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Après sept mois de négociations, le gouvernement Arizona (N-VA, MR, Engagés, CD&V et Vooruit) a conclu un accord ce vendredi 31 janvier 2025. La Ligue des droits humains dénonce un « recul alarmant des droits fondamentaux » et un « tournant sécuritaire inquiétant ». L’accord est signé, cela signifie qu’il sert de guide et d’objectif pour le gouvernement durant les 5 prochaines années ; les mesures ne sont pas encore votées au parlement. Tour d’horizon des mesures fascisantes qui traversent l’accord.

Tournant sécuritaire
• Plus de moyens pour la police : fusion et refinancement des polices locales, y compris les six zones de Bruxelles, avec une présence accrue dans certains lieux comme les gares.
• Déploiement de la reconnaissance faciale, malgré son inefficacité contre la criminalité et son impact sur les inégalités sociales.
• Renforcement des pouvoirs répressifs : fouilles préventives, facilitation et augmentation des SAC (amendes qui ne passent pas par la justice), transactions pénales immédiates : les policiers peuvent proposer à des voleurs de vélos, des détenteurs de drogues ou d’armes, d’échapper à la justice moyennant le paiement immédiat d’une amende. Ces transactions, décidées sans base légale claire, inquiètent les défenseurs des droits humains, et des avocat·es qui y voient une nouvelle attaque contre l’État de droit.
• Restriction du droit de grève : la protection juridique des syndicats ne s’appliquera qu’aux manifestations et grèves annoncées à l’avance.
• Loi anti-manifestation : possibilité pour un juge d’interdire à une personne de participer à des actions collectives pendant plusieurs années. Cette idée reflète la loi anti-casseur qui avait poussé le monde syndical a une forte mobilisation.
• Augmentation des places en prison : en en construisant des nouvelles, ou en louant des prisons à l’étranger pour les détenu·es sans titre de séjour. Augmentation du budget consacré à l’armement : en 2025, 1,39 % du PIB (7,34 milliards d’euros) sera consacré à l’armement, avec un objectif de 2 % en 2029 (11,57 milliards). Cela signifie 4,23 milliards supplémentaires pour des tanks et des obus, au détriment des pensions et de la sécurité sociale.
Aucune mesure concrète n’est prévue contre les violences policières et le profilage racial, malgré de nombreux décès liés aux interventions d’agent·es. La priorité reste le maintien de l’ordre, au détriment des droits humains. Une lettre ouverte de l’Observatoire International des Prisons dénonce les violations des droits fondamentaux des détenus avec ces mesures, violations déjà en cours notamment à cause d’une surpopulation carcérale critique. Il a été démontré que l’augmentation du nombre de prisonnier·ères découle de l’insécurité économique et de politiques répressives, et non d’une hausse de la criminalité qui, elle, est en baisse ces dernières années. L’État belge fait le choix d’investir massivement dans la construction de nouvelles prisons, ultime maillon de l’exclusion sociale.

Droits des étranger·ères
• Campagne de dissuasion intensifiée : une plus grande partie du budget sera allouée à dissuader les personnes de migrer vers la Belgique.
• Suppression des Initiatives Locales d’Accueil (ILA), les logements individuels et semi-individuels mis à disposition par les CPAS, entraînant une grande perte de places pour l’accueil des publics vulnérables (enfants, femmes, personnes LGBTQ+).
• Réforme des allocations : les primo-arrivant·es devront attendre cinq ans avant d’accéder à une aide sociale, ceci précipitera des milliers de personnes dans l’extrême pauvreté. Cette mesure a tout de la préférence nationale : ce n’est pas le besoin, mais l’endroit où l’on est né qui conditionne l’accès aux aides sociales.
• Naturalisation inaccessible aux plus précaires : le coût de l’acquisition de la nationalité belge passera de 150 € à 1 000 €.
• Regroupement familial* restreint : réduction du délai de demande de 12 à 6 mois, hausse des montants requis et introduction d’épreuves de connaissance du pays et de la langue. Comment des personnes précarisées vivant dans des pays où l’on ne parle ni français ni néerlandais pourraient répondre à ces exigences ? Des femmes interdites d’étude en Afghanistan par exemple ? Le regroupement familial constitue aujourd’hui une des voix les plus sûre pour fuir un pays.
