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Analyse du parti « Chez nous »

Analyse du parti « Chez nous »

Nous avons écrit une analyse, que nous espérons la plus complète possible, du dernier venu dans le paysage d’extrême-droite en Wallonie : la formation « Chez nous ».

A travers une chronologie du parti, une présentation de ses cadres et de son idéologie entrecoupés de quelques encarts plus spécifiques, nous espérons ainsi mieux outiller les militant.e.s dans la compréhension et le décryptage de l’extrême-droite ainsi que sur les moyens pour les dégager.

Wallonie | sur https://stuut.info | Collectif : Front Antifasciste de Liège 2.0 | Collectif : Front Antifasciste de Liège 2.0

Présentation de l’histoire du parti, de ses cadres et de son idéologie :

27 octobre 2021 le meeting de fondation empêché.

Si le parti d’extrême-droite « Chez nous » était actif sur internet dès l’été 2021, il avait annoncé en grande pompe un meeting de fondation au mois d’octobre en compagnie du Rassemblement National et du Vlaams Belang dans un lieu tenu secret de la région liégeoise.

Dès cette annonce, le Front Antifasciste de Liège et de nombreux acteur.ice.s ou militant.e.s s’étaient mobilisés pour trouver le lieu du meeting et, surtout, afin de l’empêcher. Un fastidieux travail invisible s’est mis alors en place à ces fins. De nombreuses personnes, collectifs et organisations nous ont apporté leurs soutiens, ont relayé notre appel, ont poussé leurs propres organisations, partis ou syndicats à prendre position et initiatives et, mieux encore, à se mobiliser. C’est grâce à cette lutte menée sur plusieurs fronts, autant physique que virtuel, que la pression fut telle que le meeting fut annulé, déplacé de Herstal à Enghien et s’est conclu en tant qu’une pitoyable conférence de presse improvisée.

Espérant marquer des points dans cette « terre rouge » qu’est Liège, « Chez nous » s’est plutôt éclipsé sans demander son reste. Bien sûr, coutumière à elle-même, l’extrême-droite s’est posée comme victime de censure et d’autres types de pression violentes afin de masquer son échec. Mais c’est par un véritable rapport de force, large et populaire, qui a uni différents acteurs, institutionnels ou non, des quatre coins de la Belgique – de Anvers en passant par Tournai, Bruxelles ou encore Charleroi – prêts à se mobiliser au contre-meeting afin de ne laisser aucun terrain aux fascistes, qui a permis que ce meeting fut annulé.

1. Être calife à la place du calife :

Le parti « Chez Nous » a été fondé publiquement le 27 octobre 2021 lors de son meeting empêché, mais son origine et sa création sont antérieures [1] puisqu’il démarre d’une fronde interne au sein du Parti Populaire (PP) de Mischaël Modrikamen. Pourquoi ? Le PP était un parti de cadres, très hiérarchisé et contrôlé d’une main ferme par le clan Modrikamen-Dehaene. Ce qui ne plaisait pas à différents cadors du parti qui refusaient cette mainmise, n’adhéraient pas à la stratégie politique, aux multiples conflits internes ou étaient déçus des échecs électoraux successifs.

Un des principaux points de désaccord : le refus de Modrikamen d’amorcer un quelconque dialogue avec les autres forces conservatrices ou d’extrême-droite en Wallonie. En effet, l’aile conservatrice du MR ou du CDH est boudée du fait de la stratégie populiste du parti et de l’incapacité à leur donner des postes rémunérés. Malgré quelques manifestations en commun, les néonazis de Nation et ses satellites sont, quant à eux, rejetés car considérés comme trop extrémistes – tout autant que les nombreuses dissidences du PP La Droite » de Aldo-Michel Mungo, « Debout les belges » de Laurent Louis, « Valeurs Libérales Citoyennes » de Chansay-Wilmotte, etc.,). [2] Ce qui ne plaît pas à la jeune garde du parti qui souhaite rassembler les forces de droite dite « populaire » sous un seul et même drapeau.

