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Contre toutes les guerres... sauf les guerres « justes » ?

Contre toutes les guerres... sauf les guerres « justes » ?

Des ravages du moindre mal et de l’anti-impérialisme en milieu anarchiste

(brochure 32 pages - PDF joint)
Novembre 2022
waragainstwar@riseup.net

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CONTRE TOUTES LES GUERRES... SAUF LES GUERRES « JUSTES » ?

En matière de guerre –et on le voit actuellement à propos de l’Ukraine–, les analyses dominantes portent en général sur les causes et conséquences géo-politiques ainsi que sur les stratégies politiques et militaires, avec selon les cas plus ou moins de profondeur ou de soumission aux récits officiels. Ça discute de paix et de guerre et des relations entre l’une et l’autre, dont même certains commentateurs acquis aux pouvoirs ont su rendre compte avec une certaine subtilité, depuis le « si vis pacem, para bellum » (« si tu veux la paix, prépare la guerre ») de la Rome antique remis au goût du jour en passant par la conception de la guerre comme « prolongement de la politique par d’autres moyens », selon le général Von Clausewitz.

A destination des masses, y compris à prétention cultivée et intellectuelle, l’on continue à produire industriellement du storytelling binaire mettant en scène le Bien contre le Mal, la guerre juste contre l’ennemi fourbe et cruel, et la grande tragédie des civilisations humaines. L’apocalypse de Jean décrit le cavalier apportant le fléau de la guerre comme ayant reçu « le pouvoir de bannir la paix de la terre, et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres ; et on lui donna une grande épée », et c’est sous belle reliure que ces pages ont été jointes il y a des siècles à celles des livres rebaptisés « ancien testament » et qui vantent ad nauseam les conquêtes militaires et massacres perpétrés avec l’aide de Yahvé pour accompagner le glorieux destin de son peuple élu et punir pécheurs et impies.

La dimension géopolitique est évidemment digne d’intérêt, à deux conditions : d’abord la replacer dans la dynamique du capital –dynamique de crise sévère en l’occurrence– dont les Etats ne sont que les appendices et les bras armés ; ensuite ne pas perdre de vue que l’histoire demeure avant tout l’histoire de la lutte des classes. Aussi mondialement totalitaire et omnipotent soit-il, le capita-lisme ne durera que ce que nous serons mondialement disposés à supporter. De ce point de vue, la guerre est le paroxysme de la défaite des exploités, réduits au rôle de chair à canon, voués à s’étriper avec les exploités d’en face, pour le profit de leurs propres exploiteurs. Toute guerre capitaliste nécessite la constitution d’unions sacrées derrière tel Etat ou telle fraction bourgeoise, autrement dit la dissolution de notre classe dans le « peuple », uni (et soumis) derrière le drapeau.

« Guerre et paix ont toujours été deux mots différents recouvrant une continuité de l’exploitation et de la domination. (…) Les anarchistes sont contre la guerre, contre toutes les guerres. Mais nous sommes aussi contre la paix. Nous sommes contre la paix des marchés, contre la paix de l’autorité, contre la paix de l’abrutissement et de la servitude. »  [1]

La paix sociale est donc l’assise permettant à l’Etat de se lancer dans la guerre, et la mobilisation doit même la consolider. Quant au développement de la guerre et de ses massacres, ils mettent toujours potentiellement en jeu cette concorde sociale, qui soit s’oriente vers davantage d’union nationale et de fanatisme guerrier soit se fissure et se trouve rompue par l’insubordination, la fraternisation, l’internationalisme de classe, le défaitisme révolutionnaire [2] . Retenons-le pour la suite : que ces élans subversifs se produisent ou pas, selon les époques et les lieux, rien d’autre ne pourra réellement s’opposer à la guerre. Dit autrement, le seul réel obstacle aux massacres guerriers, c’est le refus non pas philosophique mais actif, la reprise de la lutte, la guerre sociale, la guerre des sans-patrie contre leurs propres Etats.

En définitive, en acceptant quelque union nationale que ce soit, c’est toujours l’Etat, la société marchande et leur capacité de nuisance (et de répression) que l’on défend et renforce, fut-ce au nom d’un moindre mal ou d’un idéal d’émancipation contre une menace d’oppression plus grande. Pour ce faire, il faut des régiments prêts à passer du turbin aux tranchées lorsque retentit le clairon, il faut que flottent les couleurs nationales aux fenêtres des exploités comme des exploiteurs. Parmi ces derniers, il suffit enfin que certains, occupant des responsabilités stratégiques moins en vue, agissent et s’organisent en sachant pertinemment que ce qui se joue réellement à tout moment et en tout point du globe, c’est la guerre sociale, le risque insurrectionnel, et plus fondamentalement l’affrontement entre la société capitaliste dont ils tirent leurs privilèges, leur puissance, et la perspective de son renversement révolutionnaire.

On le sait, la représentation des événements fait l’objet d’une production idéologique permanente au service de la reproduction des rapports sociaux existants. Tandis que l’on nous convie à la chasse aux « fake news », c’est en réalité tout événement porté à notre attention (au détriment d’autres, minimisés voire occultés) qui est sélectionné, hiérarchisé, soumis à un lexique et un récit spécifique. Lorsque l’Etat a besoin d’inventions pures et simples, elles sont produites selon le même processus, sur base d’une matière sociale existante, distordue, falsifiée. Cette production de récits et de contre-récits balisés fait intégralement partie de la machine de guerre contre toute critique subversive, contre toute possibilité de dégager un horizon souhaitable au-delà du mur de la marchandise.

Ainsi en va-t-il aujourd’hui de la focalisation sur la guerre en Ukraine (guerre qui avait d’ailleurs amplement commencé dès 2014) en regard de la catastrophe guerrière et destructrice globale du capitalisme. Les médias d’Europe occidentale, lâchant les obsessionnelles statistiques « Covid », s’y sont engouffrés aussitôt avec moults détails quotidiens affreux sur l’invasion russe, ce que l’on entend moins lorsqu’il s’agit de faits d’armes tout aussi dégueulasses de « nos bons Etats », d’Etats « amis » (ceux à qui l’on vend des armes) ou de coalitions sous égide occidentale à travers le monde. Comme le rappelle à juste titre le texte « Ne vous battez pas pour « votre » pays » (Internationalist Perspective [3]) :

«  Une bien étrange expression, « crime de guerre ». Une expression redondante, en effet, parce que la guerre est par définition un crime, le plus grand de tous les crimes. Quel que soit le but, les moyens sont toujours le meurtre de masse et la destruction. Il n’y a pas de guerre sans massacres atroces. L’expression suggère qu’il y aurait deux façons de faire la guerre : une civilisée et une criminelle. »

C’est certes dans ce cadre du « droit » et d’une distinction idéologique entre guerre civilisée et guerre criminelle qu’œuvre une organisation comme Amnesty international. Notons tout de même qu’après diverses publications sur les « crimes de guerre » perpétrés par l’armée russe en Ukraine, Amnesty publie le 4 août dernier un rapport intitulé « Ukraine, Les tactiques de combats ukrainiennes mettent en danger la population civile », étayé par divers relevés et témoignages de terrain. En voici le propos liminaire :
« Les forces ukrainiennes mettent en danger la population civile en établissant des bases et en utilisant des systèmes d’armement dans des zones résidentielles habitées, notamment des écoles et des hôpitaux, lors des opérations visant à repousser l’invasion russe qui a débuté en février.
Ces tactiques de combat violent le droit international humanitaire et mettent gravement en danger la population civile, car elles transforment des biens de caractère civil en cibles militaires. Les frappes russes qui en ont résulté dans des zones habitées ont tué des civils et détruit des infrastructures civiles.
 » [4]

Suite à cette publication, Amnesty, pourtant fleuron zélé de l’humanitarisme international, a fait l’objet de multiples attaques dans la presse occidentale, sous l’accusation de soutenir la Russie. La publication du rapport a toutefois été maintenue et précédée d’un communiqué de presse pour répondre à ces accusations, ce qui indique le climat actuel de pression et de propagande, pas seulement de la part de la Russie. En Ukraine, dès février 2022, les principaux médias ont été regroupés en une seule entité appelé United news afin que la nation parle d’une seule voix.

Faisant preuve d’un opportunisme de bon aloi, « le 15 mars, la Verkhovna Rada d’Ukraine (Parlement) a adopté une loi établissant des restrictions sans précédent dans toute l’histoire de l’Ukraine indépendante sur les droits des travailleurs et les activités des syndicats. Cette loi est destinée à réglementer les relations de travail dans le cadre des hostilités lancées par la Russie en Ukraine. Le gouvernement considère qu’il s’agit d’une mesure nécessaire dans des conditions de guerre et que les syndicats sont contraints d’accepter cette situation sans protester. Les syndicats disent que c’est une excuse pour la déréglementation puisque quelques mois avant le déclenchement de la guerre un projet de loi avait déjà été déposé qui envisageait des restrictions au droit du travail… sur les conseils du ministère britannique des Affaires étrangères (source : Serhiy Guz / OpenDemocracy, le 18 mars 2022). On comprend bien ici le lien entre oligarques, russes ou ukrainiens, finalement peu importe, et le gouvernement conservateur britannique. » [5]

Du côté de la popote politicienne, le 20 mars dernier, le président ukrainien Zelenski a décidé, pour la période couverte par l’actuelle loi martiale, de suspendre onze partis politiques jugés trop proches de la Russie dont trois d’entre eux siègent au parlement ukrainien, ce qui fait un peu tache en matière de « démocratie libérale à défendre contre l’autocratie russe ».

