Au mois de novembre 2023, des inondations sans précédent ont touché le Pas-de-Calais. Avec l’arrivée de l’hiver, la situation est devenue particulièrement hardcore dans les bidonvilles (« jungles »), où survivent les personnes exilées bloquées à la frontière britannique. Avec les mauvaises conditions météo, la frontière est particulièrement dure à franchir et de plus en plus de gens s’accumulent à Calais, les associations manquent de tout : nourriture, vêtements, couvertures, tentes… Fin novembre, plusieurs campements de fortunes baignaient dans des marres créées par les inondations, les nouveaux arrivant-es à Calais n’avaient parfois ni tentes ni couvertures et dormaient à même le sol sous la pluie.
Face à cette situation, la réponse de l’état a été le 30 novembre une « mise à l’abri », soit disant « volontaire » mais faites à 5h du matin sur les campements en menottant celleux qui essayaient de s’enfuir et les forcer à monter dans des bus pour les déporter à l’autre bout du pays dans des centres d’hébergement. Alors qu’il faisait moins de zéro degré et qu’il a neigé les jours suivants, la police a volé la plupart des tentes. Les gens déportés sont bien évidemment revenus les jours suivant à Calais (puisque leur but n’est pas d’être hébergé-es en Bretagne ou à Grenoble mais d’aller en Angleterre), dans des conditions encore plus précaires qu’avant. Alors que les températures descendaient régulièrement en-dessous de zéro la nuit début décembre, aucun plan grand froid (ouverture d’un grand hangar pour l’hébergement d’urgence de toustes) n’a eu lieu à Calais, une pratique qui risque d’ailleurs de se généraliser avec la nouvelle loi darmanin contre les personnes migrantes.
C’est dans ce contexte chaotique que plus de 80 personnes ont occupé un immeuble, abandonné depuis plus de 10 ans, boulevard Lafayette en plein centre-ville de Calais. Vendredi 8 décembre en fin de journée, l’occupation a été rendue publique en se montrant aux fenêtres, en affichant des preuves d’occupations (assurance habitation) sur la porte et en déployant une banderole « logement pour toustes ». Des dizaines de personnes ont commencé à se rassembler en soutien devant l’immeuble : des calaisien-nes solidaires, des bénévoles d’associations, des personnes exilées…
Quelques minutes après la visibilisation de l’occupation, les flics ont débarqué et contrôlé l’identité de deux personnes à proximité du bâtiment, qui ont été relâchées un peu plus tard. Les proprios ont rappliqué en quelques minutes pour pleurnicher, alors qu’iels gardent cet immeuble vide depuis plus de 10 ans, qui a déjà été squatté et expulsé plusieurs fois par le passé. Peu à peu, les flics ont fait venir la blinde de renforts et les pompiers pour boucler le quartier. Refusant toute discussion avec les occupant-es, les shtars ont seulement été ralenti par quelques carreaux de fenêtres malencontreusement tombés près d’elleux depuis le squat, les obligeant à reculer un temps pour revenir casqué-es et bien planqué-es sous des boucliers.
Pendant ce temps, à l’extérieur, les keufs ont arrosés les soutiens, pourtant plutôt calmes et qui chantaient juste des slogans, de gaz lacrymo et de coups de tonfa. Après avoir bien galéré avec leur bélier contre la vieille porte en bois toute pourrie, les flics sont entré-es dans le squat et ont arrêté 2 personnes. A l’intérieur, les autres occupant-es restaient groupé-es pour se protéger. Les keufs ont fait un tri en faisant sortir sans contrôle les personnes racisé-es et en retenant les blanc-hes dans un coin (dans leur vieille logique raciste, si des personnes racisées ouvrent un squat c’est forcément que des blanc-hes les ont incité ou instrumentalisé). Une fois dehors, la grosse soixantaine de personnes expulsées s’est mêlée à la foule des soutiens qui refusaient de partir tant que tout le monde ne serait pas relâché. Les flics ont commencé à pousser et gazer, suite à quoi ils ont reçu comme réponse des jets de projectiles. Paniqué-es, les keufs ont libéré la dizaine de personnes retenues à l’intérieur du bat’ pour pouvoir être plus nombreux-ses à gérer la foule dehors.
Une partie des gens rassemblés, principalement des personnes expulsées quelques minutes plus tôt, ont continué à défier les keufs et sont parties en cortèges sauvages dans les rues alentours, cassant du mobilier et des voitures au passage et mettant des barrières et des poubelles au milieu de la route aux slogans de « Fuck police » et « Fuck France », une partie espérant re-rentrer de force dans l’immeuble expulsé. Devant les gaz et les charges de keufs, le cortège a fini par se disperser et la plupart des manifestant-es sont malheureusement reparti-es vers les jungles en périphérie de la ville.
Le lendemain, les 2 personnes placées en garde-à-vue pour « entrée et maintien dans un local à usage d’habitation » (le délit de la nouvelle loi antisquat « Kasbarian » de 2023) et pour « dégradation » (des carreaux de fenêtres tombés) sont sorties du comico sans poursuites et sans avoir donné ni empreintes digitales ni papiers d’identité. Pendant une semaine, il y a eu un équipage de flics garé 24h/24 devant le bat’ de peur qu’il soit re-squatté. La seule porte de l’immeuble qui n’était pas condamnée auparavant a été recouverte d’une grande plaque antisquat, preuve que les proprios ne comptent pas y rentrer prochainement pour en faire quoi que ce soit. C’était urgent de mettre des gens dehors pour laisser ce truc vide, bande de bâtards.
En parallèle de cette action, plusieurs squats ont vu le jour ces derniers mois à Calais en toute discrétion et tiennent toujours. Les expulsions de squats comme celui du boulevard Lafayette n’empêchent pas les squats d’exister, elles les rendent seulement plus précaires et instables en les invisibilisant. Même si elle a foiré, cette action collective a permis de nombreuses rencontres et complicités. Vu l’enlisement total de la situation à Calais, il y a toutes les chances que cette énergie s’intensifie et que les squats et autres actions contre la frontière se multiplient.
Fuck borders ! Fuck police ! Fuck France !
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