A l’époque où il était le président des jeunes du Parti Populaire, Jérôme Munier, l’actuel coprésident de Chez Nous, prépare un putsch avec quelques cadres du parti et avec des soutiens extérieurs afin d’en changer la direction. Il s’agit de devenir une force plus électorale en se rapprochant d’autres formations politiques et d’assumer davantage une ligne frontiste afin de réussir le pari raté de Modrikamen : faire du PP un équivalent du Front National en Belgique. Dans les « putschistes », nous retrouvons Aldo Carcaci, député fédéral ; André Antoine, son assistant parlementaire ; Grégory Vanden Bruel, le second coprésident actuel de Chez nous, alors assistant parlementaire d’André Pierre Puget [3] ou encore Ghislain Dubois, soutien extérieur et avocat belge de Marine Le Pen, etc. Mais la mèche est vendue à Modrikamen en 2017 par une autre membre du PP, Valérie Appeltants (l’organisatrice de la conférence empêchée de Théo Francken à Verviers). Celui-ci décide alors de reprendre la main et de tenir plus fermement les rênes du parti jusqu’à ce qu’un nouvel échec électoral, lors du scrutin régional et fédéral de 2019, vienne mettre un coup de frein définitif au Parti. Il s’auto-dissout en juin 2019.

Le journal « Le Peuple » avec son rédacteur en chef Grégory Van Den Bruel :

Le journal « Le Peuple » était un quotidien syndical socialiste bruxellois et un monument du journalisme de gauche en Belgique de la fin du XIXe jusqu’à la fin du XXe siècle.

L’appellation est rachetée en 2010 par Modrikamen afin d’avoir un média, sous forme numérique, pour la propagande du parti. A cette fin, il crée une fondation, lui permettant ainsi de nombreuses défiscalisations, et une SCRL médiatique « Freedom Media Group ». Les deux structures sont dirigées par Modrikamen ou sa famille (sa femme, son fils) ou de très proches amis comme l’islamophobe notoire Joël Rubinfeld – qui fut un temps coprésident du PP -. Ces structures ont leur siège dans le domaine familiale de Modrikamen à Watermael-Boiffort, avenue du Houx 42.

Fort d’un capital souscrit de plusieurs centaines de milliers d’euros, le journal se lance et annonce en grande pompe le nom de son premier véritable rédacteur en chef, Luc Rivet, ancien journaliste de la RTBF reconverti en lobbyiste anti-éolien. Mais les différents tourments du Parti Populaire précipitent également le journal dans la crise : perquisitions judiciaires suite à des plaintes pour fraude du parlement européen, multiples démissions du poste de rédacteur en chef dont Alain de Kuyssche (Ex-Ubu-Pan), bilan économique dans le rouge, lectorat faible, piètre qualité des articles, etc.

Ils sont ainsi nombreux à s’être refilé la casquette de rédac chef qu’héritera sur la fin Grégory Vanden Bruel. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était un bâton merdeux : le journal n’est qu’un florilège d’articles particulièrement violents et virulents de haine contre les étrangers, les musulmans, les jeunes mobilisés pour l’écologie, contre les universités en appelant la dissolution des facultés de sociologie, etc. Les quelques rares articles de fond sont truffés de fakenews, de mensonges, de malversations de données et surtout de nombreux plagiats d’articles de sites douteux comme Boulevard Voltaire, Dreuz Info ou encore Breibart appartenant tous à de riches capitalistes de la fachosphère française ou américaine. Pour l’anecdote, un ancien cadre dissident du PPcomparera même le journal « Le peuple » au tristement célèbre journal « Le Pays Réel » du collaborationniste Léon Degrelle.

Dès lors, il n’est pas étonnant que Grégory Vanden Bruel a fait ses premières armes également dans ces médias. C’est par des articles au sein de Boulevard Voltaire puis dans l’éphémère tentative média belge, B-Mag à l’initiative de l’ultraconservateur Drieu Godefridi, qu’il se construit au fur et à mesure une réputation d’intellectuel. Aujourd’hui, il se donne le rôle de l’idéologue du parti « Chez nous ».

