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[Rencontre/Echanges] Internement, santé mentale et abolition pénale

[Rencontre/Echanges] Internement, santé mentale et abolition pénale

Pourquoi les personnes internées sont encore plus mal traitées que les condamnées, alors même qu’ils et elles sont jugées irresponsables de leurs actes ? Si l’on souhaite pouvoir se passer de l’enfermement, comment faire avec des situations de crise dont la violence dépasse les capacités d’accueil ou d’accompagnement ? Quelles alternatives à l’internement ont été pensées et expérimentées ? Quelles forces se mobilisent pour changer la situation ? Qu’ont-elles obtenu depuis qu’elles combattent ? Et enfin quelles voies praticables suggèrent-elles pour les temps à venir ?

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Le Steki

« On confond dangerosité et dérangemosité »
Jean-Paul Noël, Psytoyen.

Quel lien entre santé mentale et abolition pénale ?

On enferme toujours les fous par défaut, depuis la loi de défense sociale de 1930.
Cette loi avait pour but d’éviter la dégénérescence supposée de la société par la purge des « anormaux » et des récidivistes en les enfermant, à défaut de les castrer, puisque cette dernière option suscita trop de problèmes éthiques. Aujourd’hui près de 3.800 personnes ont le statut d’internés sous le régime de la défense sociale en Belgique (contre 11.000 personnes en prison environ) ; c’est à dire dont le « trouble mental » les rendent légalement irresponsables des faits justifiant leur enfermement.

Si depuis 2016 on ne les enferme plus à durée indéterminée pour un vol de pomme, mais uniquement pour des atteintes graves aux personnes, la logique sécuritaire et pénale reste la même. Leur internement est basé sur le régime des condamnés. Les annexes psychiatriques des prisons sont d’ailleurs surnommées « les oubliettes de la justice ». On a beau s’arranger avec le vocabulaire, l’internement est bien une peine. Et la logique pénale reproduit et amplifie la violence et la souffrance dans un cercle sans fin, sur ceux et celles qui les subissent déjà le plus.

15h – Table ronde au Pianocktail,
organisée avec Mounia Ahammad [1].
Ce que (me) fait ma violence, ce que suscite mon trouble.

En présence d’usagères et usagers du Pianocktail et du Canevas.
Sur inscription.

– Quant on est en crise et qu’on devient violent, qu’est-ce qu’il se passe pour nous ?
– De quoi a-t-on le plus besoin à ce moment-là ? Qu’est-ce qui a pu nous faire du bien ? Et qu’est-ce qui a su nous apaiser ?
– Qu’est-ce qui au contraire a déclenché plus de souffrance et de violences, dont certaines considérées comme des infractions ?
– Quelles sont les réactions habituelles des institutions au moment de la crise ?
– Quels sont les comportements et les réactions les plus fréquentes du personnel hospitalier, de celui des urgences, des psychiatres…
– Et le comportement de la police, du personnel lors de de l’internement ou des juges ?
– Quelles sont les comportements et réactions plus exceptionnelles ?

(cette table ronde fera l’objet d’un compte-rendu anonymisé qui sera accessible sur demande)

19h – Discussion au Steki
avec Eleni Alevanti [2] et Aurélie Ehx [3].
Internement, santé mentale et abolition pénale.

Deux dynamiques parallèles se complètent pour tenter de changer la situation héritée notamment de 1930.
La première est la construction d’un rapport de force sur le terrain du droit, pour modifier la loi et son application. Comment les différentes voix qui se sont fait entendre ont permis, en 2014 et 2016, de changer la loi de 1930 ? Et pourquoi n’ont-elles pas réussi à modifier sa logique sécuritaire de fond, qui reste la même ? Y a-t-il quoi que ce soit à tenter encore sur ce terrain où y a-t-il d’autres voies praticables ?

