Avec plus de 100,000 manifestants venus de toute la Belgique et de tous les secteurs, la manifestation syndicale du 13 février était historique. Il faut remonter à 2014, pour se rappeler d’un déferlement aussi massif dans les rues de Bruxelles. A l’époque, la manifestation représentait une rampe de lancement d’un plan d’action syndical d’envergure contre la gouvernement libéral de Charles Michel. Il a culminé dans la plus grande grève générale en 30 ans. Rien ne bougeait, sur terre, sur mer et dans l’air.
L’annonce brutale du gouvernement Arizona à pour objectif, de nous écraser, de nous submerger, à l’instar de la doctrine militaire de ’shock and awe’ (choc et effroi). À mesure que les médias et les militants syndicaux diffusent l’information, la stupéfaction se mêle à la colère, dans les entreprises, les écoles et les quartiers. Face à ce coup de massue, la manifestation a joué un rôle essentiel : briser l’effet paralysant de cet uppercut. D’abord ’sonnés’, les travailleurs relèvent désormais la tête. Une dynamique qui ne manquera pas d’inquiéter l’aile droite de l’hémicycle parlementaire.
Dans les prochaines semaines, il ne s’agit non seulement d’informer mais aussi d’expliquer que cette austérité ne sert que les patrons et non l’intérêt général. L’austérité n’est pas une fatalité. Ce n’est pas nous qui avons créé la dette publique belge mais les énormes cadeaux fiscaux aux patronat. Mais à côté de cela il faut donner confiance et créer une cohésion sociale, c’est-à-dire organiser la conscience de classe. Cela doit venir d’un plan d’action d’envergure qui va au-delà du 31 mars et qui se donne comme objectif : la chute du gouvernement Arizona.
Information, assemblées, comité de lutte
Là où les délégations syndicales informent bien, la mobilisation est la plus grande. Surtout quand les syndicats organisent des assemblées générales sur leur lieu de travail et pendant les heures de travail. L’assemblée est un outil d’information mais aussi de discussion. Il doit être mis en pratique dans toutes les entreprises. Au fil des prochaines semaines, cet outil gagnera en importance et peut devenir le lieu de décision et d’organisation de la lutte. Il y a encore pas mal de délégations syndicales qui rechignent à tenir des assemblées ou les cantonner à un rôle de séance d’information unilatérale, des délégués vers les travailleurs. Nous croyons que dans les semaines qui viennent et en préparation de la grève générale du 31 mars, ces assemblées devraient élire des comités de lutte, composés de militants syndicaux et de travailleurs nouvellement actifs. Car, ce genre d’attaques peut réveiller à la conscience sociale et politique toute une série de travailleurs qui ne l’étaient pas il y a quelques semaines. Il s’agit de leur donner une place dans l’organisation de la lutte des prochains mois. Il existe aussi déjà certaines initiatives qui consistent à regrouper des travailleurs au-delà des différents secteurs ou regroupant syndicalistes et militants associatifs. C’est le cas à Liège et à Bruxelles (Colère Commune). A notre avis, ces initiatives devraient s’étendre vers d’autres villes et se coordonner entre elles afin d’amplifier la mobilisation. Elles peuvent aussi pallier dans certaines conditions aux limites bureaucratiques des syndicats. La mobilisation des derniers mois a déjà révélé les limites de nombreux dirigeants syndicaux. Pour preuve, les appels pathétiques à la concertation avec ce gouvernement, la recherche désespérée de mesures “équilibrées”, le risque de repli sur ‘le secteur’, l’illusion dans la capacité, voire la volonté de Vooruit de ‘corriger’ socialement les mesures, plan d’action très timide… Mais l’Arizona n’en a que faire. Le gouvernement et le patronat veulent clairement gagner cette bataille. Et ils mettront tous les moyens : mensonges, tentative de division, répression etc.
Pour une grève générale active
La grève du 31 mars doit être une formidable démonstration de la classe travailleuse en Belgique. Rien de doit rouler, bouger et fonctionner ce jour-là. Mais ce ne peut pas être une grève des bras croisés. La journée ne doit pas se résumer à rester chez soi, jardiner, regarder un film ou bouquiner. Pas question d’en faire une grève passive. Il nous faut une grève active. Comment est-ce qu’elle peut être active ? Par exemple en faisant des piquets devant toutes les entreprises et en bloquant les zonings industriels et les principales artères routières avec des centaines de travailleurs. Pour renforcer les liens et la conscience collective, on peut aussi organiser des piquets volants qui vont d’entreprise en entreprise ou comme en 2014 à Anvers des regroupements de cyclistes qui font le tour des piquets. Important aussi est de prévoir des assemblées de grévistes inter-entreprises dans les principales villes. Ces réunions peuvent servir à faire le bilan de la journée de grève et à délibérer sur la suite des actions et de nos revendications.
Faire tomber, ou ne pas faire tomber le gouvernement ?
Le président de la FGTB, Thierry Bodson, dit que ‘notre objectif, n’est pas de faire tomber le gouvenement’… Il faudrait qu’il nous explique comment on peut mettre fin à la toxicité sociale des plans de l’Arizona, sans que ce gouvernement ne soit culbuté. Cela nous paraît une mission impossible. Nous devrions donc nous contenter de quelques miettes en échange de l’arrêt du mouvement social ? Les syndicats ne tirent donc aucune leçon de l’échec de 2014 et de la démoralisation qui s’en est suivie, mais également des conséquences que cela a eu sur les travailleurs et donc les syndicats ?
C’est une erreur stratégique de ne pas se donner cet objectif. Petit rappel : l’Arizona est la coalition rêvée du patronat. Il s’agit d’une ‘occasion unique’ pour faire passer son agenda. D’ailleurs, des entreprises comme Carrefour anticipent déjà les mesures levant l’interdiction du travail du dimanche en convoquant un conseil d’entreprise sur ce sujet. Ceci, avant même que les lois ne soient votées !
Il faut à tout prix encourager et soutenir les initiatives des travailleurs qui se veulent indépendantes des bureaucraties syndicales, trop occupées à vouloir garder le contrôle sur la lutte et à défendre le statu quo, elles n’ont pas la perspective suffisante pour mener une lutte capable de faire tomber le gouvernement. Ces initiatives doivent d’abord se faire dans les organisations syndicales même, qu’on ne peut abandonner aux seuls bureaucrates.
Aussi longtemps que Arizona restera au pouvoir, les patrons y verront à juste titre un levier pour attaquer les travailleurs. Donc il n’y a pas le choix, le gouvernement des patrons doit tomber. Pour le remplacer il faut un gouvernement de notre classe sociale, celle des travailleurs. Et ce gouvernement aura comme première tâche d’exproprier tous ces parasites.

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