2. Les parvenus racolent large afin d’avoir des alliés et finissent par se soumettre au grand frère flamand :

Pour les conjurés il est l’heure ! L’année 2019 signe le glas du Parti Populaire mais aussi celle des Listes Detesxhe, du nom de cet ancien sénateur et leader du courant libéralo-lepéniste du Mouvement Réformateur bruxellois. Elle signe également une profonde scission au sein du mouvement Nation dont Olivier Balfroid, l’ex-secrétaire général, mène la dissidence pour fonder le PNE (Parti National Européen). [4] Voulant une idéologie davantage liée à une civilisation européenne qu’un simple belgicanisme, une démarche plus électoraliste ainsi qu’un style et une communication plus soignées pour se distancer du militantisme de rue et nazillon de Nation, le PNE essaie de se structurer et de surfer sur la vague anti-covid mais autant les réponses antifascistes que les querelles internes et les vieilles habitudes militantes issues de Nation les amènent à l’échec. Le PNE décide alors de rejoindre en décembre 2021 « Chez Nous ».

Les deux coprésidents, Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel, s’activent : après s’être vus accordé le soutien d’Alain Destexhe pour leur nouvelle formation électorale, certains membres des listes Destexhe, pour une part issus de la droite du MR ou du CDH, les rejoignent comme l’ancienne député régionale Patricia Potigny. Le PNE les a rejoint ainsi que des anciens du Front National belge comme un de leur dernier dirigeant Jean-Pierre Borbouse. Mais réunir les groupuscules et autres cadres de l’extrême-droite wallonne inconnus du grand public ne garantit pas un quelconque succès. Il faut autre chose : des personnalités connues, en particulier chez les jeunes ! A cette fin, les deux hommes, fort de leurs liens avec l’extrême-droite flamande et française [5], vont décider de réitérer le pari raté de Modrikamen : s’allier le soutien de grands-frères. C’est entre autre Ghislain Dubois, l’avocat de Marine Le Pen, qui va jouer les entremetteurs avec le Vlaams Belang (VB) et le Rassemblement National (RN). C’est pourquoi le gendre de Le Pen, Jordan Bardella alors président par intérim du RN pendant la campagne présidentielle française, et Tom Van Grieken, président du VB, sont présents lors du meeting de fondation.

Remarquons que « Chez nous » a franchi un pas que le PP, bien qu’il avait lui-même été racolé auprès des anciens du Front National, n’avait osé se permettre : recycler des cadres et militants de la mouvance néonazie au nom de la réunion de la grande famille d’extrême-droite. D’ailleurs, celle-ci constitue aujourd’hui la base militante de « Chez nous ».

La conférence de presse pour la fondation du parti « Chez nous » : entre amateurisme et emprise du Vlaams Belang.

Le 27 octobre, en pleine débandade, « Chez nous » remplace son meeting de fondation par une conférence de presse improvisée en présence Jérome Munier et Grégory Vanden Bruel, les deux coprésidents de « Chez nous », et leurs invités, Tom Van Grieken et Jordan Bardella. Elle est diffusée en direct sur les réseaux sociaux.

Malgré l’audio de mauvaise qualité, il s’est passé des choses durant cette conférence. Si les poncifs de l’extrême-droite (racisme, xénophobie, antigauche, stratégie de la peur, etc.,) et les postures victimaires, outrancières et prétendument « antisystème » sont au cœur de l’intervention des deux co-présidents – et reprisent en cœur par les deux invités -, c’est les questions posées par les journalistes et les réactions de Van Grieken qui sont éclairantes de la nature du parti « Chez nous ». Bardella, quant à lui, se contentera d’interventions plutôt mornes et poujadistes en endossant, volontairement ou non, le costume du personnage secondaire, voire même anecdotique.

Le premier constat de la vidéo c’est que les deux coprésidents de « Chez nous » n’ont pas connaissance du cadre institutionnel de l’Etat Belge ni des différentes compétences allouées aux entités fédérées et à l’Etat fédéral. Si cet amateurisme politique n’est pas neuf à l’extrême-droite qui se contente généralement d’une pensée de slogans, cela devient assez risible lorsque « Chez nous » se targue d’être le parti qui va mener de grandes réformes et d’être le parti de « l’efficacité ». Mais derrière cette prétention à l’efficacité, c’est la vieille vision libertarienne qui est prégnante. L’amateurisme politique ne suffit pas à expliquer la nullité de « Chez nous », leur programme consistant simplement à privatiser le patrimoine, les services publics et démanteler l’Etat au profit du secteur privé – autrement dit, enrichir les riches et appauvrir les pauvres.

