Lors de la période pré-électorale nombreux politicien·nes promettaient d’augmenter drastiquement le nombre de caméras de vidéos-surveillance de leurs communes afin de lutter contre tout type de criminalité. En plus d’en augmenter le nombre, les nouvelles caméras de vidéo-surveillance seront équipées de système d’intelligence artificielle à reconnaissance faciale, et ce dès février 2025. Ce pas franchi en termes de surveillance inquiète une importante partie des associations qui luttent pour les droits de l’humain en matière de vie privée. On reconnait les symptômes d’un état qui dérive progressivement vers une volonté de maintien de l’ordre de plus en plus autoritaire.
Une fois placées dans l’espace public, les caméras à reconnaissance faciale ont la capacité d’analyser les différentes données du visage d’une personne pour finalement l’identifier. Pour ce faire, ces caméras analysent par exemple l’écartement des yeux, les arêtes du nez, la distance entre la bouche et le nez et d’autres données liées à la physionomie du visage. Toutes ces données dites « du visage », rassemblées, se transforment en données « biométriques » et permettent d’identifier un individu parmi un ensemble d’individus, regroupés dans une base de données.
Les systèmes de reconnaissance faciale utilisés fonctionnent de la façon suivante : premièrement avec une base de données qui rassemble des images de personnes, deuxièmement avec une base de données qui centralise les images de vidéo-surveillance et finalement par un algorithme qui fait le lien entre ces deux bases de données à des fins d’identification de personnes.
Cette mise en place de caméras à reconnaissance faciale dans les rues de Bruxelles se fera au même moment où l’Europe se dotera d’une législation sur l’intelligence artificielle. Alors que la reconnaissance faciale en direct était pourtant interdite, de nombreuses exemptions ont été faites. Désormais, la reconnaissance faciale sera permise dans le cadre de « la lutte contre le terrorisme », pour la recherche de victimes dans des dossiers de disparition/enlèvement d’enfants, pour la traite d’êtres humains et l’exploitation sexuelle.
Ces exemptions concernant l’usage de la reconnaissance faciale ont été faites au nom de crimes majeurs. S’il semble évident qu’il faut déployer des moyens pour s’opposer aux menaces pour la sécurité, rappelons que la mise en place d’un tel dispositif de surveillance fait courir le risque que celui-ci soit peu à peu généralisé, en dehors des cas de crimes cités ci-dessus. Et ce alors qu’il a été montré que la vidéo-surveillance n’est pas efficace pour prévenir la criminalité. Les attentats du 22 mars 2016 ont été un tournant historique en matière de vidéo surveillance à Bruxelles, dans la mesure où ils ont permis d’installer et de légitimer le nombre croissant de caméra de vidéo-surveillance.
La police belge a utilisé à de nombreuses reprises la reconnaissance faciale de façon illégale et ce bien avant qu’elle soit encadrée juridiquement comme ce sera le cas dès février 2025. Celle-ci a déjà été utilisée plusieurs fois à l’aéroport de Zaventem, mais aussi une septantaine de fois lors de la réunion Europol en 2020 et cinq zones de police flamandes affirmaient utiliser fréquemment la reconnaissance faciale en 2021. Alors comment croire que les forces de l’ordre n’abuseront pas de la reconnaissance faciale à des fins répressives ?
De plus, un tel système de surveillance a tendance à accroitre les inégalités sociales. En effet, la géographie des caméras de surveillance à Bruxelles montre une tendance à l’augmentation numérique de celles-ci dans les quartiers populaires. Les personnes issues des quartiers populaires seront donc plus confrontées à la reconnaissance faciale qu’ailleurs.
La reconnaissance faciale pose aussi problème quand il s’agit de reconnaitre des personnes non-blanches. En effet les erreurs concernant les données biométriques sont bien plus récurrentes quand il s’agit de personnes non -blanches. Cela veut dire qu’en plus d’être beaucoup plus facilement criminalisées, les personnes non blanches seront beaucoup plus susceptibles d’êtres arrêtées pour des faits qu’elles n’ont pas commis. À Bruxelles, la reconnaissance faciale pourrait donc renforcer les tendances racistes et inégalitaires
La reconnaissance faciale a aussi pour vocation de plus facilement suivre les trajectoires des personnes exilées au sein de l’espace Européen et ainsi de plus systématiquement les criminaliser. Désormais toute personne dès l’âge de 6 ans qui entre sur le territoire européen est dans l’obligation d’entrer une image faciale dans le fichier « Eurodac » pour pouvoir à la fois être fiché en tant que personne migrante et être reconnaissable par un système de reconnaissance faciale. Cette base de données européennes est consultable par les états membres et par la police.
La surveillance à intelligence artificielle soulève la question des investissements économiques qui en découlent. En effet, le marché de la vidéo-surveillance est un marché florissant qui voit chaque année ses investissements croitre considérablement. A l’échelle mondiale, la vidéo-surveillance algorithmique représentait plus de 11 milliards de dollars avec une croissance de 7% par an (1). Notons également, qu’une des entreprises les plus concurrentes sur le marché européen de la vidéosurveillance à reconnaissance faciale est l’entreprise israélienne Briefcam. Pour rappel, la Palestine est un laboratoire d’expérimentation des pratiques de vidéo -surveillance par l’état sioniste.
Le fait d’être filmé, enregistré et surveillé dans l’espace public constitue une atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée, tout comme le fait d’être indentifiable en permanence. La reconnaissance faciale apparaît comme l’un des nombreux symptômes d’un pays aux dynamiques de plus en plus autoritaires et répressives. Ceci est un enjeu majeur à la fois pour la liberté individuelle, mais aussi pour les mouvements sociaux et plus largement pour tout mouvement qui se voudrait contestataire.
Derrière la mise en place de telles mesures de surveillances se cache une approche ultra-sécuritaire et techno-solutioniste, qui prétend que la vidéo surveillance à reconnaissance faciale serait un levier pour faire baisser la criminalité. Pourtant, comme déjà mentionné, de nombreuses études démontrent que la mise en place de vidéo-surveillance et de caméras équipée de système à reconnaissance faciale ne permet pas de prévenir ou faire baisser la criminalité des quartiers concernés (2). Derrière cette mise en place se cache avant une volonté de répression qui comme cité précédemment, a pour effet d’augmenter les inégalités sociales.
Une campagne est en cours pour tenter de faire interdire la reconnaissance faciale à Bruxelles. Nous vous invitions à consulter le site internet « protect my face » pour aller plus loin.
Sources :
- (1)Vidéosurveillance algorithmique, dangers et contre-attaque – La Quadrature du Net
- (2)En savoir plus – # Protect My face
- Bruxelles en mouvements « dans l’oeil du numérique »
- Dès février, les caméras de la police pourront utiliser la reconnaissance faciale ! (sudinfo.be)
- Plusieurs associations veulent l’interdiction de la reconnaissance faciale à Bruxelles, qui « entravera de nombreux droits et libertés » – La Libre
- En savoir plus – # Protect My face
livres :
- technopolice, la surveillance policière à l’ère de l’ia
- circuler la ville sous surveillance
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