Toute opération militaire est ainsi précédée et accompagnée d’une reconfiguration idéologique avec, dans tous les camps, ses censures, ses réécritures, ses emphases, ses revirements et ses éternels recyclages. L’amplification médiatique de ce remue-ménage fait son œuvre et participe à oblitérer les réelles ruptures, toujours minoritaires, avec le cours meurtrier des choses. A l’heure des tambours, le simple pacifisme conséquent peut être courageux car réprimé, mais il conserve toutes les limites d’une objection morale, contre le fait de prendre les armes, contre la guerre et pour la paix, pour des Etats en paix, pour des Etats sans armée ou des armées (et forces de l’ordre) « sous contrôle démocratique ». L’antimilitarisme conséquent quant à lui ne se veut radicalement d’aucun camp si ce n’est celui de la révolution, ne prenant parti dans aucune guerre si ce n’est dans la guerre sociale, celle que l’Etat nous mène partout et tout le temps, « en temps de guerre » comme « en temps de paix », pour reprendre cette distinction très discutable. Cet antimilitarisme révolutionnaire est internationaliste en ce sens qu’il n’a pas de patrie, et pas davantage de patron. Il n’est pas en soi contre l’usage des armes dans la lutte mais contre leur usage militaire, contre toute conception militaire de la lutte et de l’insurrection, contre toute organisation militaire, séparée, spécialisée.

Dans le confusionnisme ambiant, plutôt que de critiquer l’antimilitarisme pour ce qu’il est, à savoir une position de classe, il est plus aisé de le dénaturer, de l’assimiler à du pacifisme, à une pétition de principe contre l’usage des armes, et le taxer de luxe intellectuel pour parleurs de salon qui ne sont pas confrontés à la réalité de la guerre. L’on recycle ici ce postulat qui est loin d’être neutre : les choix faits par des personnes ou groupes immergés dans telle situation auraient plus de valeur que le point de vue que l’on peut avoir sur ceux-ci. Par le plus grand des hasards, ce postulat n’est jamais utilisé pour appuyer un mouvement de lutte conséquent et déterminé, contre ses fossoyeurs ; il est par contre systématiquement utilisé contre toute critique radicale, pour défendre les pratiques de collaboration avec l’Etat et la bourgeoisie, en fétichisant une sorte de libre-arbitre absolu d’une classe ouvrière qui « en situation » aurait donc toujours raison, du moins quand cela arrange le discours dominant. C’est en fait un postulat libéral-démocrate dans toute sa splendeur, une arme de division qui délimite des territoires entre lesquels il s’agit d’empêcher la critique camarade, internationaliste, de circuler. C’est aussi une manière d’attacher les prolétaires à « leur » entreprise, « leur » économie nationale, à l’histoire de « leur » patrie, de « leur » nation, aux intérêts de « leur » bourgeoisie, plutôt qu’à l’expérience historique de leur classe, qui n’a pas de frontières.

Nous avons découvert, au moment de boucler la présente publication, la traduction française d’un texte récemment publié en tchèque, « Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en Ukraine » [6], qui se présente comme une « tentative de réflexion critique sur les tendances militaristes contemporaines dans le mouvement anarchiste » et déclarant d’emblée qu’« il est frappant de voir combien de personnes se réclamant de l’anarchisme ont embrassé la propagande bourgeoise-démocratique avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, et soutiennent la mobilisation de guerre coordonnée par l’Etat ukrainien ». Ce texte dont nous ne pouvons qu’encourager la lecture met en exergue 31 mythes véhiculés par cette propagande pour les analyser et y répondre d’un point de vue révolutionnaire, en citant divers groupes à travers le monde ayant pris position contre la guerre, contre tous les camps étatiques.

Parmi bien des questions abordées, la dénaturation de l’antimilitarisme et le postulat du primat de l’immersion que nous venons de critiquer y sont déclinés en 4 points :

« Mythe 23 : L’antimilitarisme est important, mais c’est un problème quand il devient un dogme.
(…) L’antimilitarisme n’est pas une construction idéologique abstraite coupée de la réalité. Au contraire, c’est un processus vivant qui émerge de la vie et des luttes de la classe ouvrière. Des expériences de personnes en chair et en os. Lorsque nous parlons d’antimilitarisme, nous parlons de principes testés par la pratique, et non de traités théoriques tombés du bureau des universitaires. Nous n’adhérons pas à un dogme. Au contraire, nous confrontons constamment nos positions à la réalité, qui nous a montré à maintes reprises qu’être antimilitariste avait du sens pendant la Première Guerre mondiale, tout comme dans le cas de la guerre actuelle en Ukraine. (…)

Mythe 24 : Refuser de prendre part au combat du côté de la résistance ukrainienne est une manifestation de l’orgueil culturel de la gauche occidentale. (…)

Mythe 25 : Il est facile de refuser la participation à la guerre pour des personnes qui expriment leurs opinions dans un endroit sûr, loin de la guerre et qui n’ont pas à répondre aux bombardements de leurs villes. (…)

Mythe 26 : Les personnes qui critiquent la participation à la guerre depuis une distance sûre sont sans empathie et condescendantes parce qu’elles n’écoutent pas les gens sur le terrain.  »

Du côté des organisations et partis social-démocrates à travers le monde, rien d’étonnant à ce que l’on pousse à la guerre tout en parlant de paix, comme cela se pratiquait déjà en 1914, non par « trahison » vis-à-vis du prolétariat mais simplement par fidélité au capitalisme. Parler de paix pour l’Ukraine aujourd’hui signifie prôner une victoire au moins partielle de l’armée ukrainienne sur l’armée russe, juteuses commandes d’armes à l’appui (et principalement au bénéfice de l’industrie de l’armement des Etats-Unis), comme en témoigne le programme au doux nom de Facilité européenne pour la Paix.
« « Après cinq mois d’agression (russe), il est très important de montrer à l’Ukraine que nous la soutenons toujours », a affirmé la nouvelle cheffe de la diplomatie belge (Hadja Lahbib), alors que les 27 doivent donner leur accord de principe au déblocage d’une cinquième tranche de 500 millions d’euros de la Facilité européenne pour la Paix, pour financer les achats d’armements fournis à l’Ukraine » (Le Soir, 18/07/22). A noter que le gouvernement belge avait dès le début de la guerre sauté sur le contexte pour acter une augmentation récurrente du budget de la Défense, dont 1 milliard d’euros sous la législature actuelle.

Dans un texte intitulé « Des canons par centaines. L’effort de guerre français en période de paix » [7] , le Groupe Grothendieck analyse à partir du cas de la France la tendance européenne et internationale à augmenter les dépenses militaires. Le projet de loi français dicté par la DGA, Direction générale de l’armement, en vue de réquisitionner des capacités de production civile à des fins militaires, est lui-même calqué sur le Defense priorities and Allocations System Program (DPAS) des Etats-Unis. [8]

« Le 29 avril 2021, lors de l’adoption du budget pluriannuel 2021-2027, le « Fonds européen de la défense » est acté, et va mettre à disposition de l’industrie militaro-industrielle 8 milliards d’euros par an à redistribuer entre les groupes de production d’armement, agences européennes de sécurité et défense, lobbies, groupes de conseil et centres de R&D. L’Europe assume clairement son pouvoir militaire et enfin adopte une vraie stratégie industrielle en matière de production d’armes et d’outils numériques de sécurité. Tout en étant sous la botte de l’OTAN concernant la stratégie militaire, elle développe son propre complexe militaro-industriel, permettant d’être de plus en plus concurrentielle au niveau mondial. » L’adoption de ce budget européen en 2021 s’ajoute « à l’engagement pris par les 28 états membres de l’OTAN, lors du sommet de 2014 au Pays de Galles, de dépenser 2 % de leur PIB à l’horizon 2024. »
Sur le fond, le groupe Grothendieck souligne que « l’utilisation de cet imaginaire belliqueux (« effort de guerre », « économie de guerre », « menace », « réquisition », etc.) entendue à longueur de journée dans les médias n’est pas anodin, et a été déjà éprouvé comme technique de gestion de population pendant la crise du COVID (2020-2021) ».

Ces propos rejoignent ceux des « Lettres d’Ukraine (partie 1 – 18.03.2022) » [9] :
« Le gouvernement ukrainien et les médias dépeignent l’invasion comme le fruit d’événements « naturels » en inventant une nouvelle mythologie. Le ministre de la santé a vite remplacé la déclaration quotidienne du nombre de personnes infectées et tuées par le Covid à la déclaration du nombre d’enfants assassinés. Dans les discours du pouvoir, la guerre et la pandémie sont détachées de la normalité, on nie leurs causes et leurs conséquences dans la structuration même de l’État et du monde en général. Ils relèveraient de cataclysmes incontrôlables. Le meurtre de masse de la population civile ukrainienne est décrit de manière apolitique par l’État et les médias mainstream : il aurait pour origine une population héréditairement et génétiquement inhumaine d’« orcs » russes. L’État ukrainien essaie tout simplement de survivre certes et pour ceci il entend nous inculquer que ne pas vouloir sacrifier notre vie pour le protéger relève d’une pure et simple trahison. »

Y fait enfin écho ce constat de Temps critiques :
« Du monde d’après qui ne serait plus comme celui d’avant, il ne resta finalement que le maintien d’une récurrence théorique autour de la transition énergétique ; parce que loin de « disrupter » avec la crise sanitaire hier et la guerre en Ukraine aujourd’hui, cette transition est au centre d’un projet à long terme de « développement durable ». Elle est la tête de pont du projet : « il faut que tout change pour que rien ne change » comme disait Lampedusa dans Le Guépard. » [10]

L’onde de choc idéologique accompagnant la guerre en Ukraine et la difficulté à maintenir à contre-courant une position conséquente ont également touché les milieux qui se revendiquent de la critique radicale et notamment de l’anarchisme, ainsi que nous l’évoquions plus haut avec le texte « Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en Ukraine » [11] . Dès avant l’invasion russe de fin février, le site du groupe nord-américain Crimethinc (dont le recueil « Entre deux feux » est publié dès le mois de mars) s’est fait majoritairement le relai de la tendance, parmi divers groupes se réclamant de l’anarchisme (en Ukraine, Russie et ailleurs), à considérer la guerre en Ukraine comme une « guerre d’agression » de la part de la Russie, justifiant en retour de rallier d’une manière ou d’une autre la « guerre défensive » sous drapeau ukrainien. [12]

Le fait même, assez répandu, de considérer la Russie comme plus impérialiste en l’espèce relève d’une compréhension formelle, superficielle et non globale de l’impérialisme. Impérialiste, le Capital l’est en totalité et en toutes ses parties, à la fois en concurrence et interdépendantes. Le rôle international et la capacité de nuisance de l’Etat russe comme gendarme d’une partie du globe (au sens non pas strictement géopolitique mais surtout de capacité de répression des luttes là où des Etats seraient défaillants) n’est certes pas équivalent en termes de puissance au rôle dévolu à l’Etat ukrainien mais d’un point de vue révolutionnaire cela ne peut justifier de faire de celui-ci la victime de celui-là, et encore moins un allié potentiel, fut-il stratégique et circonstanciel. Accepter l’Etat comme compagnon de route, c’est invariablement rouler à tombeau ouvert.

