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Liberté pour Richard : Témoignage de son partenaire

Liberté pour Richard : Témoignage de son partenaire

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[ Retranscription témoignage du partenaire de Richard ]

Q : Alors d’abord la première question que je voulais demander c’est : quand vous avez appris que Richard a été arrêté, c’était quoi votre première réaction ?

R : Ma première réaction c’est que il(s) me dise(nt) ce qu’il doit faire, il est où. J’ai téléphoné à la seconde au 127bis, on m’a dit ce qu’il fallait faire pour lui rendre visite. Et depuis là, non, on ne s’est pas quittés, je suis toujours avec lui. J’essaie de lui rendre visite. Au départ j’allais même deux fois par semaine et il y a parfois des moments où on a des visites intimes.

Q : Et donc au centre, tout le monde sait que vous êtes ensemble ? Quand vous allez rendre visite et tout ça.

R : Oui tout à fait. C’est moi seul qui y vais, personne d’autre y va. Dîtes-vous bien que si il n’y avait pas un amour entre lui et moi, quelque chose de réel, depuis le 28 mars, je crois qu’il y avait d’autres choses à faire. Je me suis privé. Je devais même voyager. J’ai des problèmes familiaux mais quand j’y vais d’ailleurs, j’y vais en cachette. Pas en cachette mais j’y vais discrètement mais j’ai du renvoyer en attendant que (?) sa situation, ce n’est pas possible.

Q : Et par rapport au CGRA, parce que vous les avez contacté, envoyé un courrier. Ils ont dit qu’ils allaient revenir vers vous et jusqu’à présent...

R : Euh c’est beaucoup plus l’Office des Etrangers qui m’a répondu. Je l’avais fait avant, pas le vendredi de la semaine passé, le vendredi d’avant. Et j’ai écrit et ils m’ont répondu automatiquement qu’ils accusent réception et qu’ils me répondent, que je ne dois pas les joindre endéans les dix jours ouvrables. Bon, nous sommes donc le vendredi et le lundi j’ai reçu encore la même réponse automatique, forcément, c’était le week-end. Ils m’ont répondu comme ça et le mardi, on m’a envoyé un mail comme quoi il faut que j’envoie le numéro national de Richard et je l’ai envoyé instamment. Et donc j’attends. Supposons que les 10 jours ouvrables sont tombés mardi, donc mercredi, jeudi, on est dimanche, c’est l’administration, moi j’attends.

Q : Et pourquoi vous pensez que la Belgique elle veut pas reconnaitre la nature de votre relation avec Richard et la réalité de ce que Richard dit ?

R : Le problème c’est qu’en fait on a toujours eu un jugement des apparences. Comme il est un peu trop masculin alors ça ne va pas fonctionner... et on croit que ce qu’il dit n’est pas vrai. Il a voulu dire la vérité parce qu’en fait, je suis issu du même pays, la même ethnie même d’ailleurs. Seulement, moi j’avais senti en lui qu’il était gay comme moi aussi. Mais personne ne peut dire que je suis gay. Il a été jugé de un par son apparence, par sa façon d’être, parce qu’il est trop macho. C’est moi qui suis son féminin dans l’histoire. Et donc dans cette histoire, on n’a pas cru. Parce que lui il est comme ça, il est naturel, il dit les choses comme il les ressent. On a même fait des vidéos et tout ça pour dire « c’est mon homme ». C’est mon homme ! On est ensemble depuis et d’ailleurs, le premier jour que je l’ai vu, j’ai ressenti comme ça et puis après, il n’osait pas me le dire d’emblée et puis quand on a eu l’occasion de nous étreindre, il m’a dit effectivement c’est comme ça. Parce que chez nous, on ne doit pas l’afficher, on fait comme si.

On fait comme si mais en attendant c’est toi qui souffre. Moi dans mon cas ça fait 36 ans que je suis venu ici, je rends grâce au Seigneur car je me suis retrouvé très mal dans ma peau en 92, 93, où je suis tombé amoureux d’un Camerounais, étudiant, et ça a fait un scandale dans la communauté que j’ai dû moi-même faire un coming out le 24 décembre 1994 ! Il y a toute une frange de la communauté qui m’a considéré comme paria. Mes seuls amis qui sont restés dans la communauté sont ceux qui sont venus très jeunes, ils avaient 11, 12 ans, ils sont venus, ils comprenaient déjà la société et qui sont mes amis jusque aujourd’hui. Parce que j’ai eu les enfants avant de venir, parce qu’il faut donner l’impression que, mais fondamentalement c’est avec les mecs que je vis. Comme je suis en Europe, je me permets. Au Cameroun, je ne peux pas me permettre parce que mes parents sont là-bas. Je ne peux pas me permettre d’y aller et m’afficher, faire n’importe quoi, non.

