Sommaire
Note 1 : ce texte s’applique quasiment tel quel à Bert Engelaar, président de l’ABVV (voir ses déclarations ici).
Notes 2 : nous invitons ces présidents de syndicats à lire aussi cet articlequi revient sur quelques fondamentaux.
Le dégueulis médiatique
Ce mardi 14 octobre, la sinistre de « l’asile » et de la migration Anneleen Van Bossuyt (N-VA) s’est empressée de traiter les manifestant•es qui s’en sont pris•es à l’Office National des Étrangers – cette machine à broyer des vies – de "racailles". On rappelle que la personne qui a popularisé ce terme déshumanisant, à savoir Nicolas Sarkozy, a été incarcéré ce 21 octobre pour sa corruption dans le « dossier libyen » (sans compter sa dizaine d’autres affaires en cours ou passées) et qu’il crache à la gueule des institutions judiciaires en les délégitimant parce qu’elles appliquent la loi. Qui est la racaille ? Quant à elle-même, on lui rappelle qu’elle refuse d’appliquer des décisions de justice. Qui est la racaille ?
Venant d’une députée d’extrême droite, rien d’étonnant. Toi, Gert Truyens président du syndicat libéral CGSLB, tu as servi à peu près la même soupe qu’elle dans les médias :
Alors…
Les personnes concernées, en majorité jeunes voire très jeunes mais pas uniquement, manifestent bien plus souvent que toi. Leurs actions de solidarité concrètes les amènent à protéger les droits humains en Belgique bien plus que ne le fait ton travail de président de la CGSLB. Nombre d’entre elles taffent dans des jobs et des conditions dont tu n’as même pas idée avec ta carrière de planqué au sein du syndicat libéral depuis une trentaine d’années. Tu ne nous représentes pas.
Tes propos ne sont donc pas étonnant vu ta position sociale et ton rôle politique, mais on ne va pas se laisser cracher à la gueule par quelqu’un qui prétend représenter les travailleur•euses contre les mesures du gouvernement Arizona (mesures qui nous toucheront bien plus que toi).
On te rappelle qu’un tiers de la population n’a aucune épargne. Tu ne nous représentes pas.
Tu représentes (et le terme est exagéré) 3% de la population en comptant les cotisations des affilié•es de la CGSLB. Illes ne sont d’ailleurs pas à confondre avec ta personne et tes propos dégueulasses. Nous nous retrouvons souvent sur des piquets de grève ou sur d’autres actions avec des vestes bleues, et la plupart ne votent probablement pas MR. Beaucoup d’affilié•es CGSLB le sont parce que c’est la seule délégation sur leur lieu de travail ou parce que c’est celle qui défend le mieux leurs intérêts.
Se désolidariser des manifestant•es
« Le président de la CGSLB ne veut pas viser la police, mais estime qu’il est incompréhensible qu’une petite minorité n’ait pas pu être empêchée de perturber la manifestation » (La Libre).
Pour rappel, l’usage de la force par la police est encadré par la loi. Celui-ci doit être en théorie légal : par exemple un policier ne peut pas intervenir sur quelqu’un parce qu’il ne l’aime pas ou parce qu’il veut lea traumatiser, l’insulter ou lea menacer pour lui faire passer l’envie de manifester ; il doit être nécessaire : par exemple un policier ne peut pas utiliser sa matraque ou son spray ou son poing ou toute autre violence si son objectif peut être atteint d’une autre manière (ou s’il était déjà atteint, par exemple quand des manifestant•es sont déjà immobilisé•es ou dispersé•es) ; il doit être proportionné à l’objectif poursuivi : lorsque l’usage de la force physique est nécessaire pour atteindre l’objectif légal (par exemple pour réussir à faire lâcher prise à quelqu’un ou lea maitriser ou pour disperser une foule) ouvrir un crâne, briser des membres, utiliser le spray à bout portant, utiliser l’autopompe sur quelqu’un au sol, s’acharner n’est pas légal.
