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Grève de la Faim au centre fermé de Merkplas

Grève de la Faim au centre fermé de Merkplas

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Getting The Voice Out

21/09/2022

TEMOIGNAGE AUDIO DE MICHEL

Une personne enfermée au centre fermé de Merksplas depuis 9 mois a entamé une grève de la faim ce 22/09/2022. Elle réclame justice et humanité.

Michel (nom d’emprunt) fuit la guerre au Rwanda à l’âge de 6 ans avec sa famille. Il sera contraint de passer un certain temps dans des camps de réfugiés, d’abord en République Démocratique du Congo, puis au Kenya. Durant cette fuite, ses parents décèdent. En 2001, il est rapatrié en Belgique à l’âge de 12 ans avec une partie de sa famille.

Reconnu réfugié en 2002, il est très traumatisé par son parcours et tout ce qu’il a vu comme atrocités pendant le génocide.Il commet alors des actes qualifiés de “faits de délinquance”. Il est condamné pour troubles à l’ordre public et incarcéré à plusieurs reprises entre 2008 et 2014.

Suite à ces condamnations, le CGRA lui retire son statut de réfugié en 2016. Son avocat introduit un recours contre cette décision.
A sa sortie de prison, il suit une formation et trouve un travail, bien aidé par son assistante de justice à Namur.Mais le couperet tombe en 2019 : le Conseil du contentieux pour étrangers rejette le recours contre le retrait de son statut de réfugié. Il reçoit un Ordre de quitter le territoire.

Il est arrêté et amené au centre fermé en décembre 2021 en vue de sa déportation vers son “pays d’origine”, le Rwanda.Il témoigne qu’il ne peut et ne veut pas retourner dans le pays qu’il a quitté à ses 6 ans. Il lui reste en mémoire les meurtres et toutes les atrocités dont il a été témoin, ainsi que la mort de ses parents survenue pendant son exil. A son arrivée en Belgique, il était traumatisé et a très vite “pété les plombs”. Il nous relate qu’après ses années de prison il a tout fait pour reprendre sa vie en main. Il ne connaît personne au Rwanda, ne parle pas la langue, tous les membres de sa famille résident en Belgique ou en France et ont le statut de réfugiés (oncles, cousins…).Il a très peur des représailles au Rwanda, son père restant dans la mémoire de beaucoup comme ayant participé au génocide, car il était colonel dans l’armée rwandaise et était recherché.

Sa libération a été ordonnée à 5 reprises par la chambre du Conseil. A chaque fois, l’Office des étrangers a interjeté appel.
Il passe à nouveau ce mardi 4/10/2022 devant la Chambre des Mises en Accusations pour la cinquième procédure introduite afin d’obtenir sa libération. Ce 4 octobre 2022 marquera également le 13e jour de sa grève de la faim.

Nous refusons toutes les expulsions et dénonçons la politique de rapatriements raciste et cynique de l’état Belge.

Transcription du témoignage :

