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Les grèves de la faim en centre fermé

Les grèves de la faim en centre fermé

Dans le centre fermé de Merksplas, ce 5 décembre 2024, plus de dix détenus ont entamé une grève de la faim depuis déjà plusieurs jours. Six d’entre eux ont été ce jour mis en “isolation”.

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Getting The Voice Out

Hunger strikes in detention centres
Hongerstakingen in gesloten centra

Très régulièrement, notre collectif est alerté de grèves de la faim (et parfois de la soif) dans les différents centres. Ces personnes réclament pour certaines leur libération, estimant leur incarcération injuste. D’autres protestent contre leur expulsion vers un pays où elles ne veulent ou ne peuvent plus retourner.

Ces derniers mois, il en allait de même avec beaucoup de personnes d’origine marocaine, suite aux déportations de masse de ces personnes vers le Maroc [1].

Deux détenus à Merksplas avaient été libérés après 40 jours de grève. D’autres avaient été expulsés malgré leur état de santé. D’autres encore ont été transférés dans d’autres centres.

Ce mode d’action fait tache d’huile, et se répand de plus en plus. On nous rapporte ce 5 décembre que plus de dix personnes (de diverses nationalités) ont entamé une grève de la faim. Elles dénoncent lors des appels les conditions “indignes” d’enfermement : insalubrité, situation d’hygiène et sanitaire déplorable, manque de prise en charge médicale, … Plusieurs détenus mentionnent des cas d’automutilation et l’absence de soins médicaux :

“La liberté n’a pas de prix.“

“Je mets ma vie entre parenthèses, je meurs ou je vis, c’est à eux à décider.“

“J’ai pas trouvé d’autre solution.”

“Un détenu : “C‘est mon droit et mon choix de décider de me nourrir ou pas.“ La direction : “Vous êtes obligé de manger, sous la contrainte s’il faut.”

“Il y en a plusieurs en grève de la faim. Moi aussi je crois que je vais arrêter de manger, c’est tout ce qu’il me reste à faire pour obtenir la liberté. Un homme est en grève de la faim depuis quarante jours. Il va crever madame, et on est là à ne rien pouvoir faire. C’est de la torture de voir ça.”

“C’est affreux ici madame. On reçoit pas nos médicaments, mais des calmants, on en reçoit tant qu’on veut. La nourriture est de très petite quantité. On est mis au cachot pour un oui ou un non. Des hommes enfermés ici ont des enfants dehors (l’un d’eux en a six), d’autres ont des papiers en règle dans un autre pays d’Europe. C’est pas normal tout ça madame.”

Les grèves de la faim représentent pour les personnes détenues en centres fermés un ultime moyen de résistance quand il n’y a plus d’autres issues. Les différentes directions des centres, elles, appellent ces actions des actes de rébellion.

Ces actions ne sont pas à minimiser. Ces personnes mettent leur vie en danger par désespoir, ne sachant plus comment sortir de ce piège créé par les politiques migratoires.

Ces actions sont souvent individuelles,quand une personne n’envisage plus d’autre issue possible. Les détenu·es sont alors mis·es en isolement médical, parfois sans téléphone, leurs proches n’ayant plus aucun contact avec elles et eux [2].

Ces actions peuvent aussi être collectives, en protestation à un incident grave dans le centre . Cette année, en 2024, on peut notamment noter :
– La répression d’une grève de la faim collective dans le centre fermé de Bruges le 2 janvier [3]
– Une autre grève de la faim collective dans le centre fermé 127bis à Steenokkerzeel en mai [4]
– Une grève de la faim menée par les femmes* enfermées au centre de Bruges en octobre [5]

Les directions des centres utilisent leurs moyens habituels de répression : cellules d’isolement, cachots, expulsions à la va-vite, transferts, .. ou même, si mouvement collectif, appel aux forces de l’ordre qui envahissent alors le centre avec des armes pour casser le mouvement de résistance (comme par exemple dans cette vidéo, au centre de Merksplas [6]).

On nous a également rapporté deux décès d’hommes suite à une grève de la faim et un manque de soins, au centre de Merksplas en février 2023 [7] et au centre fermé de Bruges en septembre 2024 [8]. Nous supposons d’ailleurs que toutes les situations de ce genre ne nous sont pas toujours rapportées, et qu’il y a sûrement plus à dire sur des situations critiques.

