Rétablir l’armée dans la rue, interdictions de manifester, reconnaissance faciale à tout-va, dissolution du collectif Samidoun, déchéance de nationalité, sécurité privée à la place de la police, l’IA pour des tâches de surveillances, davantage de financement pour la surveillance et la répression, plus de contrôle, de pouvoir et de centralisation au sein du futur ministre fédéral de la « Sécurité ». Que cache la note sécuritaire du futur gouvernement ?
Cela fait bientôt 6 mois que les élections ont eu lieu et la Belgique n’a toujours pas de gouvernement fédéral, et peut-être cela n’est pas plus mal… Dans le cadre du futur gouvernement très à droite, une nouvelle coalition surnommée « Arizona » (N-VA, MR, CD&V, Vooruit, Les Engagés) propose plusieurs « notes », dont une particulièrement sécuritaire, présentée par le formateur du gouvernement, Bart De Wever (N-VA). Ces notes sont censées encadrer et définir les futurs accords du gouvernement en formation. Voici ce que laisse présager la note ultra-sécuritaire de Bart De Wever, un véritable tournant autoritaire en 10 points, et rapporté par Le Soir .
Bart de Wever en 2012, président du parti d’extrême droite N-VA.
1. Remplacer le ministre de l’Intérieur par un ministre de la « Sécurité ». Cette première mesure illustre parfaitement l’intention du futur gouvernement de faire régner « l’ordre » en Belgique. Nous pouvons y voir une façon pour l’État de renforcer son contrôle et sa capacité de répression sur ses citoyen·nes L’idée proposée par la N-VA (parti d’extrême-droite), est de centraliser toutes les compétences liées à la sécurité au sein d’une fonction, celle de ce nouveau ministre de la sécurité. Mauvaise nouvelle pour la Belgique, on parlerait de Georges-Louis Bouchez pour occuper cette nouvelle fonction.
Georges-Louis Bouchez (GLB), dans l’émission Spécial forces. Président du MR.
2. Les fonctions de la police fédérale vont être réduites, cette dernière devrait se concentrer uniquement sur les missions spécialisées (missions spéciales, comme des interventions nécessitant des moyens techniques particuliers et ou des situations particulièrement périlleuses, crimes organisés, anti-terroriste, cybercrime). Jusqu’ici, la police fédérale encadrait d’autres fonctions, comme le recrutement des policier.es y compris de la police locale.
3. La fusion des zones de police de Bruxelles. C’est un sujet épineux et qui revient souvent sur la table côté néerlandophone. Ces derniers estiment que Bruxelles aurait besoin d’un commandement centralisé pour faire face aux enjeux « sécuritaires » posés par la capitale selon le futur gouvernement. À Bruxelles, le monde politique et les commandements de la police y sont plutôt opposés. Sauf du côté d’Ecolo qui étonnement se positionne pour. Si cette mesure est adoptée, cela voudrait dire que la gestion du maintien de l’ordre ne sera plus uniquement de l’autorité des bourgmestres locaux, mais centralisée au sein d’un commandement de police pour la ville de Bruxelles.
RTBF, Bruxelles Midi.
4. La lutte contre la drogue va être la priorité du futur gouvernement. La note de la N-VA parle d’une future tolérance zéro à l’égard des drogues, tant côté consommateur que vendeur. C’est au travers de cette thématique que le futur gouvernement entend faire passer et justifier son ensemble de mesures autoritaires. Les pratiques de surveillances et de répression sont souvent initiées pour répondre à des problématiques particulières, puis étendues à d’autres champs de la société, et parfois à l’ensemble.
Dans ce cadre-ci, il est proposé des sanctions immédiates contre les personnes prises sur le fait. On peut imaginer une procédure similaire à celle en France où lorsqu’un·e consommateur·rice est pris sur le fait, il doit directement payer une amende à la police. Le futur gouvernement prévoit également de permettre un usage des technologies d’IA pour lutter contre le trafic de drogue. La note prévoit également l’augmentation des financements pour la surveillance notamment aux alentours des gares et du port d’Anvers.
Salle de consommation à moindre risque, à Bruxelles.
5. Fermer la salle de consommation de drogues à Bruxelles. Alors que cette salle, récemment mise en place permettent de faire de la prévention, de la réduction des risques et d’encadrer la consommation de drogues le futur gouvernement fédéral voudrait les interdire prétendant que ce genre de salle favorise le trafic de drogue. Pourtant, selon la Ville de Bruxelles, les arguments du fédéral ne sont pas vrais et il n’y a pas une augmentation des délits aux alentours de la salle de shoot.
