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[Brochure] La répression coloniale de l’État français contre les étranger·es à Mayotte

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L’offensive coloniale à Mayotte appelée opération « Wuambushu » a démarré en avril 2023 juste après le ramadan. Près d’un millier de gendarmes mobiles, de policiers et de CRS 8 ont débarqué en renfort pour détruire 10% des cases et expulser des milliers de comorien·nes en deux mois vers les autres îles de l’archipel des Comores. Les structures de soins ont dû se tenir prêtes à soigner en urgence, les écoles se préparer à voir disparaitre des enfants, et en parallèle, le conseil départemental de Mayotte avait voté l’interdiction de l’accès à la Protection maternelle et infantile (PMI) aux personnes étrangères non couvertes par la sécurité sociale.

Cette opération très médiatisée a servi à Darmanin à visibiliser son projet de loi, par une démonstration de force. Depuis, la loi Asile et Immigration a été votée dans sa version durcie.

Après « Wuambushu », l’offensive continue avec « Wuambushu 2 » ou « Mayotte place nette », pour « nettoyer » Mayotte des étranger·es, essentiellement des comorien·nes et des mal-logé·es via des « décasages » de quartiers entiers de plusieurs milliers d’habitations.

À Mayotte l’expulsion est toujours industrielle

Mais loin du regard des médias et en dehors des opérations telle que « Wuambushu », les enfermements et les expulsions d’étranger·es ont lieu à Mayotte toute l’année, à une échelle industrielle : cela représente plus de la moitié des enfermements administratifs et plus de trois quarts des expulsions du territoire français. L’État fixe à la préfecture des objectifs d’expulsion de 30 000 personnes par an, c’est à dire 10% de la population de Mayotte, il s’agit de transferts forcés de population.

Domination coloniale et Françafrique

Mayotte est restée illégalement territoire français à l’indépendance des îles des Comores en 1975. L’ONU considère comme nul et non avenu le referendum de 1976, condamne la présence de la France à Mayotte et demande son retrait. Au fil des ans, une vingtaine de résolutions de l’ONU ont suivi dans ce sens. En parallèle, l’ingérence de la France après l’indépendance des Comores, avec notamment l’intervention du mercenaire Bob Denard (assassinats de présidents, coups d’État…) va être à l’origine de la déstabilisation et de la paupérisation des Comores.

Le visa Balladur responsable de milliers de morts

Seulement 70 km séparent Mayotte de l’île d’Anjouan aux Comores. Depuis 1995, la France a instauré un visa obligatoire pour les Comorien·nes qui veulent rejoindre Mayotte. C’est la fin de la libre circulation au sein de l’archipel et la création d’une immigration dite « irrégulière ». Avant qu’il soit instauré, les familles étaient disséminées dans l’archipel et circulaient d’une île à l’autre. Près de 50% de la population est étrangère à Mayotte – étrangère d’un point de vue strictement administratif, parce que justement 95% de ces étranger·es sont comorien·es. 15 à 20% seraient en situation dite irrégulière, situation créée par la fermeture des frontières depuis 1995, alors que ces personnes sont chez elles à Mayotte.

Accès au séjour verrouillé

Il n’y a qu’une seule préfecture, à Mamoudzou, qui traite l’ensemble des demandes de titre de séjour et des demandes d’asile. Les délais de traitement sont très longs pour les demandes de titre. Un retard a été accumulé depuis plusieurs années par la préfecture dans le traitement des dossiers, ce qui maintient les personnes en situation irrégulière.

Omniprésence de la police et des contrôles

À Mayotte, les agents interpellateurs de la police aux frontières (PAF) sont partout, les arrestations sont massives. La pression exercée par la police est telle que des mineurs n’osent plus aller à l’école, des personnes ne vont pas se faire soigner à cause des contrôles à proximité de l’hôpital, etc. Pour faire des vérifications d’identité, les flics rentrent dans les maisons sans autorisation.

Arrestations en mer

Elles représentent entre 20 et 30% des arrestations. Certaines embarcations sont refoulées directement vers les Comores. Les personnes se rendent à Mayotte dans des embarcations de fortune. Elles risquent leur vie en venant en bateau, le canal du Mozambique est un cimetière. Il n’existe aucun décompte exact, mais il s’agit de plusieurs centaines de morts chaque année, et on compte en dizaines de milliers de morts depuis 1995.

Enfermement et expulsion à Mayotte

Il n’y a pas de chiffres détaillés qui proviennent d’association à l’intérieur. Contrairement aux autres CRA, pour Mayotte on n’a que les chiffres de la PAF.