“Salut à vous qui écoutez l’enregistrement. Je suis un jeune homme de 33 ans. Je suis né au Rwanda et je vis en Belgique depuis 21 ans. Actuellement je suis détenu en centre fermé depuis environ dix mois. Et depuis une semaine enfermé dans un cachot pour faire une grève de la faim. Je vais vous raconter brièvement mon parcours de vie et les raisons pour lesquelles j’en suis arrivé là aujourd’hui. Tout d’abord, je suis le dernier d’une fratrie de six composée de quatre filles et deux garçons. Mon père était un officier supérieur dans l’ex armée du Rwanda, ma mère une grande commerçante. Ma vie début correctement et les premières années de mon enfance ne sont pas à plaindre. En avril 1994, je suis alors âgé de cinq and lorsque tout s’effondre. C’est le début du génocide au Rwanda. Je me souviens de ce matin là où j’ai été réveillé par le bruit de tirs lointains. J’étais encore loin d’imaginer que ma vie allait basculer. Que les coups de feu, les bombes feront désormais partie de mon quotidien et berceront mes nuit durant de longues années. Depuis quelques années déjà, la guerre faisait rage au Rwanda mais je n’étais pas au courant. Ce matin là j’ai très vite pris conscience de la gravité de la situation en voyant deux morts devant chez nous, et l’état d’agitation qui régnait partout en rue. Une de mes soeurs m’a alors dit que c’était la fin du monde et qu’on allait tous mourir. Quelques jours après a commencé mon exil. J’ai entamé un long voyage entravé de tragédies horribles à travers le Rwanda avec ma famille pour rejoindre le Congo. Nous avons marché durant des mois dans les collines, la forêt, puis traversé un lac pour arriver en 1995 dans un énorme camp de réfugiés à l’Est du Congo. La mort omniprésente, les cris, le sang. Tout au long de mon voyage c’était l’horreur absolue. Dans le camp, tout le monde devait suivre un entraînement militaire. L’armée recrutait tous les garçons, mêmes les enfants, pour préparer la guerre. Le choléra faisait rage. Et en 1996, environ un an après notre arrivée dans le camp, la guerre nous a rattrapés. C’était en pleine nuit, le temps a été attaqué, j’ai assisté au décès de mes parents et d’une de mes soeurs qui ont alors été abattus. J’ai alors couru. C’était le chaos total. J’ai été sauvé par un militaire et nous nous sommes enfuis, avec un groupe, vers la forêt. On a marché des semaines durant et sommes arrivés dans une autre ville au Congo. J’ai appris que mon frère et mes autres soeurs étaient en vie et qu’ils étaient au Kenya. J’ai pu les rejoindre quelques temps après. Au Kenya, après quelques mois seulement, nous avons appris que plusieurs personnes de notre groupe étaient assassinées ou étaient portées disparues. Mes soeurs ont alors été envoyées en France et en Belgique et mon frère les a rejoint quelques temps après. Quant à moi je suis parti en Côte d’Ivoire où je suis resté près de deux ans. Durant mon séjour là-bas un coup d’Etat a eu lieu. C’était aux environs de l’année 2000. L’année d’après je suis arrivé en France puis j’ai été envoyé chez mon oncle en Belgique. J’étais alors âgé de douze ans. J’ai entamé les démarches pour me régulariser et en 2002 j’ai été reconnu réfugié. J’ai alors repris le chemin de l’école pensant que j’allais pouvoir oublier mon passé et vivre comme tout le monde. Je n’ai eu aucun soutien psychologique après les traumatismes que j’avais vécus. Mon oncle était très sévère et peu aimant et à 16 ans il m’a viré de chez lui. Je me suis retrouvé livré à moi-même et je suis tombé dans la délinquance. Je me suis fait arrêter et condamner à quatre reprises par les tribunaux. J’ai fait plusieurs séjours en prison. Et en 2016 le Commissariat des réfugiés m’a retiré mon statut de réfugié concluant que je suis dangereux et que je dois être renvoyé au Rwanda. J’étais alors incarcéré à Lantin et j’ai introduit un recours contre cette décision là. Paradoxalement, c’est en prison que j’ai pu avoir contact pour la première fois avec des psychologues avec lesquels j’ai pu faire un travail sur moi et élaborer sur mon passé tragique. Je suis sorti de prison en 2017, 14 mois avant la fin de ma peine. J’étais alors en libération conditionnelle et j’ai complètement changé de vie. J’ai quitté la ville de Liège pour vivre à Marche-en-Famenne chez ma soeur. J’ai entamé une formation à Namur. Au terme de ma formation j’ai commencé à travailler et j’ai pris un appartement. En 2019, le Conseil des étrangers a confirmé le retrait du statut de réfugié alors que j’avais repris le bon chemin dans ma vie depuis plus de deux ans. Quelques temps après l’Office des étrangers m’a donné un Ordre de quitter le territoire. Une des conditions de ma libération était de respecter toute décision de l’Office des étrangers. Par ailleurs, avec cet Ordre de quitter le territoire et mon retrait de séjour, je ne pouvais plus travailler et j’ai perdu mon appartement. Un an après, j’ai été de nouveau arrêté et incarcéré pour non respect des conditions. J’ai purgé les 14 mois restants sur ma peine et à ma sortir l’Office des étrangers m’a mis en centre fermé. A ce jour, j’y suis encore et on essaye de me renvoyer au Rwanda malgré le fait que ma famille y a été persécutée et détestée, que plus aucun membre de ma famille n’y vit, tout le monde vit en Belgique ou en France, et malgré le fait que tous ceux de ma famille qui sont restés là-bas ont été assassinés. Le tribunal a ordonné cinq fois ma remise en liberté depuis ces dix mois. Mais rien n’y fait, la procédure d’expulsion est toujours en cours. Voilà pourquoi, en désespoir de cause, j’ai décidé d’entamer une grève de la faim, en espérant un déroulement plus favorable. Merci d’avoir écouté cet enregistrement.

Voir en ligne : Getting the voice out

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