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CARTE BLANCHE : Révoquer un statut de réfugié pour des convictions politiques ?

CARTE BLANCHE : Révoquer un statut de réfugié pour des convictions politiques ?

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie
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Le 15 octobre 2024, les États-Unis et le Canada ont classé l’organisation Samidoun comme « entité terroriste ». Celle-ci est un réseau international qui travaille à construire de la solidarité avec les prisonnier·es palestinien·nes et à sensibiliser leur lutte pour la liberté et la libération de la Palestine. Cette décision préface probablement une volonté similaire au sein de l’UE, où l’organisation est déjà interdite en Allemagne. Un précédent extrêmement dangereux pour les organisations de solidarité avec la Palestine.

Depuis des années, et en particulier après le 7 octobre, l’organisation internationale Samidoun est sujette d’une intense campagne de diffamation et de répression, en Europe et en Amérique du Nord. En novembre 2023, l’Etat colonial israélien envoyait deux lettres au gouvernement belge afin de réclamer l’interdiction de Samidoun sur le territoire et une surveillance accrue à l’égard de son coordinateur, Mohammed Khatib. Ce qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le 15 avril 2024, en lien avec l’Etat israélien, la Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor, initiait une procédure à l’encontre du militant palestinien Mohammed Khatib, afin de retirer son statut de réfugié politique. Cette procédure était justifiée à l’aide d’un rapport de l’OCAM (organe de l’analyse de la menace terroriste belge) qui labélise Khatib comme un « prédicateur de la haine ».

Cette qualification, expliquait le ministre de la justice Paul Van Tchigelt, était du à son idéologie politique de gauche révolutionnaire, et non pas car Samidoun avait effectué des faits violents, ou en planifiait, sur le territoire belge, très peu probable selon un agent de l’OCAMEn bref, Mohammed Khatib voit son statut de réfugié menacé pour les positions politiques de son organisation, qui réclame la libération de la Palestine.

Dans une carte blanche publiée le 3 mai – dans un black-out médiatique le plus total – plus de 250 universitaires belges et internationaux dénonçaient fermement la volonté du gouvernement belge de retirer le droit de séjour de Mohammed Khatib. Nous relayons ci-dessous la carte blanche :

En tant qu’universitaires attachés à la justice et au respect des droits humains, nous dénonçons fermement la possibilité que le statut de réfugié·e soit révoqué pour des raisons politiques.

Pour rappel, le statut de réfugié·e est défini par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, que la Belgique a ratifiée. La Belgique est donc tenue de protéger les personnes qui en bénéficient. Mohammed Khatib a obtenu ce statut conformément à ce qui est stipulé dans la convention et du fait de la loi belge. Le statut de réfugié·e a pour but de protéger la vie des personnes et leur droit à la dignité.

Il ne peut être accordé ou retiré pour des raisons politiques. Conditionner le statut de réfugié, le statut de résident·e ou la citoyenneté en fonction de l’activité ou de l’affiliation politique de la personne concernée est un précédent dangereux qui crée une hiérarchie entre les différent·es citoyen·nes et les différents types de citoyenneté. Le droit à la liberté d’expression et le droit de participer à un mouvement social ne peuvent être soumis à l’arbitraire politique. Aujourd’hui, il s’agit de soutenir la cause palestinienne, et demain ?

Dans ce cas, l’annonce de N. de Moor, contribue à délégitimer et réprimer la lutte palestinienne et le soutien à la Palestine. En Belgique, chacun, réfugié·e ou non, Palestinien·ne ou non, doit être libre de s’exprimer et de s’organiser, doit être libre de défendre la cause palestinienne, le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes sur leur terre, ou de dénoncer le génocide à Gaza.

De plus, Mohammed Khatib n’a été reconnu coupable d’aucun crime ou délit : les accusations d’être une menace ou de prêcher la haine sont basées sur l’analyse faite par l’OCAM, et ne sont pas le résultat d’une procédure judiciaire transparente. L’éventuelle révocation du statut de réfugié de Mohammed Khatib s’inscrit dans une tendance dangereuse et de plus en plus répandue qui consiste à suspendre préventivement le statut administratif de personnes en raison du risque potentiel qu’elles pourraient représenter.

Ces évaluations de risque sont rarement effectuées sur la base de critères objectifs, mais plutôt sur la base de sentiments politiques, qui sont hautement contingents et évoluent avec le temps. Ces mesures préventives ont des conséquences dangereuses et profondes et créent un vide juridique qui permet d’imposer des sanctions administratives pour des motifs arbitraires. Les populations musulmanes et migrantes sont particulièrement vulnérables à ces types d’évaluation des risques, qui sont trop couvent imprégnés de préjugés et de partis pris raciaux et politiques.

L’annonce de N. De Moor s’inscrit dans un contexte plus large de la répression et de diffamation visant le mouvement palestinien et ses partisans en Belgique. Par exemple, ZinTV, un média bruxellois qui documente les luttes sociales, subit diverses pressions depuis octobre 2023, pour avoir accueilli un événement de Samidoun : pressions et diffamations de la part du conseil communal et sur les réseaux sociaux, tentatives d’intimidation, qui ont culminé avec la descente d’une brigade anti-terroriste dans leurs locaux en mars 2024.

En Flandre, le site d’information indépendant De Wereld Morgen et l’organisation pacifiste Vrede ont été les cibles de tentatives de censure politique, y compris d’intimidation politique explicite et d’utilisation de moyens administratifs à cette fin. Ces tentatives de censure de médias indépendants, qui s’ajoutent maintenant aux tentatives de faire taire les voix dissonantes, constituent une menace importante pour le débat public et les libertés civiles en Belgique.

Le droit à la liberté d’expression, le droit de s’organiser, le droit d’exercer une activité politique : ces droits fondamentaux doivent être protégés. Soutenir la Palestine n’est pas un crime !  »

Depuis l’annonce de la procédure à l’encontre de Mohammed Khatib, plusieurs organisations et associations en Belgique et à l’international ont témoigné leur soutien à Samidoun et à Mohammed et ont contesté la décision du gouvernement. Notamment en Belgique, l’Union Progressistes des Juif.ves de Belgique (UPJB), l’Association Belgo-Palestinienne (ABP), la Plateforme Charleroi Palestine, … ont rédigé des communiqués en soutien à Samidoun et à Mohammed Khatib.

Cette répression étatique à l’encontre de Samidoun, menace à la fois le droit fondamental de pouvoir s’exprimer et s’organiser politiquement, mais également celui des réfugié⸱es politiques en Belgique. Comme notée dans l’introduction, l’annonce de la procédure de de Moor, s’accompagnait d’une nouvelle loi augmentant le pouvoir de l’Office des Etrangers.

Ce projet de loi s’annonce comme une nouvelle offensive autoritaire de l’Etat belge, condamné un nombre incalculable de fois pour sa politique migratoire illégale, tant aux yeux du droit belge que celui international et européen. De nombreuses organisations et associations et personnalités appellent donc à soutenir Mohammed Khatib et Samidoun. Un soutien qui semble de plus en plus nécessaire, au vue de la récente décision des Etats-Unis et du Canada de classer Samidoun comme terroriste. Ce qui va peut-être également inspirée l’Union Européenne, qui a déjà débattu dans le passé à ce sujet.

Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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