En 2023, plus de 28 000 personnes ont été enfermées à Mayotte. Cela représente 60% des enfermements décidés par l’administration française. Près de 25 000 ont été expulsées, soit plus de 85%, alors que dans l’hexagone le taux d’expulsion est de 35%.

Le CRA de Pamandzi

Le CRA de Mayotte est situé à Pamandzi, il y a 136 places. L’État a prévu d’en construire un nouveau à Koungou, afin de poursuivre ses objectifs d’expulsions de masse. La particularité de Mayotte, c’est que les procédures d’expulsion se font très rapidement : la grande majorité des personnes arrêtées est expulsée en moins de 24h, la durée moyenne de rétention est de 17 heures. Les personnes n’ont ni le temps ni la possibilité d’exercer leurs droits. Ce n’est qu’une petite minorité qui est vue par l’association sur place qui traite les dossiers juridiques dans le CRA, 2 900 personnes sur les plus de 28 000.

Les locaux de rétention administrative (LRA)

Le CRA ne suffit pas en capacité pour enfermer toutes les personnes arrêtées, Les LRA sont créés soit de manière pérenne, soit par arrêté préfectoral pour quelques heures, une journée ou quelques jours, et renouvelés perpétuellement. Les personnes expulsées directement depuis les LRA n’ont aucun accès à leurs droits.

Enfermement des enfants au CRA de Mayotte

Ce sont 3 200 enfants qui ont été enfermés au CRA en 2023, c’est à dire plus de 30 fois plus que dans l’hexagone, et c’est plus de 10% des personnes enfermées à Mayotte. Et ce sans compter les enfants enfermés en LRA, dont on ne connait pas les chiffres.

Les strates de la discrimination Il y a plusieurs strates de discriminations à Mayotte : le CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) qui régit le droit des personnes étrangères en France. Le CESEDA est un droit d’exception raciste, il cible une catégorie de la population et institutionnalise la discrimination envers les personnes étrangères. Mais le CESEDA contient un régime dérogatoire qui est propre à Mayotte. À ça s’ajoute les pratiques illégales de l’administration. Les illégalités sont plus nombreuses car il n’y a pas ou peu de contrôle du juge. Il s’agit d’une gestion coloniale des populations.

Le régime dérogatoire

C’est un héritage de la colonisation : la constitution de 1958 permet dans les colonies, appelées départements et régions d’Outre-Mer, d’avoir un droit dérogatoire.

Quelques exemples du droit dérogatoire

Dérogation sur les contrôles : contrairement à ce qui se passe ailleurs sur le territoire français, la police peut procéder en tout lieu et tout le temps sur l’île à des contrôles d’identité, ce qui a été validé par le conseil constitutionnel fin 2022. C’est ce qui permet à la police d’être omniprésente et de faire régner la peur.

Dérogation au droit du sol : en France, la nationalité est acquise de plein droit à la majorité pour un enfant né en France de parents étrangers, sous condition d’avoir résidé un certain temps en France. Mais depuis 2018, il y a une dérogation au droit du sol à Mayotte : pour les enfants nés à Mayotte il faut que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. L’État colonial prévoit même de modifier le droit constitutionnel spécifiquement pour Mayotte afin d’y supprimer le droit du sol. Pour être Français, il faudra être né de deux parents français.

Dérogation sur l’enfermement des enfants : La loi Asile et immigration de 2024 interdit désormais l’enfermement des enfants, sauf à Mayotte.

Dérogation à la régularisation : être sur le territoire français avant l’âge de 13 ans permet une régularisation de plein droit à la majorité, mais à Mayotte il faut prouver en plus qu’on a vécu avec un de ses parents régularisé depuis l’âge de 13 ans. Or fréquemment les enfants ont grandi avec un oncle, une tante, une grand-mère, car certains membres de la famille ont un titre de séjour ou sont français, et d’autres membres, non.

Dérogation sur l’obtention du DCEM ou Document de Circulation pour Étranger Mineur. Un mineur n’a pas d’obligation d’avoir un titre de séjour. Le DCEM lui permet de circuler librement hors du territoire, pour peu qu’un de ses parents possède un titre de séjour. Mais à Mayotte, il existe une condition supplémentaire : le mineur doit être né en France ou entré "régulièrement" avant l’âge de 13 ans, ce qui n’est pas demandé dans l’hexagone.