• Politique de retour durcie : doublement des places en centres fermés et prolongation de la détention de 5 à 18 mois. Les 5 mois maximum ne sont d’ailleurs pas respectés aujourd’hui : des personnes sont détenues beaucoup plus longtemps dans des centres fermés au seul motif de ne pas avoir les bons papiers. Nous passerons donc de 600 à 1200 places au minimum, ce qui implique la construction de 4 à 6 centres fermés.
• Externalisation de la politique migratoire : des accords prévoient l’expulsion de sans-papiers vers des pays tiers, comme le Kosovo, sans considération pour les dangers auxquels ils et elles pourraient être exposé·es.
• Fusion de l’Office des étrangers avec la police : retour des visites domiciliaires pour arrêter par exemple des personnes sans-papiers à leur domicile et les expulser, renforçant la criminalisation des personnes étrangères.
• Réexamen des protections accordées : possibilité de retirer l’asile aux ressortissant·es de pays jugés de nouveau sûrs, comme la Syrie. Des personnes installées depuis des années pourraient être expulsées du jour au lendemain, y compris des enfants ayant grandi en Belgique. Et sur base de quels critères ? La menace permanente de retirer l’asile pèse sur l’intégration et la santé mentale.
Cet accord est un approfondissement des politiques migratoires fascisantes déjà en place en Belgique, alors que l’État belge a été condamné plus de 8 000 fois ces dernières années en raison de sa politique d’asile.

Droits sociaux :
• Limitation des allocations de chômage à maximum deux ans d’affilés, sauf pour les plus de 55 ans.
• Allocations dégressives accélérées : les allocations seront plus élevées au début du chômage, mais baisseront plus vite qu’actuellement.
• Suppression de l’interdiction du travail le dimanche : les commerces pourront ouvrir le dimanche sans avoir besoin d’une dérogation, ce qui va augmenter la pression sur les salarié·es, les poussant à accepter des horaires qu’ils ne désirent pas forcément.
• Fin des primes pour le travail en soirée (20h-minuit), pouvant entraîner une perte de salaire de plus de 200€ par mois, pour des métiers souvent pénibles et fatigants, dont par exemple les infirmier·ères.
• Sanctions financières pour les malades : si la personne ne remplit pas les obligations administratives ou manque une convocation médicale, son indemnité peut être réduite de 10% ou suspendue.
• Sanction financière pour les médecins : les données du médecin traitant seront partagées sur une plateforme accessible à la médecine du travail et à des organismes comme Actiris et le VDAB, soulevant des risques pour la confidentialité des données. Un data mining* permettra d’identifier les médecins prescrivant un nombre jugé excessif d’incapacités de travail, entraînant un suivi et une responsabilisation financière.
• Les personnes en incapacité de travail depuis plus d’un an verront leurs indemnités de chômage réévaluées régulièrement et pourront être soumises à un parcours obligatoire de réintégration professionnelle. Qui effectuera cette évaluation et à quelle fréquence ?
• Les conditions d’accès à une pension complète ou minimum se durcissent. Un malus réduira la pension pour chaque année de départ anticipé. La définition du travail « effectif » est restreinte, compliquant l’accès à une pension complète ou minimum, une mesure qui pénalise surtout les femmes qui sont le plus touchées par les carrières incomplètes. Les fonctionnaires perdront certains avantages, leur pension étant progressivement alignée sur celle, bien plus basse, du secteur privé.
• La pension de survie, une allocation versée au ou à la conjoint.e après le décès de son ou sa partenaire pour garantir un revenu en l’absence de cotisations personnelles suffisantes, sera supprimée, affectant particulièrement les femmes (95 % des bénéficiaires), notamment celles ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants.
