/ GUERRE de CLASSE / Nous présentons ici une petite contribution, que nous avons traduite en français, d’un groupe de camarades en Iran à propos des événements récents qui ont secoué la Syrie. Ces camarades qui se font appeler « Travailleurs anticapitalistes » publient le blog « Contre le Capital » [علیه سرمایه], et nous leur avions récemment ouvert nos colonnes lorsque nous avons publié notre bulletin sur les importantes luttes de classe en Iran de 2022 (voir notre bulletin n°15).
Un des points abordés dans le texte et que nous avons particulièrement apprécié (outre évidemment les rappels à la primauté de la lutte des classes et à l’abolition de l’esclavage salarié, du capital et de l’État, au refus du cirque électoral, à la critique des partis politiques et des syndicats…), c’est celui qui nie les particularismes qui segmentent et divisent la population prolétarienne – notre classe ! – en diverses communautés, identités, et qui réaffirme ainsi l’internationalisme :
« Un axe majeur de l’imposture, du lavage de cerveau et de l’égarement tels que pratiqués par les médias bourgeois de droite et de gauche dans le monde entier,c’est le récit selon lequel la Syrie est un pays composé d’Arabes, de Kurdes, de Turcs, de Turkmènes, de Yazidis, de Musulmans, de Chrétiens, d’Alaouites, de Juifs et de Sunnites ! Il s’agit de la drogue ou du poison le plus mortel injecté historiquement dans la conscience humaine par les classes dominantes, leurs gouvernements et, un nombre incalculable de fois, par le système capitaliste avec ses forces écrasantes de coercition. Ce récit vise à détruire l’existence sociale unifiée des travailleurs et le fondement de leur lutte pour la libération, en les retournant les uns contre les autres et en empêchant leur lutte radicale et commune contre les véritables racines de l’exploitation, de l’oppression et de la misère. »
Cette critique des camarades d’Iran rejoint pleinement ce que nous affirmions déjà il y a quelques années lorsque nous passions en revue les mythes et les impostures développés par les adorateurs de la dite-« Révolution du Rojava » (voir notre bulletin n°13) :
« Ce qui nous importe, nous, prolétaires révolutionnaires, militants communistes ou anarchistes (au-delà des étiquettes), ce n’est pas ce qui nous « différencie », ce n’est pas notre « singularité », le fait que nous soyons « tchèques » ou « français » ou « britanniques » ou « américains » alors que d’autres sont « kurdes » ou encore « assyriens » ou « chaldéens » ou « sunnites » ou « chiites », etc. Ce qui nous importe au contraire, c’est ce qui nous unifie en tant que communauté humaine et militante contre la dictature globale et universelle du Capital qui se matérialise pour nous tous par l’exploitation, l’aliénation, la marchandisation de nos corps et de nos vies, la misère, la guerre, la mort… Ce qui nous importe, c’est d’afficher et d’affirmer haut et fort notre mépris pour toute communauté nationale, communauté de citoyens, communauté populaire, pour toute communauté démocratique au sens profond de ce qu’est la démocratie, c’est-à-dire non pas une simple forme (démocratie parlementaire, « ouvrière », directe, cantonale, municipale, etc.) mais bien l’essence du capitalisme et donc la négation de l’antagonisme de classe et la dilution du prolétariat (classe révolutionnaire) dans cette entité bourgeoise qu’est le Peuple, la Nation et in fine l’État. Ce qui importe avant toute chose, c’est le fait que nous soyons, ou devenions, frères et sœurs de misère et d’exploitation, frères et sœurs de révolution, et que nous le reconnaissions consciemment.