Ils ont même été au courant via le colportage des gens que je suis gay. Ma mère par exemple à moi elle a dit que « Non mon fils, il est masculin ».

Et c’est ça que je vis et que les gens vivent : la famille ne veut rien entendre. La famille ne veut rien entendre ! Je me suis dit « à un moment donné il va falloir que je plaide, parce que c’est mon homme. D’où j’ai du écrire au CGRA et à l’Office des Etrangers. Mais qu’est-ce que vous voulez qu’on prouve d’autre ? Je ne vois pas même ici les occidentaux pur jus,ne marchent pas bras dessus bras dessous, ce n’est pas encore légion. En plus dans notre communauté, je vous dis, ici en Belgique, le moindre soupçon n’est pas rien, on ne fait pas de bruit mais y a des faits, des gestes. Parfois y a un évènement, on ne vous invite pas. De temps en temps quand on a bu un verre, on est quelque part et on nous dit : »sales pédés". Ca c’est notre communauté. Au Cameroun, on fait comme si ça n’existe pas, et ça existe, dès qu’on le sait, on fait tout pour lui avoir la peau. Il suffit de rien et vous le coupez de votre vie. Vous êtes obligé de vivre dans la clandestinité ad vitam eternam. Maintenant, on a encore la chance qu’ici on commence à nous laisser tranquilles mais au Cameroun, tu ne peux pas. Moi je ne peux pas au Cameroun, si je me promène avec un mec, ce sont mes neveux les enfants de mes consanguins et obligé d’être avec une meuf parce qu’il faut donner l’impression que... Alors que dans ton âme tu n’y es pas. Moi j’ai beaucoup souffert de ça. Et après 94, je suis tombé dans une dépression sans commune mesure. Et depuis que j’ai rencontré Richard,on s’entraide moralement, on se soutient parce qu’on parle le dialecte aussi de temps en temps entre nous. Depuis qu’il est au Centre, je souffre, je souffre actuellement de son absence. Je suis même désemparé, j’ai même fait des photos de la chambre, je lui ai dit Chéri, écoute, tu sais si on arrive à te libérer, je vais te montrer les clichés, tout est en désrodre chez moi parce que je n’ai pas la force.

Il a été agressé, plusieurs fois même, une fois au centre et avant, il y a eu des agressions. Le problème c’est que les conseils qu’il a eu, il fallait qu’on le libère, on n’a pas regardé l’expertise LGBT, il était dans cette situation où moi j’étais entrain de voir comment je vais faire parce qu’on était sur le point de cohabiter même se marier. On est prêt à tout ça mais il fallait les documents à la commune qu Cameroun mais je ne peux pas les demander, ils vont dire pourquoi, il va faire quoi avec ça, je ne sais même pas, je sais qu’on est dans la même ville mais je ne sais même pas par quelle entourloupe je ferais pour avoir ne serait-ce que son acte de naissance. Le Cameroun ne délivre pas de certificat de célibat pour des mariages homosexuels non.

Quand j’ai même écrit, j’ai mis en annexe, j’ai envoyé encore un article qui est paru sur Jeune Afrique, une semaine, 3 jours avant que je n’envoies la lettre que j’ai dû tirer sur Jeune Afrique, par exemple du fameux film où il y a les barbies, on a dit au Cameroun, on ne va jamais le projeter. J’ai envoyé une copie. Sans oublier le reste.

Je vois quand Shakiro fait les lives, je ne l’ai jamais rencontrée mais je suis ses histoires. Parce que dans mon cas, vu mon âge, je vis discrètement, je ne me cache pas. Le problème c’est que j’aimerais vivre allègrement, paisiblement. J’ai un pacemaker actuellement. Tout ça, c’est une suite logique. Je suis rongé de l’intérieur, combien de fois j’ai fait la coloscopie, parce que je rumine. La souffrance est là. Ca va faire 8 mois, est-ce que c’est raisonnable. Heureusement que je suis là. J’étais entrain de ruminer quelque chose, pour faire un scandale quitte à me mettre à poil, je m’en fous moi.

J’étais arrivé à ce stade là. Faut qu’ils comprennent qu’un homme c’est... humainement, en dehors même de la sexualité, je l’aime. Quand il me voit, il est trop content. Lorsque je lui rends visite, on parle de tout et de rien, on parle de nos perspectives, et une fois que la visite est terminée quand je rentre, je pleure tout le chemin. J’espère qu’on aboutira.

Pour soutenir, avoir accès à plus d’informations, à la cagnotte et à la pétition :
https://lnk.bio/CSRichard

Voir en ligne : Comité de Soutien à Richard

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