Le distinguo entre Etat (pays, nation, peuple…) « agresseur » et Etat « agressé » constitue la prémisse la plus courante du raisonnement poussant à abandonner toute position de classe et à rallier un front nationaliste. L’on voit de surcroît ce distinguo se draper de grands principes (contre la guerre, contre le fait de choisir un camp impérialiste contre un autre…) tout en alignant les raisons contingentes qui justifieraient que ces principes intangibles ne s’appliqueraient justement pas dans le cas présent. D’autres y répondent sans ambage…

« Leurs intérêts, nos morts ! Nous ne prenons position pour aucun des Etats en conflit, que l’un soit catégorisé selon la morale politique bourgeoise dominante comme étant « l’agresseur » et l’autre « l’agressé » ou vice et versa. Leurs intérêts respectifs en jeu sont exclusivement les leurs et en opposition totale à ceux de la classe exploitée, c’est-à-dire nous autres prolétaires.  » [13]

Il ne faut pas remonter bien loin dans le temps pour trouver semblable controverse, comme l’indique ce texte de 2015 : « Nous sommes pour la révolution sociale, pour le bouleversement violent et profond des rapports sociaux existants, basés sur l’exploitation et l’autorité. Mais ces rocs de l’idéal anarchiste ne tiennent pas toujours aussi bien lors des tempêtes. Il n’était pas rare d’entendre des compagnons dire que l’intervention de l’OTAN en Libye n’était pas la chose la plus commode à dénoncer. De même qu’aujourd’hui peu de voix anarchistes s’élèvent contre l’intervention militaire de la coalition internationale en Syrie. Il n’est pas rare non plus de voir des anarchistes succomber au principe de l’opportunisme tacticien : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ».  » [14]

Nous nous retrouvons dans le même schéma aujourd’hui, bien décrit par Des anarchistes antimilitaristes d’Italie [15] : « Certains disent qu’il y a des situations exceptionnelles qui imposent une dérogation à ces principes. En réalité, c’est justement dans les situations « exceptionnelles » –celles dans lesquelles il est plus difficile de s’orienter de point de vue théorique et pratique– que les principes sont les plus nécessaires. Les principes révolutionnaires ne sont pas des constructions abstraites mais un distillat historique d’idées, de valeurs et de méthodes (…) », nous dirions même plus un condensé d’expérience des luttes passées car il n’y a pas en soi d’idées révolutionnaires, de théorie révolutionnaire, si ce n’est la décantation de l’expérience humaine d’affrontement à la domination de classe, à l’expropriation, à l’exploitation, à la guerre. Et les camarades de poursuivre : « Vu qu’il est largement connu que certaines sirènes deviennent beaucoup plus persuasives quand l’ennemi est aux portes, il serait curieux de soutenir que lors d’une guerre, il faut mettre de côté son antimilitarisme et son internationalisme ».

Interviewée par le groupe Moiras en Espagne le 13 mars dernier, la section russe de l’AIT (KRAS) est très claire là-dessus :
« La participation des anarchistes à cette guerre dans le cadre des formations armées opérant en Ukraine, nous la considérons comme une rupture avec l’idée et la cause de l’anarchisme. Ces formations armées ne sont pas indépendantes, elles sont subordonnées à l’armée ukrainienne et exécutent les tâches fixées par les autorités. Elles ne possèdent pas de programme [politique] et n’ont pas de revendications sociales. L’espoir de mener une agitation anarchiste parmi ces formations armées est douteux. Il n’y a pas de la révolution sociale à défendre en Ukraine. En d’autres termes, ces personnes qui se disent anarchistes sont simplement envoyées pour « défendre la patrie » et l’État, jouant le rôle de chair à canon pour le Capital et renforçant les sentiments nationalistes et militaristes parmi les masses. » [16]

Pour ajouter au brouillage de piste, on nous invite à prendre parti pour le « peuple ukrainien » et son « droit à l’autodétermination ». C’est séduisant, rassembleur et passe-partout mais parler de « peuple » se fait une fois encore au détriment d’une compréhension subersive de la réalité et de la contradiction de classe qui la sous-tend. Là où « le peuple » se matérialise bel et bien (paix sociale, unité nationale, guerre…), c’est précisément là où nous avons été défaits, il ne faut jamais l’oublier. S’il est paradoxalement commun d’associer peuple et lutte (ou fronde face à l’Etat), cela participe en réalité à nouveau de la confusion délibérée entre la lutte (de classe) et ses fossoyeurs de tout bord, qui sont toujours « amis » ou « représentants du peuple » et de ses « intérêts », toutes classes sociales habilement confondues, afin de mieux neutraliser la lutte aux moments critiques et nous ramener désarmés dans le giron et les geôles de l’Etat.

Citons encore une fois le texte « Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en Ukraine » dans sa critique du mythe de l’autodétermination (Mythe 27) :
« Parler du droit à l’autodétermination devient très souvent un argument pour ignorer les horreurs que l’on choisit. C’est également considéré par certains comme une justification pour soutenir les tendances réactionnaires qui entravent les mouvements émancipateurs. C’est pourquoi nous voyons ensuite certains anarchistes s’offusquer du fait qu’un État ne respecte pas la souveraineté d’un autre, comme si la tâche des anarchistes devait être de lutter pour l’État et sa souveraineté. Nous pouvons également voir les mêmes anarchistes appeler à soutenir la partie de la population ukrainienne qui a décidé de se battre et de mourir pour la démocratie bourgeoise. Ils ont choisi de le faire, disent-ils, et nous devons les soutenir dans cette démarche, sous peine d’être irrespectueux, paternalistes et sans scrupules. En bref, cette partie des démocrates libéraux, qui, pour une raison ou une autre, s’appellent eux-mêmes anarchistes, sont prêts à soutenir même les tendances les plus hostiles à l’anarchisme, au motif que nous devons respecter l’autodétermination et les opinions des personnes qui expriment ces tendances. (…) Nous ne nous organisons pas pour que le monde entier nous trouve merveilleux, mais pour faire du monde un endroit où il fait bon vivre. Pour ce faire, nous avons certainement besoin de liens avec d’autres personnes, mais pas nécessairement avec tout le monde et à tout prix. Nous ne succombons pas à la manie de la quantité qui veut que plus vous réunissez de personnes, plus vous réussissez. Nous nous intéressons plutôt au contenu et à la raison pour laquelle les gens s’associent. Les positions réactionnaires et contre-révolutionnaires n’auront pas notre soutien, même si elles sont choisies par la grande majorité de l’humanité, car nous ne voyons pas cela comme une façon d’aborder notre émancipation.  » [17]

Les camarades anarchistes antimilitaristes d’Italie vont avec justesse dans le même sens : « nous ne pouvons pas nous taire sur certaines choses de fond, tout en sachant –sans qu’il y ait besoin que quelqu’un nous le rappelle– combien il est commode de parler loin des bombes. Mais précisément parce que certains débats deviennent presque impossibles quand la guerre est à la maison, les questions doivent être posées clairement là on l’on peut encore le faire. (…) Notre poids d’internationalistes est si léger que ce serait un comble de mettre sur la balance des idées erronées. Collaborer avec l’Etat ukrainien contre l’invasion russe et chercher à se tailler –à l’intérieur de cette collaboration– une autonomie d’action est selon nous une grave erreur. Non seulement parce que l’on contribue ainsi à continuer la guerre, mais parce que l’on combat, bon gré mal gré, pour le compte de l’OTAN et du capitalisme occidental. » [18]

La qualification d’« autodétermination populaire » demeure donc confuse en termes de contenu et de projet, en l’occurrence lorsqu’elle est convoquée pour qualifier le vaste mouvement protéiforme de solidarité et d’auto-organisation de la survie qui s’est développé en Ukraine sous le coup des horreurs de la guerre. Cette solidarité a bien sûr une origine de classe, et même de lutte lorsqu’il s’agit notamment de protéger la fuite de déserteurs. Ce ne sont en effet pas les bourgeois qui servent la soupe, tant s’en faut, eux qui tirent profit de la situation et de ses opportunités de spéculation.

La confusion n’en est pas moins manifeste lorsque l’on fait de l’ensemble de ces actions la preuve que « le peuple ukrainien » vivrait et s’organiserait dorénavant pour une part importante hors de la tutelle gouvernementale. Or, à moins d’être confronté à une situation insurrectionnelle, ce qui n’est pas le cas, l’Etat est toujours défaillant là où cela l’arrange de l’être, tant que cela ne représente pas un danger pour lui et pour l’ordre social, tant qu’il ne perd pas globalement le contrôle de la population. Ce discours fait de surcroît abstraction des prérogatives que l’Etat ukrainien ne se prive nullement de continuer à exercer en matière de défense nationale, d’attaque des conditions de vie, d’embrigadement et de répression.

