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Logement : Expulsions à Bruxelles, de quoi parle-t-on ?

Logement : Expulsions à Bruxelles, de quoi parle-t-on ?

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie | Collectif : Bruxelles Dévie
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À Bruxelles, chaque jour, 11 ménages reçoivent un ordre d’expulsion. Derrière ces chiffres, se cachent des vies bouleversées, pour des personnes souvent déjà précaires et des conséquences pour l’ensemble de la société. Ces expulsions ne sont donc pas aussi exceptionnelles qu’on pourrait le croire. Elles sont nombreuses et quotidiennes, symptôme d’une crise du logement dont de plus en plus de bruxellois·es font les frais. Pourquoi y a-t-il des expulsions ? Quelles en sont les conséquences ? Et quelles solutions existent pour aider ceux et celles qui en sont victimes ? Ce dimanche 6 avril, dans le cadre de l’Action Logement, une manifestation réunira citoyen·nes, associations et collectifs pour exiger un logement digne et abordable pour tou·tes.

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Une expulsion c’est quoi ?

Une expulsion de logement désigne le processus par lequel un ménage est contraint de quitter son domicile à la suite d’une décision prise à son encontre, qu’elle soit judiciaire, administrative, informelle ou criminelle*. Ce n’est pas une fatalité, mais un processus encadré et facilité par des étapes légales précises, impliquant plusieurs acteurs et actrices institutionnel·les.

À Bruxelles, une expulsion peut être administrative ou judiciaire. La première, plus rare, concerne les logements déclarés inhabitables pour raisons de sécurité ou de salubrité, sur décision communale. La seconde, bien plus courante, est ordonnée par un·e juge de paix à la demande d’un·e propriétaire, en cas d’impayés, de non-respect du bail ou d’occupation illégale. Les expulsions judiciaires restent la principale cause de perte de logement dans la capitale.

Le front anti-expulsion, un collectif qui luttent à Bruxelles contre les expulsions, qui se mobilisent pour dénoncer ces pratiques et qui tissent un réseau de solidarité, témoigne :

« Le nombre de 11 expulsions par jour correspond aux décisions prononcées par un juge de paix. Pourtant, tout au long de la procédure – et même avant qu’elle ne commence –, de nombreuses personnes quittent leur logement sous la pression des intimidations et d’un rapport de force profondément inégal, façonné par le cadre légal et institutionnel.

J’ai accompagné une femme qui a reçu une lettre de l’avocat du propriétaire de son appartement. Elle y vivait depuis des années, mais l’immeuble avait été vendu à un promoteur immobilier. Elle avait pourtant le droit d’y rester encore six mois. Mais le stress causé par cette lettre a tellement détérioré sa santé mentale qu’elle en est venue à envisager le suicide. Finalement, elle s’est expulsée elle-même avant même qu’une procédure judiciaire ne soit entamée.

Il est essentiel de prendre la mesure du nombre immense de personnes concernées par ces mécanismes, ainsi que de l’impact dévastateur qu’ils ont sur celles et ceux qui les subissent.« 

11 ménages reçoivent un ordre d’expulsion chaque jour à Bruxelles.

Conséquences :

-29 % perdent leur emploi.

-43 % des enfants rencontrent des difficultés scolaires.

-71 % souffrent de problèmes de santé ou psychologiques.

La perte de logement touche toutes les facettes de la vie : elle engendre du stress psychologique, des problèmes de santé, un décrochage scolaire pour les enfants et parfois même la perte d’un emploi. Les expulsions coûtent également cher à la collectivité, mobilisant l’appareil judiciaire, les services d’assistance sociale et des solutions d’hébergement d’urgence, sans oublier l’impact économique de la crise du logement. Investir dans le logement abordable ou dans la prévention des expulsions pourrait éviter un coût important pour la collectivité. En Autriche et en Allemagne, il a été démontré qu’1€ dépensé pour maintenir un ménage dans son logement permet d’éviter 7€ de dépenses publiques (hébergement, mesures d’accompagnement comme l’accès à un emploi, une formation, des soins de santé, un suivi psychologique etc.).

Le front anti-expulsion raconte :

« Être menacé d’expulsion, c’est voir ses affaires jetées dans la rue par des employés de la commune. C’est recevoir des messages menaçants du propriétaire du logement où l’on réside. C’est être entraîné dans une procédure judiciaire sans réel fondement, basée sur des mensonges.

C’est être méprisé et tourné en dérision par un juge de paix, dépourvu d’empathie et d’une réelle compréhension des difficultés de relogement. C’est se voir accorder seulement quelques semaines pour trouver un nouveau logement et organiser un déménagement, même lorsqu’on est une mère célibataire avec des enfants scolarisés.

C’est voir son propriétaire changer la serrure de son logement pendant qu’on est au travail (ce qui est illégal). C’est découvrir que le propriétaire dissimule les courriers du juge de paix, nous empêchant ainsi de nous défendre (ce qui est toujours illégal). C’est se réveiller avec la police dans son salon à 4 heures du matin »

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Pourquoi il y a des expulsions ?

