Sommaire
On n’est pas électricien.nes de formation. On ne prétend pas tout savoir, loin de là. Mais après des années à galérer de squat en squat avec notre élec, à apprendre, à comprendre, à chercher des infos, on a constaté qu’il n’existait qu’une seule brochure sur le sujet (à notre connaissance : « Manuel d’électricité DIY » dispo sur infoskiosques.net), et malgré tout ce qu’elle a pu nous aider, cette brochure ne traite pas de certains sujets, en particulier des arrivées élec. Elle annonce à la fin qu’il y aura une suite… Après plusieurs années à l’attendre, on s’est dit que c’était cool de contribuer !
On s’est donc proposé de mettre à l’écrit tout ce qu’on avait pu engranger d’infos de ci de là. Ca n’est pas exhaustif, ça mérite d’être complété. On renvoie celles et ceux qui cherchent un complément d’info vers cette fameuse brochure.
On invite celles et ceux qui auraient envie de nous faire des retours d’expériences, nous raconter leurs anecdotes, confirmer ou infirmer ce qu’on dit, partager d’autres tips à nous écrire, des fichiers, photos ou autres à nous transférer. Pareil pour des retours sur la brochure, sa clarté ou non, des parties qui vous semblent pas assez développées etc.
On invite aussi celles et ceux qui auraient des questions ou des demandes de précisions à nous écrire et, si nécessaire, à nous demander un coup de main. On peut aussi organiser un atelier pratique, lié à cette bochure.
Voici un mail de contact pour tout et n’importe quoi qui traite de l’élec : nik-ton-compteur@riseup.net
Sur ce, on vous laisse vous plonger dans ce goulbi-goulba de câbles : bonne lecture !
P-S : On a fait une intro un peu longue histoire de revenir sur des principes de base de l’élec, tout ça. Si tu veux entrer direct dans le vif du sujet, tu peux commencer ta lecture de cette « Brochure dont tu es l’héro.ïne » en allant direct page 27 !
Lire et/ou télécharger la brochure en entier sur infokiosques.net !
POURQUOI PIRATER ?
Une brochure sur le piratage de compteur électrique ?
C’est quoi ce truc de toto ? Ce truc de sabotage gratuit, sans aucune finalité si ce n’est celle de profiteur.euses, qui vivent au dépend du système et de notre Etat social, incapables de s’occuper d’elleux-même et de survivre, si ce n’est en grattant la productivité des autres ?
Ah ouais ? Pirater son compteur, ça serait un truc de paresseureuses ?
On va vous démontrer, vite fait, dans les grandes lignes, en survolant, en quoi, au contraire, c’est super politique. Et en quoi celleux qui paient encore leur facture après avoir lu ça collaborent au système en place…
a- Pirater pour survivre
La première raison, la plus évidente, c’est que la fraude aux compteurs est une technique aussi vieille que le développement des réseaux électriques. De tous temps, depuis la généralisation de l’électricité, la fraude a existé. C’est pas pour rien qu’EDF a inventé ses scellés, et progressivement pénalisé le fait de les retirer. Parce que tout le monde le faisait. Tout le monde ? Surtout les pauvres.
Depuis l’invention du concept de propriété privée, le prix des loyers a toujours lourdement pesé dans le budget des classes populaires. Les classes dominantes ont certes été, au XIX e siècle, les exploiteurs patrons d’usines décrits par Marx. Mais ils étaient surtout depuis longtemps des rentiers. Anciens membres de l’aristocraties, héritiers, certains administraient des terres, les louaient, ou embauchaient des gens pour les cultiver en gardant tout le bénéfice pour eux. Lorsqu’au XIXe siècle la population est devenue de plus en plus urbaine, ils sont devenus aussi propriétaires d’immeubles en ville, les ont loué. En quelques sortes, le bénéfice retiré de cette location peut être assimilé à la plus-value retirée des usines. Le locataire, par son occupation des lieux, est au rentier ce que l’ouvrier, par sa force de travail, est au patron d’usine.