L’humanité a été séparée d’elle-même, de la nature, de son activité et de sa production, pour être transformée en esclaves, en serfs et en prolétaires modernes. Les hommes sont séparés de leur véritable communauté humaine et ils sont reliés en une fausse communauté multi-« quelque chose » : multiethnique, multiculturelle, multinationale… L’internationalisme n’est pas l’addition de divers ou même différents nationalismes, voire même de tous les nationalismes, mais au contraire sa négation complète et accomplie… »
Alors quoi, « l’ordre règne à Damas » !? pour paraphraser Rosa Luxembourg… Dans un sens, nous aurions tendance à répondre « oui » ! La chute de Bachar et de son régime baasiste, qui régnait depuis six décennies à coup de meurtres de masse, de tortures, de viols, d’arrestations, de siècles de prison imposés à tous ceux qui osaient relever quelque peu la tête… l’effacement de cette clique de gestionnaires du capital tant honnis au profit d’une autre fraction plus « propre » (sic), moins discréditée (sic), poussée en avant ou à tout le moins tolérée par un large panel du parti de l’ordre capitaliste mondial (USA, EU, Turquie, Israël, pétro-monarchies…), tout cela ressemble vraiment, si pas à une opération de gendarmerie visant à réprimer l’action directe de notre classe, du moins à une opération de maintien de l’ordre ou de retour à l’ordre dans le « chaos syrien »… même si l’ordre capitaliste s’accommode très bien également d’une certaine part de désordre et de déstabilisation…
Mais nous aurions aussi tendance à répondre « non », dans le sens où, au niveau d’abstraction le plus élevé la révolution se nourrit de la pourriture de la contre-révolution et s’enrichit ainsi de la confrontation entre deux classes, deux projets, deux mondes… Ces derniers événements pourraient avoir tendance à réactiver les dynamiques sociales qui sommeillaient depuis quelques années, les braises de la révolte de 2011 sont encore chaudes et ne demandent qu’à embraser à nouveau un matériau toujours aussi inflammable : les contradictions sociales qui opposent des classes aux intérêts antagonistes… Il suffit de voir sur les vidéos qui nous parviennent de Syrie les visages rayonnant de tous ces êtres humains, de ces prolétaires, qui chantent, qui dansent, qui font la fête, sur les places publiques des villes, des quartiers, des villages libérés du joug des tortionnaires baasistes, alors que la nouvelle police (celle du HTS) ne s’est pas encore véritablement imposée, ou du moins n’a pas encore étouffé ces cris de joie et de lutte…
Nous voudrions aussi mettre en avant ici que les luttes de notre classe ne sont certainement pas absentes de ces événements (même si très peu, trop peu d’informations nous parviennent à ce sujet) : certains ont parlé de « manifestations de solidarité » dans le sud de la Syrie lors de la chute de la ville d’Alep, de « soulèvements populaires » qui se seraient déroulés en parallèle à l’avancée du HTS sur Damas, principalement autour de la ville rebelle de Suwayda…
Et rappelons enfin qu’après des années de silence, notre classe a relevé la tête à diverses reprises en 2019, 2022 et 2024 dans le gouvernorat d’Idlib qui était dirigé et géré d’une main de fer précisément par la clique du HTS au pouvoir maintenant à Damas, que notre classe y a organisé des manifestations contre la vie chère, contre les pénuries, contre la répression… en affrontant les sbires des milices islamistes.
Rappelons également que depuis 2023, de nombreuses manifestations parfois violentes ont éclaté à Suwayda – ledit « soulèvement de la dignité » –, ici contre le régime de Bachar, accompagnées de grèves, d’occupation de bâtiments publics, de blocages de routes, etc. et que tout cela ne peut en aucun cas être attribué à une quelconque spécificité locale et particulière : ici l’appartenance à la « communauté druze », là-bas à la « communauté sunnite », etc. ad nauseam !
Et place maintenant aux camarades « Travailleurs anticapitalistes »…
GdC.
