Depuis deux semaines, la colère des agriculteur·rices fait parler d’elle, en Belgique et en France. Ce mercredi 13 novembre, près de 100 agriculteur·rices et leurs allié·es de la société civile se sont rassemblé·es dans le quartier européen de Bruxelles pour dénoncer la concurrence déloyale causée par l’importation de produits agricoles sudaméricains.
Des syndicats agricoles belges et français comme la FUGEA et la Confédération Paysanne demandent un encadrement de cette concurrence, et un moyen d’assurer un revenu digne pour les personnes qui nous nourrissent. Les promesses des pouvoirs publics qui avaient calmé les mobilisations en février 2024 n’ont pas été tenues, et de nouvelles menaces de libre-échange* inquiètent le monde agricole.
Pour rappel, les tracteurs avaient fait beaucoup de bruit il y a quelques mois, en exigeant notamment un revenu décent et un accompagnement financier pour rendre les exploitations agricoles plus respectueuses de l’environnement, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de pesticides. Cependant, les gouvernements et l’agro-industrie ont détourné la colère agricole pour éviter de répondre aux demandes en termes de revenus, de conditions de travail et de libre-échange. Les tracteurs menacent donc de revenir arracher leur revendications.
Plus précisément, c’est aujourd’hui l’accord commercial du Mercosur qui est visé. Il s’agit d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie) : l’idée est que les échanges commerciaux entre les pays partenaires sont facilités, en limitant les réglementations et contrôles aux frontières. Pour faire simple, retenons que la vente de véhicules et produits chimiques européens est facilitée dans les pays du Mercosur, en échange de l’importation de produits agricoles de ces mêmes pays du Mercosur vers l’UE.
Cependant, ce type d’accords de libre-échange met à mal la paysannerie européenne parce qu’ils installent une concurrence déloyale entre les agriculteur·rices sud-américain·es et européen·nes. Les législations, les normes sociales, sanitaires et environnementales ne sont pas les mêmes en UE et dans les pays du Mercosur, ce qui implique des coûts de production différents.
Dans les pays du Mercosur, on parle notamment de l’utilisation de pesticides et hormones pour animaux dangereux pour la santé et la biodiversité, alors même que ces agents chimiques sont interdits en UE. Par ailleurs, les salaires et conditions de travail sont bien moins régulés dans les pays du Mercosur que dans l’UE : employer des agriculteur·rices y coute beaucoup moins cher.
Avec les négociations européennes autour de l’accord du Mercosur se joue donc un enjeu environnemental, social et de santé, à la fois du côté des consommateur·rices et des agriculteur·rices.
La concurrence avec les pays du Mercosur entraine une diminution des prix agricoles européens, alors même que les agriculteur·rices peinent à avoir un revenu suffisant et stable. Ceci a des conséquences sur l’avenir de l’agriculture belge et européenne. En Belgique, depuis les années 80, 70% des fermes ont disparu et la tendance se poursuit au fil des mesures politiques qui précarisent les métiers agricoles. Une réaction de la part des pouvoirs publics est exigée par de plus en plus d’acteurs, qui se disent prêt à relancer des mobilisations comme celles de ce début d’année si leurs revendications ne sont pas entendues.
« Notre demande numéro 1 était claire : des prix justes pour sauver nos fermes et leurs transitions, mais les résultats ne suivent pas. […] Pour éviter un embrasement des campagnes, nous attendons des actes forts de des autorités européennes. Le premier est clair : stopper les négociations de l’accord UE-Mercosur. Nous l’avons suffisamment rappelé, notamment lors des mobilisations du début d’année. » [communiqué de la FUGEA – novembre 2024]
Légende
* Le libre-échange est un système économique qui vise à faciliter le commerce international, entre différents pays ou régions. Cela se fait notamment par des accords commerciaux, comme celui entre le Mercosur et l’UE. L’idée d’accord de libre-échange est de minimiser les règlementations pour faciliter les échanges, à l’inverse d’une approche plus protectioniste qui applique des droits de douane ou encore des taxes aux produits importés d’autres pays.
Sources :
- Les agriculteurs manifestent à Bruxelles contre le Mercosur : “C’est une concurrence tout à fait déloyale”
- https://www.fugea.be/blog/nos-communiques-de-presse-2/stop-a-laccord-ue-mercosur-la-fugea-et-ses-allies-de-retour-a-bruxelles-le-13-novembre-127
- Atelier Paysan, 2021. Reprendre la terre aux machines
- https://www.mediapart.fr/journal/international/141124/contre-l-accord-ue-mercosur-un-consensus-politique-inedit-une-colere-agricole-qui-revient
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