Lorsqu’au cours du XXe siècle, les réseaux électriques commencent à se développer, d’abord en ville, puis à la campagne, la facture d’électricité devient un nouveau coût à prendre en compte dans le loyer qu’on paye !
Si au XIXe siècle on volait du charbon pour se chauffer, aujourd’hui, on vole de l’électricité pour brancher nos radiateurs et nous éclairer. Si avant on volait du petit bois en forêt pour cuisiner, aujourd’hui, on vole de l’électricité pour chauffer nos pates, etc, t’as compris.
Moyen de réappropriation des biens dont la société capitaliste et industrielle nous dépossède en même temps qu’elle nous les rend nécessaires (parce qu’en ville, c’est dur de trouver une forêt pour ramasser son bois, que les feux sont interdits, et qu’on n’a pas forcément de cheminée dans nos logements), le piratage d’élec est donc d’abord un moyen de survie.
b- Pirater pour se reapproprier des savoir-faire dont la technologie nous depossede
Les technologies développées par la société industrielle nous dépossèdent. Bon, on n’a pas inventé l’eau chaude quand on dit ça. Les usines, qui se développent au milieu du XIX e siècle, puis tout au long du XXe siècle en France, organisent d’une manière nouvelle le travail. La fabrication d’un produit, quel qu’il soit, n’est plus l’œuvre d’un artisan qui accomplit toutes les étapes, l’une après l’autre, mettant en œuvre son savoir-faire et ses connaissances. Désormais, chaque tâche est séparée. Une chaussure n’est plus produite de A à Z par le cordonnier artisan, elle est assemblée par des ouvriers et ouvrières, à la chaîne, et l’un s’occupe de la semelle quand l’autre se concentre sur les lacets. Un siècle plus tard, la mondialisation accélère cette division du travail. La semelle peut être fabriquée dans un autre pays que le lacet.
Pour l’énergie, c’est pareil. Depuis longtemps, l’eau et le vent était utilisés pour leur force motrice. Les artisans en tout genre s’installaient aux abords des cours d’eau, d’où ils puisaient l’énergie à travers des moulins, pour broyer, tordre, et exercer toutes sortes de mouvements. Progressivement, les machines à vapeur prennent le relai. A la fin du XIXe, début du XXe siècle, les centrales électriques se mettent à centraliser la production. Ce n’est plus chaque atelier qui a son moulin, mais une grosse centrale qui produit l’énergie de plusieurs usines, de tout un quartier. Dans les années 1930 environ (en fonction des villes), les centrales s’éloignent. L’électricité, qui permet d’acheminer sur des distances de plus en plus grandes l’énergie, est produite ailleurs dans la région, voire dans la région voisine. Aujourd’hui, avec la mise en réseau généralisée, l’électricité que nous utilisons quand on appuie sur un interrupteur, peut être produite en Espagne, en Hollande, ou juste à côté. Mais on n’en sait rien. On n’a plus aucune prise sur cette technologie. Si EDF décide de nous couper le jus, on est démuni.es, comme des enfants privé.es de repas par des parents trop autoritaires. Que faire ? Sinon voler des cookies dans le placard ?
Pirater l’élec, c’est donc en même temps voler de la bouffe à nos geôliers, et apprendre à la cuisiner pour nous autonomiser. Parce que pirater l’élec, et toucher à l’élec en général, c’est technique. Y’a des règles, des trucs à savoir, des outils à connaître, des précautions à prendre, des formules mathématiques qui aident, et un matériel spécifique. Apprendre à connaître tout ça, à le manipuler, c’est démystifier ces technologies et l’aura de scientificité magique qui les entoure. Ça nous confère de l’autonomie, ça nous fait comprendre ce qui se passe quand on appuie sur notre interrupteur, que non c’est pas magique, mais que y’a ci et ça qui se passe derrière et que c’est à la sueur de notre front aussi que ça marche. Et l’autonomie, c’est précieux.