Le régime d’Assad est tombé et la question fondamentale est la suivante : qu’est-ce que cela donne concrètement ? Que s’est-il passé ? Les médias mainstream du monde entier répondent que partout « les Syriens », dans le pays et à l’étranger, sont en train de célébrer l’événement. Qu’ils considèrent la chute d’un gouvernement si brutal depuis longtemps comme étant leur victoire, qu’ils placent leurs espoirs dans un avenir meilleur et qu’ils attendent des miracles de la part des nouveaux dirigeants ! L’opposition bourgeoise de droite et de gauche, et peut-être même certains travailleurs en Iran, font également la fête et mettent en avant qu’on peut s’estimer heureux de tels événements. « La République islamique a perdu sa profondeur stratégique », son influence au Moyen-Orient s’est affaiblie, tout ce qu’elle a réalisé ces 45 dernières années dans la région s’est évaporé ; Assad s’est enfui, Nasrallah est mort, Soleimani a été assassiné, le Hezbollah s’effondre – la liste est longue. Mais la question centrale est la suivante : quelle est la signification réelle de ces événements ? Qu’est-ce qui vient de s’effondrer ? Qu’est-ce qui est en train de le remplacer ? Quelle est la place de la grande masse des travailleurs syriens, des pauvres, des sans-abris et des réfugiés dans cette histoire ? Qui sont les vainqueurs ? Quelle est la machine de guerre qui a permis ces victoires étonnantes ? Que prévoient-ils de faire et quel est leur programme actuel et futur pour les millions de travailleurs syriens ?
Une chose est claire : la bourgeoisie syrienne, qui était dans l’opposition jusqu’à hier, est maintenant sur le point d’être couronnée et d’acquérir d’énormes parts de profit, de propriété, de pouvoir et de gouvernance. Leurs pairs iraniens – qu’ils partagent les mêmes idées ou non – qui se sont engagés dans l’opposition dans le seul but de réaliser des rêves similaires, voient dans l’affaiblissement de la République islamique, l’effondrement de ses bastions au Moyen-Orient et l’ébranlement du sol sous ses pieds, les signes de leur propre victoire « à la Tahrir al-Sham » et de leur émergence. Leur affaire est claire, et la discussion ne porte pas sur eux, mais sur les masses laborieuses syriennes, iraniennes, libanaises, irakiennes et palestiniennes – une force écrasante de centaines de millions de personnes qui doivent examiner consciemment et avec vigilance les événements en cours. Sinon, le temps des célébrations connaîtra le même sort que celui de leurs camarades en Libye, en Égypte, en Iran (après l’avènement du régime islamique meurtrier) et ailleurs.
Voici l’énoncé le plus simple et direct à propos de ce qui s’est passé jusqu’à présent : en Syrie, un régime capitaliste brutal est tombé et un autre régime – tout aussi brutal, génocidaire et peut-être encore plus vicieux – se prépare à prendre le pouvoir. Dans le même temps, la République islamique, capitaliste et antihumaine, a été considérablement affaiblie, tandis que les États génocidaires d’Israël, de Turquie et des États-Unis ont hissé les drapeaux de leur victoire. Netanyahou, en référence aux cimetières et aux ruines causés par l’holocauste de Gaza, à ses atrocités au Liban et aux coups mortels qu’il a infligés au régime islamique, se vante fièrement de sa « récompense légale » et de son « honneur souverain », brandissant les médailles de soutien qui lui ont été remises par les puissances capitalistes dirigeantes dans le monde. Il se considère comme le « Commandant de Qadisiyya » de ce siècle, de la région et du monde. Erdogan considère l’implantation de ses proxys et mercenaires dans certaines parties de la Syrie comme le premier pas vers la renaissance du capitalisme ottoman. Fort de ces réalisations, il avertit les États rivaux de le féliciter à l’avance pour ses futures conquêtes.
Tout ce qui s’est passé jusqu’à présent peut être résumé ainsi. En quoi y a-t-il lieu de se réjouir de ces événements ? Une réponse consciente à cette question est cruciale pour les travailleurs et ouvrira une fenêtre vers une compréhension plus profonde de ceux qui se réjouissent.