La seconde dynamique concerne les multiples tentatives, élaborations, inventions et propositions, sur le terrain, pour sortir des logiques sécuritaires dans l’accompagnement des situations extrêmes. Comment concrétiser l’existence d’espaces hétérogènes partagés, hors du carcan pénal ? Quelles sont les ressources déjà existantes au quotidien et en cas d’urgence pour ne pas faire appel aux logiques sécuritaires ? Et quelles sont les ressources manquantes ? Pourquoi ces ressources peinent à s’amplifier et se répandre ?

NLP a proposé à Fanny Rebuffat [4] de co-animer la discussion en prenant comme point de départ un enjeu de ce champ cristallisé dans l’ambivalence de la réforme 107 des soins de santé mentale :

Le discours légal valorise désormais la communauté, l’entourage, l’entraide, l’autonomie, la sortie du monopole des institutions et l’auto-support, allant parfois jusqu’à reprendre le discours anti-psychiatrique des années 70, mais en l’instrumentalisant dans une perspective libérale de réduction des coûts et de fermeture de services (de lits hospitaliers et de lieux de soins). Cette logique est également à l’œuvre en France avec une tendance progressive à l’uberisation de la santé.
Ce qui nous occupera alors, c’est de contribuer à l’élaboration d’une stratégie capable de contrer la virtuosité libérale qui parvient à utiliser les pratiques collectives les plus désirables et les plus inventives à son profit.

Un défi de l’abolitionnisme et du réductionnisme pénal étant de reprendre la main sur les situations problématiques de nos vies et notre entourage, d’assumer une part de responsabilité qui a été capturée par l’État, mais dans un contexte néo-libéral où la survie nous laisse peu de temps et de moyens pour se réapproprier les savoirs-faire et les moyens nécessaires. Tout au long de ce cycle Abolition pénale ?, nous rencontrons donc régulièrement ce défi stratégique : comment articuler pratiquement autonomie et justice sociale ?


Note : le terme « institutionnel.le » se réfère ici à l’analyse institutionnelle selon Lapassade et Lourau qui consiste à identifier le rapport de pouvoir implicite et sous-jacent dans un groupe, un lieu, une entité de vie, et à mettre en évidence le « non-dit » des réalités se présentant comme allant de soi.


POUR EN SAVOIR PLUS

Voir en ligne : Le Steki


Anciens évènements

Discussion : Internement, santé mentale et abolition pénale

 jeudi 26 janvier 2023  18h30 - 22h00
 jeudi 26 janvier 2023
18h30 - 22h00
 le Steki,

 

4 & 6 rue Gustave Defnet, 1060 Bruxelles.

Table ronde : Ce que (me) fait ma violence, ce que suscite mon trouble.

 jeudi 26 janvier 2023  15h00 - 17h00
 jeudi 26 janvier 2023
15h00 - 17h00
 Pianocktail (sur inscription),

 

304 rue Haute, 1000 Bruxelles.

Notes

[1Mounia Ahammad est infirmière au centre thérapeutique de jour « Le Canevas ». Elle est fondatrice ou active au sein de plusieurs expériences « institutionnelles » dont le bistrot culturel « Le Pianocktail » dans les Marolles.

[2Eleni Alevanti intervient au sein d’une équipe mobile qui rencontre des personnes sans logis ou mal logées et qui ont par ailleurs des parcours dans le milieu de la psychiatrie. Sa thèse porte sur la réforme 107 et s’intéresse aux politiques du soin en santé mentale, aux injustices épistémiques et aux paradoxes des mouvements de désinstitutionalisation.

[3Aurélie Ehx est chargée de projets pour l’asbl « l’Autre lieu, Recherche-Action sur la Psychiatrie et les Alternatives » à Bruxelles, à l’origine de campagnes de déstigmatisation de la folie. Elle est membre de la commission de surveillance et de la commission de plainte de l’établissement de défense sociale de PAIFVE.

[4Fanny Rebuffat est psychiatre et a été amenée à suivre des patients en défense sociale dans son parcours. Elle travaille notamment avec les références de la psychothérapie institutionnelle.

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