La première fois que nous avons rencontré A., c’était au centre fermé Caricole, en mai dernier. Il était enfermé et menacé d’expulsion au nom de la procédure Dublin, qui stipule que le pays d’entrée en Europe est le pays responsable pour examiner la demande d’asile. En tant que professeur d’université, il a obtenu un visa Schengen de l’ambassade Slovaque de Tel-Aviv, pour une durée de 2 ans à partir de 2022. C’est ce document qui a fait foi : l’Office des étrangers cherche à l’expulser vers la Slovaquie, pays par lequel il est entré en territoire européen. Cette expulsion est prévue alors qu’il ne connaît personne en Slovaquie, et qu’il planifiait de s’installer en Belgique.
Une fois expulsé en Slovaquie, A. a passé trois semaines en isolement dans un camp fermé à Humenné. Il a ensuite passé deux mois dans un camp ouvert, l’Accomodation center de Rohovce, dont les conditions de vie étaient déplorables : beaucoup de personnes entassées, insalubrité importante, … Ces conditions “d’hébergement” contrastaient fortement avec une autre section, remise à neuf et presque vide, réservée aux réfugié·es ukrainien·nes. Ceci souligne une fois de plus la différence de traitement des personnes réfugiées en fonction de leur origine, qui devraient être étendus à toutes et tous.
Aujourd’hui, A. a pu obtenir ses papiers slovaques, avec une carte lui permettant de voyager en Europe. Seulement, si sa famille souhaite le rejoindre, elle devra passer par toutes les étapes qu’il a traversées (centre fermé et centre ouvert). En sachant que l’aide qu’il a obtenue en Slovaquie (400€ par mois pendant 6 mois) ne lui permet pas de payer un appartement. S’il ne trouve pas d’emploi rapidement, cette aide lui sera retirée. Or, pour A, trouver un travail en Slovaquie est presque impossible, pusqu’il ne parle pas la langue et qu’il est très compliqué de se débrouiller en tant qu’anglophone là bas.
Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’idéaliser le système d’accueil (lorsqu’il daigne accueillir) en Belgique ; les dispositifs d’État sont également d’une grande violence matérielle et symbolique à l’égard des personnes en parcours d’asile, tant pour les Palestinien·nes que pour la grande majorité des multiples nationalités concernées. L’accès à un emploi décent ou à un logement est tout autant synonyme de discriminations en Belgique.
Le cas de A. est symptômatique d’un fonctionnement global, qui prive les personnes de leur droit à exercer leurs propres choix de vie et leur autonomie.
F., lui, a été emmené au centre fermé Caricole dès son arrivée sur le territoire belge. Sa femme et ses enfants sont réfugié·es en Egypte, après avoir déboursé 5.000 USD dollars par personne auprès des autorités égyptiennes. La famille de F. attend de pouvoir le rejoindre et obtenir des papiers de résidence en Belgique, mais les démarches sont très longues. Dès son arrivée au centre fermé, on a retiré à F. ses médicaments journaliers, et il a eu un accident cardio-vasculaire. Son état de santé s’est aggravé très rapidement jusqu’à ce qu’un jour, il tombe par terre, inconscient. Il a été emmené à l’hôpital, où il restera durant 45 jours, sans aucune possibilité de contact avec le monde extérieur. Sa famille a dû attendre deux semaines pour avoir des informations, et ce seulement parce qu’une infirmière lui a prêté un téléphone en cachette. Aujourd’hui, F. attend toujours une décision de l’Office des étrangers concernant sa situation.
À travers ces deux témoignages, nous comprenons donc que le système européen s’organise autour d’une politique de non accueil systémique et presque systématique.
La procédure Dublin permet aux autorités européennes de dispatcher les personnes exilées vers d’autres pays européens où le système de sécurité sociale est plus faible et où il leur sera difficile voire impossible de trouver un emploi. Le règlement Dublin applique la même logique que les “hotspots”, ces camps de détention placés aux frontières de l’Union Européenne qui permettent aux pays centraux et particulièrement influents (France, Belgique, Espagne, Allemagne, Italie…) de délocaliser les personnes en exil et de les retenir avant même leur arrivée sur le sol européen.
Il apparaît aussi clairement que la Belgique n’est pas volontaire dans l’asile qu’elle devrait offrir à la population palestinienne, et ce malgré l’escalade des violences génocidaires en cours en Palestine. L’État belge enferme les personnes dans les centres fermés, et fait en sorte de les placer dans une impasse : ces personnes se retrouvent enfermées dans des démarches énergivores de retour, tandis que le temps passe et qu’il est encore plus dangereux de rester à Gaza. Car, pendant tout ce temps, la famille est sur place et tente de survivre.
Les deux témoignages relayés ici concernent des personnes qui viennent d’un milieu plutôt aisé (managers, professeur·es d’université, …). Elles pourraient être considérées par les États européens comme des “bon·nes réfugié·es”, et pourtant leur accès à l’asile et à l’accueil est extrêmement compliqué, voire impossible. Cela éclaire encore plus la situation innommable que doivent vivre quantité d’autres personnes en exil qui ne bénéficient pas se ces semblants de privilèges.
Nous trouvons donc important de relayer ces situations qui mettent en lumière le fait que la politique migratoire actuelle ne cherche pas à aider les personnes en situation de crise. Au contraire, elle vise volontairement la souffrance et l’isolement de ces personnes. Et ce dans la continuité d’un génocide en Palestine dont la violence s’intensifie, et dont nos pays européens sont des acteurs majeurs.
CURRENT SITUATION OF PALESTINIAN REFUGEES
De huidige situatie van enkele Palestijnse vluchtelingen
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