« [Les journalistes] ont constaté » « une radicalisation d’une frange du mouvement climat » par le biais d’une « tentative d’entrisme », encore « marginale » de militant.e.s issu.e.s de l’extrême gauche révolutionnaire au sein du mouvement climat. » 1. La manière de présenter les militants révolutionnaires comme extérieurs au mouvement social est une stratégie policière classique : il s’agit d’une délégitimation des propositions radicales en présentant les révolutionnaires comme des récupérateurs.trices extérieurs.es.
Cette présentation du mouvement écologiste comme étant un mouvement modéré et qui se radicalise par l’infiltration d’éléments extrémistes exogènes ne résiste pas à un examen de l’histoire de la mouvance. Celle-ci a toujours été marquée par une hétérogénéité et a, depuis ses débuts, eu un pôle radical. On peut penser à l’auteur américain Murray Boockchin et ses théories sur l’écologie sociale dès les années 60 qui ont inspiré la révolution au Rojava (2012, Nord-Est de la Syrie).
La deuxième attaque sur le mouvement semble tout droit sortie d’un manuel de gestion des mouvements sociaux : « Résultat : le mouvement climat se retrouve polarisé, […] est poussé dans le dos par les radicaux. Il ne veut pas entrer dans une logique de confrontation interne, donc il réagit, au mieux, par un silence gêné, au pire par un argumentaire disant que les actions militantes sont complémentaire » poursuit François Gemenne2. Il s’agit ici d’opposer les bons militant.e.s modéré.e.s et raisonnables aux mauvais militant.e.s radicaux.
L’article se pose, en conclusion, en conseiller politique du mouvement « La radicalisation risque de couper le mouvement climat d’une grande partie de la société. Elle va faire peur aux gens les plus hésitants, les plus réformistes, soit ceux que l’on aurait le plus besoin de convaincre, alors que 85% des Européens se disent aujourd’hui concernés par la cause climat. Si le mouvement s’enferme dans la polarisation, sans dégager un consensus social, nous sommes condamnés à l’immobilisme. »
Que tirer comme enseignement de cet article ?
Premièrement, le mouvement écolo commence à faire peur aux autorités et aux chefs d’entreprises alors que depuis 60 ans ceux-ci sont dans le déni de l’écocide qui se déroule sous nos yeux. C’est, quelque part, que le mouvement écologiste semble aller dans le bon sens. Des gens qui étaient autrefois sourds aux demandes du mouvement veulent maintenant se mettre à « table ».
Deuxièmement, les forces de répression n’ont pas en réalité peur des « infiltrations » extrémistes mais ils ont surtout peur que ce soit le mouvement en entier qui se radicalise « la nouvelle génération de militants, qui ont autour de la vingtaine, sont dans un état de grande colère, de ressentiment, d’éco-anxiété, et voient leur militantisme comme un moyen d’exprimer cette colère »3, analyse le chercheur.
Troisièmement, au vu de l’argumentaire qui vise à diviser le mouvement entre modéré.es et radicaux.ales, c’est l’alliance de ces deux pôles du mouvement qui semble effrayer les autorités. C’est d’ailleurs la leçon d’un mouvement comme celui de la lutte contre les méga-bassines : le mouvement est capable de faire reculer le pouvoir policier quand il sait s’accorder sur des objectifs communs, et de laisser de côté les désaccords sur les moyens employés.
Pour conclure, nous pourrions avancer que le réel péril pour le mouvement écologiste – à l’instar des autres luttes sociales – est justement, son institutionnalisation à travers le monde politique et l’appareil étatique. Nous constatons bien l’écrasante incapacité de nos gouvernements à prendre quelconque mesure effective face au désastre qui avance tant ils travaillent main dans la main avec ceux et celles qui en profitent.
Crédit photo @Choupetteprenddesphotos
Sources :
4 https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/stoppons-les-mega-bassines-pour-partager-et-preserver
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