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Répression du mouvement étudiant pour la Palestine : 90 personnes convoquées pour être auditionnées, des moyens colossaux utilisés

Répression du mouvement étudiant pour la Palestine : 90 personnes convoquées pour être auditionnées, des moyens colossaux utilisés

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

Fin août 2024, plus d’une trentaine de personnes (étudiantes et non-étudiantes) ont été convoquées par la police locale d’Ixelles. Ces convocations, déposées en main propre pour certain·es, ont lieu dans le cadre d’une enquête sur le mouvement étudiant, en particulier sur l’occupation d’un bâtiment de l’ULB renommé Walid Daqqa. Cette occupation revendiquait la suppression de tout lien entre l’ULB et l’Etat colonial israélien. Les 9 et le 10 septembre, une seconde vague de convocation est tombée, élevant le nombre de personnes ciblées à 60. Dans les jours qui ont suivi, une vingtaine d’autres convocations ont été envoyées, portant le nombre total à plus de 90 personnes convoquées, selon les informations dont nous disposons. Il s’agit donc d’une enquête d’envergure, mobilisant des outils de lutte contre le « radicalisme », pour laquelle beaucoup de moyens financiers, humains et technologiques ont du être alloués très rapidement.

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Le point commun à toutes les convocations est qu’elles reprennent le chef d’accusation : « Appartenance à un groupe prônant la ségrégation ou la discrimination raciale ». Ce type d’accusation pourrait mener à des peines de prison.

En plus de s’apparenter à une des premières étapes d’un important procès politique, ces convocations s’inscrivent dans une stratégie d’intimidation pour tenter de mettre un coup d’arrêt au mouvement. Une chose est sûre, l’intention policière et judiciaire derrière cette enquête est définitivement de réprimer, voir criminaliser, le soutien à la libération de la Palestine en Belgique. L’angle de cette criminalisation semble être celui d’une instrumentalisation de l’antisémitisme, au travers du chef d’accusation d’ « Appartenance à un groupe prônant la ségrégation ou la discrimination raciale ». Cette situation ressemble à la répression des mêmes mouvements dans les pays voisins, en Allemagne et en France notamment.

Pourtant, les communications et les actes de l’Université Populaire (UPB) indiquent un engagement contre l’antisémitisme, comme contre toute autre forme de racisme. Le collectif Juif et antisioniste belge, AJAB, a dénoncé et fermement rejeté cette instrumentalisation de l’antisémitisme et l’accusation « Appartenance à un groupe prônant la ségrégation ou la discrimination raciale » portée par l’enquête de police :

« Si les accusations portent sur une prétendue ségrégation raciale sur le campus, nous rejetons avec force l’instrumentalisation de l’antisémitisme ou de la sécurité comme moyen de mettre fin aux mouvements de solidarité » a commenté AJAB dans un communiqué. Le collectif a également affirmé que l’occupation a pris au sérieux la question de l’antisémitisme au sein du mouvement.

Le nombre massif de suspect·es identifié·es interroge sur les moyens impressionnants qui semblent être déployés dans le cadre de cette enquête. Un nombre important de personnes suspectées et convoquées n’ont, selon nos informations, jamais eu de contact avec la police ou les services de sécurité de l’université et n’ont donc jamais été formellement identifiées durant le temps de l’occupation à l’ULB. Toujours selon nos informations, certaines personnes ne s’étant même jamais rendu physiquement à l’occupation de l’ULB sont appelées à être auditionnées.

Ces éléments questionnent sur un potentiel usage de logiciel de reconnaissance faciale dans le cadre de l’enquête. Les forces de l’ordre ont, en effet, déjà été réprimandées pour l’utilisation illégale d’un logiciel de reconnaissance faciale (Clearview A.I) dans d’autres contextes. Par ailleurs, la police fédérale et certaines zones de police locale (notamment à Bruxelles) utilisent le logiciel de reconnaissance faciale israélien « Briefcam », et, ce, dans un cadre juridique qui reste encore flou. Nous ne disposons cependant d’aucune information concrète nous permettant d’affirmer un potentiel usage de Briefcam ou de Clearview dans l’enquête.

Il est également possible que certains moyens utilisés dans le cadre de cette affaire soient de l’ordre de l’anti-terrorisme. Mise en place en 2021, la « Stratégie TER » (Stratégie Extrémisme & Terrorisme) a remplaçait le Plan R (Radicalisme), mis en place en 2006 après les attentats de Bruxelles. L’idée de la Stratégie TER, c’est de développer à l’échelle nationale et locale une approche « pluridisciplinaire » pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme. Cette stratégie, basée sur une étroite collaboration et un échange d’informations à tous les niveaux de l’Etat, réunit les services de renseignements (civil / militaire), la police (locale / fédérale) et un grand nombre d’acteurs administratifs et sociaux (communautaires, associations, villes et communes, …). La stratégie T.E.R se donne à la fois un objectif dit de « prévention » et aussi de « répression ». Ce faisant, des task-forces de cet ordre existent dans de nombreuses communes et villes belges. En l’occurrence, il semblerait que ce soit la « Task-force radicalisme » de la police locale d’Ixelles mène l’enquête dans cette affaire.

Comme nous l’avions documenté dans notre enquête sur la répression du mouvement Palestine en avril, il est plus qu’interpellant de voir des moyens répressifs aussi importants être utilisés pour réprimer les mouvements sociaux. Une dizaine d’ONG et de syndicats belges dont la Ligue des Droits Humains et Amnesty International Belgique s’inquiètent des mesures répressives qui visent le mouvement pro-palestinien en Belgique.

Malgré les moyens colossaux qui semblent être mis en place pour le réprimer, le mouvement étudiant a annoncé dans diverses communications qu’il « ne se laisserait pas intimider et qu’il continuera à entreprendre toutes les actions nécessaires pour arriver à ses objectifs » : à savoir le désengagement total de l’ULB des liens avec l’Etat colonial israélien.

Sources :

  1. Informations récoltées par nos journalistes.
  2. Explication de l’OCAM sur la stratégie TER ocam.belgium.be
  3. Communiqué de l’AJAB, le 12 septembre 2024 en solidarité avec l’occupation de Walid Daqqa et avec les personnes convoquées instagram.com
  4. Rapport sur la stratégie T.E.R : ocam.belgium.be
  5. Comme au procès Pélicot, la police belge utilise aussi un logiciel de reconnaissance faciale : « Les policiers peuvent l’utiliser mais dans un cadre strict »sudinfo.be

Voir en ligne : BXL Dévie

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