Sommaire
La planète brûle. Littéralement. Depuis quelques années, les saisons des catastrophes ne touchent plus seulement des populations pauvres de « pays du Sud » qu’il était facile d’ignorer ou de reléguer dans un coin de l’esprit réservé aux choses éloignées et face auxquelles on pense ne rien pouvoir faire.
Aux sécheresses en Inde et au Burkina Faso fait écho celle qui touche l’Europe ; aux inondations au Pakistan ou au Mozambique font écho celles en Belgique, en Allemagne ou dans le Gard ; les ouragans ne dévastent plus seulement les îles parmi les plus pauvres du monde, mais aussi la côte Est des États-Unis (sans parler des conséquences de Katrina sur la moins prospère Nouvelle-Orléans) ; les incendies ravagent l’Australie, la Californie, la Grèce, le Portugal, l’État espagnol et maintenant la France ; les calottes glaciaires fondent plus rapidement que prévu, forçant les scientifiques à revoir constamment leurs pronostics.
Les conditions de vie de millions de personnes sont menacées. À terme, ce sont les conditions d’existence de la vie humaine sur cette planète qui sont mises en péril. La planète, aussi méconnaissable soit-elle, nous survivra.
Les raisons à cela sont connues. La crise écologique qui se manifeste dans le changement climatique, la perte de biodiversité ou encore l’acidification des océans trouve son origine dans le mépris total des écosystèmes, dans la domination sur la nature du capitalisme mondial afin d’intégrer au cycle d’accumulation du capital les domaines échappant jusque-là à sa logique. Bien sûr, ceux et celles prédisposé·es à maintenir le statu quo profondément inégal qui caractérise nos sociétés ne reconnaîtront pas ces raisons.
Il est plus difficile cependant de contester le consensus scientifique sur le réchauffement mondial, principal marqueur de la crise écologique. Ce consensus est accablant pour l’économie fossile : si la planète est en flammes aujourd’hui, c’est parce que la société capitaliste brûle, depuis plus de 200 ans, des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour son fonctionnement, conduisant à une concentration accrue de CO2 dans l’atmosphère, au point de perturber le climat à un rythme effréné.
Les énergies fossiles sont partout autour de nous, de l’agriculture intensive à la production industrielle en passant par les principaux modes de transport. Pourtant, leurs effets délétères pour le climat sont connus depuis plus de 30 ans, et la production d’énergie renouvelable coûte aujourd’hui moins cher que celle d’énergie fossile.
Les entreprises qui extraient et vendent des combustibles fossiles sont criminelles
Si l’économie fossile est maintenue, c’est parce qu’une fraction de la classe capitaliste mondiale dont le secteur d’activités est la localisation, l’extraction et la vente de combustibles fossiles, utilise tout son immense pouvoir pour que le business-as-usual perdure.
Cette fraction de la classe capitaliste qui se consacre à l’accumulation primitive de capital fossile se trouve derrière ExxonMobil, BP, Shell, Chevron, Gazprom, Saudi Aramco ou encore ConocoPhillips, pour ne citer que quelques-unes des entreprises impliquées.
En Belgique et en France, ce secteur est incarné principalement par Total (rebaptisé TotalEnergies dans le cadre de sa propagande visant à se repeindre en vert) et Engie.
Si nous savons depuis plus de 30 ans que les émissions de CO2 ont des effets si catastrophiques, ces entreprises le savent aussi (en réalité, elles le savent depuis plus longtemps encore – au moins depuis 1977 dans le cas d’ExxonMobil –, mais ont dépensé des millions de dollars afin de cacher ces connaissances au public et de continuer leurs activités sans être inquiétées [1].
Et si, malgré ces connaissances et malgré les catastrophes qui s’enchaînent, ces entreprises continuent de sonder, de creuser, de forer, d’extraire et de vendre des combustibles fossiles, elles peuvent légitimement être considérées comme criminelles.
En outre, malgré ses opérations de communication visant à montrer un désengagement, Total continue d’exercer des activités économiques et commerciales en Russie malgré la guerre d’agression menée par le régime de Vladimir Poutine contre l’Ukraine [2].
