Article paru sur Bruxelles Dévie
Au départ, cette loi fait réagir les travailleur.se.s. Pourtant, les syndicats nationaux [2] n’ont jamais déclaré la grève générale, ni la CSC (fédération de syndicats chrétiens), ni la FGTB (fédération de syndicats socialistes). M. Cool, président de la CSC refuse de s’opposer à la loi unique dans son ensemble et propose de négocier avec le gouvernement. Le Parti Socialiste Belge, quant-à-lui, s’oppose à la loi unique et demande la démission du gouvernement. Pourtant, à la suite du mouvement de grève, il demande aux grévistes de retourner au travail et de laisser cette affaire entre les mains des parlementaires. Ni les directions syndicales, ni les partis politiques n’ont vraiment soutenu la grève, mis à part le Parti communiste belge.
Le 14 décembre, ils sont 100.000 travailleur.se.s à prendre la rue. Dès le 20 décembre, date des débuts des débats parlementaires sur la loi, plusieurs secteurs (“sous-groupes”) de syndicats se lancent dans la grève générale, majoritairement en Wallonie. Le lendemain, le Secrétaire National de la FGTB déclare “Nous avons essayé, M. Le Premire Ministre, par tous les moyens, même avec l’aide des patrons, de limiter la grève à un secteur particulier”. Rien n’y fait : la colère des travailleur.se.s est trop grande ; un immense mouvement de grève générale embrase le pays dès le 21 décembre, après que de nombreux.ses ouvrier.ère.s aient appelé, dans pratiquement toutes les usines, à rejoindre le mouvement. De nombreuses centrales syndicales qui n’avaient pas suivi le mouvement se voient presque forcées de déclarer la grève générale dans les jours qui suivent, comme à Charleroi. Des rassemblements et manifestations se déroulent dans tout le pays. Le 22 décembre, le président de la CSC déclare au Premier Ministre : “je ne tiens plus mes troupes en main, en dépit de nos consignes, les syndicats chrétiens fraternisent de plus en plus avec leurs collègues socialistes”.
A la suite de la grève, de nombreuses communes se retrouvent sans aucun employé communal, ni pour l’administration, ni pour le ramassage des déchets, ni même, dans certains cas, pour la police. Pendant toute la période de la grève, donc, ce seront les syndicats, organisés en conseils, qui remplaceront le pouvoir communal dans ces communes, en se divisant les tâches, comme dans la ville de Liège par exemple. La FGTB n’appelant pas à la grève au niveau national, de nombreux.ses syndicalistes s’organisent pour créer des comités chargés d’organiser la grève, sans passer par les directions syndicales, entre le 20 et le 30 décembre. Le mouvement s’intensifie au fur et à mesure : il ira jusqu’à compter 700.000 travailleur.se.s en grève, pour une moyenne de 10 manifestations par jour sur l’ensemble du territoire durant toute la grève. A titre d’indication, la Belgique comptait 9 millions d’habitant.e.s et un nombre important de femmes ne travaillaient pas.
Le mouvement s’intensifiant, les actes de sabotages et les émeutes se multiplient : il y en aura parfois plusieurs dans la même journée. Les affrontements avec la police sont d’une telle intensité que le Premier Ministre rappellera des troupes de l’armée belge, encore stationnées en Allemagne à cause des suites de la deuxième Guerre Mondiale. Des militaires sont déployés dans presque tout le pays, à des endroits stratégiques comme devant des gares, des usines, et des bâtiments officiels. Le gouvernement, cherchant à briser la grève, met en place une politique de répression violente. Les forces de l’ordre chargent les manifestations à cheval, en usant de leur sabre ; des journaux sont saisis et interdits (notamment un qui appelait les soldats belges à fraterniser avec les grévistes) ; de nombreux travailleur.se.s sont emrisoné.e.s ; un total de 4 manifestants meurent sous les coups de la police. A la fin décembre et au début janvier, de plus en plus de monde parle d’une insurrection ; le gouvernement craint même une guerre civile. Le 6 janvier, à Liège, les manifestant.e.s vont jusqu’à attaquer l’armée, parquée devant la Gare des Guillemins ; la gare est entièrement saccagée, c’est l’affrontement le plus intense de la grève.
Le mouvement va pourtant finir par s’essouffler, d’abord en Flandre, puis en Wallonie : il terminera complètement autour du 21 janvier, après que la Loi Unique ait été votée au Parlement. Le Gouvernement en place n’aura cependant pas le temps de l’appliquer : les chambres seront dissoutes et de nouvelles élections prendront place dans le courant de l’année 1961. Il est souvent considéré que malgré que l’objectif de la grève n’ait pas été atteint, elle aura quand même empêché les gouvernements suivants d’imposer des politiques d’austérité trop directement, par crainte d’un nouveau soulèvement massif. Les travailleur.se.s sont en effet retourné.e.s au travail plus unis qu’avant la grève et, dans de nombreuses usines, en chantant “L’internationale”. Un ancien militant dira plus tard, au sujet de la grève : “on ne [voulait] pas être à genoux, contre la volonté du pouvoir de refuser le dialogue”.
Sources :
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