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Il y a maintenant 2 ans, le 12 janvier 2023, Sourour Abouda décédait dans une cellule du commissariat fédéral rue Royale à Bruxelles. De nombreuses zones d’ombres entourent encore ce décès, notamment parce que Sourour aurait appelé à l’aide face à la caméra de la cellule, et que son corps semblait marqué par les coups.
Dans son combat pour la justice et la vérité, sa famille fait face à des pressions, du harcèlement, et un manque de respect et d’humanité de la part de la police. Le 3 mars 2023, dans un article, nous parlions déjà d’une « stratégie d’épuisement », mise en place à plusieurs niveaux institutionnels (police et justice), qui affecte la santé mentale et les finances de la famille de Sourour.
Retour sur les différentes pratiques policières, en cette veille de journée internationale de lutte contre les violences policières. Une manifestation est organisée ce samedi 15 mars, à 14h place du Luxembourg.
PERTURBER LE DEUIL
Le 12 janvier 2025, jour des 2 ans du décès, un rassemblement était organisé en femmage* à Sourour. En amont de cette manifestation, la police chipote sur le lieu : interdiction de se réunir devant le commissariat, le rassemblement est déplacé place du Congrès. Dans un premier temps, la police n’a pas voulu laisser la famille se placer en bas de la colonne du Congrès, alors que pour le 15 mars** l’année passée, la cérémonie avait eu lieu exactement à cet endroit. Aucune raison apparente ne justifierait ce refus policier. Après de longues négociations, Soumaya, la soeur de Sourour, obtient que la manifestation ait lieu sur la partie de la place que la famille désire, devant la colonne. Elle obtient aussi de pouvoir se rendre devant le commissariat où sa sœur est décédée avec sa famille le jour J pour déposer une couronne de fleurs.

Avant même que le rassemblement ne commence, Soumaya a donc déjà passé plusieurs heures à négocier pour pouvoir rendre femmage à sa grande sœur. La police dresse tous les obstacles possibles devant la famille pour que chaque action prenne du temps, de l’énergie, et parfois de l’argent, sauf quand c’est en défaveur des forces de l’ordre. La police avait par exemple insisté pour que la famille de Sourour ne demande pas de contre-autopsie directement après le décès.

Dès le début du rassemblement, les forces de l’ordre continuent à perturber le deuil. Un policier refuse aux organisateur·rices de se placer en bas de la colonne du Congrès. Il faut à nouveau l’intervention et les négociations de la famille pour que la police autorise ce qu’elle avait déjà autorisé par écrit en amont de la manifestation.
Un tag dessiné la veille sur la colonne du Congrès est également reproché à Soumaya. Au moment où la famille se dirige devant le commissariat, situé à quelques centaines de mètres, pour déposer des fleurs, plusieurs policiers les suivent. Malgré l’insistance de la famille pour passer ce moment de deuil sans les forces de l’ordre, un policier en civil reste prostré à une dizaine de mètres lors du recueillement, alors que l’année d’avant l’inspecteur en charge avait respecté le recueillement et s’était concentré sur la foule plutôt que quatre membres de la famille et deux photographes
Plus tard dans la soirée, après la manifestation, les proches de Sourour se rendent compte que la couronne de fleurs a déjà disparu de son emplacement, devant le commissariat. Soumaya demandent aux policiers dudit commissariat où elles sont passées, les policier·ères refusent de répondre et expliquent que la caméra située juste devant la porte du commissariat ne filme que dans un certain axe. Pourtant, il s’agit d’une caméra couvre bien entendu l’entrée du commissariat.
DES PRESSIONS PARTOUT, TOUT LE TEMPS
Au-delà de l’enjeu du rassemblement, la famille continue à subir des pressions administratives, financières, et policières, parfois en dehors du cadre légal. La police a par exemple sonné – sans mandat – au domicile de Soumaya en l’accusant d’avoir taggué « Justice pour Sourour » en face de chez elle, alors qu’elle n’en est pas l’autrice. Lors d’un rassemblement pour la Palestine ce 26 juillet, les forces de l’ordre ont nassé*** une partie des manifestant·es, dont Soumaya. Un policier lui a glissé « toi, on connaît ta tête ». Face à l’insistance de la foule, les forces de l’ordre ont fini par la sortir de la nasse. En outre, Soumaya a également été contrôlée lorsqu’elle roulait à vélo parce que sa lumière n’était pas allumée. Le contrôle a eu lieu en pleine journée – lorsque les lumières ne sont pas obligatoires -, alors que Soumaya arborait une veste avec écrit « Justice pour Sourour » en grand.