Alors que les loyers ne cessent d’augmenter, une part croissante de la population peine à se loger dignement. Aujourd’hui, un tiers des Bruxellois·es (33 %) vit sous le seuil de pauvreté. De nouveaux logements sont produits en suffisance pour satisfaire la demande bruxelloise mais ces logements sont principalement petits, privés et chers. Par contre, Bruxelles manque cruellement de logements abordables, pouvant accueillir une famille, et surtout de logements sociaux, qui ne représentaient que 7% du parc immobilier bruxellois en 2021. L’explosion des prix du marché locatif met des locataires en difficulté et, chaque jour, plusieurs d’entre elles et eux reçoivent un ordre d’expulsion.

La grande majorité des expulsions judiciaires à Bruxelles (81%) concerne des logements privés, et la principale raison invoquée est le retard du paiement du loyer, représentant 86% des cas, avec un montant autour de 2 900 €. Les ménages incapables de payer leur loyer se voient expulser pour faire de la place à des locataires jugé·es plus « rentables ».

Au-delà des impayés, les loyers élevés du marché sont aussi une cause indirecte d’expulsions : de nombreux ménages ne trouvent pas de logement adéquat ou abordable après la fin de leur bail, les contraignant à rester dans leur logement initial et risquant donc l’expulsion. La véritable cause des expulsions n’est pas tant l’incapacité à payer dans l’absolu, mais l’impossibilité de payer des loyers trop élevés. À Bruxelles, le marché du logement, largement non régulé, laisse peu de place à l’encadrement des loyers par les pouvoirs publics. Les bailleurs sont dès lors libres de fixer un loyer qui maximise leur profit, quelques soient leurs frais, tandis que de nombreux locataires doivent consacrer des parts de plus en plus importantes de leurs revenus au logement, jusqu’à ne plus pouvoir suivre. L’expulsion devient alors un outil permettant au propriétaire de maintenir ses profits, en se débarrassant légalement d’un locataire incapable de payer.

Les expulsions ne sont donc pas seulement le résultat d’une décision des propriétaires bailleurs, mais elles font partie d’un problème structurel qui touche de nombreuses grandes villes : un manque d’encadrement des loyers, un nombre insuffisant de logements abordables, que ce soit dans le secteur public ou privé, et l’absence de structures de transit pour les personnes expulsées.

La pauvreté, loin d’être un phénomène isolé ou une conséquence de choix personnels, est avant tout le produit de rapports de force inéquitables dans la société. Les politiques économiques et les règles du marché contribuent à maintenir cette inégalité, et le secteur du logement en est l’un des principaux moteurs. Au lieu de répondre aux besoins essentiels de la population, le droit de se loger, il aggrave la précarité, notamment à travers les expulsions qui rendent encore plus vulnérables ceux et celles qui sont déjà en difficulté.

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On n’expulse pas en hiver

Dans un marché locatif de plus en plus inaccessible, une avancée importante pour le droit au logement a vu le jour en Belgique. La trêve hivernale, instaurée en 2018 en Wallonie et étendue à Bruxelles en 2023, protège désormais les locataires les plus vulnérables en hiver. Du 1er novembre au 15 mars, aucune expulsion ne peut avoir lieu, même si un·e juge de paix a ordonné l’évacuation du logement.

Cette mesure, bien que temporaire, constitue un filet de sécurité face à la précarité croissante et à l’augmentation constante des loyers. Une victoire pour les associations de défense du droit au logement, qui réclament cependant des mesures plus structurelles pour faire face à la crise du logement.

Le front anti-expulsion partage : « Pendant le COVID, un moratoire a suspendu les expulsions. En temps de crise, des mesures peuvent être prises, et elles doivent l’être. Lutter contre les expulsions, c’est dire STOP : les expulsions doivent cesser. C’est injuste, et c’est inacceptable. Le droit au logement est inscrit dans la Constitution belge (article 23), ce qui rend les autorités responsables de sa mise en œuvre. »

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Des actions pour un logement digne et abordable : les mobilisations se poursuivent

Dans le cadre de la mobilisation internationale autour de l’Action Logement (Housing Action Day) à Bruxelles, une manifestation le dimanche 6 avril, réunissant des citoyen·nes, des associations et des collectifs pour exiger un accès à un logement digne et abordable pour tou·tes les habitant·es de la région.

Les revendications des mobilisations sont claires : Plus de logements sociaux à travers la région bruxelloise, pour répondre à la demande croissante. La fin des expulsions et une protection renforcée des locataires. La baisse des loyers, afin de rendre le logement accessible à toutes et à tous. La fin du sans-chez-soirisme, en garantissant un toit pour chaque personne. La régularisation des personnes sans-papiers, pour leur permettre d’accéder à des conditions de logement dignes.

Si ces revendications peuvent sembler ambitieuses, elles ne sont pas utopiques. L’augmentation des prix du logement n’est pas inéluctable. C’est le résultat de choix politiques. Les mobilisations actuelles témoignent de la volonté de changer les choses et de remettre le droit au logement au cœur des priorités publiques.

En dehors de cette mobilisation, les organisateur·rices appellent à les soutenir toute l’année, notamment via plusieurs associations et collectif, par exemple le front anti-expulsion ou encore le syndicat des locataire (WUNNE).

Légende :

* Par criminelle, l’on entend une décision illégale, qui ne respecte pas les procédures

Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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