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Retrait d’une banderole en soutien à la Palestine : retour sur une stratégie policière et politique

Retrait d’une banderole en soutien à la Palestine : retour sur une stratégie policière et politique

Le lundi 8 janvier, vers 13h, une opération a été menée conjointement par la police et les pompiers dans le centre de Bruxelles, réunissant plusieurs voitures de police ainsi que deux camions de pompier pour … enlever une banderole en soutien à la Palestine sur le piétonnier. Il y était inscrit en anglais : « Chaque enfant tué à Gaza serait en vie si notre humanité était plus importante que célébrer Noël » .

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

Selon un témoin de la scène, les policier·ères arrivé·es sur place ont toqué à la porte du bâtiment privé et, en l’absence de réponse, ont directement enlevé la banderole avec l’aide des pompiers. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des banderoles contenant des messages politiques sont retirées par la police : à la suite de la mort d’Adil, les forces de l’ordre avaient également retiré des banderoles de soutien.

Cette intervention policière qui vise à invisibiliser les manifestations de solidarité avec la Palestine a probablement été ordonnée par le bourgmestre de la Ville de Bruxelles et responsable de la police locale, Philippe Close. Celle intervention s’inscrit plus largement dans une stratégie de répression et d’invisibilisation du mouvement en soutien à la Palestine mise en place par la Ville de Bruxelles. La veille de Noël, une chorale en solidarité avec la Palestine avait été prise à parti par la police, parce qu’elle … chantait dans l’espace public. Un enfant de 11 ans l’accompagnant avait même été contrôlé et son sac avait été fouillé. Ce contrôle avait par ailleurs été ponctué de phrases racistes de la part des policier·ères : « Ne parlez pas arabe« , « Allez chanter à Molenbeek« .

A plusieurs reprises depuis le 7 octobre, les réfugié·es gazaoui·es qui portent le mouvement pour la Palestine à Bruxelles ont été arrêté·es là où iels logeaient, puis relaché·es après plusieurs heures de garde à vue, sans raisons. Rappelons également les deux rassemblements du 8 et 9 décembre qui avaient été violemment réprimés par la police, laissant place à une série d’images de violences policières.

Mais Philippe Close et l’administration de la Ville de Bruxelles marchent sur des œufs. L’enjeu de leur répression est de tenter d’invisibiliser le mouvement tout en le contenant. Un pas de côté, un coup de matraque en trop et le mouvement populaire et spontané dont l’expression politique reste, jusqu’ici, non-violente, pourrait potentiellement hausser le ton. Ce que les pouvoirs publiques veulent logiquement éviter pour continuer à contrôler la mobilisation au sein de la capitale européenne, lieu important du soutien de l’impérialisme occidental à Israël.

Cette stratégie s’explique et se comprend au regard de la gestion et des techniques de maintien de l’ordre utilisées depuis la première manifestation le 11 octobre 2023. On laisse partir le rassemblement en manifestation sauvage car le bloquer risquerait de mener à des affrontements. Durant les manifestations, on laisse coller, mettre du faux sang sur les enseignes de Zara, Starbucks, KFC,… car si les policier·ères en civils accolé·es aux magasins tentaient de l’empêcher, ils risqueraient la confrontation. Pour encadrer les mobilisations, on met des policier·ères arabophones, comme l’on met des policières aux manifestations féministes, … L’objectif est d’éviter tout développement d’antagonisme entre les manifestant·es et les forces de l’ordre.

Le 26 novembre 2023, l‘agression policière du bloc palestinien à la manifestation féministe contre les violences sexistes et sexuelles a aussi été une démonstration pour les forces de l’ordre. Des policier·ères en vélo avaient voulu arrêter une personne qui avait collé un sticker, en l’isolant du bloc palestinien. Or, chose rare en Belgique, le bloc s’est défendu et a fait reculer les agent·es de police. Afin d’apaiser les tensions, face à la démonstration du rapport de force, les policier·ères ont directement relâché l’homme interpellé. C’est aussi dans cette optique que la police s’en est prise aux rassemblements quotidiens début décembre lorsque la mobilisation faiblissait, et non pas lors des moments forts du mouvement.

Néanmoins, la stratégie adoptée par les autorités belges reste plus modérée et moins offensive que celles déployées par la France ou l’Allemagne en Europe. Cette situation s’explique entre autres par le fait que le climat politique en Belgique est à ce stade-ci encore relativement moins gangrené par l’islamophobie d’État et le processus de fascisation que nos deux voisins*. Au niveau politique, la stratégie prise en Belgique tente de marginaliser et d’isoler les expressions radicales du mouvement en solidarité avec la Palestine. Ainsi, les positions qui sont visées sont celles qui soutiennent un État commun et multiconfessionnel de la mer au Jourdain, celles qui défendent le droit à la résistance armée** palestinienne, …

En l’occurrence, l’organisation Samidoun était visée et menacée de dissolution par la droite et l’extrême droite belge (Vlaams Belang, N-VA, MR) en décembre, sous requête directe de l’État israélien qui "demande à la Belgique de montrer son soutien à la communauté juive et son amitié avec Israël en interdisant Samidoun" [1]. A travers une rhétorique islamophobe et l’instrumentalisation de l’antisémitisme, les politiques on tenté de faire passer l’organisation palestinienne décoloniale et progressiste pour des « islamistes » antisémites. Le fond de ces attaques repose sur l’islamophobie d’État. Un rapport de l’OCAM*** avait même été commandé. Il avait conclu que malgré la surveillance accrue de l’organisation, aucun élément ne justifiait une intervention de l’État.

En réalité, il semble que la colère collective face au génocide des Palestinien·nes et à l’hypocrisie des puissances occidentales qui soutiennent Israël est déjà si grande, qu’une goutte de répression mal dosée risquerait d’embraser le mouvement bruxellois. Un mouvement bruxellois qui par ailleurs est certainement, depuis le 7 octobre, un des épicentres de la solidarité en Europe avec la Palestine.


Légende :
*L’islamophobie d’État, et les processus de fascisation de l’État belge à travers notamment ses politiques migratoires, est un élément manifeste de la politique belge. Néanmoins, ce dernier reste à ce stade-ci encore relativement moins décomplexé qu’en France. Toutefois, certains acteurs d’extrême droite et de droite comme Georges Louis Bouchez (MR) travaillent activement pour suivre le chemin pris par nos voisin·es françai·ses.
**Ce droit a par ailleurs été consacré par l’ONU dans la résolution 3236 de l’Assemblée Générale de l’ONU en 1974.
***L’OCAM est l’organe de surveillance en matière de risque lié au terrorisme en Belgique.

Autres Sources :
https://www.lesoir.be/548659/articl...

Voir en ligne : BXL Dévie

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