Certains pourraient dire qu’un régime dictatorial et brutal est tombé en Syrie et qu’un autre régime – peut-être meilleur – est sur le point de prendre sa place. Et qu’il n’y aurait rien d’autre à saluer et à célébrer pour l’instant ! Très bien ! Mais les forces connues sous le nom de « Tahrir al-Sham » et de « l’Armée nationale syrienne » sont, premièrement – dans le meilleur des cas – des représentants barbares des parties les plus arriérées et les plus terrifiantes de la bourgeoisie du pays. Deuxièmement, dans leur propre existence sociale, ils ne possèdent même pas de telles positions ou capacités. Ils jouent le rôle de marionnettes et de charognards. Leurs victoires éclair ne sont même pas dues à une quelconque illusion populaire parmi les gens désespérés.
Toutes ces victoires sont le résultat direct de l’effondrement complet du régime Assad, de la fin de la domination de la République islamique, de la perte d’influence du Hezbollah dans la région et de l’impact substantiel de cet effondrement sur le rôle de la Russie d’une part, ainsi que du soutien complet d’Israël, de la Turquie et des États-Unis à ces forces d’autre part. Le débat sur la soi-disant transformation de Tahrir al-Sham par rapport à ses racines al-Qaïda ou Jabhat al-Nusra n’est rien d’autre qu’une analyse trompeuse et bon marché visant à réhabiliter ces forces barbares. Ces deux mafias doivent tout ce qu’elles ont aux gouvernements de la Turquie et des États-Unis. Israël, la Turquie et les États-Unis contrôlent tous les événements et sont prêts à la domination la plus large, à la cupidité et à la poursuite de leurs ambitions de longue date.
Des montagnes de preuves montrent que des forces bien connues, nées du ventre d’ISIS et nourries par la Turquie, les États-Unis et leurs alliés, ont lancé leur récent soulèvement avec des signaux du régime israélien génocidaire et la coordination d’Erdogan. Cela s’est fait avec l’approbation de l’Amérique, l’alignement ultérieur sur la Russie et, en fin de compte, le recul inévitable de la République islamique. Au même moment, Netanyahou, enivré par le génocide et les conquêtes, a révélé sa ferme intention de déterminer le sort du régime branlant d’Assad, alors même qu’il discutait d’un accord de cessez-le-feu au Liban. Il a déclaré qu’il accepterait le cessez-le-feu parce qu’il était temps d’entamer une nouvelle confrontation avec le régime islamique. Le champ de bataille de cette confrontation est sans aucun doute la Syrie, et l’objectif était de mettre fin au régime d’Assad, qui était déjà brisé de toutes parts.
Dans ce contexte, Netanyahou a également poursuivi les nécessaires négociations avec le gouvernement d’Erdogan. Dans le même temps, il a tenté de convaincre la Russie que l’évolution des rapports de force dans la région ne laissait aucune chance à son intervention pour assurer la victoire d’Assad. Il a suggéré que la Russie continue de défendre ses intérêts en coopérant avec Israël. De même, il a tenté de convaincre le régime islamique qu’il serait incapable d’obtenir quoi que ce soit. Tout indique que la montée en puissance des djihadistes et des nouveaux « héritiers du trône » se soit dégagée de ce processus même. Les plans, les accords, les avancées et les reculs forcés se sont maintenant concrétisés.
Cependant, le cours des événements ne se limite pas à la chute d’Assad ou à la montée d’un autre régime brutal. La partition de la Syrie et sa division entre les régimes, les mafias et les divers gangs tentaculaires est un grave danger qui menace des millions de travailleurs syriens opprimés, déjà épuisés par les crimes du système capitaliste d’esclavage salarié. Les rapports indiquent que plus de 80 groupes armés actifs, prédateurs et mercenaires, financés et contrôlés par divers États, réseaux et mafias, sont prêts à déchaîner la violence sur la population de ce pays.