Certain.es répondront sans doute « Oui, c’est sympa votre truc, mais absolument pas révolutionnaire ! Si vous voulez être vraiment autonomes, vous avez qu’à apprendre à vous passer d’élec, ou alors produire votre propre énergie, construire une éolienne ou fabriquer un moulin ! ».
On l’a beaucoup entendu, ne vous fatiguez pas.
Evidemment qu’on trouve ça cool de produire sa propre énergie, ou d’apprendre à limiter sa consommation. Mais ça n’est pas suffisant, pas généralisable dans le monde actuel. Quand on vit en squat, comme nous, on n’a pas forcément la possibilité d’installer une éolienne. On pourrait certes foutre des panneaux solaires, mais faudrait nous dire en quoi les batteries au lithium de notre installation serait davantage une source d’autonomie pour nous ? Si on les chourre, admettons, ça revient à peu près au même, c’est kif-kif. Mais si on les achète ! Alors là ! Nous on est partisan.es de pas donner un centime à cette industrie dégueulasse, quitte à assumer d’en être aujourd’hui dépendant.es. Donc mieux vaut pirater que payer. Donc l’argument que « les éoliennes c’est mieux » ne tient pas dès lors qu’il y a des batteries dans l’histoire.
Quant à se passer d’élec… Respect à celles et ceux qui tentent cette expérience. Renoncent aux ordinateurs, téléphones, disqueuses, perceuses, visseuses… D’abord, ça va jusqu’où cette réflexion ? Est-ce qu’il faut renoncer à tout ce qui a été produit grâce à l’électricité ? Donc à tout ? Ou est-ce qu’on renonce seulement à ce qui fonctionne grâce à l’électricité ? Ensuite, de nouveau respect, mais comprenez bien que c’est compliqué d’exiger que du jour au lendemain, chacun.e se prive d’outils qui sont pourtant tellement utiles au quotidien (vas-y, bricole sans électricité !), quand les techniques artisanales sont si peu répandues… Alors OK pour prôner le développement de méthodes alternatives, mais en attendant… Piratons !
c- Pirater pour faire chier EDF : vol, opposition aux techniques de comptage, rapport de force
On pirate encore pour d’autres raisons. Pour faire chier EDF. Parce qu’on emmerde l’industrie électrique. Parce que nous refusons que les consommations soient fliquées à la minute près. En contournant nos Linky, que ce soit totalement ou partiellement, on fout la merde dans leurs chiffres. On créé des fuites, des Brèches. Si tout le monde piratait, comment feraient-ils pour calculer en temps réel l’élec dont a besoin telle ville ? Y’aurait des black-outs tout le temps, des problèmes sur leurs circuits. Si tout le monde se mettait à pirater, ça créerait un sacré rapport de force, en déstabilisant leur fonctionnement rationnel.
A cheval entre le vol et le sabotage, on consomme sans payer, et on nique les tentatives de comptabilisation d’Enedis et consort. En apprenant à manier cette technologie (l’électricité), on apprend aussi comment saboter leurs install’. Parce que si on sait comment se brancher en pirate, si on sait d’où vient l’élec, quelles install’ sont centrales dans ce réseau, où est le transfo ou le concentrateur Linky de notre quartier, on se familiarise avec des outils qui nous permettront, peut-être, un jour, de saboter leur foutu réseau.
On ne dit pas que le piratage élec est une fin en soi. Mais on trouve que c’est un sacré moyen. Un moyen de survie économique, donc. Un moyen d’autonomie, de réappropriation de technologies qui nous échappent souvent alors que nous les utilisons au quotidien. Un moyen d’emmerder l’ordre électrique, leur smart cities de merde et tout leur monde qui repose là-dessus (via les objets connectés, le numérique, et on pourrait tartiner des pages làdessus mais on va se calmer).
Que ce soit pour des raisons économiques, individuelles ou politiques : pirate donc ton élec !!
Lire et/ou télécharger la brochure en entier sur infokiosques.net !
complements article
Une question ou une remarque à faire passer au Stuut? Un complément d'information qui aurait sa place sous cet article? Clique ci-dessous!
Proposer un complément d'info