Comme le rappellent les camarades de Tchéquie dans leur texte « Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en Ukraine » (Mythe 12) :
« Si l’État était réellement déstabilisé, rien n’empêcherait les gens de prendre des initiatives autonomes. Au lieu de cela, nous voyons l’État essayer de contrôler de manière centralisée les activités dans le pays et de supprimer les expressions d’autonomie. Le discours sur la déstabilisation de l’État ukrainien reflète un souhait plutôt qu’une réalité. L’armement de la population ukrainienne est soumis au contrôle de l’État, qui s’assure ainsi que ces armes ne soient pas utilisées contre lui. Cela nous ramène à la raison pour laquelle les combats défensifs des troupes ukrainiennes doivent être considérés comme une défense et un renforcement du rôle de l’État, et non comme une simple protection de la population bombardée. » [19]

Le glissement consistant à considérer l’ensemble des actions de solidarité comme participant globalement de « la résistance du peuple ukrainien », et ce de manière « relativement autonome » par rapport à l’Etat, amène comme par hasard de l’eau au moulin de la « guerre de défense », car la voilà désormais « populaire » et non plus purement militaire et gouvernementale. Résistance à qui ? A quoi ? A nouveau, la confusion est grande, et l’instrumentalisation des faits unilatéralement orientée, aux fins de ramener des indécis et des réfractaires potentiels sous les drapeaux. Ce qui est en effet encouragé et valorisé médiatiquement, politiquement, parmi tout ce qui se passe actuellement de complexe et contradictoire dans la population ukrainienne, ce n’est nullement l’action pour contrer la guerre en cours mais à proprement parler des formes d’action sociale de guerre, dans ce domaine dûment balisé où la « résistance populaire » partage avec l’Etat ukrainien l’unique cible du moment : l’ennemi russe.

Sur ce point encore, les camarades de Tchéquie font preuve d’une grande lucidité (Mythe 6) :
« L’État ukrainien veille à ce que les forces armées soient placées sous le com-mandement central de ses autorités et de son armée, auxquelles se soumettent même les « anarchistes » qui sont tombés tête baissée dans les tendances militaristes. On peut supposer que même si l’armée russe est militairement vaincue, l’État ukrainien cherchera à désarmer la population qu’il arme actuellement sous l’œil vigilant des autorités de l’État. Dans le passé, chaque fois qu’un État a permis aux anarchistes de s’armer davantage, il a ensuite fait tout son possible pour les désarmer. Les anarchistes ont plus d’une fois joué le rôle d’idiots utiles qui se sont d’abord battus pour les intérêts de l’État et de la bourgeoisie, qu’ils définissaient à tort comme les intérêts de la classe ouvrière, pour finir, après avoir mené ces batailles, dans les prisons et les chambres de torture, devant les tribunaux et les pelotons d’exécution des institutions mêmes qui leur avaient fourni des armes. » [20]

Un mot à présent sur la position que nous qualifierons de soutien éclectique. Elle part du principe –évoqué plus haut– que nous n’avons pas à juger des choix faits sur place et consiste à soutenir les groupes et personnes, sélectionnés sur base d’affinités antérieures ou de principe, et ce quels que soient ces choix, entre désertion, engagement sous le drapeau ukrainien, réseaux d’aide aux victimes des bombardements, aux personnes déplacées et/ou candidates à l’exil… On peut supposer que ce soutien aurait des limites, même si non-dites et donc imprécises. Cette position doit en tout cas assumer des contradictions et non des moindres, notamment entre la désertion et l’armée qui la traque, entre le soutien aux civils et l’armée qui les expose sans scrupule, entre la misère croissante au niveau mondial et l’augmentation généralisée des budgets militaires, bien entendu « pour mettre fin aux guerres d’agression ». Si l’on songe enfin aux manifestations de mères à Khust en Transcarpatie fin avril 2022 contre l’envoi des jeunes au front, et contre la corruption qui en préserve les familles bourgeoises [21] , y apporter un soutien éclectique amène à avoir le cul des deux côtés de la barricade.

Enfin, l’argument de la lutte antifasciste est lui aussi utilisé à foison, en l’occurrence dans les deux camps impérialistes, par Poutine aussi bien que dans l’argumentaire pro-ukrainien, avec de proclamés « fascistes » et « antifascistes » des deux côtés du front. On notera que l’intégration à l’armée ukrainienne du régiment Azov (dans le cadre de la reprise en main consécutive au mouvement de Maïdan de 2014) force des camarades à quelque souplesse tactique. [22]

La question est comme toujours, non pas de se contenter de dénoncer l’existant et son sinistre calcul marchand, mais de s’intéresser aux perspectives d’en sortir par le haut, de le subvertir, d’y agir pour s’en émanciper, à terme radicalement et définitivement. Que diverses velléités de s’opposer à l’invasion militaire russe voient le jour est une chose, qui mérite attention, encore faut-il voir comment et dans quel but. Même l’apparition d’un maquis hors armée ukrainienne, à la fois contre l’armée russe et contre les inévitables tentatives de militarisation nationaliste, poserait la question de ses buts, comme à propos de toute résistance armée. Le texte de Tristan Léoni « Adieu la vie, adieu l’amour. Ukraine, guerre et auto-organisation » [23] tente notamment de faire le point là-dessus. La question de la possibilité de mener une forme de résistance à la guerre, à l’Etat, contre toute forme de libération nationale, demeure brûlante, non seulement car elle met immédiatement des vies en jeu mais aussi pour la suite, et pour ses implications pour la lutte en général. Se raconter des histoires à ce propos est la pire chose que l’on puisse faire au nom de la lutte contre la guerre, au nom de la révolution.

Il en va en effet plus globalement de la possibilité d’agir contre ce qui nous détruit, question cruciale, directement internationaliste, et à partager plus que jamais. Le danger à propos de l’Ukraine et bien au-delà est que cette discussion elle-même soit niée et sabordée dès le départ, que le renoncement aux principes parvienne à s’imposer au nom d’un prétendu principe de réalité.

Comme le rappelle le texte « Contre la paix Contre la guerre » (2015) :
« Face à la guerre et au massacre d’insurgés, la proposition anarchiste ne peut qu’être celle de l’action internationaliste. Elle est avant tout refus de se rallier à un camp ou à un autre, considéré comme « moins pire », ou applaudissement des interventions militaristes de grandes puissances contre ou en faveur de tel ou tel camp. Dans ce contexte, l’action internationaliste consiste fondamentalement à défendre l’insurrection et la révolution sociale face à la réaction. Elle court le long de deux axes fondamentaux, celui de soutenir les tendances révolutionnaires et antiautoritaires au sein de l’insurrection même, et celui de l’attaque contre l’effort répressif et militaire ici. » [24]

Les camarades antimilitaristes anarchistes d’Italie tirent pour leur part ce bilan de la situation actuelle : « un choix internationaliste cohérent en Ukraine implique aujourd’hui des positions assurément impopulaires : dénonciation des responsabilités de « son » Etat et du camp occidental, revendication de la paix à toutes les conditions (c’est-à-dire au détriment du gouvernement et de l’armée ukrainienne), opposition à la loi martiale et à l’enrôlement forcé, soutien à tous ceux qui veulent fuir, emploi de moyens de lutte et d’autodéfense face à l’armée occupante qui échappent à la logique de guerre et de front, adoptables ensuite comme forme d’insubordination et de résistance contre la création d’un éventuel gouvernement fantoche de la part du Kremlin, satisfaction des besoins liés à la survie à travers l’expropriation de ceux qui se sont enrichis avec la liquidation des richesses au capital occidental. En quelques mots : paix avec l’ennemi de la nation pour approfondir la guerre contre l’ennemi de classe (…). Avec quelles forces mettre en œuvre un tel défaitisme ? Nous ne le savons pas. (…) Aujourd’hui nous pouvons seulement dire ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas. » [25]

Cet usage du terme de « paix » et sa revendication en tant qu’arrêt immédiat de la guerre interimpérialiste n’est ici ni « pacifiste » ni « pro-russe » mais nécessiterait une discussion plus approfondie, comme ce fut le cas en 1917 en Allemagne et en Russie de même qu’en 1918 avec l’opposition révolutionnaire à la signature par les Bolcheviks du Traité de Paix de Brest-Litovsk avec l’Allemagne. L’enjeu révolutionnaire ne sera jamais en soi la paix ou le retour à une situation « d’avant-guerre » mais la transformation de la guerre impérialiste en guerre de classe contre les exploiteurs. De même, la question du défaitisme révolutionnaire n’a de sens que d’un point de vue internationaliste : le besoin du capital d’être en permanence en guerres et sa capacité à les mener se joue au niveau mondial et pas dans le seul théâtre des opérations dont il est question ici.

Citons enfin le texte « Perspectives internationalistes en temps de guerre » de la revue Mauvais sang – journal bâtard pour la révolution (n°2, avril 2022) [26] :
« Faisons circuler nos perspectives, nos pratiques et nos idées. Traduisons, écrivons, échangeons, dans les luttes, pour les luttes, avec pour horizon la destruction de toutes les frontières, de tous les États-nations et de toutes les fantasmagories de Peuples unis. Il est temps de réinterroger l’histoire révolutionnaire : à l’encontre des révolutions nationales du XIXe siècle, la nécessité de l’internationalisme face aux limites des guerres d’indépendance nationale a été observée depuis longtemps. Pourtant, nous voilà encore une fois à devoir lutter contre certaines idéologies actives de défense de souveraineté nationale sous prétexte d’anti-impérialisme. À l’aune du XXIe siècle et d’une guerre meurtrière, souvenons-nous que nos perspectives radicalement anti-étatiques ne sont ni mortes, ni oubliées et qu’elles ont plus de sens que jamais ! »

On le verra parmi les textes qui suivent, concernant l’actualité, le thème de l’autonomie d’action vis-à-vis de l’Etat est récurrent, et sujet à contorsions et controverses. Reviennent aussi régulièrement des mises en parallèles historiques, avec les positions révolutionnaires sur la grande boucherie mondiale de 1914-1918, la critique du Manifeste dit des 16 (publié en pleine guerre), l’expérience révolutionnaire de la Makhnovchtchina dans l’Ukraine des années 1918-1921 et les discussions internationales qui s’en suivirent pendant la période d’exil, à propos de la guerre révolutionnaire, du défaitisme révolutionnaire, du mouvement insurrectionnel, de l’organisation de la lutte.