Israël, qui a agi pendant des décennies comme la coqueluche et le gardien des arsenaux militaires, intellectuels, techniques et de renseignement du capital mondial, a maintenant étendu son agression pour s’emparer de nouvelles parties de la Syrie. Israël a déjà démantelé les frontières entre les deux pays sur les hauteurs du Golan, renvoyé les forces de l’ONU, occupé la province syrienne de Quneitra et est en train de s’emparer d’autres territoires. Dans le cadre de ces transactions, la Russie a cédé à Israël ses deux petits camps militaires devenus inutilisables. Netanyahou décrit ces victoires comme un autre maillon important de sa chaîne d’agressions semblables à l’Holocauste, qui dure depuis 14 mois.
La Turquie établit son État-proxy en Syrie afin d’étendre son influence jusqu’aux dernières frontières possibles du Moyen-Orient. La première étape de ces conquêtes consiste à lancer les attaques les plus sauvages et des opérations génocidaires contre les vastes masses laborieuses kurdes. Pendant ce temps, les États-Unis, qui considèrent la domination régionale d’Israël comme leur propre victoire, voient la chute d’Assad et la partition de la Syrie comme un succès décisif dans leur rivalité avec le gouvernement de Poutine.
Ce sont là les événements tels qu’ils se sont déroulés et tels qu’ils se poursuivent. Comme nous l’avons dit, la question la plus fondamentale reste le sort des millions de travailleurs syriens, libanais, kurdes et autres dans l’ombre de ces événements. Une question complémentaire est le rôle que les masses laborieuses d’Iran, d’Irak, d’Égypte, de Jordanie et d’ailleurs dans le monde peuvent jouer dans ces développements.
À cet égard, il est important de souligner plusieurs points essentiels.
1/
Un axe majeur de l’imposture, du lavage de cerveau et de l’égarement tels que pratiqués par les médias bourgeois de droite et de gauche dans le monde entier, c’est le récit selon lequel la Syrie est un pays composé d’Arabes, de Kurdes, de Turcs, de Turkmènes, de Yazidis, de Musulmans, de Chrétiens, d’Alaouites, de Juifs et de Sunnites ! Il s’agit de la drogue ou du poison le plus mortel injecté historiquement dans la conscience humaine par les classes dominantes, leurs gouvernements et, un nombre incalculable de fois, par le système capitaliste avec ses forces écrasantes de coercition. Ce récit vise à détruire l’existence sociale unifiée des travailleurs et le fondement de leur lutte pour la libération, en les retournant les uns contre les autres et en empêchant leur lutte radicale et commune contre les véritables racines de l’exploitation, de l’oppression et de la misère.
Les habitants d’aucun pays, où que ce soit dans le monde, ne peuvent être divisés en une poignée d’adeptes de telle religion ou de telle croyance, de telle secte ou de telle idéologie, de telle race ou de telle ethnie. Nous vivons tous dans un système capitaliste inhumain et criminel, qui a divisé de force l’humanité en deux classes sociales fondamentalement opposées. Les travailleurs représentent 80% de la population de la planète, tandis que les autres sont des détenteurs de capitaux. Cette même division s’applique à la Syrie et constitue la seule catégorisation claire, indéniable et correcte.
Ce qui unit 80% des travailleurs syriens, c’est leur existence sociale commune. Ces 80%, malgré des variations au niveau de l’emploi, des salaires, des moyens de subsistance et du bien-être, sont séparés du produit de leur travail et privés de tout droit de déterminer le sort de la production, du travail ou de leur vie. C’est la seule véritable identité qui définit la classe ouvrière et l’humanité – une identité qui est la source et la force motrice du mouvement moderne de libération de l’humanité. Le capitalisme, avec tout son pouvoir de manipulation, de propagande et de lavage de cerveau, tente d’utiliser des identités comme arabe, kurde, yazidi, turkmène, sunnite ou alaouite comme un poison mortel pour paralyser et affaiblir ce mouvement.