Le rappel de ce cadre légal théorique à de quoi faire rire jaune des milliers de personnes qui savent comment se comporte réellement la police. Ce cadre légal est un mythe. Comme le fait que la police aurait un jour été une institution au service de la population, créée pour défendre ses droits (dont le droit à la sécurité). Ce n’est pas le cas. Les bavures ne sont pas des bavures, c’est le fonctionnement normal de la police. Mais l’existence de ce cadre légal, ainsi que les images, témoignages, plaintes, procès, condamnations médiatiques (plutôt que soutiens à l’action policière illégale, comme dans ton cas), tout cela participe à limiter la débauche de violences par la police. Pas du tout suffisamment (la justice protégeant la police), mais sans l’existence de ce cadre légal et des initiatives pour le rappeler ou pour résister ce serait simplement encore pire.
Quand Jean-Marc Ghéraille, ancien rédacteur en chef de la DH et aujourd’hui directeur d’antenne de LN24 dit tranquillement sur un plateau que « la police ne frappe pas de manière préventive » et qu’ « on ne voit pas ce qu’il s’est passé avant » (avant une scène où on voit des manifestant•es au sol qui ne résistent pas se faire tabasser par des policiers en civil), d’une part il désinforme puisqu’elle a, comme a son habitude, frappé, gazé et arrosé de manière « préventive » et, d’autre part, il fait la démonstration que selon lui ce cadre légal n’a pas besoin d’être respecté par la police. Un peu comme toi, donc, c’est un faux démocrate en carton qui s’indigne de « violences » alors qu’il ne respecte même pas son propre mythe de règles à respecter.
Tu précises dans tes déclarations que tu ne veux donc surtout pas remettre en question cette police qui nasse (pratique illégale), qui refuse à une mère et un père de sortir avec leur enfant de 4 ans (ainsi que son frère de 6 ans) de cette nasse et ne les sortira que après les avoir gazés, qui tabasse un manifestant avec 6 agents puis lui met des coups de talons une fois tombé au sol et un coup de poing au visage une fois totalement immobilisé, qui retire les lunettes à un autre manifestant pour lui mettre du spray directement dans les yeux, qui crie "Aujourd’hui on va vous défoncer !" , qui emmène des personnes dans un parking à l’abri des regards, qui lance des bouteilles en verre sur des manifestant•es, qui utilise l’autopompe sans sommation (illégal, comme le reste des exemples) y compris sur des passant•es, qui pousse une femme qui relevait une vieille dame tombée au sol en lui disant "dégage sale gauchiasse dégueulasse, t’es laide, je te toucherai qu’avec ma lacrymo" , qui a ouvert une dizaine de crânes, cassés au moins un bras et une main, fait de nombreuses blessures graves. Renseigne toi notamment auprès de l’hôpital Saint-Jean si tu veux retirer la merde que tu as dans les yeux (et sinon on peut t’envoyer des photos et des certificats médicaux qui font froid dans le dos).
Donc tu ne veux pas critiquer cette police. Ok, c’est ton choix, un choix politique et nous le retenons.
Avec tes réflexes de réac’ bien à l’abri, tu sers la soupe à l’extrême droite et lui pave le chemin. Avec tes déclarations nauséabondes où tu t’en prends à ces manifestant•es (qu’elles aient été offensives•ifs ou non), tout en soutenant la police et son orgie de violences, tu fermes les yeux sur le fait que cette violence est une signe du temps et qu’elle touchera immanquablement de plus en plus de monde. Tu ne te rends peut-être même pas compte que tu rejoues une chanson déjà connue d’une société en train de se fasciser en laissant faire voire en y participant.
Une société qui se fascise petit à petit c’est notamment une société où la police va de plus en plus loin et où les démocrates en carton regardent sans rien faire, voire continuent d’alimenter les mythes selon lesquels la police serait là pour assurer la sécurité du plus grand nombre et que les personnes qui agissent sur certaines cibles matérielles ou résistent aux agressions policières ne feraient pas partie du peuple ou de la classe travailleuse. Que ce serait des « autres », des « casseurs » (ce terme ne veut d’ailleurs absolument rien dire). C’est une société ou un député d’extrême droite sort de son tiroir une déclaration déjà prête (ici Theo Francken, N-VA, avec le « flash-ball » belge à savoir le FN-303, qui a tué et mutilé aux États-Unis et en France). Il est aidé en cela par des déclarations dégueulasses comme la tienne, par des positions sociales (très) mal utilisées comme la tienne.
