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Deux militantes écologistes accusées de diffamation par une société basée à Liège

Deux militantes écologistes accusées de diffamation par une société basée à Liège

Ce lundi 24 octobre, jour de l’audience prévue à Istočno Sarajevo, Amnesty International engage BUK, compagnie hydroélectriquedétenue par Green Invest, une société basée en Belgique, à abandonner ses poursuites pour diffamation contre deux militantes locales qui ont publiquement exprimé leur inquiétude quant au possible impact environnemental des petites centrales hydroélectriques de l’entreprise sur la rivière Kasindolska.

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Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak, les deux militantes, sont poursuivies en justice après avoir contesté les permis environnementaux accordés à l’entreprise et exprimé publiquement leurs inquiétudes quant aux dégâts irréparables que pourraient subir la rivière et l’écosystème environnant.

La société bosniaque BUK, entièrement détenue par l’entreprise belge Green Invest, exploite une petite centrale hydroélectrique et prévoit d’en construire deux autres sur la rivière Kasindolska. Au début de l’année, BUK a intenté trois procès en diffamation contre les deux militantes, réclamant 7 500 euros de dommages et intérêts et menaçant de nouvelles actions en justice si elles s’entêtaient à évoquer publiquement la question.

« À maintes reprises, nous constatons que des entreprises puissantes cherchent à intimider ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Confrontées à un examen public, elles déposent de plus en plus des plaintes fausses ou abusives pour faire taire les voix critiques et décourager tout débat sur des questions d’intérêt public. Sunčica et Sara sont visées par ces poursuites infondées au seul motif qu’elles ont critiqué publiquement la déforestation anarchique et l’érosion des sols qui, selon elles, ont fait suite à la construction de ces barrages hydroélectriques sur une rivière près de laquelle elles ont grandi », a déclaré Eve Geddie, directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes.

Après avoir analysé des documents juridiques et d’autres éléments liés à cette affaire, Amnesty International a conclu que les poursuites présentent les caractéristiques des poursuites stratégiques contre la mobilisation publique ou « poursuites-bâillons » (désignées par l’acronyme anglais « SLAPP »), à savoir des recours agressifs et disproportionnés et une manœuvre flagrante visant à exploiter le pouvoir économique et politique de l’entreprise pour museler les militantes.

« Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak font partie de ces jeunes militants de plus en plus nombreux en Bosnie-Herzégovine et dans la région qui s’élèvent contre l’exploitation apparemment incontrôlée des ressources naturelles par de grandes multinationales. Ils exigent des autorités qu’elles évaluent dûment les risques à long terme de ces projets énergétiques, consultent les populations directement touchées et exercent une plus grande surveillance sur les projets de développement, au lieu de donner la priorité aux profits », a déclaré Eve Geddie.

« Le comble, c’est que ces allégations infondées de diffamation proviennent d’une entreprise belge qui n’est aucunement concernée par l’environnement ou la vie ici. Ils n’ont pas passé leur vie sur cette rivière : ils n’ont pas profité de sa beauté et ne peuvent pas voir ce que la construction de petites centrales hydroélectriques a comme impact sur ce cours d’eau et la forêt qui l’entoure. Nous avons le sentiment que cette société étrangère revendique plus de droits sur la rivière que nous, alors que nous sommes nés et vivons ici », a déclaré Sunčica Kovačević.

« Green Invest et sa filiale en Bosnie doivent abandonner ces poursuites sur-le-champ et permettre à tous de discuter librement de l’impact des centrales hydroélectriques sur le secteur. Les autorités en Bosnie-Herzégovine doivent garantir un environnement sûr et favorable au sein duquel les militant·e·s écologistes pourront exprimer leurs préoccupations sans craindre de représailles juridiques, notamment en protégeant militant·e·s et journalistes contre ce détournement problématique de la loi », a déclaré Eve Geddie.