Les 80% de la population laborieuse de la Syrie doivent briser les chaînes de l’ethnicité, de la langue, de la race, de la religion, de la croyance et du sectarisme dans les profondeurs de l’histoire. Ils doivent s’unir en tant que classe sociale unique pour lutter contre le capital, le système capitaliste meurtrier, l’exploitation, l’oppression, l’apartheid de genre, la suppression des libertés et toutes les formes de dépossession issues de l’esclavage salarié. C’est avec cette unité qu’ils doivent s’engager sur le champ de bataille en tant qu’arme puissante contre ce système.
2/
Chaque étape de cette lutte dépend de la formation de conseils de travailleurs puissamment organisés et partout répandus – une force qui s’oppose au pouvoir, au capital et à toute forme de gouvernance capitaliste et de modèle de gouvernement. Sans un effort stratégique pleinement conscient dans cette direction, rien ne peut être réalisé et aucune attente ne sera concrétisée. Demain, il sera bien trop tard. Aujourd’hui, nous devons unir nos forces le plus rapidement, le plus consciemment, le plus radicalement possible, et avec autant d’expérience que possible. Nous devons créer des conseils et construire un mouvement anticapitaliste fort.
3/
Un sinistre scénario de tromperie, orchestré par les nouveaux détenteurs de la couronne ainsi que par les États qui les soutiennent et leurs alliés à l’échelle mondiale, impliquera probablement la mise en place du « cirque électoral » ! Ils nous appelleront aux urnes – pour quoi faire ? Pour élire les nouveaux affairistes féroces, avides de profit, de pouvoir et de possession, et les considérer comme « notre gouvernement », leur permettant ainsi de cimenter le système capitaliste d’esclavage salarié – qui est la racine de toute exploitation, de la pauvreté, du sans-abrisme, du manque de soins de santé, du manque de médicaments, du manque d’éducation, de la faim, de la pauvreté, de l’humiliation et de la misère. Ils utiliseront nos votes pour éterniser notre statut d’esclave salarié, pour intensifier notre exploitation au nom du capital et des capitalistes, pour nous dépouiller de toute liberté humaine réelle sous l’apparence du « choix », et nous bombarder jusqu’au dernier souffle de notre liberté humaine au nom d’une liberté contrefaite et de cette imposture qu’est la démocratie.
Notre réponse à leur demande doit être un refus catégorique de tout scénario d’« élection ». Notre réponse consiste à vouloir nous organiser au sein de nos conseils et établir un puissant mouvement de conseils contre l’esclavage salarié. Nous ferons des conseils la plate-forme de la participation la plus libre, la plus consciente, la plus créative, la plus efficace et la plus égale pour tous les individus. Au sein de ces conseils, nous exigerons de contrôler le destin de notre travail, de notre production et de nos vies. Ensemble, nous prendrons des décisions collectives sur ce qu’il faut produire, ce qu’il ne faut pas produire, combien de temps faudra-t-il travailler et comment définir le travail pour répondre aux besoins de tous les jours et, en fin de compte, éliminer la pénurie. Nous planifierons et mettrons tout en œuvre collectivement.
Nous sommes opposés à la création de toute forme d’État ou de modèle de gouvernement qui place l’autorité au-dessus des êtres humains.
4/
Dans ce processus d’organisation d’un mouvement anticapitaliste basé sur les conseils, le fondement de nos efforts doit être de prendre le contrôle de notre travail, de notre production et de nos vies. Nous devons lutter pour récupérer autant que possible les résultats de notre travail des griffes couvertes de sang des capitalistes et orienter le cycle du travail et de la production vers la satisfaction des besoins réels et, en fin de compte, libérer l’humanité de la dépossession. À cet égard, et en tant que premier maillon de la chaîne des luttes qui se développent à l’échelon du pays tout entier, nous exigeons que la nourriture, les vêtements, les médicaments, les soins de santé, l’eau, l’électricité, le gaz, les transports et les soins aux personnes handicapées ne soient plus réduites à n’être que des produits dans le cadre du système capitaliste d’échange monétaire et marchand.
