Pour Ibrahima
« Il y a trois ans, le 9 janvier 2021, Ibrahima, 23 ans, décède d’une crise cardiaque dans le commissariat de la Gare du Nord. Le jeune homme aurait manifesté des signes de malaise dans la salle de fouille avant de perdre connaissance. Des témoins affirment qu’il serait resté étendu au sol pendant cinq à sept minutes, menotté, sans recevoir aucune assistance. L’annonce du décès d’Ibrahima ne parvient à ses parents qu’à 2h30 du matin, soit six heures après le drame. Dans un premier temps, ils sont informés que leur fils a été arrêté pour violation du couvre-feu en vigueur à Bruxelles (de 22 heures à 6 heures). C’est seulement plus tard qu’ils apprennent l’heure exacte du décès, survenu à 20h22. »

Si nous laissons faire, il y aura plus de personnes tuées par la police et plus de violences
Ce n’est un secret pour personne, la police tue de plus en plus de personnes chaque année. Et, ce n’est un secret pour personne non plus, il s’agit majoritairement de jeunes hommes noirs ou arabes. Dans la plupart des cas, la vérité et la justice ne sont jamais faites. Malgré ce constat, qui devrait pousser à aborder ces « cas » avec recul, les homicides perpétrés par la police continuent à être rangés dans la catégorie « faits divers ». Cette fois encore, la plupart des médias ont relayé la version officielle (celle de la police puis celle du parquet) après l’homicide de Domenico, 31 ans, tué d’une balle dans la tête tirée par un policier ce vendredi 18 août à Oupeye près de Liège. Nous ne connaissons pas les faits. Les journalistes non plus ne connaissent pas les faits. Pourtant, la plupart oublient leurs cours de déontologie journalistique, n’utilisent pas le conditionnel, n’interviewent pas les personnes présentes ou potentiellement présentes, ne respectent pas leur devoir d’enquête, ne croisent pas (ou très peu) les sources et les affirmations. Les gadgets technologiques (bodycams et caméras de surveillance) sont souvent absents ou étonnamment « dysfonctionnels » dans ces situations. Très rares sont les cas où ce ne sont pas des images prises par la population qui ont permis de faire un peu de lumière sur les faits. Ce texte ne se focalise donc pas sur le cas spécifique de Domenico, mais sur la séquence macabre dont il fait partie . Car, au-delà des faits, c’est surtout l’hypocrisie qui entoure cette nouvelle mort qui devrait poser question. On tolérait déjà passivement que des personnes (majoritairement racisées et précarisées) soient tuées par « notre » police parce qu’elles sont considérées comme voleuses ou armées (d’un vrai couteau ou d’un couteau fantasmé, par exemple). On tolère désormais passivement qu’elles soient tuées parce qu’elles sont considérées comme dangereuses sur la route… Le nombre de personnes qui meurent parce qu’elles ont été en contact avec la police, et ceci qu’elles qu’en soient les raisons, augmente. Elles l’étaient peut-être, la question n’est pas là. Des personnes blanches aussi sont parfois considérées comme voleuses, armées ou dangereuses sur la route. On ne les traite toutefois pas de la même façon. Pourquoi insister (et la plupart du temps mentir) sur les circonstances précises d’une intervention policière afin de justifier une mort, plutôt que de se demander s’il est logique que de plus en plus d’interventions pour état d’ivresse, accès de « folie » ou non respect du code de la route se soldent par des morts ? Que les policiers aient fantasmé ou non le fait que Domenico était (très) dangereux pour eux ou pour les autres ne change rien au fait qu’il n’y aurait pas eu de mort sans leur intervention. Ce n’est pas une exception. Le nombre de personnes qui meurent parce qu’elles ont été en contact avec la police, et ceci qu’elles qu’en soient les raisons, augmente. Il y a des cas plus...