L’Espagne de 1936 est aussi convoquée, et forcément pas toujours à bon escient, lorsque l’on occulte ou minimise le renoncement au communisme libertaire mené avec la collaboration (gouvernementale) de la direction de la CNT au profit du tournant antifasciste et républicain (encore un « moindre mal » tactique) ou la militarisation fatale des milices, auquel fait écho l’actuel enrôlement « anarchiste » sous drapeau ukrainien, même s’il ne concerne qu’une poignée de militants dans la masse des troupes mobilisées et que le contexte actuel n’est pas comparable du point de vue révolutionnaire. Si un parallèle historique n’est jamais un argument mécanique, se réapproprier ces points saillants de l’affrontement entre révolution et contre-révolution de même que les controverses qu’ils ont suscitées parmi les révolutionnaires ne peut que nous aider à éclairer le moment présent, à y être mieux armés et plus tranchants.

Extraits de textes relatifs aux positionnements anarchistes et radicaux sur la guerre (et sur la guerre en Ukraine)

Réponse du groupe anarchiste international de Londres au Manifeste des Seize (avril 1916)

 [27]

« Les voilà dénonçant un impérialisme qu’ils ne découvrent maintenant que chez leurs adversaires. Comme s’ils étaient dans le secret des ministères, des chancelleries et des états-majors, ils jonglent avec les chiffres d’indemnités, évaluent les forces militaires et refont, eux aussi, ces ex-contempteurs de l’idée de patrie, la carte du monde sur la base du droit des peuples et du principe des nationalités. Puis, ayant jugé dangereux de parler de paix, tant qu’on n’a pas, pour employer la formule d’usage, écrasé le seul militarisme prussien, ils préfèrent regarder le danger en face, loin des balles. Si nous considérons synthétiquement, plutôt, les idées qu’exprime leur déclaration, nous constatons qu’il n’y a aucune différence entre la thèse qui y est soutenue et le thème habituel des partis d’autorité groupés, dans chaque nation belligérante, en Union sacrée. Eux aussi, ces anarchistes repentis, sont entrés dans l’Union sacrée pour la défense des fameuses libertés acquises, et ils ne trouvent rien de mieux, pour sauvegarder cette prétendue liberté des peuples, dont ils se font les champions que d’obliger l’individu à se faire assassin et à se faire assassiner pour le compte et au bénéfice de l’état. En réalité, cette déclaration n’est pas l’œuvre d’anarchistes.

(…) Producteurs de la richesse sociale, prolétaires manuels et intellectuels, hommes de mentalité affranchis, nous sommes, de fait et de volonté, des sans patrie. D’ailleurs, patrie n’est que le nom poétique de l’état. N’ayant rien à défendre pas même des libertés acquises que ne saurait nous donner l’état, nous répudions l’hypocrite distinguo des guerres offensives et des guerres défensives. Nous ne connaissons que des guerres faites entre gouvernements, entre capitalistes, au prix de la vie, de la douleur et de la misère de leurs sujets. La guerre actuelle en est l’exemple frappant. »

Réponse d’Errico Malatesta au Manifeste des Seize

« La révolution populaire exceptée, il n’y a pas d’autre façon de résister à la menace d’une armée disciplinée que d’essayer d’avoir une armée plus forte et plus discipliné, de sorte que les antimilitaristes les plus résolus, s’ils ne sont pas anarchistes et craignent la destruction de l’État, sont inévitablement conduits à devenir d’ardents militaristes.
En fait, dans l’espoir problématique de détruire le militarisme prussien, ils ont renoncé à toutes les traditions de liberté ; ils ont prussianisé l’Angleterre et la France ; ils se sont soumis au tsarisme ; ils ont restauré le prestige du trône branlant d’Italie.
Les anarchistes peuvent-ils accepter cet état de choses un seul instant sans renoncer à tout droit de s’appeler anarchistes ? Pour moi, même la domination étrangère subie de force et conduisant à la révolte est préférable à l’oppression intérieure volontairement acceptée presque avec gratitude, dans la croyance que, par ce moyen, nous serons préservés d’un plus grand mal. Il est tout à fait vain de dire qu’il s’agit de circonstances exceptionnelles et qu’après avoir contribué à la victoire de l’Entente dans « cette guerre » nous retournerons chacun dans notre propre camp et lutterons pour notre propre idéal.
S’il est nécessaire aujourd’hui de travailler en harmonie avec le gouvernement et les capitalistes pour nous défendre nous-mêmes contre « la menace allemande », cela sera nécessaire après, aussi bien que durant la guerre.

(…) La ligne de conduite des anarchistes est clairement tracée par la logique même de leurs aspirations. La guerre aurait dû être empêchée par la Révolution, ou au moins en inspirant aux gouvernements la peur de la Révolution. La force ou l’audace nécessaire a manqué. La paix doit être imposée par la Révolution ou, au moins, par la menace de la faire. Jusqu’à présent, la force ou la volonté fait défaut. Eh bien ! il n’y a qu’un remède ; faire mieux à l’avenir. Plus que jamais nous devons éviter les compromis, creuser le fossé entre les capitalistes et les serfs du salariat, entre les gouvernants et les gouvernés ; prêcher l’expropriation de la propriété individuelle et la destruction des États, comme les seuls moyens de garantir la fraternité entre les peuples et la justice et la liberté pour tous ; et nous devons nous préparer à accomplir ces choses.
En attendant, il me semble qu’il est criminel de faire quoi que ce soit qui tende à prolonger la guerre, ce massacre d’hommes, qui détruit la richesse collective et paralyse toute reprise de la lutte pour l’émancipation.

(…) Aujourd’hui, comme toujours, que ceci soit notre devise : À bas les capitalistes et les gouvernements, tous les capitalistes et tous les gouvernements.
Vivent les peuples, tous les peuples. »

Italie : Sabotons la guerre en déclenchant l’internationale

 [28]

« En tant qu’internationalistes qui ont été condamnés, ou qui ont eu le privilège – cela dépend des points de vue –, à vivre dans cette région du monde, la tâche qui nous incombe est celle du sabotage, du déraillement, du démantèlement, par tout moyen, de l’Unité nationale et du climat mortifère de paix sociale qu’elle génère. Voilà le rendez-vous de ces prochains mois, que nous ne pouvons absolument pas rater. L’Unité nationale nous prépare, en d’autres mots, à la paix interne entre les classes et à la guerre externe entre les nations. Au contraire, notre internationalisme a toujours crié : pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes. Nous répétons avec Galleani que nous sommes contre la guerre et contre la paix, mais pour la révolution sociale.
Cependant, l’internationalisme n’est rien d’autre, encore, qu’un sentiment. Même si corrigé par le principe que mon gouvernement est mon principal ennemi, comme tout sentiment l’internationalisme contient lui aussi une partie inexprimable. Le pas courageux que nous devrions faire est de passer de l’internationalisme à l’« Internationale ». C’est-à-dire penser et diffuser concrètement une conspiration historique, informelle mais réelle, des révolutionnaires du monde entier. Une « organisation », même si ce terme nous fait peur et attire sur nous les yeux de la répression. Mais quelles sont les alternatives ? La faim, la guerre, la mort. L’organisation de la vie humaine en société qui se fonde sur la hiérarchie et sur le profit a désormais démontré qu’elle ne peut pas gouverner la complexité qu’elle a généré et elle est en train de tous nous entraîner vers la catastrophe – sanitaire, écologique et militaire. Seul une révolution mondiale peut nous sauver. Mettons-nous à l’œuvre. »
Tiré de Bezmotivny, anno II, numero 4, 21 février 2022

La guerre commence ici

 [29]

« Quand il y a un siècle la Première Boucherie Mondiale terrassait des millions de vies, entraînant dans ses logiques guerrières la quasi-totalité de feu le mouvement ouvrier et révolutionnaire pourtant censé soutenir que, de par leurs conditions d’exploitation similaires, les prolétaires appartiennent au même camp quel que soit leur pays d’appartenance, des anarchistes internationalistes rappelaient que : « Le rôle des anarchistes quels que soient l’endroit ou la situation dans lesquels ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle, c’est d’appeler les esclaves à la révolte contre leurs maîtres. La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à cultiver l’esprit de révolte, et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées. »

(…) Les analyses géopolitiques et les calculs raffinés sont inutiles pour repousser la guerre, cela ne pourra se faire qu’en brisant le front intérieur qui s’érige jour après jour, en minant l’unité nationale, en s’opposant à la militarisation de la société et du langage qui ne date pas d’aujourd’hui (« guerre contre le terrorisme », « guerre contre le virus »…), en affirmant haut et fort que nous ne partageons pas plus les perspectives belliqueuses des pays de l’Union Européenne et de l’Otan que celle de la Russie de Poutine, et en incitant ouvertement au défaitisme : il s’agit de transformer la guerre des États entre eux en une guerre contre les États.

(…) Les productions d’armement et d’engins de guerre, de systèmes de défense et de sécurité, de surveillance et de contrôle qui servent à faire la guerre sont les mêmes que celles qui arment le bras de la répression ici.
La paix restera un vain mot tant que nous n’aurons pas détruit tous les États et leurs frontières, tant que fleuriront les intérêts de ceux qui s’enrichissent sur l’exploitation et sur la guerre, ceux qui l’ont voulue, ceux qui l’étudie, ceux qui la fomentent, ceux qui la promeuvent, ceux qui la financent, ceux qui la préparent, bref de tous ceux qui de près ou de loin collaborent avec elle. Quelles que soient leurs nationalités, ce sont eux que nous reconnaissons comme nos ennemis, car ils seront toujours des ennemis de la liberté. »
Tiré de Anarchie ! n° 23, mars 2022

Contre les guerres du capitalisme, notre réponse c’est la guerre sociale

 [30]

« Contre l’OTAN, contre l’UE, contre l’Ukraine, contre la Russie, pour la destruction de l’État-Capital
La classe dirigeante ukrainienne est tellement sûre d’elle qu’elle va jusqu’à distribuer des armes à la population sans qu’elle ait à craindre qu’elles soient retournées contre elle, même si les travailleurs et travailleuses là-bas (comme ici) ont toutes les raisons de le faire. La question n’est pas seulement que le prolétariat s’arme, mais ce qu’il fait de ces armes. (…) Rien ne semble plus séduisant que l’appel aux drapeaux pour défendre la nation, ce qui est toujours, en fin de compte, la défense de la bourgeoisie d’un certain territoire.

