Mercredi 10 décembre, une manifestation qui a démarré de la porte de Namur en direction de la place du Luxembourg a mobilisé plusieurs centaines de personnes venues soutenir le peuple kurde face au régime turc. À Gand, une autre manifestation en soutien au peuple kurde a été annulée en raison de menaces venues de groupes pro-turcs.

À la suite de l’offensive menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et ses alliés le 27 novembre dernier, le régime de Bachar Al-Assad est tombé. Cette victoire contre le régime dictatorial est retentissante pour l’ensemble du peuple syrien. Les révoltes contre le régime autoritaire syrien avaient commencé il y a plus de dix ans, à la suite du printemps arabe.

Depuis, HTS a repris la majeure partie du sud et de l’ouest du territoire syrien. En parallèle, d’autres acteurs militaires tels que la Turquie et l’armée nationale syrienne (ANS) ont profité de la situation pour s’attaquer aux parties contrôlées par les SDF (coalition dominée par les kurdes) du territoire syrien (au nord et à l’est du pays).

Notons que l’ANS apparaît comme une branche de l’armée turque en Syrie dans la mesure où ces deux armées partagent des intérêts politiques communs, et que l’ANS est en grande partie financée par le régime turc.

La communauté kurde et ses organisations présentes en Turquie ont toujours été systématiquement à la fois militairement et culturellement réprimées et stigmatisées.

De violents affrontements ont eu lieu au nord de la Syrie dans les villes de Manbij et Shehba, à la suite desquels plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées. Ces zones sont passées sous contrôle de l’ANS. La ville kurde de Kobane qui se situe au nord de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, est menacée d’invasion par la Turquie et l’ANS.

Le 12 décembre, des frappes de l’ANS et de la Turquie ont visé le barrage hydraulique de Tishreen qui permettait d’alimenter toute une partie du nord-est syrien en électricité. Depuis, une importante partie de la région est soumise à des coupures de courant à répétition, et est sujette à de potentielles inondations qui entraineraient des dégâts importants sur les villes aux alentours et sur l’agriculture locale. De plus, près de deux millions de personnes sont sujettes à de graves pénuries d’eau.

Notons aussi que le régime turc vise régulièrement la presse kurde qui documente ces crimes de guerre. Dernièrement, deux journalistes kurdes ont été tués par un drone turc dans la banlieue de Kobane alors que l’ANS et la Turquie tentent de récupérer cette ville kurde du nord de la Syrie.

La zone autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, aussi appelée « Rojava », existe depuis le soulèvement mené par les YPG (Unités de protection du peuple kurde) en 2012. Depuis sa création, cette région est victime de bombardements systématiques de la part du régime turc. En effet, le régime d’Erdogan a dans ses objectifs de combattre et de neutraliser tout établissement d’une région autonome à dominance kurde.

En Belgique, les « loups gris », groupe néofasciste turc et anti kurde, est fortement implanté à la fois en Flandre et à Bruxelles.

Des agressions particulièrement violentes ont eu lieu partout en Belgique en février dernier, après qu’une famille kurde limbourgeoise avait été agressée par des loups gris qui avaient tentés de bruler leur maison. A la suite de ces faits, une escalade de violence sans précédent à l’encontre la communauté kurde a eu lieu pendant plusieurs semaines.

À l’heure de la chute du régime autoritaire en Syrie, l’administration autonome du Nord-Est, ainsi que HTS soulignent la nécessité d’une unité entre les différentes composantes du peuple syrien. Après des décennies de dictature, HTS a assuré être soucieux des minorités culturelles présentes dans le pays. En ce sens, il fait notamment allusion aux populations kurdes syriennes (approximativement 12% de la population).

La co-présidente du conseil exécutif de l’Administration démocratique autonome du Nord et de l’Est de la Syrie Evin Sweid déclarait par exemple : « Depuis le début, l’Administration autonome a plaidé pour une solution politique en Syrie et a toujours appelé au dialogue syro-syrien […] ». Concernant les relations avec HTS, « plus que des discours, nous nous intéressons à la pratique et à la mise en œuvre. Ce que la Syrie a vécu peut devenir une leçon dont nous pouvons tous tirer profit pour construire une Syrie meilleure. Une Syrie dans laquelle chacun peut vivre avec ses croyances et sa nationalité. Nous attendons sa mise en pratique. »

Pour souligner la nécessité d’une Syrie unie, l’Administration autonome démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie (AADNES) a adopté le drapeau à trois étoiles de l’indépendance syrienne. A l’heure actuelle, il est compliqué de savoir quels seront les développements futurs de l’organisation politique syrienne. Si on peut se réjouir de la chute du dictateur, certaines craintes persistent par rapport aux diverses forces militaires qui tentent d’influencer la situation dans le sens de leurs intérêts politiques.

Sources :

Update December 30 – Heavy Fighting in Manbij Countryside as NES Death Toll Tops 250 – Rojava Information Center Interview : “We need dialogue. So that a better future can be built” – DAANES Executive Council co-chair on developments in Syria – Rojava Information Center (116) Décryptage de l’équation géopolitique Kurde – Avec Mehmet YILDIZ – YouTube (vidéo) Azadi, militant de la cause kurde – Histoire & instrumentalisation (Iran, Daesh, Rojava, PKK) (vidéo) Que se passe-t-il en Syrie ? Acteurs et enjeux géopolitiques (Yassine) (vidéo)