Après des heurts lors d’une conférence du MR à Liège le 19 septembre, Georges-Louis Bouchez soigne sa communication en publiant une longue vidéo sur Instagram où il annonce vouloir « dissoudre la structure Antifa« , qu’il qualifie de « plus grand danger pour notre démocratie« .
Cet effet d’annonce soigneusement mis en scène intervient quelques jours après que Trump ait classé l’antifascisme et ce qu’il appelle aussi « les antifas » comme « organisation terroriste » aux États-Unis et que la Hongrie ait exhorté l’Union européenne à faire de même. Bouchez, le président du MR, s’inscrit dans cette offensive internationale de la droite autoritaire contre l’antifascisme et la gauche en général. Le timing n’est pas un hasard : le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin (MR), porte justement un projet de loi visant à dissoudre les « organisations radicales« , avec les organisations de gauche radicale en premier viseur. En Belgique, la droite « libérale » semble bien décidée à criminaliser toute forme de résistance en tandem avec l’extrême droite…
L’antifascisme : une mouvance, une idéologie, des pratiques mais … pas une organisation
Premier problème : l’antifascisme n’est ni une structure, ni un parti, ni une organisation précise. C’est une idéologie politique, qui comporte un spectre de pratiques et qui se décline dans un réseau de collectifs autonomes, ou pas, qui pratiquent l’action directe, ou d’autres formes d’activités politiques (travail social, sensibilisation …), contre l’extrême droite.
Né dans l’entre-deux-guerres en réaction à la montée du fascisme mussolinien et au nazisme, le mouvement antifa désigne aujourd’hui une idéologie commune à des groupes autonomes locaux mais aussi à des syndicats, des partis politiques et des organisations qu’on dit de la « société civile ». Cependant, la nature informelle des groupes autonomes des partis et des syndicats, qui sont souvent décentralisés, rend techniquement impossible toute dissolution : comment interdire une idéologie, des idées et des pratiques, une conviction partagée par des milliers de personnes qui refusent le fascisme ?
« On est dans un fantasme complet et dans de l’instrumentalisation politique. Ça sert des intérêts politiques que de criminaliser le mouvement antifasciste avec un discours sur les méchants terroristes cagoulés » Julien Dohet, historien et militant antifasciste.
Actuellement, aucune loi belge ne permet de dissoudre un mouvement politique administrativement. L’annonce du président du MR, est donc « pour l’instant impossible« . Mais le projet de loi Quintin, pourrait changer la donne avec des définitions volontairement floues qui inquiètent. Et elle ne pourra de toute façon pas s’appliquer à un simple courant de pensée comme l’antifascisme.
En qualifiant les antifascistes de « structure aux procédés fascistes« , Bouchez martèle ses idées politiques : mettre sur un même pied d’égalité extrême droite et gauche radicale. Cette équivalence entre ceux qui combattent le fascisme et les fascistes eux-mêmes est un classique de la normalisation de l’extrême droite. Mettre dos à dos militants antifascistes et nazis, c’est déjà faire le jeu de ces derniers.
Car il y a une différence fondamentale entre une violence défensive face à la montée du fascisme et des violences visant à établir état fasciste. Derrière cette cible, c’est l’ensemble de la contestation, et surtout les organisations de gauche radicale, qui sont menacées.
Le Vlaams Belang, parti néofasciste, avait déjà proposé de classer le mouvement antifasciste, Black Lives Matter et Extinction Rebellion comme organisations « terroristes ». Le projet de loi dissolution s’inscrit dans cette stratégie de criminalisation systématique de toute dissidence politique radicale.
« À l’heure où les idées radicales sont portées par des partis de droite plus traditionnelle, ces mouvements sont d’autant plus importants et dénoncent , à raison, les risques du fascisme. » Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la LDH
Et puis finalement, être contre l’antifascisme ça veut dire quoi ? C’est être pour le fascisme, Georges-Louis ?
Les historien·nes, comme Johan Chaputot, sont très clair·es sur la responsabilité du mouvement politique traditionnel allemand qui a mis le pouvoir entre les mains du nazisme, pensant naïvement pouvoir assurer les intérêts de la bourgeoisie, tout en se servant de l’extrême droite fasciste.
Aucun gouvernement d’extrême droite ne se qualifiera de lui-même comme « fasciste » et c’est justement en criminalisant de la sorte le mouvement antifasciste que celui-ci montre sa réelle nature. Rappelons haut et fort que ce sont les politiques réactionnaires menées par le MR et l’extrême droite flamande qui chaque jour font violence aux populations qu’elles marginalisent par le biais de leurs politiques racistes, sexistes et classistes. En aucun cas, quelques jets de pommes pourries et des bousculades n’arrivent à la cheville de la violence commise quotidiennement par l’extrême droite dans notre pays.
Sources :
- La DH « Les mesures répressives annoncées par Georges-Louis Bouchez n’inquiètent pas les Antifas : ‘C’est un pur effet d’annonce’ », 24 septembre 2025.
- Le Soir, « Interdire Antifa, comme l’annonce Georges-Louis Bouchez ? Impossible actuellement », 19 septembre 2025.
- RTBF Actus, « Désigné par Donald Trump comme organisation ‘terroriste’, le MR veut le dissoudre… : que représente le mouvement antifa ? », 22 septembre 2025.




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