Par ailleurs, dès le jour de la mort de Sourour, la police a sommé la famille d’appeler au calme pour éviter des émeutes, comme si le soulèvement de la population en réaction aux violences policières relevait de sa responsabilité.
Enfin, ce vendredi 28 février, Soumaya déménageait les affaires de sa sœur avec la camionnette d’une amie. Arrivée à destination, dans les locaux de l’entreprise « Touche touche », à Laeken, dans l’atelier d’un ami de Soumaya. 8 policiers entrent dans l’espace privé pour contrôler et fouiller le véhicule. Ils avancent plusieurs motifs : la voiture serait enregistrée comme appartenant à un collectif d’extrême gauche (alors qu’elle sert à déplacer des oeuvres d’art pour une entreprise et qu’elle n’a aucun lien avec l’extrême gauche), une patrouille était là pour investiguer sur les lieux « censés être vide » (alors que les locaux sont gérés depuis 7 ans par des l’agence Interim pour des ateliers d’artistes ), et qu’une effraction avait été constatée sur la porte d’entrée. À nouveau, donc, des motifs mensongers pour légitimer un contrôle et une fouille, intrusive et fatiguante pour la famille. Contacté, un témoin, membre de l’entreprise « Touche touche », se dit certain que l’attitude des policiers est liée aux activités de « Justice pour Sourour ».


HARCÈLEMENT ET ÉPUISEMENT DES PROCHES
Les exemples d’obstacles et de pressions pour les proches de Sourour sont très nombreux. Mis bout-à-bout, ils forment une stratégie de harcèlement et d’épuisement, qui pèse sur les épaules de la famille depuis maintenant deux ans : les violences policières ne s’arrêtent pas aux victimes, elles s’étendent aussi à leurs proches.
Soumaya explique : « La peur, elle est tellement ancrée en nous, en fait, et moi, je suis crevée. J’ai l’impression qu’ils attendent qu’on fasse un faux pas pour décrédibiliser la lutte ». « Qui appelle-t-on quand on se fait intimider par la police ? Quand est-ce qu’on sera protégé·es ? ».
Soutenir les proches, c’est les aider à rendre leur combat visible. C’est en parler pour empêcher que le silence gagne du terrain. C’est se joindre à la manifestation contre les violences policières et la répression, ce samedi 15 mars. C’est aider financièrement, parce que les frais d’avocat·es tournent pour l’instant autour de 13.000€.
Une cagnotte a été mise en place par Marius Jacob :
Banque : Triodos Banque
IBAN : BE65 5230 8110 3896
Communication : Justice pour Sourour

Légende :
* Un femmage acte ou une cérémonie exprimant respect, reconnaissance et admiration envers quelqu’un·e ; c’est l’équivalent féminin de hommage.
** Journée internationale contre les violences policières et la répression
*** La nasse est une tactique policière qui consiste à encercler les manifestant·es.
Sources :
- « Décès de Sourour Abouda : la police met en place une tactique d’épuisement ». 3 mars 2023. Disponible en ligne : https://bruxellesdevie.com/2023/03/03/deces-de-sourour-abouda-la-police-met-en-place-u
- Justice pour Sourour, fondation Marius Jacob. Disponible en ligne : https://fondationmariusjacob.org/justice-pour-sourour/ .
- Interviews de témoins.
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