Première information importante donnée dans cette conférence, c’est malgré sa prétention d’être un « parti du terroir » et de vouloir défendre l’identité du « local au civilisationnel », « Chez nous » privilégie l’élection régionale et en particulier fédérale pour l’horizon 2024. Cette déclaration ambivalente répond en fait à une nécessité stratégique externe au parti : le Vlaams Belang ne pouvant accéder facilement au pouvoir du fait du cordon sanitaire mais aussi du cadre institutionnel fédéral qui impose la présence d’au moins un parti francophone ou néerlandophone pour constituer l’exécutif, le Vlaams Belang a tout intérêt de trouver un parti fantoche du côté francophone au cas où il deviendrait suffisamment hégémonique en Flandre. D’ailleurs, « Chez nous » n’explique-t-il pas, lors d’une question d’une journaliste, que la principale différence avec son prédécesseur du PP est qu’ils ont le soutien du VB et du RN ?

A un moment donné, un journaliste pose la question suivante à Jérôme Munier : « Quelle est « l’identité » nationale que vous mettez en avant ? » Si la réponse n’est pas piquée des vers, c’est surtout la réaction de Van Grieken et le rétropédalage de « Chez nous » qui éclaire bien le rôle de sujétion entre les deux partis. Munier répond : « L’identité, chacun peut se retrouver à un moment donné dans l’identité. Dans l’identité liégeoise, dans l’identité verviétoise, dans l’identité wallonne comme dans l’identité belge.  » Le journaliste insiste : «  Pour M. Bardella, l’avenir du pays c’est la France ; pour M. Van Grieken l’avenir c’est la Flandre comme pays, et pour vous ? ». Munier répond : « L’avenir de la Wallonie c’est d’être une région ». Le journalise rétorque : «  Oui, mais dans quel pays ? », Munier conclut : «  De la Belgique  ».

Evidemment, une telle réponse ne peut pas plaire au patron flamingant qui reprend la main et, à force de messes basses et d’interventions dans l’échange, contraint « Chez nous » a adopté une ligne plus adéquate à ses vues. Prenant la parole, et traduit par Munier, Van Grieken donne le ton de la ligne idéologique de « Chez nous ». Cette prise de parole est autant à destination des journalistes (francophones) qu’au duo des deux coprésidents et le message est clair : « Chez nous » a comme espace politique et national la Wallonie, et non la Belgique (ni Bruxelles qui, pour le Vlaams Belang se trouve en « territoire flamand »). Tout nationalisme belgicain ou toute défense d’une identité belge doivent cesser. Le malaise est tellement palpable sur les questions communautaires que Munier se montre alors particulièrement prudent dans ses réponses ne voulant pas s’aliéner Van Grieken, dont il écoute attentivement les apartés soufflés régulièrement à son oreille.

Dernier moment : les pieds dans le plat sur l’égalité homme-femme et le sauvetage, à nouveau, par Tom Van Grieken. Au début de la conférence de presse, Vanden Bruel reprend la thèse sexiste de la complémentarité des sexes afin de se lancer dans une grotesque péroraison sur la civilisation européenne qui serait la prétendue genèse de l’« amour courtois » [6] et autres fadaises devant servir de socle contre la barbarie islamiste ou étrangère. Bref, un mélange de sexisme, de xénophobie et de racisme sous des faux airs de savants défendant un pseudo féminisme pour des visées racistes. Bref, du fémonationalisme.

Vu que la réalité sociale n’est pas un genre littéraire médiéval mondain, un journaliste pose donc la question suivante : «  … est-ce que l’égalité homme-femme est un fait ? ». Si Vanden Bruel défend pour la forme l’idée que son parti est favorable à l’égalité homme-femme, la suite de son propos éclaire le fond de sa pensée : «  … On est arrivé (…) [en] Belgique à une égalité entre les hommes et les femmes, en tout cas à une complémentarité dans laquelle chacun trouve son compte.  » La suite de questions du journaliste sur les droits des femmes et l’égalité homme-femme provoquent parmi les quatre hommes un rire gêné et un certain embarras puisque le sophisme du pire et la posture whataboutiste utilisés comme réponses standards ne convainquent pas l’assemblée des journalistes. De manière offensive et avec une certaine colère contenue Van Grieken intervient pour pourfendre cette « haine de soi » et défend la fierté que l’on devrait avoir dans nos pays sur cette question. Puis Munier botte en touche en plaidant qu’il y a également d’autres sujets important à traiter. Bref, une fois encore le grand frère dicte le ton et vient à la rescousse du petit parti.