5/
Il ne fait aucun doute que dès que nous proposerons l’un des points ci-dessus, les armées toutes-puissantes de l’opposition de droite et de gauche – les libérateurs autoproclamés de l’humanité – vont pulluler comme une nuée de sauterelles, nous encerclant de tous côtés. Chacun s’écriera, avec plus d’éloquence, de sagesse, d’académisme, de sociologie, d’histoire et de philosophie que l’autre, en disant : « Quelle est cette absurdité !!!? Le moment est venu de brandir la fière bannière de la démocratie, d’exiger le droit de former des syndicats, de créer des partis, de s’enrôler dans l’infanterie des armées des partis et des syndicats, d’exiger la liberté d’organisation, la libertéde manifester, la promulgation de lois remarquables contre l’apartheid de genre, et une longue liste d’autres scénarios. »
Notre réponse à cette engeance est claire comme de l’eau de roche. Nous ferons exploser toute l’histoire du XXe siècle comme une bombe dans leur conscience et nous nous écrierons : « Honte à vous de répéter encore ces mots !!! N’avons-nous pas fait tout cela pendant 150 ans ? N’avez-vous pas vu les terres stériles que vos recettes ont produites ? Regardez droit dans les yeux les 4 milliards de travailleurs dans le monde, affamés, privés de médicaments, de soins de santé, d’éducation, humiliés, écrasés, soumis, opprimés. Vous pouvez avoir honte de votre bilan désastreux !Dégagez de notre chemin ! Nous n’avons pas besoin que le soi-disant « droit de s’organiser » soit approuvé pour nous. Nous nous organisons nous-mêmes grâce à la puissance de notre lutte. Nous n’enterrerons pas nos organisations dans le cimetière de l’ordre capitaliste et nous ne les transformerons pas en armes du pouvoir capitaliste. Nous construirons de véritables conseils anticapitalistes. Du haut de ces conseils anticapitalistes, antiétatiques et antiautoritaires, nous déclarons que nous prendrons le contrôle du travail, de la production et des vies qui nous appartiennentpleinement. »
6/
La même foule dont nous parlons ci-dessus hurlera à tue-tête : « Nous sommes en Syrie, son économie est en faillite, son industrie est « dépendante » et « sous-développée », sa croissance est faible, sa productivité est déficiente, sa compétitivité est paralysée et son produit intérieur brut par habitant est minuscule. Dans une telle société, vous parlez de retirer les besoins essentiels et les services sociaux tels que l’éducation et les soins de santé du système capitaliste d’échange monétaire et marchand ? C’est du socialisme ! C’est de l’utopie ! Vous vous accrochez aux idéaux de Platon et vous planifiez une utopie platonicienne ! »
Une fois de plus, notre réponse est claire : Dégagez de notre chemin ! Nous ne cherchons rien d’autre que de profiter des fruits de notre travail et de notre production. Nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes de l’humanité moderne aujourd’hui, ici, dans l’enfer de la dévastation et des effusions de sang que connait la Syrie. L’essence de notre demande est simple et pure : nous ne voulons pas d’un État qui nous gouverne. Nous ne permettrons pas que le produit de notre travail devienne une montagne de capitaux pour les trusts, les sociétés, les géants financiers et industriels, pour la pieuvre étatique, ou pour la machine d’oppression physique et idéologique qui nous gouverne. Nous savons très bien comment utiliser les fruits de notre travail pour répondre à nos besoins de subsistance, de bien-être et de liberté humaine. Nous savons comment en répartir efficacement chaque partie. Nous sommes capables de réaliser tout cela.
Nous ne considérons pas notre victoire comme prédéterminée ou inévitable. Pour remporter la victoire, nous nous battrons – et nous nous battrons encore – de manière plus consciente, plus réfléchie et plus éveillée.
Travailleurs anticapitalistes, militants du Mouvement pour l’abolition du travail salarié
- Source en anglais : https://againstwagelabor.com/2024/12/16/syria-war-partition-and-the-fate-of-the-working-masses/
- Original en persan : https://alayhesarmaye.com/2024/12/09/_/5212/
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