Khartoum et d’autres villes, elles ont bravé la répression et ont joué un rôle déterminant en maintenant la pression sur les autorités, jusqu’à ce que les forces militaires et paramilitaires se retournent brutalement contre elles. Depuis le début du conflit en avril 2023, le nombre de cas de violences sexuelles, de harcèlement, de mariages forcés et d’esclavage a explosé, affectant des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles. Dans des régions à l’ouest comme le Darfour, qui sont au coeur de cette crise humanitaire, les forces paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) utilisent le viol comme arme de guerre, menant des purges ethniques contre la communauté masalit, où le viol systématique et l’enlèvement de femmes sont devenus des tactiques d’intimidation. L’ampleur de cette violence est frappante. Dans des camps de réfugié·es comme Hay El-Shati, des femmes sont entraînées au maniement des armes pour se défendre face à l’horreur qui les entoure. À Omdurman, des camps de formation militaire pour femmes ont été mis en place par l’armée régulière soudanaise pour inciter les femmes à rejoindre la résistance. Cependant, pour d’autres réfugiées ayant fui au Tchad, la réalité reste sombre : forcées de survivre, certaines femmes se retrouvent à échanger des rapports sexuels contre de la nourriture ou de l’argent auprès d’hommes censés les protéger, y compris des travailleurs humanitaires. Cette exploitation sexuelle dans les camps de réfugié·es au Tchad témoigne de la vulnérabilité extrême des femmes soudanaises, qui continuent de subir la violence et les abus même après avoir échappé aux zones de guerre. Les mouvements féministes occidentaux, en particulier, et certaines organisations globales de défense des droits des femmes se distinguent par leur manque de prise de position et de considération concernant le Soudan. Alors que ces mouvements se mobilisent souvent pour les droits des femmes dans des contextes plus proches ou médiatisés, ils restent en retrait face aux luttes des femmes soudanaises. Ce manque de soutien traduit un certain ethnocentrisme* au sein du féminisme mondial, où les combats des femmes africaines sont perçus comme politiquement ou médiatiquement moins prioritaires. En effet, malgré la gravité de cette situation, le silence des mouvements féministes occidentaux, est assourdissant. Alors que les féministes blanches se mobilisent facilement pour des causes médiatisées en Occident, elles...

Soudan, Le colonialisme et l’impérialisme à la source de la guerre et la misère
Le Soudan est actuellement dévasté par un conflit armé brutal, entre l’armée soudanaise (SAF) et les Forces de Soutien Rapide (FSR). Deux généraux, à la tête de ces deux camps, luttent pour le pouvoir depuis avril 2023 et toute la population en fait les frais : on décompte à ce jour plus 150 000 morts civiles. Cependant, derrière ce narratif occidental se cache une diversité d’enjeux internationaux, aux dépens d’un pays au bord de l’effondrement. Ce conflit puise ses racines dans les politiques coloniales d’exclusion et de marginalisation. Sous l’administration anglo-égyptienne, de 1900 à 1956, les autorités coloniales avaient imposé des divisions ethniques et religieuses qui ont durablement structuré la société soudanaise, alimentant un ressentiment persistant au sein des groupes marginalisés. Ces tensions internes sont aujourd’hui exacerbées par les rivalités géopolitiques internationales, transformant le Soudan en un champ de bataille pour des puissances étrangères désireuses de protéger leurs intérêts stratégiques et économiques. Parmi ces acteurs, la Russie et la Chine jouent un rôle majeur. La Russie, via le groupe paramilitaire Wagner, soutient les FSR en échange de droits d’exploitation des ressources minières, notamment l’or. Le récent veto russe au Conseil de sécurité des Nations Unies, bloquant une résolution de cessez-le-feu proposée par le Royaume-Uni et la Sierra Leone, a été vivement critiqué. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a dénoncé ce veto comme « cruel et cynique », affirmant que Moscou donne ainsi carte blanche aux belligérants pour perpétuer la violence. La Russie, pour sa part, accuse le Royaume-Uni de néocolonialisme, affirmant qu’une solution pacifique doit venir de l’intérieur du pays. Ce veto illustre la manière dont les puissances internationales utilisent le Soudan pour promouvoir leurs propres agendas, toujours au détriment des vies sur place et de la stabilité régionale. Sur le terrain, la crise humanitaire est dramatique. Selon une étude récente du Sudan Research Group, plus de 61 000 personnes sont décédées dans l’État de Khartoum seulement, dont 26 000 en raison directe des violences. La plupart des décès sont dus à des maladies évitables et à la famine, soulignant l’effondrement total des infrastructures de santé. La famine guette dans plusieurs régions du pays, en particulier dans le Darfour, où les FSR ont été accusées de nettoyage ethnique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la famine était « presque partout » au Soudan, faisant des millions de déplacé·es internes et externes, et plaçant le pays en tête des crises humanitaires mondiales. L’armement des factions soudanaises par des puissances étrangères aggrave la situation. Amnesty International a récemment révélé que la milice FSR utilisait des véhicules fournis par les Émirats arabes unis et équipés de technologies militaires françaises, en violation de l’embargo sur les armes imposé par...