Dérogation à la demande d’asile : les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler avant un délai de 6 mois, et peuvent demander une allocation pour demandeur d’asile, l’ADA (environ 200 euros pour une personne seule). Sauf qu’il n’y a pas d’ADA à Mayotte.

Pas d’Aide Médicale de l’État (l’AME) à Mayotte, c’est-à-dire pas d’accès aux soins pour les personnes sans papiers.

Pratiques illégales ordinaires de l’administration

Pour rappel, la loi interdit l’enfermement administratif des mineurs non accompagnés et leur expulsion.

Tous les jours, des mineurs non-accompagnés sont placés au CRA comme majeurs après que l’administration leur attribue une date fictive de naissance et considère les actes de naissance des comorien·es comme faux ou falsifiés.

Toutes les semaines, d’autres mineurs sont rattachés arbitrairement à un tiers lors des interpellations maritimes ou terrestres, pour permettre leur enfermement et leur expulsion.

Enfermement de mineurs français en possession d’une preuve de leur nationalité, pour les expulser illégalement avec leur parent étranger.

Enfermement de personnes françaises, et même une demi-douzaine d’expulsions de personnes françaises vers les Comores en 2022.

Pour les personnes qui arrivent à saisir le juge, il arrive qu’elles soient expulsées malgré tout, alors que cette saisie doit suspendre l’expulsion.

Inégalité des droits et pauvreté

Les droits sociaux des mahorais sont très inférieurs à ceux des habitants de l’hexagone. Le SMIC est inférieur de 25%. Le RSA est réduit de moitié, et sur 300 000 habitants de l’île, moins de 5000 personnes sont allocataires du RSA. Il n’y a pas de Complémentaire Santé Solidarité à Mayotte.

80% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, sur une île où le coût de la vie est plus élevé que dans l’hexagone, car la plupart des produits sont importés. La grande majorité de la population vit dans des logements précaires ou insalubres, il s’agit souvent d’abris de fortune, sans accès à l’eau, à l’énergie et sans assainissement.

Il y a surtout des inégalités de revenus en fonction de la couleur de la peau : une analyse qui date de quelques années montre qu’en moyenne les revenus sont de 200€ mensuels pour les étrangers, de 300€ pour les français originaires de Mayotte, et de 1400€ pour les français non originaires de Mayotte. C’est typiquement une structure sociale coloniale.

La chasse aux étrangers

Des milliers d’habitations sont détruites chaque année laissant les personnes à la rue. Depuis 2016, des collectifs se sont organisés pour déloger et agresser leurs voisins qui sont des comorien·nes avec ou sans papiers et qui habitent un terrain qu’ils louent. Ces collectifs ont été escortés par les flics. Depuis l’État a pris le relai de ces groupes xénophobes en démantelant luimême les quartiers pauvres. Les personnes construisent des cases sur des terrains et ensuite la préfecture décide que tout un quartier est insalubre et vient le détruire sans respecter évidemment la Loi Élan qui veut qu’on reloge les personnes.

L’enjeu économique et géostratégique

Pourquoi l’État français tient tant à conserver Mayotte ? Mayotte est sur la route du Cap par laquelle est acheminée le pétrole du Moyen Orient vers les pays occidentaux, par le canal du Mozambique. De plus d’importantes réserves de pétrole et de gaz ont été découvertes dans le canal, entre le Mozambique et Madagascar. Conserver Mayotte permet également à la France d’agrandir nettement sa zone économique exclusive en mer (ZEE) qui est la 2e au monde.

Mayotte, laboratoire sur la question migratoire

Par le durcissement du droit des étrangers, le droit dérogatoire propre à Mayotte peut venir alimenter la transformation du CESEDA, ainsi que par les pratiques administratives illégales, pratiques qui finissent régulièrement par être avalisées par les plus hautes juridictions comme le Conseil d’État, puis intégrées aux divers projets de loi à venir.

Mayotte sert aussi de laboratoire médiatique, pour construire le discours sur les liens entre immigration, insécurité et délinquance, où les étranger·es désigné·es comme la source de tous les problèmes.

//////// À Mayotte et partout ailleurs, les luttes contre les politiques anti-migratoires et les luttes contre l’impérialisme et le colonialisme sont indissociables

De Toulouse à Mayotte, solidarité avec toutes les personnes qui luttent contre le colonialisme et pour leur liberté

À bas les CRA et les prisons ! À bas l’État raciste et colonialiste !

Des informations sur le centre de rétention de Toulouse et des paroles de personnes enfermées sont disponibles sur le site : toulouseanticra.noblogs.org

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