Les centres fermés tuent les gens à petit feu. L’État qui y enferme ces personnes les prive de leur liberté et de leurs choix de vie, sans possibilité de se défendre. Les grèves de la faim, bien que dangereuses et même parfois meutrières, sont le seul moyen qui reste à certaines personnes pour montrer leur résistance et marquer un contrôle sur leurs propres vies et leurs propres corps. Nous marquons notre profond soutien aux personnes enfermées dans les centres, quels que soient leurs moyens de lutter.


#Solidarité
#FeuAuxCentresFermés

Voir en ligne : Getting The Voice Out

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DANS LES MÊMES THÉMATIQUES

27 novembre - 10h00 - Bruxelles

Prendre soin de nos corps en lutte – outils et pratiques somatiques

Les questions autour des pratiques du soin sont aujourd’hui centrales dans la majorité des collectifs du réseau Mycélium. Militer est un acte qui nous expose, nous éprouve, nous confronte aux violences de la société. Quand et comment prenons-nous le temps pour nous déposer ? De calmer notre système nerveux, de respirer ? Que peut-on faire avec son corps pour aller mieux ? Face au sentiment d’urgence ou d’impuissance, face aux violences subies et à l’épuisement qui guette bon nombre d’entre nous, prendre le temps de prendre soin est essentiel pour nos équilibres et pérenniser nos luttes. Il existe souvent une polarité entre les mondes associatifs et militants, et les mondes du soin. Comment amener des ressources somatiques dans les lieux en lutte ? Comment politiser et relier ces espaces ? Prendre soin, c’est à la fois comprendre les systèmes d’oppressions qui nous entourent, comprendre les dynamiques de pouvoir internes et externes, apprendre à envisager le conflit comme un symptôme qui nous permet d’apprendre tout en écoutant nos besoins. C’est politiser nos vécus individuels, et mettre en place des pratiques d’écoute, de soutien, et de présence. Ce sera l’axe de ces deux jours : il est politique d’apprendre à écouter nos corps et prendre soin de nous. C’est donc pour s’offrir des outils de ressources somatiques accessibles à toustes que Mycélium organise deux jours de travail somatique, autour de techniques de respirations, de médiation, de retour à soi, de connexion à ses sensations, etc. L’objectif étant de nous outiller, de nous sentir mieux, d’offrir un accès aux ressources que l’on possède et accessibles à tout le monde. Pour s’inscrire : https://cloud.mycelium.cc/apps/forms/s/pjQWNq7oGzsPiT2bgGCjopmJ Venez avec des vêtements confortables et de quoi prendre note. Participation libre et consciente individuelle (prix conseillé : 75 euros pour les deux jours) Participation consciente via organisation (prix conseillé 150 euros pour les deux jours) L’argent ne doit en aucun cas être un frein à votre participation, si tel est le cas n’hésitez pas à nous contacter. Intervenant·es : Lise Mernier (chargée de projets chez Corps écrits, thérapeute en psycho-corporel et facilitatrice en intelligence collective ) et Jean Berrewaerts (Facilitateur en intelligence collective, facilitateur pour Mycélium autour des pratiques de soin dans les collectifs et thérapeute en psycho-corporel) .

