
Ibrahima Barrie, 23 ans était un jeune bruxellois qui fut tué en cellule dans le commissariat Bruxelles-Nord après avoir été arrêté, car il filmait un contrôle de police en janvier 2021. Fin juin 2024, deux policiers ont été reconnus coupables pour ne pas avoir porté secours à Ibrahima pendant et après son malaise cardiaque, survenu dans les cellules du commissariat. Ils ont écopé de 7 mois de prison avec sursis. Un troisième policier a été reconnu coupable de coups et blessures sur Ibrahima ; il est condamné à 1 mois de prison avec sursis. Ces peines très légères ne reconnaissent donc pas de lien entre les coups portés sur Ibrahima dans la cellule et son décès.
Une justice qui condamne moins les policiers responsables d’un décès que ceux et celles qui s’en révoltent
En janvier 2025, la justice condamnait 5 personnes qu’elle estime avoir été impliquées dans les révoltes à la suite de la mort d’Ibrahima – à des peines de travail forcé de 240 heures et des peines de prison de 30 mois.
Des condamnations donc beaucoup plus lourdes que celles pour les policiers impliqués dans la mort d’Ibrahima.
Pour rappel, un rassemblement en hommage à Ibrahima, 4 jours après son décès au commissariat avait viré à la révolte. Des tensions entre jeunes et force de l’ordre avaient eu lieu aux abords du commissariat proche de la Gare du Nord. La colère s’était alors propagée dans plusieurs quartiers du nord de Bruxelles et le commissariat place Liedts avait été incendié.
A certains endroits les forces de l’ordre furent dépassées et forcées de se retirer.
À l’issue des affrontements, plus de 100 arrestations avaient été menées. Pour l’écrasante majorité, elles furent administratives (sans suite ni motif particulier) et 4 judiciaires. Des images choquantes avaient également surgi de l’intervention policière, où on voyait un policier tirer à bout portant en rafale au flash-ball sur une personne s’enfuyant. Ou bien encore des dizaines de jeunes, menottés en file en pleine rue. Ces arrestations ne respectaient pas les mesures de distanciation Covid, alors en vigueur.
Le mois d’après, en février, la police mène une grande campagne de perquisition, mobilisant plus de 100 agents de police et vient s’introduire dans 15 domiciles. Elle procède à l’arrestation de 14 personnes.
Un deux poids deux mesures raciste coutumier
En septembre 2023, la justice bruxelloise se prononçait également au sujet des condamnations de jeunes impliqués dans les révoltes à la suite de la mort d’Adil, 19 ans percuté volontairement par une voiture de police.
19 jeunes étaient condamnés avec des peines extrêmement sévères, allant jusqu’à 37 mois de prison ferme. D’autres à 30 mois de prison, d’autres encore à deux ans… et des peines de travail forcé allant de 90 à 170 heures. Comme toujours en face, pour les policiers qui eux sont impliqués dans la mort d’un jeune ne sont – pour le moment – pas inquiétés par la justice, après que la Chambre du Conseil ait requis un non-lieu.
A Liège, après les révoltes populaires dans le cadre du mouvement Black Lives Matter, qui avait eu une portée internationale forte à la suite du meurtre de Georges Floyd aux Etats-Unis, près de 30 jeunes sont poursuivis devant la justice. Le soulèvement international BLM dénonçait le caractère raciste du meurtre de Georges Floyd et plus largement des discriminations négrophobes et les violences policières raciales et systémiques dont sont victimes, entre autres, les communautés noires. A ce stade-ci, nous ne connaissons pas encore les peines requises à leur encontre mais nous pouvons imaginer qu’elles seront du même ordre que celles évoquées précédemment.
Lorsque la Justice ne poursuit pas, ou lors des rares fois où elle poursuit et condamne très faiblement des policiers qui dans l’exercice de leur fonction ont provoqué la mort de jeunes non-blancs, elle dit ceci à la société : « La police peut tuer des personnes non-blanches en Belgique » dans la quasi- totalité des cas, cela ne mérite pas de procès . Elle nous dit ceci au travers des non-lieu requis de manière répétée, il n’y a pas eu de « fautes » ou de crimes commis par la police lorsqu’elle a tué, il n’y a pas lieu de poursuivre les policiers. C’est normal. Et lorsqu’il y’a un procès, comme dans le cadre de la mort de Ouassim et Sabrina, il est parfois au tribunal de police. Tribunal qui s’occupe des infractions routières. Comme si la mort de Ouassim et Sabrina était du même ordre qu’une infraction de la route. La justice ne requiert pas non plus d’écarter les agents de police. Ils font leur travail quelque part, nous informe cyniquement la Justice.
Par contre : lorsque la justice condamne très fermement et ce de manière répétée des jeunes qui se révoltent légitimement contre des crimes racistes, crimes qui tuent parfois leur ami, leur frère, leur sœur, ou leur mère, elle souhaite dire ceci à la société : « Vous n’avez pas le droit de vous révolter, et si vous le faites, vous serez sanctionné de manière lourde« .
Pour la Justice belge, il est plus grave de se révolter contre des crimes racistes, que de commettre des crimes racistes en tant qu’agent de l’Etat. C’est un destin funèbre que les institutions du dit l’Etat de droit souhaitent nous imposer. Une impunité morbide et un système qui défend coûte que coûte la police et ses violences racistes.
Sources :
- DH. « Émeutes suite à la mort d’Ibrahima Barrie dans la cellule d’un commissariat à Saint-Josse : cinq manifestants condamnés. » DH, 23 Jan. 2025. Disponible ici .
- Le Soir. « Décès d’Ibrahima : quatre suspects des émeutes à Schaerbeek placés sous surveillance électronique. » Le Soir, 18 Feb. 2021. Disponible ici .
- RTBF. « Émeutes suite au décès d’Adil : des peines allant jusqu’à 37 mois de prison ferme. » RTBF, 14 Sep. 2023. Disponible ici .
- Bruzz. « Celstraf voor relschoppers die politie bekogelden in nasleep van dood Adil. » Bruzz, 13 Sep. 2023. Disponible ici .
- RTBF. « Émeutes de mars 2021 à Liège : la moitié des prévenus présents pour le début du procès. » RTBF, 27 Nov. 2024. Disponible ici .
- La Libre. « Bilan des émeutes après la manifestation pour Ibrahima : deux majeurs et un mineur privés de liberté. » La Libre, 14 Jan. 2021. Disponible ici .
- Bruxelles Dévie. « Décès d’Ibrahima : les policiers inculpés s’en sortent avec des peines très légères. » Bruxelles Dévie, 26 June 2024. Disponible ici .
complements article
Une question ou une remarque à faire passer au Stuut? Un complément d'information qui aurait sa place sous cet article? Clique ci-dessous!
Proposer un complément d'info