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Balance ton bar – 3 ans après : Le parquet ne requiert aucune peine prétextant une « sanction sociale » suffisante

Balance ton bar – 3 ans après : Le parquet ne requiert aucune peine prétextant une « sanction sociale » suffisante

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie
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TW – violences sexistes et sexuelles

En octobre 2021 est né le mouvement Balance ton bar. Au départ, il s’agissait d’un appel à témoigner sur les réseaux sociaux de tout type de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les bars bruxellois.

En quelques semaines, une centaine de témoignages ont été recueillis et publiés. Balance ton bar a par ailleurs appelé à un boycott des bars visés par les témoignages. Ce mouvement a rapidement pris une ampleur inédite à Bruxelles et a également été repris à l’international.

Un cas précis a été à l’origine du mouvement de dénonciation et de contestation : un ex-barman du Waff et du El Café (deux bars du quartier du cimetière d’Ixelles) a été accusé de viol par deux femmes.

Début décembre 2024, trois ans après les faits, l’accusé est comparu devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Le parquet de Bruxelles reconnaît que l’accusé est coupable des crimes qui lui sont imputés, mais ne requiert jusqu’ici aucune peine. Une suspension* du prononcé a été requise, parce que la « sanction sociale » qu’a subie l’accusé est considérée comme suffisamment lourde.

La « sanction sociale » en question serait le fait d’une perte d’emploi, de la diffusion du nom et de l’adresse de l’accusé sur les réseaux sociaux et plus largement, d’un « lynchage médiatique ».

Ainsi, le parquet estimerait qu’un procès « social » remplace le procès judiciaire. A priori, le coupable devra indemniser la victime, mais il n’ira pas en prison. Ce cas de figure pourrait constituer un précédent pour d’autres cas de VSS similaires.

Balance ton bar dénonce une minimisation des violences subies par les victimes (en insistant sur leur comportement pour les rendre responsables), une invisibilisation des conséquences pour les plaignantes ainsi qu’une alimentation de la culture du viol par une justice et des médias complaisants avec les agresseurs.

L’appareil judiciaire s’est jusqu’ici montré largement inefficace pour faire face au nombre grandissant des témoignages de VSS, à Bruxelles comme ailleurs. Par-delà la libération de la parole, des mouvements féministes expriment de plus en plus la nécessité d’envisager des solutions structurelles, en dehors des punitions individuelles de l’appareil judiciaire et policier, pour faire face collectivement aux violences faites aux femmes**, tant au niveau de la prévention que de la prise en charge des victimes et des agresseurs, une fois les violences commises.

Les peines de prison n’apparaissent pas comme une solution efficace et pérenne, et favorisent parfois la récidive. Les prisons sont le lieu de violences et de conditions de vie très dures, qui ne font qu’exclure, pendant un temps donné, des auteurs de crimes, sans résoudre structurellement la multiplication des cas de VSS.

En revanche, l’absence de peine de prison, en l’état actuel du système judiciaire, témoigne de l’impunité dont bénéficient encore les agresseurs. Le peu d’indignation que suscitent les VSS est révélateur d’une norme culturelle qui banalise les violences faites aux femmes.

Le procès dont il est question ici nous confronte à une forme d’impasse en termes de lutte contre les violences faites aux femmes. D’un côté, l’impunité normalise la culture du viol, avec une justice qui ne souhaite pas sanctionner car une « sanction sociale » aurait déjà eu lieu. De l’autre, les solutions punitives classiques paraissent inefficaces pour transformer durablement les rapports de pouvoir et de domination ou pour prévenir la violence.

Plus largement, la libération de la parole, permise par des mouvements comme Balance ton bar, vient mettre en avant des questionnements nécessaires quant aux violences qui persistent et les réactions des pouvoirs publics face à ces violences.

Comment déplorer des sanctions sociales, si la justice va davantage dans le sens de l’auteur de viol que de la personne qui le subit ?

Quelles solutions apporter aux comportements violents envers les femmes et minorités de genre ?

Comment imaginer une façon de faire justice, sans les violence produites par l’appareil judiciaire et policier ?

Légende :

* « La suspension signifie que le juge estime que les faits qui vous sont imputés sont établis mais qu’il suspend le prononcé de la condamnation pendant une période déterminée. Cette période, également appelée délai d’épreuve, peut varier d’un an à cinq ans selon les faits. » (SPF Justice)

** Nous considérons ici les violences faites aux femmes, mais rappelons que les minorités de genre au sens large font l’objet de violence sexistes et sexuelles.

Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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