6. Investir dans la police judiciaire en particulier à Anvers, dans la perspective de la lutte contre la drogue mais également de la lutte « anti-terroriste ».
7. Il y a un an, le dernier gouvernement avait tenté d’instaurer une interdiction judiciaire de manifester. Cette proposition de loi alors partiellement abandonnée, avait suscité une vive réaction du monde politique, syndicale et associatif. La proposition de loi limitait le droit constitutionnel de manifester et représentait une avancée répressive contre les mouvements sociaux.
Manifestation contre la venu de Jordan Bardella (RN – France) à Bruxelles.
La victoire n’avait pas été totale, car une partie du texte avait été acceptée, accélérant certaines procédures judiciaires pour des faits de violence dans le cadre de manifestation. Le futur gouvernement entend faire passer pour de bon cette mesure autoritaire, limitant dangereusement le droit de manifester.
Le 1er jour du procès de l’attaque du 22 mars 2016 à Bruxelles. Le 5 décembre 2022. Crédit : BELGA PHOTO POOL BENOIT DOPPAGNE.
8. Après le procès des attentats de Bruxelles en 2016, le futur gouvernement souhaite mettre en place une série de mesure poussant encore plus loin le droit et les mesures « anti-terroristes ». Ainsi, le futur gouvernement entend retirer la nationalité belge à toute personne ayant une double nationalité et condamné pour terrorisme. Les personnes étant simplement belges ne pourraient se voir appliquer cette nouvelle mesure, car cela les rendrait apatrides. Cette note entend également supprimer le jury populaire en cas de faits de terrorisme, selon la N-VA « Tout procès de personnes susceptibles d’avoir commis des infractions terroristes doit se dérouler devant un tribunal composé de juges professionnels« .
Militaires sur la Grand Place de Bruxelles.
9. Remplacer la police par des sécurités privées et remettre l’armée dans les rues ? Les gouvernements précédents avaient déjà travaillé le cadre législatif belge pour permettre aux sociétés privées de progressivement remplacer la police dans certaines tâches et intervenir à sa place et ou en collaboration plus étroite avec cette dernière, notamment sous Jan Jambon. L’objectif est d’assouplir encore plus le cadre juridique belge pour permettre par exemple les agent.es de sécurité de regarder les caméras de police et « d’intervenir sur certains types de délits » lesquels, ne sont pas précisés. Le futur gouvernement entend également remettre l’armée dans la rue, pour la défense « des infrastructures critiques, des institutions critiques ou des lieux et des institutions où le niveau de menace est [élevé] »
10. Le futur gouvernement entend déjà élargir les champs d’expérimentations de la reconnaissance faciale avant même que celle-ci ne soit officiellement légale en Belgique. Dans un article récemment sorti, nous indiquions une fuite en avant autoritaire avec la permission de la reconnaissance faciale en Belgique dès février 2025. Ainsi, alors que l’Etat assurait l’utiliser que dans des cadres extrêmes, soit la disparation et le kidnapping d’enfants et les attaques terroristes, désormais l’Etat belge entend également expérimenter pour retrouver des personnes condamnées et ou suspectes de potentiels délits.
Image d’illustration.
Comme toujours, le hooliganisme sert de zone test pour les nouvelles technologies répressives, la reconnaissance faciale sera également utilisée pour identifier les « interdits de stade » dans les clubs de foot. Une proposition qui a de quoi étonner et rendre ridicules les dites « précautions » prises par l’Etat belge au sujet de cette technologie extrêmement intrusive et qui annonce plutôt un usage de plus en plus généralisé, sur lequel nous n’aurons probablement pas de contrôle.
Photo prise le 15 octobre 2023, lors d’un rassemblement de Samidoun.
Finalement, le futur gouvernement a assuré s’entendre au sujet d’un nouveau cadre juridique pouvant permettre les dissolutions d’associations, jusqu’ici très compliquées en Belgique. Notamment pour dissoudre Samidoun. La cerise sur le gâteau de l’autoritarisme : comme déjà mentionné plus haut, les rumeurs disent que ce futur ministre de la sécurité, serait Georges Louis-Bouchez. L’Etat belge est en pleine transformation, et, ça va vite.
Sources :
- Arizona : un tour de vis sécuritaire sur la table. Consultable ici.
- Des mouvements pro-palestiniens belges sous-surveillance. Consultable ici.
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