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Didier Reynders, ex-président du MR et ancien commissaire européen, est soupçonné d’avoir blanchi près d’un million d’euros. Le mardi 3 décembre 2024, son domicile a été perquisitionné et il a été auditionné par la police. Retour sur une figure politique au cœur de soupçons de corruption aux ramifications internationales.
Pendant plusieurs années, alors qu’il était encore ministre au fédéral, Didier Reynders aurait acheté des bons de Loterie nationale, d’une valeur de 1 à 100€, dont les gains étaient reversés sur son compte, de façon à blanchir des sommes importantes. Les jeux d’argent sont surveillés car c’est une manière courante de blanchir de l’argent. La Loterie nationale a remarqué des achats très nombreux et suspects. S’en est suivie une enquête, en cours depuis plusieurs années, mais dont les premières conclusions n’ont été communiquées qu’au sortir du mandant de Reynders en tant que Commissaire européen de la justice, c’est-à-dire il y deux mois. Reynders dément pour le moment les allégations qui lui sont imputées.
Comme les faits dont il est accusé auraient eu lieu lorsqu’il était ministre, Reynders jouit d’une immunité et n’est a priori pas privé de liberté. Des poursuites seraient possibles, mais cela impliquerait de lever cette immunité.
Reynders a multiplié les mandats et rôles de pouvoirs : président de la SNCB, ministre fédéral des finances, président du Mouvement réformateur, vice-Premier ministre de Belgique, Ministre fédéral des Affaires étrangères et européennes, Ministre fédéral belge de la Défense et il vient de finir son mandat de Commissaire européen à la Justice.
Cela fait beaucoup de rôles de pouvoir, pour quelqu’un qui a pourtant multiplié les faux pas. En effet, ce n’est pas la première fois que monsieur Reynders est impliqué dans une affaire de criminalité en col blanc, ou plus simplement dans une affaire d’indécence politique. Voici un résumé d’un parcours jalonné de scandales.
De 2000 à 2008, Reynders a cédé ou vendu au privé 78 bâtiments importants appartenant à la Belgique, notamment la Tour des Finances de Bruxelles, celle de Liège et le WTC III (bureaux près de la gare du Nord). Les cessions étaient des opérations de sale and rent back : la Belgique a vendu ses bâtiments, pour ensuite devenir locataire des nouveaux propriétaires privés.
Les loyers ont considérablement augmenté en raison de surcoûts de travaux. Pour le WTC III, les surcoûts étaient de 46 millions d’euros et c’est l’état belge qui paye, alors qu’il n’est plus propriétaire. Reynders était convaincu que le privé ferait mieux que l’état, pour rénover les bâtiments et pour les gérer de manière efficace, mais cela aura coûté très cher à la Belgique. En effet, l’argent pour les travaux et pour les loyers par la suite, était de l’argent public, dépensé outrancièrement sous la gouvernance de Reynders, aux dépens des contribuables et des finances de la Régie fédérale.
En 2011, il a participé à élaborer et faire passer en urgence une loi au bénéfice de trois hommes d’affaires kazakhs dans l’affaire dudit kazakhgate. L’affaire est complexe*, mais retenons que ces trois hommes étaient accusés de corruption et se sont réfugiés en Belgique, où ils ont bénéficié d’une protection, grâce à Reynders notamment. Avec cette loi, votée par le parlement belge dans des circonstances floues, des riches industriels, financiers corrupteurs ou corrompus, peuvent éviter un procès ou un emprisonnement, contre de l’argent. Dans cette affaire du kazakhgate, Reynders, en collaboration avec d’autres personnalités politiques comme Nicolas Sarkozy (alors président français), aurait tirer un profit non négligeable de la protection des trois hommes d’affaires en question. Certaines analyses suggèrent que c’est cet argent qui aurait a posteriori été blanchi par Reynders via des jeux d’argent.
En 2014, des cheminots de la SNCB on été payés pour distribuer des tracts de Reynders pour les élections fédérales. On peut y voir une forme de corruption politique, ou en tout cas un détournement des règles du jeu démocratique.
En 2015, Reynders s’est présenté avec une blackface à la parade des Noirauds à Bruxelles. Cette parade est une vieille tradition folklorique qui date de la fin du XIXe, une époque tristement connue comme étant celle de la colonisation du Congo par le roi Léopold II. Cette parade, bien qu’organisée dans un but caritatif, véhicule des clichés racistes, auxquels Didier Reynders n’a à l’époque pas hésité à participer.
En 2019, Reynders a été accusé de corruption par un ancien agent de la sûreté de l’état. Cet agent affirme avoir été muselé par Reynders au moment où il s’intéressait d’un peu trop près aux affaires dans lesquelles Reynders semble avoir joué un rôle peu glorieux (le kazakhgate, l’affaire des « Fonds libyens », le déménagement de la police fédérale dans un bâtiment vendu par l’Etat à une firme privée ou encore la construction de l’ambassade de Belgique à Kinshasa).
Aujourd’hui, de plus en plus de discours dominants, dans les médias ou en politique partisane, pointent du doigt une prétendue augmentation de la criminalité, notamment pour servir un narratif raciste et classiste. Il paraît toutefois opportun de se pencher sur la criminalité en col blanc, peu punie, peu dénoncée en raison d’un rapport de force en faveur des plus riches et plus puissants.
Le MR insiste régulièrement sur les dangers de certains types de criminalité, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes étrangères et sur la nécessité de réprimer ce type de criminalité. En revanche la criminalité de certains membres de son parti est peu, voire pas condamnée. Reynders a été écarté du parti mais, jusqu’ici, il s’en sort très bien, que ce soit en termes de carrière ou de condamnation judiciaire. Ceci vient suggérer une différence de traitement ainsi qu’une certaine protection de ceux qui tiennent des positions dominantes et en abuse dans leur intérêt personnel.
Légende : Nous vous renvoyons vers nos sources, pour davantage d’explication au sujet de l’affaire du kazakhgate.
Sources :
- lemonde.fr/.../belgique-didier-reynders-ex-commissaire-europeen-vise-par-une-enquete-pour-blanchiment-d-argent_6428840_3210.html   ;
- lesoir.be/.../didier-reynders-qui-dement-avoir-blanchi-de-largent-doit-justifier-lorigine-dun
- https://medor.coop/nos-coups/fontinoy-reynders-cie/la-sncb-roule-pour-le-mr-fontinoy-reynders-ministre-elections-corruption/
- medor.coop/.../vendre-nos-batiments-et-y-perdre-beaucoup-dargent ;
- rw.org/news/.../blackface-not-face-belgium-should-present-world
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