(…) Maintenant, rien ne semble plus urgent que la paix, que les actions militaires cessent, car, ce qui est vrai aussi, les hommes souffrent du massacre de toute guerre. Mais il ne faut pas oublier que la paix n’est rien d’autre que la paix de la domination du capital et que c’est une guerre contre l’humanité qui doit lutter quotidiennement pour sa survie, même si celle-ci a la possibilité d’être salariée.

(…) Ce qui nous inquiète à nouveau, mais qui ne nous surprend pas pour autant, c’est que de soi-disant anarchistes s’inscrivent dans ce conflit au sein de deux fractions bourgeoises opposées. Sous le couvert de la démocratie, de la souveraineté nationale, côte à côte avec des nazis et des nationalistes ukrainiens du côté de la nation ukrainienne et de l’OTAN et des intérêts impérialistes, de leurs partenaires et associés, et de l’autre côté, sous le couvert de l’antifascisme, de la souveraineté nationale, au côte à côte avec des nationalistes russes du côté de la nation russe, de ses partenaires et associés et ses intérêts impérialistes.

C’est ce qu’on peut déduire, que ce soit vrai ou faux, gonflé ou exagéré, de différents articles publiés soit par Crimethinc, soit sur d’autres portails d’information anarchistes. Il y est question d’une sorte d’Union Sacrée, où tous se battent ensemble contre l’agresseur russe, où le capital local est défendu contre un capital étranger. On y parle sans gêne de la nécessité de vivre dans une nation ukrainienne plutôt que dans une nation sous domination russe, directe ou indirecte. Ce qui, semble-t-il, a conduit et conduit encore à appeler à rejoindre l’armée ou différentes milices nationalistes et fascistes. Comment les anarchistes peuvent-ils parler de défendre leur propre pays, puisque nous n’avons ni pays ni patrie ?
Même si cela n’a pas la même portée, cela nous rappelle trop le Manifeste des Seize, un manifeste publié en réalité par quinze anarchistes qui se sont positionnés en 1916, en pleine Première Guerre mondiale, pour la guerre contre l’Empire allemand. Le plus connu des signataires était Piotr Kropotkin, originaire de Russie. Le soutien ouvert de quelques-uns aux Alliés et à l’Entente a provoqué un tumulte au sein des mouvements anarchistes, qui se reproduira seulement dix ans plus tard dans le débat sur le plateformisme.

Comme nous l’avons dit, le mouvement anarchiste international a rejeté ce Manifeste. Il convient de noter qu’environ la majorité absolue du mouvement a critiqué ce Manifeste et l’a accusé de trahir les principes anarchistes. Il ne s’agissait pas d’une guerre entre l’impérialisme allemand et le mouvement ouvrier international, mais d’une guerre entre Etats capitalistes, portée sur les épaules de la classe ouvrière. Parmi les critiques du Manifeste, on trouve Malatesta, Goldman, Bergman, Faure, Fabbri, Mühsam, Rocker et bien d’autres de grande renommée.

(…) Depuis la pandémie de Corona, la défense de l’État, garant de la santé et du bien-être, s’est répandue et pas seulement au sein de la gauche du capital, mais aussi dans les milieux anarchistes, qui se sont ainsi rangés du côté de la gauche du capital.

(…) Qu’il n’y a aucun sens à se positionner dans cette guerre capitaliste du côté de l’un ou l’autre des belligérants. Nous ne sommes pas de la chair à canon, ni pour l’OTAN, ni pour l’UE, ni pour la Russie ou qui que ce soit d’autre, peu importe à quel point telle ou telle fraction du capital se présente comme progressiste et respectueuse de l’être humain. Notre objectif est de libérer l’humanité du joug de l’esclavage salarié et de l’État, et nous devons emprunter cette voie et uniquement cette voie. Que tous les efforts du mouvement anarchiste doivent être de faire avancer une insurrection qui débouche sur une révolution sociale. Une guerre sociale et une guerre de classe partout et sans répit. Que nos efforts contre la guerre capitaliste doivent toujours être pour la guerre contre la classe dirigeante, que seules les masses exploitées peuvent mettre fin à ce massacre et à tout autre massacre, que nous partageons davantage avec nos prétendus adversaires – masqués par la mascarade du nationalisme – puisque nous sommes tous exploités sous la même domination du capital.

A bas la guerre capitaliste et la paix capitaliste !
Insurrection, révolte, révolution sociale !
Pour la communauté libre sans classe et sans État !
Pour l’anarchie !
 »

Ne vous battez pas pour « votre » pays

 [31]

« Pensez au Yémen par exemple, où les forces saoudiennes ont bombardé et affamé des civils bien pire que l’armée russe ne l’a fait jusqu’à présent en Ukraine. L’armée de l’air saoudienne n’aurait guère duré une semaine sans le soutien militaire et technique britannique et américain et la fourniture d’armes. Serait-ce aussi « une guerre pour la démocratie » ? Cette atrocité se poursuit, en dehors des projecteurs médiatiques. Dégagez, rien à voir. Pas de crimes de guerre ici.

(…) Nous vivons dans un système qui se heurte brutalement aux besoins de l’humanité. Un système en guerre contre la planète, en guerre contre la vie elle-même. Se battre, vaincre le système capitaliste, est la seule guerre qui ait du sens.

(…) L’expansion de l’OTAN signifiait une énorme expansion du marché pour l’industrie d’armement américaine (et d’autres pays occidentaux) parce que les nouveaux membres sont tenus de rendre leurs arsenaux conformes aux normes de l’OTAN.

(…) Cette armée a rétabli « l’ordre » dans le sang à l’intérieur (Tchétchénie), dans les États frontaliers (Géorgie, Kazakhstan) et à l’extérieur (Syrie). Mais en 2015, la production industrielle était encore inférieure au niveau de 1990.

(…) La meilleure nouvelle que nous ayons entendue à propos de la guerre est que certains soldats russes sabotent leur propre équipement et désertent. On ne sait pas combien. Nous ne pouvons qu’espérer que la désertion deviendra massive. Des deux côtés. Que les soldats russes et ukrainiens fraternisent et retournent leurs armes contre leurs dirigeants qui les ont envoyés à la mort. Que les travailleurs russes et ukrainiens fassent grève contre la guerre. Les manifestations pour la paix ne peuvent à elles seules arrêter la guerre si la population continue à endurer la guerre et toutes ses conséquences. Cela ne devient possible que lorsque la grande masse, la classe ouvrière, se retourne contre la guerre. La Première Guerre mondiale a été stoppée par la révolte de la classe ouvrière contre la guerre, d’abord en Russie en 1917 et un an plus tard en Allemagne. Mais c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, il n’y a pas d’atmosphère de rébellion de masse en Russie, mais les conséquences désastreuses de la guerre peuvent réveiller un géant endormi.

(…) Les dépenses sociales ont été réduites par les gouvernements ukrainiens successifs de 20% du budget en 2014 à 13% aujourd’hui. La grande majorité de la population ukrainienne était déjà pauvre et le sera beaucoup plus après la guerre. Ses intérêts et ceux de la classe dirigeante ne sont pas les mêmes. Tout comme en Russie. En Ukraine, les soldats russes et ukrainiens s’entretuent pour des intérêts antagonistes aux leurs.

(…) Depuis la « Grande Récession » de 2008, l’économie mondiale traverse une crise profonde. La rentabilité mondiale est tombée à des niveaux proches de leurs plus bas niveaux historiques. L’effondrement n’a été évité qu’en créant des sommes gigantesques d’argent et en préemptant massivement l’avenir.

(…) Aucune recette ne fonctionne pour juguler la crise d’un système qui dépend de la croissance, de l’accumulation de valeur, mais qui est de plus en plus incapable de l’accomplir.

(…) L’économie est plus mondiale que jamais. Les intérêts sont intimement liés. Vous ne pouvez pas punir votre ennemi économiquement sans couper dans votre propre chair.
(…) La guerre et les sanctions vont accélérer et approfondir la récession à venir, récession qui devenait de toute façon inévitable. Maintenant la guerre peut être blâmée pour cela. Biden l’appellera « la récession de Poutine ». Poutine accusera la guerre économique de l’Occident contre la Russie.

(…) Mais il existe une troisième différence, cruciale, avec les moments de pré-guerre mondiale du passé. Il s’agit de la conscience. Ce dont toute classe dirigeante a besoin pour soumettre sa propre population à un effort de guerre totale, c’est de la destruction de la conscience de classe, de l’atomisation des individus et de leur unification dans la fausse communauté de la nation. Poutine n’en est pas encore là. Il n’a pas le peuple russe dans sa poche comme Hitler avait les Allemands. Il est vrai que, malgré les nombreuses protestations en Russie contre la guerre, la résistance à celle-ci reste pour l’instant limitée. Mais les manifestations patriotiques de soutien à Poutine n’ont été vues nulle part, à l’exception d’un rassemblement général auquel beaucoup ont été poussés par l’État à participer. Poutine, en dehors de ses capacités militaires, ne peut pas généraliser la guerre comme Hitler a pu le faire parce que son contrôle idéologique est trop faible. D’un autre côté, c’est la raison pour laquelle il doit forcer l’escalade guerrière : sans victoire, il risque de tomber de son piédestal comme la junte argentine après la défaite des Malouines.

De même, dans la plupart des autres pays ayant une tradition de lutte sociale, le contrôle idéologique est trop faible pour entraîner la population dans une guerre de grande ampleur. Mais la classe dominante y travaille. Nous sommes intoxiqués. Nous réapprenons à vénérer les soldats comme des héros, nous réapprenons à applaudir les victoires sur le champ de bataille, nous réapprenons à accepter que nous devons faire des sacrifices pour l’effort de guerre. Et s’il n’existe pas de solutions nationales à nos problèmes – crise économique, dérèglement climatique, pandémies, appauvrissement, etc. – nous apprenons qu’il n’y a rien de plus beau que de se battre pour les frontières, de mourir pour la patrie. »

La guerre, nerf de l’argent

Par Kasimir – Emission Distro-Lapinothèque sur Radio Air Libre (Bruxelles) du 31 mars 2022 – extraits :

« La guerre n’est pas une tare, un excès, une monstruosité capitaliste mais la trame même de ce mode de production, entrelacée au fil de chaîne qui nous lie à lui, à tout moment et en tous points du globe. En ce sens, la guerre est surtout le prolongement… de la guerre. Les frontières sont des barrages filtrants tracées sur un continuum de production mondiale interdépendante, de marché mondial et de flux planétaires de marchandises et de valeur. Ce n’est pas tant l’argent qui est le nerf de la guerre que la guerre qui est le nerf de l’argent, et a fortiori du Capital.