Bruxelles Bruxelles | Santé / Soins |

4 décembre - 18h30 - cinéma Vendôme

[projection] À NOTRE SANTÉ

À NOTRE SANTÉ Tama­ra Pier­no, Veró­ni­ca Ortiz, Mari­nette Mor­mont, Soraya Soussi Face aux vio­lences médi­cales, Vic­to­riae, Sarah et Sophie s’évertuent à faire bou­ger les lignes. Actions com­mu­nau­taires, ate­liers d’autodéfense ou dénon­cia­tion des dis­cri­mi­na­tions : elles explorent d’autres manières de prendre soin et luttent en faveur d’une san­té glo­bale, res­pec­tueuse et inclu­sive pour toutes les femmes*. Dans le sillage de Pas sans elles, pre­mier film de ce groupe de réa­li­sa­trices, A notre san­té (54 minutes) pro­pose d’accueillir les récits de ces femmes qui subissent ces vio­lences de plein fouet en rai­son de leur poids, leur cou­leur de peau, leur iden­ti­té de genre ou encore des stig­mates asso­ciés aux per­sonnes sans chez-soi ou usa­gères de sub­stances psy­cho-actives. Ce film est une invi­ta­tion à nous unir dans le com­bat pour le droit à la san­té pour toutes* et à par­ti­ci­per à la quête de pra­tiques de soins alternatives. Le film est dis­po­nible en fran­çais avec sous-titres sourds et mal­en­ten­dants (SME) Avant pre­mière : Jeu­di 4 décembre 2025 à 18h30 au ciné­ma Ven­dôme — chaus­sée de Wavre 18, 1050 Bruxelles (réser­va­tion souhaitée) Entrée prix libre le film sera éga­le­ment pro­je­té au Centre Cultu­rel de Jette le 30/01/26 à 13h30 et à 19h, sui­vi d’un échange avec les pro­ta­go­nistes du film. Pour orga­ni­ser une pro­jec­tion, vous pou­vez adres­ser une demande à l’a­dresse diffusion@zintv.org Réa­li­sa­trices : Tama­ra Pier­no, Veró­ni­ca Ortiz, Mari­nette Mor­mont, Soraya Soussi Avec la par­ti­ci­pa­tion de : Sarah Tshin­gu­ta Mus­senge, Sophie Godenne, Vic­to­riæ Pildaer Image : Tama­ra Pier­no, Veró­ni­ca Ortiz Son : Tama­ra Pier­no, Veró­ni­ca Ortiz, Mari­nette Mor­mont, Soraya Soussi Mon­tage : Nina Alexan­dra­ki, Valen­tin Fayet Mon­tage son et Mixage : Lola Ciosek Musique : Tho­mas Michel Eta­lon­nage : Arshia Davari Une pro­duc­tion ZIN TV Avec le sou­tien du Centre du Ciné­ma et de l’Audiovisuel de la Fédé­ra­tion Wallonie-Bruxelles

Bruxelles Bruxelles | Santé / Soins |
Santé / Soins

Visite au centre fermé de Steenokerzeel (127 bis)

Compte rendu d’une visite au centre fermé de Steenokkerzeel Par Youri Lou Vertongen – 31 octobre J’ai été sollicité, il y a quelques jours, pour rendre visite à un jeune exilé palestinien détenu depuis un mois au centre fermé de Steenokkerzeel (127 bis), après avoir été arrêté à la sortie d’un rassemblement en soutien à la Palestine sur la place de la Bourse, en plein centre de Bruxelles. Cette demande m’a explicitement été adressée en tant que chercheur en sciences sociales travaillant sur les dispositifs (anti-)migratoires. La visite visait à documenter non seulement son parcours et les raisons de son arrestation, mais aussi les conditions concrètes de détention dans l’un des espaces centraux de la politique de contrôle des étrangers en Belgique. Le centre 127 bis de Steenokkerzeel n’est pas simplement une architecture carcérale, il est littéralement un dispositif, c’est-à-dire un agencement de pratiques, de discours et de techniques destiné à rendre visible, contrôlable et gouvernable une certaine population – les étrangers, les sans-papiers, les indésirables. Posé au milieu de nulle part, implanté en lisière de l’aéroport de Zaventem, le complexe est pris en étau entre le tarmac, la nationale et les champs vides. Le va-et-vient des avions qui décollent et atterrissent rythme en continu le paysage sonore, rappel ironique d’une liberté de circuler réservée à d’autres, mais aussi écho permanent de la menace d’une expulsion imminente. Je connais évidemment ces espaces depuis plusieurs années, en tous cas en théorie : je les ai étudiés, analysés dans certaines de mes recherches. J’y ai aussi manifesté des dizaines de fois, crié ma rage devant leurs grilles, attendu avec d’autres que des silhouettes apparaissent aux fenêtres. Il y a une quinzaine d’années, lors d’une manifestation devant le centre de Vottem, la lourde porte métallique verte s’était ce jour-là laissée enjamber, tandis que la grille intérieure avait cédé sous la pression collective, laissant entrevoir, l’espace de quelques minutes, l’intérieur de la cour et les visages derrière les barreaux. Cet instant d’effraction, arraché à la logique du contrôle, portait une intensité subversive : celle d’un contact, d’un échange de regards à travers la frontière. On avait envahi la cour, échangé quelques mots, quelques gestes avec les détenus, avant d’être arrêtés en bloc. C’était un moment de rupture, presque de fête pour le jeune activiste que j’étais, une irruption collective dans un espace que l’État s’emploie d’ordinaire à tenir hors de vue, une brèche ouverte dans un dispositif d’enfermement pensé pour ne jamais être traversé. Aujourd’hui, c’est la version inverse que j’ai expérimentée : le dedans sous contrôle, l’accès administré, l’hospitalité encadrée. J’ai donc pénétré pour la première fois « légalement » dans un centre fermé. J’hésite à dire « entrer » tant ce terme prend en ce lieu précisément conçu pour empêcher toute sortie, une tonalité cynique. On n’entre pas...

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