Ces mesures plongeront plus rapidement les chômeur·ses sous le seuil de pauvreté, les enfermant dans une précarité difficile à briser tout en les stigmatisant. La précarisation du marché du travail, sous couvert de flexibilité, forcera les plus démuni·es à accepter des emplois dangereux et sous-payés. Le transfert des chômeur·ses vers le CPAS fera exploser les demandes d’aides sociales dont les paiements reviennent aux communes (et non au fédéral, qui fait ainsi des économies sur le dos des communes, aggravant les inégalités sociales entre les communes riches et pauvres). Quant au droit à une pension décente, il s’érode, pénalisant en particulier les femmes, aux carrières souvent incomplètes en raison d’une répartition inégale des tâches domestiques.

Climat et environnement
• Respect des accords internationaux (Paris, Montréal, Green Deal) et des objectifs climatiques.
• Encouragement de l’extraction de métaux rares en Europe pour développer l’électrique.
• Verdissement des bâtiments et véhicules gouvernementaux.
• Révision du plan climat 2030 selon l’économie et le pouvoir d’achat. Les objectifs écologiques seront donc adaptés aux entreprises.
• Fiscalité incitative : TVA réduite pour la démolition-reconstruction afin d’encourager la rénovation de bâtiment, soutien aux pompes à chaleur, taxation accrue des chaudières polluantes, harmonisation de la taxe sur les billets d’avion.
• Décarbonation des infrastructures aéroportuaires alors que les émissions du secteur proviennent des vols eux-mêmes.
• Réduction de 675 millions d’euros de la dotation à la SNCB : suppression d’arrêts, de gares, voire de lignes, ainsi qu’une hausse des tarifs. L’objectif est de la rendre plus « compétitive », en vue d’une possible libéralisation du marché.
• Absence d’une politique fédérale pour le vélo.
• Approche pro-croissance, sans décroissance.
Le chapitre sur le climat débute par : « Une politique climatique ambitieuse va encore plus de pair avec une politique de croissance économique et industrielle ambitieuse. » Un signe clair que l’accord privilégie les profits à court terme des entreprises plutôt qu’une action climatique réelle. Les termes « évaluer, étudier, envisager » y sont omniprésents, témoignant d’une prudence qui sert avant tout les intérêts économiques. Aucune volonté affichée de réduire l’exposition aux PFAS* ou aux pesticides : la santé publique et l’environnement passent au second plan. L’Arizona évite ainsi tout véritable affrontement avec les enjeux climatiques. La diminution de la dotation à la SNCB montre clairement que l’écologie ne fait pas réellement partie des plans du gouvernement.
Pour finir, soulevons que tous les ministres sont blanc·hes, issu·es de familles aisées, et que 11 sur 15 sont des hommes. Le profil des ministres en dit long sur les gens à qui les politiques mises en place vont bénéficier. Les syndicats et la société civile appellent à une large manifestation le 13 février à 10h30, à la Gare du Nord de Bruxelles. Des actions auront désormais lieu tous les 13 du mois, la FGTB appelle à un « marathon de résistance ».
Définitions :
- Data mining : extraction de données importantes à partir d’un vaste ensemble de données.
- Primo-arrivant·e : Une personne étrangère qui s’installe pour la première fois dans le pays et qui répond à certaines conditions spécifiques, telle que non membre de l’Union européenne. Cette notion est surtout utilisée dans le cadre des politiques migratoires.
- Regroupement familial : Une procédure, en Belgique, qui permet à certaines personnes de rejoindre un membre de leur famille résidant légalement en Belgique. Cette possibilité est encadrée par des conditions strictes, qui varient selon le statut du regroupant (la personne déjà en Belgique) et du regroupé (la personne souhaitant rejoindre son proche).
- PFAS : Les substances per- et polyfluoroalkylées , ou PFAS, représentent une vaste famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, ces substances sont largement utilisées depuis les années 1950 dans diverses applications industrielles et produits de consommation courante. Ils ont comme point commun d’être persistants dans l’environnement. Les travaux scientifiques sur certains PFAS connus montrent qu’ils peuvent avoir des effets délétères pour l’être humain : augmentation du taux de cholestérol, cancers, effets sur la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie, sur les reins, etc.
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