En conclusion, tout le long de cette conférence de presse démontre que « Chez nous » n’est qu’un parti vassal du Vlaams Belang, qu’il doit être soumis au nationalisme flamand en échange de son soutien politique et financier.

3. « Chez nous » : poujadiste, démagogue, raciste et réac’.

Idéologiquement, le parti se réclame de la « droite populaire » et défend un vision libérale-conservatrice de l’économie (c’est-à-dire un mix entre un prétendu refus de la mondialisation mais avec un programme économique très favorable au patronat et au capital en assumant un conflit de classe avec les travailleurs-euses et leurs syndicats) où l’individu méritocratique est central et où les formes de redistribution de richesses sont frontalement attaquées. Il assume bien plus volontiers une vision pro-patronale et ressemble sur le plan socio-économique à la ligne défendue par Jean-Marie Le Pen d’inspiration ultralibérale (Reagan – Tatcher), voire même libertarienne. (Rappelons que Munier était membre d’un cercle universitaire des jeunes libéraux avant de se rapprocher plus tard du Mouvement Réformateur pour finir au Parti Populaire).

« Chez nous » se place également dans une idéologie nationale-populiste. Pour le reste, on retrouve les classiques de l’extrême-droite : anti-gauche, antisocial, nationalisme, sécuritarisme, traditionalisme, xénophobie, islamophobie, antiféminisme, anti-écologie, covidosceptique, défense d’un capitalisme national, attaques sur les allocataires sociaux, les personnes migrantes, etc. Ayant hésité à ses débuts entre la défense d’un nationalisme belge ou wallon puis contraint, comme nous l’avons vu, par Van Grieken de défendre une identité wallonne, « Chez nous » privilégie la démagogie contre-culturelle identitaire, chrétienne et civilisationnelle européenne plutôt que la carte d’un nationalisme politique. On retrouve la même analogie avec la dimension chrétienne. Si « Chez Nous » n’est pas en soi un parti religieux, il surfe allègrement sur le côté « chrétien » de la Belgique dont ils ont fait un point de reconnaissance – leur logo est une église et une abeille.

Outre l’expression vieillotte qu’il utilise abondamment – remettre l’église au milieu du village –, elle leur permet également de « draguer » les élu.e.s ou l’électorat du CDH/Engagé, parti politique aujourd’hui en plein déclin. (Rappelons que Vanden Bruel fit partie de l’aile conservatrice des jeunes CDH). L’abeille, quant à elle, est une forme de reprise de la fable du colibri – chacun peut faire sa part pour le Parti – mais elle lui permet également de mettre en avant des produits du « terroir » comme le miel dont les militant.e.s de « Chez nous » en distribuent régulièrement lors de séances de tractage dans l’espace public.

Bien que ses cadres soient issus de la classe sociale des nantis (Munier travaille dans une société de gestion patrimoine pendant que Vanden Bruel travaille pour le groupe parlementaire européen d’extrême-droite « Identity and Democracy Party »[7]), le parti se présente démagogiquement comme « antisystème » et critique à tout crin l’ensemble du spectre politique afin d’attirer les désabusés, en particulier chez les jeunes qui sont leur première cible électorale.

Pour les élections de 2024, le RN français leur aurait accordé la possibilité d’utiliser leur sigle et logo, ce qui leur permettrait de surfer sur leur nouveau succès électoral malgré qu’ils soient des inconnus ici. Outre ce soutien politique, « Chez nous » bénéficie également de l’expérience, des conseils et, surtout, d’un soutien financier du Rassemblement National et du Vlaams Belang.

L’Université d’Eté des jeunes de Chez nous, un nouvel échec face à la mobilisation antifasciste.

