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CARTE BLANCHE – bientôt 2 ans sans procès : lettre ouverte au parquet de Bruxelles

CARTE BLANCHE – bientôt 2 ans sans procès : lettre ouverte au parquet de Bruxelles

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

Nous publions ici une carte blanche rédigée par la famille de Sourour Abouda. Sourour était une travailleuse sociale belgo-tunisienne et mère d’un enfant. Le 12 janvier 2023, elle est arrêtée par la police, car en état d’ébriété alors qu’elle sortait d’une fête avec ses collègues de travail. Ce soir-là, elle sera placée dans une cellule de dégrisement de la garde zonale fédérale rue Royale, elle y décédera dans des circonstances floues.

Le décès de Sourour est le troisième décès d’une personne racisée dans les cellules de ce commissariat en 2 ans, après la mort d’Ilyes Abbedou et de Mohamed Amine Berkane, dans des conditions, elles aussi gardées floues.

Presque deux ans après les faits, la famille de Sourour attend toujours un procès pour les policiers impliqués dans son décès. Elle adresse aujourd’hui cette lettre ouverte au Procureur du Roi, normalement responsable de fixer depuis un an la date du procès.

« Monsieur le Procureur du Roi,

Vous nous avez reçus en mars 2023, quelques mois après la mort tragique et suspecte de notre mère, fille et sœur, Sourour Abouda, survenue lors d’une intervention policière injustifiée et troublante le 12 janvier 2023 au commissariat de la rue Royale à Bruxelles. Durant cet entretien, vous nous avez assuré que le parquet menait une enquête impartiale. Cependant, malgré nos demandes, vous avez refusé la nomination d’un juge d’instruction, ce qui nous a contraints à nous constituer partie civile. La Ligue des Droits Humains s’est également jointe à nous dans ce processus juridique.

Cette démarche de constitution de partie civile prolonge, par conséquent, la durée de la procédure, entraînant des frais juridiques bien plus conséquents et compliquant davantage l’accès à une justice équitable, tout en créant un état émotionnellement encore plus éprouvant pour notre famille. Si vous aviez nommé vous-même un juge d’instruction en temps utile, la procédure aurait avancé directement sous votre supervision, permettant ainsi d’approfondir l’enquête sans que nous ayons eu besoin de nous constituer partie civile et de faire face à toutes les implications qui en découlent.

Dès lors, le juge d’instruction qui a pris le dossier, Monsieur Anciaux, nous a informés en juillet 2023 que l’enquête pénale était, selon lui, complète et que le dossier avait été renvoyé à votre bureau, afin que vous fixiez une date pour un procès. Depuis plus d’un an, il vous incombe de rédiger un réquisitoire pour clore l’instruction, en décidant soit de renvoyer l’affaire devant un tribunal, soit de la conclure par un non-lieu, une deuxième option que nous rejetons déjà catégoriquement. Nous tenons à affirmer notre position ferme sur la nécessité d’un procès équitable et impartial.

Nos multiples demandes visant à obtenir des informations sur l’évolution du dossier sont restées sans réponse. Mr le Procureur du roi, notre patience a des limites, et après plus d’un an sans avancement de votre part, nous atteignons un point critique. Les affaires comme celles de Jozef Chovanec, Mehdi Bouda, Adil Charrot ou Lamine Bangoura, qui se sont soldées par des non-lieux après de longues attentes, nous rappellent la gravité de la situation de la Justice. Nous ne ferons pas face à une telle lenteur et refusons de rester dans l’inaction et dans le flou. La justice, déjà largement défaillante dans les dossiers impliquant des policiers, manque à ses responsabilités. Cette nouvelle démonstration d’inertie institutionnelle est inacceptable.

La défunte épouse de Jozef Chovanec a dû attendre de février 2018 à septembre 2024 pour que l’enquête sur la mort de son mari se termine par un non-lieu pour les 31 suspects impliqués. Devra-t-on, nous aussi, attendre jusqu’en 2029 pour que le dossier de notre mère, fille, sœur soit clos ? Nous vous le disons avec conviction : cela ne saurait être toléré. Il est de votre devoir de prendre des mesures immédiates et d’agir avec transparence.

Quelles mesures ont été prises pour mettre fin aux dysfonctionnements qui ont conduit à la mort de trois personnes racisées, Ilyes Abbedou, Mohamed Amine Berkane et Sourour Abouda dans le commissariat de la rue royale 202 ? La société, tout comme notre famille, ne peut plus rester dans l’attente. Nous exigeons la prise au sérieux de cette enquête, un réquisitoire de votre part, et un procès public impartial.

Monsieur le Procureur du roi, nous souhaitons pouvoir avoir confiance en la Justice, en vous et en l’accomplissement de votre rôle essentiel dans la défense des droits des citoyens. Nous espérons sincèrement que vous prendrez vos responsabilités et agirez dans les plus brefs délais.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Procureur du Roi, l’expression de nos salutations respectueuses.

La famille Abouda »

Voir en ligne : BXL Dévie

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