En Martinique, depuis début septembre, des mobilisations se succèdent pour dénoncer la vie chère. Différentes associations et groupes sociaux s’organisent : les commerçant·es ferment boutique, des taxis et des automobilistes ralentissent voire bloquent le trafic (opération escargot, convois de camions), des citoyen·nes bloquent des supermarchés et manifestent, en journée mais aussi la nuit.
Les mobilisations dénoncent les différences de prix démesurées entre la France métropolitaine et lesdits territoires d’Outre-mer. Pour l’alimentation, ces différences de prix sont en moyenne autour de 40% mais pour certains produits de consommation, on atteint des chiffres encore plus dérisoires. Par exemple, d’après le site KIPRIX qui compare les prix en France et en Martinique, la différence de prix des œufs dépasse les 140% et celle pour certains condiments atteignent les 500%.
Les surcoûts entre la France et les territoires qu’elle a colonisés sont dus au fait que les produits sont pour l’immense majorité importés. En Martinique, 90% des produits de consommation sont importés.
L’importation de la France métropolitaine vient avec des coûts de transport, des taxes d’octroi de mer ainsi que des coûts dus à la multiplication des intermédiaires (entre producteur et distributeur) et les marges conséquentes prélevées à chaque étape des chaînes d’approvisionnement.
Les manifestant·es demandent plus de transparence quant à ces marges ainsi qu’une réorganisation du système d’approvisionnement car celui-ci est encore calqué sur le fonctionnement du pacte colonial et donc organisé à l’avantage de la France métropolitaine. En effet, ce pacte prévoyait que les colonies devaient livrer leurs matières premières à la France mais obligeait aussi les colonisé·es d’outre-mer à consommer en priorité les biens issus de la métropole. Ce faisant, la France se garantissait un import de denrées à bas coûts ainsi qu’un marché d’export rentable, au détriment de l’autonomie alimentaire des colonies. En luttant contre la vie chère, les habitant·es de Martinique et des autres territoires d’outre-mer se révoltent contre une survivance du système colonial français et contre les inégalités économiques dues au fonctionnement de la grande distribution.
Les pouvoirs publics ont déployé un important dispositif de forces de l’ordre et des mesures restrictives qui semblent s’aligner la répression des récentes révoltes en Kanaky : couvre-feu, brigades CRS (Compagnies Républicaines de Sécurité), arrestations.
L’État français ne reconnaît pas sa responsabilité dans les conditions de vie et le pouvoir d’achat de habitant·es de Martinique. Si le mouvement de révolte martiniquais se veut pacifiste, face au manque de réaction des pouvoirs publics, il est devenu plus offensif : destruction de matériel, incendies, tirs sur un commissariat, etc. Cette violence décriée par la plupart des médias est une réaction à des décennies de domination occidentale, qui se fait particulièrement sentir dans le coût de la vie et le manque prise en compte politique.
Comme en Kanaky et ailleurs, en Martinique, la décolonisation reste inachevée et l’impérialisme français sévit encore. La violence des récentes révoltes est un fardeau pour les habitant·es mais elle s’impose au vu du manque de considération politique. Leur quotidien est ralenti par la grève ou le manque d’activité économique à cause des mobilisations, en particulier dans certains quartiers dont l’économie repose sur le tourisme. Cependant, pour avoir de meilleures perspectives sur du long terme, la création d’un nouveau rapport de force paraît être une nécessité. En Martinique, plus largement dans les Antilles mais aussi en Kanaky, les prix trop élevés et l’héritage colonial français empêchent les habitant·es de vivre dignement.
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