Tu n’es pas un démocrate, tu es un moraliste à deux balles, un chien de garde au service d’une impossible paix sociale dans laquelle on nous crève à petit feu.
Tu ne défends pas la démocratie, les droits humains ou les droits sociaux (conquis notamment par la violence, en plus de la grève), tu défends un mythe bourgeois sur le rôle de la police et sur le rôle des manifestant•es.
Tu es à mille lieux de cette violence. Tu la renforces avec ton discours.
L’usage de la « violence » en manifestation
Tu ne te rends même pas compte de l’escalade en cours concernant les techniques et actions policières face à des actions qui n’ont même pas pu aller plus loin que des graffitis, des fumigènes et des bris de vitres (des barricades en matinée et une incursion dans l’hôtel Hilton en après-midi). Il s’agit de matériel, et de cibles logiques, pas de têtes, crânes, os, bras, mains, yeux, parties génitales, traumatismes, intimidations, humiliations, menaces, tortures, traitements dégradants, acharnements, défonçages de gueules, de corps et d’humanités.
Merci aux personnes qui ont tenté ces actions, soutien à celles qui ont été blessées et/ou arrêtées, qu’elles aient participé ou non à ces actions. Merci aux milliers de personnes qui se sont arrêtées pour manifester leur solidarité aux camarades bloqué•es, même si on aurait préféré des milliers de personnes prêtent à se donner les moyens de les libérer. Heureusement qu’une partie du mouvement ouvrier se souvient de l’entraide en actes lors de telles situations, et de caisses de soutien, ce ne sera pas avec des présidents de syndicats comme toi qui se rangent du côté de la police – créée historiquement pour mater le prolétariat et harceler les personnes d’origine étrangère – que cela sera possible.
Lorsqu’un black bloc (qui est une tactique utilisée par plusieurs groupes différents qui se rejoignent sans se connaitre pour la plupart) s’attaque à des cibles, il sait que dans certaines circonstances (si la police a les moyens et le rapport de force pour intervenir directement) cela va attirer de la violence. Il est donc censé faire attention au reste du cortège pour choisir sa méthode d’action et son moment, au-delà de sa cible, mais toi tu es assez réac’ pour rendre responsables ces manifestant•es de la violence exercée par la police. Qui a gazé le reste du cortège et mis des coups de matraques (si ce n’était que cela d’ailleurs…) ? En quoi ces manifestant•es qui s’en sont pris à l’Office National des Étrangers devraient être tenu•es responsables des actes illégaux commis par la police ? Et elle il ne faudrait surtout pas la critiquer selon toi, tu vis dans quelle monde ?
Tu ne connais rien à cette réalité, mais sur place ce sont ces personnes « habillées en noir », composées et accompagnées d’une diversité dont tu ne te doutes même pas avec tes petites certitudes et tes grand préjugés, qui ont ralenti la police, qui ont mis des obstacles sur la route, qui se sont mises en danger, qui ont pris les coups (et le reste) pour nous, qui ont renvoyé les grenades lacrymogènes en arrière, qui nous ont fait gagner du temps pour partir de manière plus sécurisée, qui nous ont protégé•es du déchainement policier, qui ont relevé des personnes tombées, qui ont distribué de l’eau et des sérums physiologiques. Mais ça tu es trop hors sol pour le comprendre. C’est un monde dont tu ne comprends rien et que tu prétends représenter voire diriger.
Tu n’es pas prêt.
Et pas seulement parce que les manifestant•es « habillé•es en noir », les black bloc, étaient en majorité des militant•es qui se définissent comme antifascistes et/ou anarchistes et/ou une autre valeur qui devrait être une évidence pour des êtres humain•es qui se prétendent solidaires. Tu n’étais pas prêt non plus lorsque c’étaient des Gilets Jaunes ou des pompiers ou des dockers ou des agriculteur•ices.
Tu n’es pas un démocrate, tu es un moraliste.




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