Notre enquête met en lumière une explosion du nombre de caméras de surveillance en Belgique francophone. En 2016, seules 20 % des communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles y avaient recours. Aujourd’hui, le ratio s’est inversé et 80 % des communes disposent de caméras de surveillance dans l’espace public. Dans les communes qui disposaient déjà de caméras en 2016, on estime que leur nombre a doublé en dix ans*. Technopolice BXL déplore cette évolution sécuritaire pour plusieurs raisons.
Après exclusion des communes pour lesquelles nous ne disposions pas de données (grisées sur la carte) et celles ne possédant pas de caméras (en bleu sur la carte), les communes restantes ont été divisées en quatre groupes de taille égale (quartiles).
En rouge, on retrouve les communes les plus vidéosurveillées ; en orange, les moyennes hautes ; en couleur crème, les moyennes basses ; et enfin en vert, les densités les plus faibles.
Ont été comptabilisées tant les caméras fixes classiques, que les caméras temporaires et les ANPR.
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Le technosolutionnisme nous empêche d’aborder les problèmes autrement que par la répression
La vidéosurveillance est souvent présentée comme une solution miracle à tous les problèmes de sécurité, prétendant pouvoir lutter tant contre le terrorisme que contre n’importe quel délit ou « incivilité ». On voit ainsi proliférer des caméras à reconnaissance de plaques (ANPR) pour gérer l’accès aux zones piétonnes, ou des caméras temporaires à proximité des bulles à verre pour identifier les responsables de dépôts clandestins. Cette banalisation de la vidéosurveillance détourne des ressources publiques vers des technologies coûteuses et inefficaces. Plutôt que d’investir dans des mesures sociales et de réduction des risques, les pouvoirs publics privilégient une approche répressive qui ne résout pas les causes profondes de l’insécurité comme les inégalités sociales.
La sécurité est un business
Derrière cette expansion de la vidéosurveillance se cachent des intérêts économiques majeurs. De nombreuses entreprises privées profitent de ce marché lucratif, en faisant fi des droits fondamentaux. Par exemple, le consortium Proximus-Trafiroad a décroché un contrat de plus de 30 millions d’euros pour équiper les principales routes belges de caméras ANPR. On constate aussi qu’à côté de nombre d’acteurs locaux (CCDA, Macq, Tein...), des multinationales s’assurent de larges parts de marché, comme Securitas pour les bodycams, ou Equans (filiale de Bouygues) pour la vidéosurveillance classique**. Nous avons recensé pas moins de 6000 caméras publiques en Belgique francophone, soit un investissement de l’ordre de 150 à 200 millions d’euros. La sécurité devient ainsi une marchandise, source de rentabilité aux frais des contribuables.
La surveillance renforce les logiques de contrôle classistes et racistes
Nos recherches montrent que la vidéosurveillance cible de manière disproportionnée les communes denses, avec quantité d’immeubles à appartements, où résident les gens les plus défavorisés, notamment issus de l’immigration. A l’inverse, on retrouve des corrélations négatives entre la densité de caméras et des caractéristiques comme des revenus supérieurs à la moyenne, ou des maisons quatre façades en zone résidentielle, relativement rurales. Il est difficile de savoir dans quelle mesure cet état de fait est intentionnel ou non. Quoi qu’il en soit, la vidéosurveillance reproduit une approche sécuritaire discriminatoire qui renforce les inégalités raciales et sociales.
Ce graphe représente les corrélations de Spearman entre la densité de caméras de surveillance par commune en Belgique francophone fin 2024 et différentes variables. Plus la corrélation est proche de 1, plus les variables sont corrélées entre elles (c’est-à-dire qu’elles évoluent de concert, sans que cela ne suffise à établir une relation de cause à effet). Plus la corrélation approche de -1, plus les variables évoluent en sens opposés. Ont été comptabilisées tant les caméras fixes classiques, que les caméras temporaires et les ANPR.
Pour un moratoire sur la vidéosurveillance !
Technopolice BXL exige des autorités de stopper net la prolifération de la vidéosurveillance sous toutes ses formes tant qu’un débat sérieux n’a pas été mené sur les réelles menaces qui pèsent sur la sécurité des habitant·es. Un tel débat doit permettre d’explorer les alternatives à cette logique sécuritaire, qui s’appuient sur les solidarités locales et la justice sociale.
* Cette comparaison sur dix ans est rendue possible par les précédentes études réalisées en Wallonie et à Bruxelles :
- Perrine Vanmeerbeek ; Franck Dumortier ; Nathalie Grandjean et Sarah Gallez, 2016. PTZ Pilot. L’acceptabilité juridique et sociale des caméras PTZ. Namur : CRIDS.
- Pauline De Keersmaecker et Corentin Debailleul, 2016. Répartition géographique de la vidéosurveillance dans les lieux publics de la Région de Bruxelles-Capitale. Brussels Studies. 10 octobre 2016. DOI : 10.4000/brussels.1422
** Nous avons l’ambition de mettre en ligne une base de données recensant les achats de matériel de surveillance par les autorités belges dans le courant de l’année 2026.


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