Le dimanche 26 juin devait se dérouler l’Université d’Eté de « Chez nous » dans la riche villa liégeoise de l’avocat belge de Marine Le Pen, Ghislain Dubois. Comme lors de leur congrès de fondation, le Front Antifasciste de Liège s’est mobilisé pour empêcher qu’elle puisse se dérouler.

La veille, durant le Festi’FAL, le festival ardemment antiraciste, nous avions pu prévenir, malgré les activités et l’ambiance tout aussi joyeuse que festive, le public de l’organisation de cette université mais surtout de l’action que nous allions mener le lendemain. Cependant, la police liégeoise a eu vent de notre petite visite dominicale et en a soufflé mot à « Chez nous » qui a préféré déguerpir dans la périphérie de Charleroi. Plus précisément dans une cave de Gilly (chaussée de Montigny 293), propriété de Jean-Pierre Borbouse qui, après avoir été le local de Nation et du PNE, est aujourd’hui utilisé par « Chez nous ».

Malgré l’absence d’une communication publique, nous étions une trentaine de militant.e.s et sympathisant.e.s du Front Antifasciste de Liège, dont plusieurs avaient été mis au courant la veille, à s’être rassemblé place du Batty dans le quartier de Cointe afin de partir collectivement en direction de la rue du Chéra, vers la villa de l’avocat. Après une prise de parole sonorisée en face de la maison afin de donner les raisons de notre présence, nous avons été tracter dans le boites aux lettres du quartier informant sur ce qui se déroule à proximité de chez eux et appelant à lutter contre les extrêmes-droites. Une action qui fut rondement menée.

Cela faisait des longues semaines que « Chez nous » menait campagne à force de vidéos promotionnelles avec, également, l’annonce de la présence du président des jeunes du Vlaams Belang, Filip Brusselmans. Mais le travail de veille et de mobilisation antifasciste en décidé autrement. L’échec étant trop flagrant, « Chez nous » a préféré taire les événements et à force de nouvelles vidéos promotionnelles il a essayé de construire une image de réussite de l’université malgré que les jeunes furent tout au plus une douzaine comme on peut le voir sur les photos et vidéos qu’ils ont eux-mêmes posté.

4. Conclusions.
  • En conclusion sur « Chez nous :
    Aujourd’hui, ce parti ne représente pas aujourd’hui ni une menace sociale (ils n’ont pas encore de bases sociales) ni politique (ils n’ont pas encore d’élu) à l’heure actuelle mais à la différence des autres formations d’extrême-droites wallonnes il compte bien peser sur le champ électoral, profitant d’une période propice en Europe pour de tels mouvements, à laquelle aujourd’hui la Wallonie fait figure d’exception.

Aujourd’hui, il adopte des stratégies communicationnelles qui ont fait le succès du VB et du RN : des vidéos courtes, de buzz sur les réseaux sociaux à destination d’un public jeune, des slogans simplistes et facticement participatif ainsi qu’une multiplication de fausses informations et de témoignages truqués permettant de déployer leur démagogie. En étant arrivé à réunir les trois camps de l’extrême-droite (des nationaux-populistes, des traditionalistes conservateurs et des néonazis ou autres identitaires), il a réussi à composer un pôle d’extrême-droite dans le champ politique wallon. Se faisant, il se constitue donc comme l’héritier du Front National belge, aidé de surcroit par le soutien politique, logistique et financier du VB et du RN.

Pourtant, nous l’avons vu, il s’agit surtout d’une aubaine pour les nationalistes flamands qui se cherchent des alliés du côté wallon [8] mais aussi pour les extrêmes-droites d’Europe qui cherchent à ce que disparaisse cette tache wallonne où l’extrême-droite est inexistante électoralement et politiquement.

  • En conclusion pour l’antifascisme :
    Au sein du Front Antifasciste de Liège 2.0, nous défendons l’idée qu’il vaut mieux étouffer toute initiative d’extrême-droite dans l’œuf en les empêchant de se développer, en les perturbant, en particulier lorsqu’il souhaite investir l’espace public. Cette tactique permet que les extrêmes-droites doivent toujours garder une vigilance sur la réaction antifasciste, ce qui provoque parfois des tensions en leur sein et leur fait dépenser de l’énergie, du temps et de l’argent qu’elles auraient pu mobiliser autrement pour se développer. Si cette stratégie du pourrissement porte ses fruits, elle nécessite malgré le travail de veille c’est-à-dire de surveillance de l’extrême-droite, d’analyses et de mobilisations lorsque c’est nécessaires ou opportuns.