(…) Ce jeu de domino géant, ce beau monde de transactions et de spéculation aura toujours besoin de la boue et du sang des champs de bataille pour assoir les positions des capitaux concurrents, derrière le jeu de dupe des drapeaux nationaux et leur cacophonie de marches funèbres. Pourtant, leur seul ennemi, c’est potentiellement nous, comme classe sociale qui n’a jamais rien eu à gagner de la catastrophe capitaliste, pas même dans ses miettes grappillées et son ruissellement toxique.

(…) La santé d’une armée peut toujours être menacée par l’émergence de la contradiction sociale en son sein et d’une fragilisation de l’unité nationale qui la soutient de l’arrière (question qui devient plus aigüe pour l’Etat si le conflit s’enlise et que le tribut de morts augmente) mais aussi par ce qui se produit socialement dans le pays dans lequel elle s’aventure, qui a son tour est lié à ce qui se produit dans le reste du monde, notre classe n’ayant pas de patrie, faut-il le rappeler. C’est ce qui distingue l’internationalisme de classe du pacifisme, qui ne se veut d’aucun camp au nom d’un principe abstrait. Dans une zone envahie se joue donc cet enjeu crucial : si une dynamique d’auto-défense s’enclenche, selon quelle logique, méthode, perspectives ? Quelle autonomie pourra-t-elle développer et surtout maintenir, socialement et opérationnellement, face à la toujours puissante dynamique étatique de militarisation, d’absorption dans la défense nationale, l’unité nationale, la libération nationale, la « guerre populaire »… autrement dit dans le renforcement de nos propres oppresseurs d’hier et de demain ? En Ukraine, tout en appelant à la « résistance », l’Etat continue à traquer les adultes mâles mobilisables, à les armer sans en perdre le contrôle. Derrière le sacro-saint « peuple en arme » se profile toujours pour l’Etat le spectre de la classe à désarmer. »

Quand la population se rebelle contre la guerre : en Russie et en Ukraine, des centres de recrutement sont attaqués…

 [32]

« Ukraine. La principale méthode de résistance à la guerre de la part de la population ukrainienne est de refuser d’y participer. De nombreux citoyens ukrainiens de sexe masculin, qui avaient auparavant quitté le pays pour travailler, ne sont pas pressés de revenir, craignant la mobilisation.

En avril, le projet de loi n°7265 a été soumis au Parlement ukrainien (Rada). Il prévoit qu’en cas d’introduction de la loi martiale – sur tout ou partie du territoire de l’Ukraine – les personnes qui, conformément à la loi, sont soumises à la conscription pendant la mobilisation, sont tenus de retourner en Ukraine dans les 15 jours. En cas de non-respect de cette loi, il est prévu d’introduire une responsabilité pénale pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. La mesure pourrait toucher des millions de personnes.

(…) Pendant ce temps, dans la ville de Khust, en Transcarpatie (extrême ouest du pays, très loin de la ligne de front), une véritable émeute anti-guerre a éclaté, organisée par des femmes qui ont protesté contre la mobilisation de leurs maris et fils.

Le 29 avril, une cinquantaine de femmes se sont rassemblées pour manifester devant le centre de recrutement de la ville de Khust, exigeant de savoir pourquoi leurs hommes, qui avaient été mobilisés pour la défense territoriale, ont été envoyés dans la zone de guerre sans explication.

La réunion pacifique s’est rapidement transformée en une manifestation devant le bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, lorsque le chef du centre, le commissaire militaire Zubatov, a refusé d’aller vers le peuple pour expliquer la décision. En réponse, les participants ont commencé à jeter des pierres sur les fenêtres et à pénétrer par effraction dans le bâtiment.

(…) En outre, le chef du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, Zubatov, a été accusé de corruption en raison de la délivrance de certificats d’inaptitude militaire à certains sans justification évidente, alors que le 14 mars 2022 il avait déclaré la mobilisation générale de tous les travailleurs masculins, peu importe s’ils étaient handicapés, parents de 3 enfants, ou sans absence totale d’expérience militaire.

Les manifestantes n’apprécient pas le fait que pendant que leurs proches sont obligés de se battre, et même sans équipement adéquat, les riches et leurs enfants continuent de vivre dans le luxe et de profiter de la vie. »

Fragments pour une lutte insurrectionnelle contre le militarisme et le monde qui en a besoin

 [33]

« Des faux alliés dans la lutte contre le militarisme. « Nul besoin de remonter jusqu’au Manifeste des Seize, où de célèbres anarchistes ont appelé à rallier un des deux camps en présence, celui de la tradition et du potentiel révolutionnaire français contre l’absolutisme du Kaiser allemand, pour trouver des exemples où des anarchistes perdent complètement le nord face à la guerre et aux intérêts qui s’y jouent. La plupart des discours « antifascistes » d’aujourd’hui reproduisent ainsi à une échelle miniature les mêmes erreurs qu’alors, à l’image de ce que « l’anti-impérialisme » très en vogue dans les années 70 avait également largement répandu : démocrates vs fascistes dans un cas, Etats du tiers-monde vs Etat occidental dans l’autre. Récemment, contre le « fascisme » des djihadistes en Syrie, le soutien a même pu aller jusqu’à l’acceptation dans son propre camp de la force aérienne des États-Unis, une position déjà présente lors de la guerre qui a déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 90. De la même façon, pour mettre un frein aux atrocités commises lors de « guerres civiles » dans maints pays d’Afrique, beaucoup défendent en se pinçant le nez les interventions internationales (de préférence celles des casques bleus, qui provoquent moins de répulsion que, par exemple, la Légion Etrangère française ou une coalition de l’OTAN). Aujourd’hui, on dirait presque que le fait que les armées occidentales aient recours pour effectuer leur sale besogne à des recrues volontaires plutôt qu’à une conscription de masse, soit le seul facteur qui nous épargne de voir des libertaires rejoindre les rangs de l’armée pour combattre des « méchants » qui seraient plus contre-révolutionnaires que les partisans de la démocratie marchande. » Extrait de Rompre les rangs. Contre la guerre, contre la paix, pour la révolution sociale. [34]

On pourrait penser qu’il n’est pas nécessaire de préciser qu’un État ne peut jamais être un allié dans la lutte contre le militarisme. Pourtant, les prises de position passées et récentes des antimilitaristes semblent nécessiter une telle clarification. Et quand je dis État dans ce contexte, je pense aussi à toute tentative militariste visant à créer un État ou à assumer d’autres tâches étatiques. Ce qui semble pour le moins illogique dans une perspective antimilitariste, telle que je la comprends, n’est en revanche pas du tout compatible avec une perspective anarchiste. Ce que l’on pouvait déjà observer auparavant dans les mouvements de solidarité avec le régime bolchevique, le Fatah et le Hamas ou dans le mouvement de solidarité avec Cuba, s’exprime ces jours-ci par exemple chez ceux qui brandissent littéralement les drapeaux des YPG et YPJ. Ce sont de braves anarchistes et antimilitaristes qui promènent les bannières des formations militaires, qui procèdent à des arrestations, gèrent des prisons et des camps et exigent de leurs mercenaires la discipline militariste de tuer sur ordre. Mais constater qu’il en est ainsi est moins intéressant que la question du pourquoi, qui elle est bien plus passionnante.

Comment se fait-il que des organisations ouvertement militaristes et autoritaires soient finalement défendues par leurs véritables adversaires comme un « moindre mal » – ce qui est encore le point de vue le plus honnête – ou même comme une « nécessité » dans la guerre contre le militarisme impérialiste ? Le fait que l’antimilitarisme serve ici de stratégie de mobilisation pour le militarisme peut sembler une ironie cruelle, mais je suppose que l’on voit ici plutôt les récupérations de l’antimilitarisme qui tentent de réinterpréter l’absence de guerre, l’ordre de la paix sociale et le contrôle répressif de toute tendance perturbant cet ordre comme l’objectif de tout antimilitarisme. Cela peut être l’objectif d’un antimilitarisme humaniste, communiste ou démocratique, mais cela me semble totalement insuffisant comme objectif d’un antimilitarisme anarchiste. Ce que je trouve passionnant dans l’exemple actuel de la solidarité avec le Rojava, qui est également reprise parmi les anarchistes, si ce n’est sans critique, du moins sans commentaire, c’est la manière dont est reproduite une certaine manière d’argumenter qui, à l’inverse, est critiquée à juste titre dans le cas d’une légitimation étatique, capitaliste ou nationaliste du militarisme et de la propagande en faveur de celui-ci. Il s’agit du récit d’une défense nationale – même si ce motif national est peut-être dissimulé et se cache en partie derrière des termes plus attrayants sur le plan identitaire comme « révolution des femmes » (oui, l’objectif de 40% de femmes aux postes et la présentation ciblée de militaires féminins par la propagande semblent déjà suffire aujourd’hui) ou « révolution écologique » – contre un ennemi en marche.

(…) A quoi pourrait ressembler une perspective insurrectionnelle qui ne s’attaque pas seulement au militarisme du régime turc, de l’OTAN et de l’EI, mais qui s’oppose également au militarisme des YPG et des YPJ et de leurs partis sociaux-démocrates à léninistes, du PYD et du PKK, ainsi que contre toute domination, y compris celle de ce que l’on appelle le confédéralisme démocratique et qui, de toute façon, ne peut être considéré comme anarchiste au sens du terme que dans l’esprit d’un trotskiste qui s’est déclaré anarchiste sans plus attendre ? »

La malédiction de Poutine (Mirasol, mars-avril 2022)

 [35]

« L’offensive russe contre l’Ukraine serait donc du point de vue de cet État, une opération de police visant à clore ce qui s’apparente dans l’esprit du pouvoir russe à une « parenthèse Maïdan », elle-même se situant dans le sillage de la révolution orange de 2004.