L’entreprise bénéficie bien sûr de l’envolée des prix des hydrocarbures depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine : au premier semestre 2022, l’entreprise a annoncé des profits de 17,7 milliards d’euros, près de trois fois plus qu’au premier semestre 2021. Alors que nous connaissons une inflation inédite depuis plusieurs décennies, Total et les autres entreprises du capital fossile baignent dans des superprofits indécents [3].
Le capital fossile est littéralement un profiteur de guerre. Tandis que les vautours ont une utilité dans les cycles naturels, Total représente une autre espèce de charognard, enrichissant grassement ses actionnaires en mettant le feu à la planète.
Les activités du capital fossile sont facilitées par les États capitalistes les plus puissants. Total, qui bénéficie d’aides publiques de la France et de l’Union européenne et verse chaque année des milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, n’a pas payé un centime d’impôt sur les sociétés en France en 2020 et 2021 – pas plus qu’en 2012, 2013, 2014 et 2015.
Agir contre le capital fossile
Aujourd’hui, l’urgence est de mettre entièrement fin à la combustion d’énergies fossiles pour maximiser les chances de survie de l’humanité.
Total se défend déjà en clamant à qui veut l’entendre que l’entreprise n’est responsable que d’une infime partie des émissions de CO2, qu’elle ne saurait mettre fin à ses activités – et que cela n’aurait pas d’effet positif pour le climat – si d’autres continuent. Nous refusons cette logique digne de celle d’un enfant dans une cour de récréation qui sait qu’il fait quelque chose de mal, mais-regardez-madame-les-autres-aussi-ils-le-font. En outre, nous ne nous arrêterons pas à Total – répétons-le, l’urgence est de mettre entièrement fin à la combustion d’énergies fossiles.
Les entreprises du capital fossile ne se saborderont pas d’elles-mêmes, alors qu’elles continuent d’investir dans de nouvelles infrastructures, qui demanderont plusieurs années avant que le capital investi ne soit amorti, et dont les propriétaires espèrent tirer des profits pendant plusieurs décennies après ça.
Depuis plus de 30 ans, les gouvernements des principaux États capitalistes ont démontré, par la signature de traités de libre commerce, par les aides publiques fournies au capital fossile, par la poursuite de l’inaction de COP en COP, qu’il ne fallait rien attendre d’eux pour mettre fin à la combustion.
Si Total ne met pas fin à ses activités, si nos gouvernements ne mettent pas fin aux activités de Total et des autres, alors c’est à nous de mettre fin à Total. C’est au mouvement pour le climat d’infliger des pertes au capital fossile, d’exercer par tous les moyens possibles une pression sur les gouvernements et sur les banques qui financent les investissements fossiles pour que le coût de l’inaction devienne plus cher que celui de l’action : de la manifestation de masse au blocage des infrastructures fossiles, des grèves des étudiant·es et travailleurs·ses au refus de payer des factures de consommation d’énergie dont les montants sont multipliés de façon indécente. Ne négligeons pas les modes de vie des riches qui investissent dans l’économie fossile, défendent le statu quo et pourront se permettre – du moins dans un premier temps – d’échapper aux pires conséquences du changement climatique : leurs jets privés, leurs yachts de luxe, leurs terrains de golf qu’ils se permettent d’arroser en période de sécheresse sont autant de cibles légitimes.
C’est dans cette optique qu’en Belgique, nous participerons à la manifestation qui se tiendra le dimanche 25 septembre 2022 à Liège, contre l’extension de l’aéroport de la ville pour le compte d’Alibaba, le géant du commerce concurrent d’Amazon (concurrence qui se fait sentir dans les émissions de CO2 dont sont responsables ces deux entreprises).
De même, nous ciblerons une infrastructure de Total les 8 et 9 octobre 2022 dans le cadre de l’action Code Rouge. Soyons-y les plus nombreux·ses possible – et ne nous arrêtons pas là.
C’est leur pétrole et ce sont leurs profits ; mais ce sont nos sécheresses et ce sont nos morts.
Crédit photo : Hundreds gather to protest global warming. ILRI/Kristjanson, Patti.
complements article
Une question ou une remarque à faire passer au Stuut? Un complément d'information qui aurait sa place sous cet article? Clique ci-dessous!
Proposer un complément d'info