Bien que le Front Antifasciste organise ou participe à différentes actions ou mobilisations à Liège essentiellement mais aussi à Verviers, Gilly ou ailleurs, un collectif local ne peut pas tout. Néanmoins, le travail et les actions menées depuis bientôt quatre ans montrent la nécessité et la pertinence de coordinations antifascistes intégrées dans un maillage local. Peu importe les formes multiples qu’elles peuvent prendre tout autant que les manières de s’organiser ou encore les moyens d’actions utilisés, de telles coordinations doivent voir le jour en s’appuyant sur les réalités et les forces sociales locales.

Que ce soit pour des échanges, une première aide logistique, voire même davantage, le Front Antifasciste de Liège se met à la disposition de toutes initiatives qui souhaiteraient se lancer en ce sens.

5. Notes de bas de page et pour aller plus loin :

Pour écrire cet article, la plupart des informations présentes sont tirées des différentes enquêtes publiées par le blog « Journal Résistance(S) », des articles de presse mais aussi différentes recherches menées sur le moniteur belge, les réseaux sociaux ou encore dans les différentes publications de Chez nous.

  • Notes de bas de page :

[1] L’ASBL « La Ruche », regroupant également les activités de « Chez nous », est d’ailleurs enregistrée le 30 octobre 2020. Le siège de l’association se trouve à Evere, avenue de Frioul 32 au domicile de Jérôme Munier.

[2] Voir J. Dohet, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, J-P Nassaux et P. Wynants, Les Partis sans représentation parlementaire fédérale, CH du CRISP n°2206-2207, 2014, pp.41-53 ; Biard, Benjamin, L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019), CH CRISP n°2420-2421, 2019, pp.30-38 et Julien Dohet et Olivier Starquit La Bête a-t-elle mué ? Les nouveaux visages de l’extrême droite, coll. Liberté j’écris ton nom, Bruxelles, CAL, 2020, pp.48-50

[3] André Pierre Puget fut élu parlementaire wallon sur une liste électorale du Parti Populaire dont le seul coup d’éclat durant tout son mandat fut qu’il fut épinglé pour des emplois fictifs. Mais, bien vite, il claqua la porte du PP pour rejoindre de manière brève la formation « La droite » avant de lancer sa propre formation « J’existe ». Plus tard, il rejoignit, sans succès, la « Liste Destexhe ».

[4] Pour une analyse de ce dernier voir Julien Dohet et Olivier Starquit La Bête a-t-elle mué ? Les nouveaux visages de l’extrême droite, coll. Liberté j’écris ton nom, Bruxelles, CAL, 2020, pp.45-47.

[5] Jérôme Munier est bruxellois et parfait bilingue, proche des élus du VB de par son rôle d’assistant parlementaire, tandis que Grégory Vanden Bruel est un rédacteur régulier du site de la faschosphère Boulevard Voltaire et un proche du Front National de la Jeunesse (le parti jeune du Rassemblement National, aujourd’hui « Génération Nation »).

[6] Genre littéraire médiéval.

[7] On retrouve encore une pratique courante parmi les partis d’extrême-droite eurosceptiques. Crier aux scandales sur les dépenses publiques et les institutions européennes mais ne crachant pas dans la soupe lorsqu’il s’agit d’aller chercher les donations publiques européennes ou de les détourner. Un eurosceptique payé par l’UE, cocasse non ? »

[8] Le scénario est peu crédible mais il existe formellement. Dans le cadre d’une majorité gouvernementale au fédéral, il faut qu’il y ait au moins un parti francophone et un parti néerlandophone. Un parti d’extrême-droite francophone, même seul, pourrait venir jouer l’appoint à un gouvernement constitué des partis nationalistes flamands.

  • Pour aller plus loin sur « Chez nous » :
    Citons parmi les articles et enquêtes de Résistances les suivantes :

« Chez nous », un nouveau (mini) parti d’extrême droite en Wallonie ;

« Chez nous », le nouveau Front National Belge ;

Voir en ligne : https://liege.antifascisme.be/analy...

Notes

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