Cette séquence de maintien de l’ordre est la suite logique de la répression du soulèvement biélorusse de 2020, auquel l’État russe a répondu par une quasi-annexion du pays, puis à la répression du soulèvement au Kazakhstan de janvier 2022, qui a été aussi la première intervention de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance qui compte plusieurs pays de l’ex-URSS… mais pas l’Ukraine. Et désormais il s’agit de réparer cette situation.

(…) « Pour le nouveau pouvoir ukrainien, cette guerre était certes difficile, mais elle s’avérait également une occasion inespérée de solidifier son assise. L’énergie qui était née à Maïdan fut vite canalisée vers l’assistance volontaire à l’armée ukrainienne. Cette armée faible et à moitié ruinée n’était manifestement pas en mesure de faire face à l’armée russe. Ainsi apparurent les bataillons de volontaires, qui absorbaient d’ailleurs certains éléments des forces d’autodéfense de Maïdan. Désormais, défendre la « Révolution de la dignité » ne signifiait plus se retrouver sur les barricades à Kiev, mais sur le front. Et soudain, le mouvement s’éteignit complètement : on ne proteste pas alors que le pays est en guerre. » [36]

Comme ce texte le décrit, ce soulèvement était porteur d’une bien plus grande perspective… et fut défait. Les tendances qui portaient un dépassement du caractère nationaliste et pro-démocrates bourgeois du soulèvement furent spoliés, vaincues.

(…) L’État ukrainien est parfois dépeint comme un moindre mal. Ce type de raisonnement n’est pas le nôtre. Les États, comme par ailleurs les coalitions nationalistes interclassistes, finissent toujours par trahir et souvent massacrer les éléments révolutionnaires, comme le montre le bilan des luttes de libération anticoloniale. Pour autant, se réfugier dans une condamnation globale de toute tentative de résistance semble une position de principe sans déclinaison concrète…

A vrai dire, aucune position ne nous convainc à l’heure actuelle. Nous constatons la répression des pillages, l’effort montré dans la défense de la propriété privée au détriment des intérêts et besoins de la population. Nous rejetons donc à la fois toute théorisation d’un soutien même critique à l’État ukrainien… mais aussi la condamnation de principe des camarades qui prennent les armes. Nous ne pouvons que constater que pour l’instant l’horizon est bouché, suspendu à plus large perspective et notamment à la situation en Russie.

(…) Nous ne pouvons que constater que dans cette catastrophe capitaliste, comme c’est la règle, les États et leurs partisans défendront toujours en premier lieu la continuité du capital et utiliseront les populations comme des pions, quitte à les sacrifier dans les affrontements, pour faire pression, pour l’image, etc. Aussi, seule l’auto-organisation et la lutte révolutionnaire pourrait constituer une voie de sortie de cette tragédie…

(…) Comme l’ont montré (avec toute leurs spécificité) les 3 soulèvements du Belarus, du Kazakhstan et d’Ukraine – et on peut ajouter ici le Kirghizstan, la Syrie, l’Iran, l’Irak, le Liban… etc., – l’extension révolutionnaire n’est possible dans cette région du monde, qu’à la condition d’une neutralisation de l’État russe. L’explosion de ce verrou aurait des conséquences immenses, mondiales. Qui sait jusqu’où pourrait aller une telle contagion révolutionnaire ? »

« Il en est qui parlent pour la paix, moi je parle pour la guerre. Pour cette guerre qui ne jette pas les hommes aux frontières, mais qui les dresse contre l’oppresseur de tous les jours, de tous les pays. »
Albert Libertad (1876-1908)

Voir en ligne : « Contre toutes les guerres » (PDF)

Documents joints

Notes

[2Voir à ce sujet : Louis Mercier Vega, « La Chevauchée anonyme : une attitude internationaliste devant la
guerre (1939-1942) », et Pierre Lanneret, « Les Internationalistes du “troisième camp” pendant la Seconde
Guerre mondiale » (Acratie, 1995), disponible en PDF sur https://archivesautonomies.org

[5« Guerre du capital et antiennes anti-impérialistes : l’Ukraine », Temps critiques, 21 mars 2022 : tempscritiques.free.fr/spip.php ?article520. Source citée : https://www.opendemocracy.net/en/odr/ukraine-suspends-
labour-law-war-russia/

[6Texte original en tchèque : https://antimilitarismus.noblogs.org/post/2022/09/14/anarchisticky-antimilitaris-
mus-a-myty-o-valce-na-ukrajine/, traduction française : https://www.autistici.org/tridnivalka/antimilitarismus-
antimilitarisme-anarchiste-et-mythes-sur-la-guerre-en-ukraine/ et version PDF : https://www.autis-
tici.org/tridnivalka/wp-content/uploads/antimilitarismus-fr.pdf

[7https://lundi.am/Des-canons-par-centaines, voir remarque en note 36

[8Sur ce sujet voir aussi « Economie de guerre », dans Avis de tempêtes. Bulletin anarchiste pour la guerre sociale, n°54 : https://avisdetempetes.noblogs.org, repris dans la revue Guerre à la Guerre, n°2 (tous deux en juin
2022).

[9https://tousdehors.net/Lettres-d-Ukraine/
Ces lettres d’Ukraine comme certains autres textes cités ici se retrouvent aussi dans un dossier « Guerre en
Ukraine » du numéro 3 de ASAP Révolution (été 2022) sous grand format A2 de 20 pages, édité à Rennes : asa-prevolution.net.

[10« Guerre du capital et antiennes anti-impérialistes : l’Ukraine », 21 mars 2022 : tempscritiques.free.fr/spip.php ?article520

[12En matière de soutien « anarchiste » à la « guerre défensive » en Ukraine, citons le cas emblématique du
groupe RevDia : https://revdia.org/2022/03/13/navishho-anarhisti-jdut-na-vijnu/, traduit en anglais par Riot
Turtle : https://enoughisenough14.org/2022/03/13/why-do-anarchists-go-to-war-ukraine/

[13« Manifeste internationaliste contre la guerre et la paix capitaliste en Ukraine... », Guerre de classe, disponible (de même que tout leur dossier « Logiques de guerre », avec des traductions inédites de diverses
langues), sur leur blog : https://autistici.org/tridnivalka

[14« Contre la guerre Contre la paix », disponible ici : https://cestdejatoutdesuite.noblogs.org/files/2015/04/contrelaguerre_lapaix.pdf

[15« Des idées pour la récréation ? », mars 2022, traduit de l’italien depuis le site anarchiste ilrovescio.info, dans
la revue Guerre à la Guerre n°2, juin 2022 (non disponible en PDF à ce jour, sommaire sur https://sansnom.noblogs.org/archives/13780, contact : lapaixlaguerre@riseup.net)

[18« Des idées pour la récréation ? », mars 2022, traduit de l’italien depuis le site anarchiste ilrovescio.info,
dans la revue Guerre à la Guerre n°2, juin 2022 (non disponible en PDF à ce jour, sommaire sur https://sansnom.noblogs.org/archives/13780, contact : lapaixlaguerre@riseup.net)

[19« Des idées pour la récréation ? », mars 2022, traduit de l’italien depuis le site anarchiste ilrovescio.info,
dans la revue Guerre à la Guerre n°2, juin 2022 (non disponible en PDF à ce jour, sommaire sur https://sansnom.noblogs.org/archives/13780, contact : lapaixlaguerre@riseup.net)

[21« Quand la population se rebelle contre la guerre : en Russie et en Ukraine, des centres de recrutement sont
attaqués », voir plus bas et disponible ici : https://www.autistici.org/tridnivalka/logiques-de-guerre/

[22Voir à ce sujet l’article « Gilets jaunes et extrême droite : les leçons de Maïdan » sur https://lundi.am/Maïdan-
1667

[24« Contre la guerre Contre la paix », disponible ici : https://cestdejatoutdesuite.noblogs.org/files/2015/04/contrelaguerre_lapaix.pdf

[25« Des idées pour la récréation ? », mars 2022, traduit de l’italien depuis le site anarchiste ilrovescio.info, dans
la revue Guerre à la Guerre n°2, juin 2022 (non disponible en PDF à ce jour, sommaire sur https://sansnom.noblogs.org/archives/13780, contact : lapaixlaguerre@riseup.net)

[27La brochure « Les anarchistes contre la guerre – 1914-2022 » est disponible ici :
https://quatre.zone/2022/04/01/les-anarchistes-contre-la-guerre/ A noter que la présentation historique
qu’elle contient, de la plume de Maurice Laisant en 1964 pour le Monde Libertaire (dont il fut un des fondateurs) est assez pompeuse.

[29Extrait de la revue Guerre à la guerre – perspectives anarchistes et internationalistes (mars 2022) disponible
ici en PDF :https://sansnom.noblogs.org/archives/11155

[33Paru en allemand sur Zundlumpen, n° 83, mai 2021 et dans Guerre à la guerre n°1 (mars 2022), disponible sur
https://sansnom.noblogs.org/archives/11155. Elle en rappelle une autre, publiée en 2015 au moment des commémorations de 1914-1918 et de la guerre en Syrie, « Contre la guerre Contre la paix. Eléments de lutte insurrectionnelle contre le militarisme et la répression », disponible ici : https://cestdejatoutdesuite.noblogs.org/files/2015/04/contrelaguerre_lapaix.pdf

[35Disponible sur camaraderevolution.org/index.php/2022/04/07/la-malediction-de-poutine/

[36Extrait de « Gilets jaunes et extrême droite : les leçons de Maïdan », disponible sur https://lundi.am/Maïdan-1667, sans adhérer pour autant à l’intellectualisme et l’idéologie de type « appeliste » de Lundi matin.

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