À propos de la mutinerie de Wagner, communiqués d’anarchistes russes
Prises de parole de trois organisations anarchistes Dans la matinée du 24 juin, Vladimir Poutine s’est exprimé sur la rébellion alors encore en cours de la compagnie militaire privée Wagner, déclarant que l’initiative de Yevgeny Prigozhin « poussait le pays vers l’anarchie et le fratricide ». Voilà un bien mauvais usage des mots. Le fratricide est la règle depuis longtemps sous le règne de Poutine. La torture et l’assassinat de dissidents constituaient déjà un fratricide. L’invasion de l’Ukraine était un fratricide. Le groupe Wagner et l’armée russe ont toutes deux fait du fratricide leur profession. L’anarchie est le contraire du fratricide : c’est la condition qui règne quand les gens ne rivalisent pour se dominer les uns les autres. Le totalitarisme mène toujours à de sanglants conflits pour le pouvoir. En observant la situation en Russie, on ne peut s’empêcher de penser à la guerre civile qui a éclaté au Soudan entre l’armée et les Forces de soutien rapide plus tôt cette année. Cherchant à réprimer les puissants mouvements sociaux de libération, le gouvernement avait équipé les mercenaires des Forces de soutien rapide, pour finir par les combattre pour le contrôle du pays. Ce type de violence généralisée est le résultat inévitable du processus de militarisation. Alors que les gouvernements et les corporations comptent de plus en plus sur la force pour réprimer l’agitation sociale, et dirigent de plus en plus de ressources vers la police et la sécurité privée, ils créent les conditions pour d’ignobles guerres civiles, d’échelles toujours plus importantes. Les guerres civiles qui éclatent aujourd’hui au Soudan et en Russie pourraient bien éclater ailleurs si nous ne parvenons pas à infléchir les tendances de notre société à grande échelle.1 Nous avons traduit à la hâte trois déclarations émanant de groupes anarchistes russes. Tous sont clandestins par nécessité. Le premier est basé en Sibérie, le second est l’Organisation de combat anarcho-communiste, que nous avions interviewé l’année dernière, et le troisième est le collectif éditorial Avtonom, sans doute la plus importante plate-forme de publication anarchiste encore en ligne. Mouvement des anarchistes d’Irkoutsk Publié en russe ici. Dans le contexte de mutinerie du groupe Wagner, nous ne pouvons choisir aucun autre camp que le nôtre. Le constat est le même pour la majorité de la population – ni le régime de Poutine ni ceux qui le concurrencent pour l’autorité n’agiront dans l’intérêt de toutes les personnes en Russie. Aujourd’hui, nous nous préparons à plusieurs scenarios. En cas de guerre civile, il est possible que des groupes d’autodéfense populaires se forment, dont la tâche principale sera d’organiser la défense des populations, et d’assurer un réseau logistique d’approvisionnement en eau et en denrées essentielles. Personne ne doit rester totalement sans défense contre les groupes mercenaires et l’armée russe, et l’une des principales forces dont nous...