Les poursuites restrictives entravent la participation publique

Les « poursuites-bâillons » cherchent à réduire au silence ou à intimider ceux qui critiquent ou dénoncent publiquement les actes répréhensibles des détenteurs du pouvoir, notamment les gouvernements et les entreprises. Elles restreignent indûment les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association et découragent les citoyen·ne·s de dénoncer les agissements illicites des personnes au pouvoir.

Les « poursuites-bâillons » visent généralement à obtenir des dommages et intérêts non fondés ou disproportionnés, dans le but de paralyser ou de réduire au silence les voix critiques sur des questions d’intérêt public, comme l’environnement. Elles sont de plus en plus utilisées pour museler le travail des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes en Europe.

« Les poursuites intentées contre Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak s’inscrivent dans le cadre d’une pratique croissante où les grandes entreprises et les fonctionnaires de haut rang utilisent abusivement le système judiciaire pour intimider les défenseur·e·s des droits humains et esquiver tout examen public. Les poursuites-bâillons peuvent avoir un effet dévastateur sur le débat public et créer un environnement de plus en plus hostile pour quiconque s’exprime sur des questions d’intérêt public, notamment les journalistes, les défenseur·e·s des droits et les organisations de la société civile », a déclaré Eve Geddie.


Complément d’information

Dans le but de remplacer ses vieilles centrales au charbon, la Bosnie-Herzégovine s’est lancée dans la construction de centrales hydroélectriques. Encouragées par les crédits mis à disposition pour les projets d’énergie renouvelable, les autorités nationales proposent de généreuses subventions afin d’inciter de nouveaux investissements dans le secteur. Cependant, les lois de protection de l’environnement sont limitées ou peu appliquées et, alliées à la faiblesse des institutions, cela se traduit par la multiplication incontrôlée de projets qui privilégient les profits au détriment de l’environnement.

Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak ont pointé des inquiétudes concernant l’impact environnemental des centrales hydroélectriques de BUK/Green Invest lors de leurs apparitions dans les médias. Ayant observé ce qu’elles ont qualifié de déforestation excessive dans la zone protégée et d’érosion du sol liée à la construction de routes d’accès aux centrales hydroélectriques, elles ont mis en doute la légalité des permis environnementaux délivrés à BUK par les autorités.

Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak font partie d’un groupe de militant·e·s et d’habitant·e·s du secteur qui s’opposent à la construction de petites centrales hydroélectriques sur la rivière Kasindolska depuis 2017. Le groupe a organisé des manifestations pacifiques, des conférences de presse, une initiative civile qui a obtenu plus de 2 000 signatures contre la construction des petites centrales hydroélectriques, ainsi qu’une exposition de photos présentant la rivière et les possibles conséquences de nouvelles constructions hydroélectriques. Leur campagne a obtenu le soutien des maires des trois municipalités concernées.

Les poursuites-bâillons sont considérées comme une menace sérieuse pour les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique en Europe. Amnesty International salue les efforts déployés par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour adopter des initiatives visant à prévenir et à combattre leurs effets néfastes. Ces initiatives devraient fixer une norme minimale de protection contre les poursuites-bâillons, en veillant à ce que les tribunaux puissent identifier rapidement et rejeter les poursuites infondées ou abusives dès le début de la procédure, ordonner des sanctions contre les plaignants qui abusent de la loi dans le but de faire taire ou d’intimider les voix critiques, et fournir des garanties de procédure, notamment une aide juridictionnelle gratuite et des recours effectifs aux victimes de poursuites-bâillons.

Plus de 140 organisations nationales et internationales ont récemment exprimé leur soutien à Sunčica Kovačević et Sara Tuševljak et se sont dites inquiètes face aux poursuites intentées pour diffamation dans une lettre ouverte
 [1] adressée à l’ambassadeur belge en Bosnie-Herzégovine et au responsable de la Délégation de l’Union européenne dans le pays.

Voir en ligne : Amnesty.be

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