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Uber Eats – Neuf mois plus tard, le dossier d’un livreur mort sur son lieu de travail est classé sans suite

Uber Eats – Neuf mois plus tard, le dossier d’un livreur mort sur son lieu de travail est classé sans suite

Le jeudi 2 février 2023, Sultan Zadran, livreur Uber Eats de 41 ans, est décédé à Schaerbeek lors d’une livraison à vélo. Renversé par un bus, il a succombé dans les heures qui ont suivi l’accident. Le lendemain, ses proches ainsi que différents syndicats et la maison des livreurs – qui œuvre pour le droit à un travail digne des coursie·res à vélo – ont organisé un rassemblement en son honneur. Plus de 200 personnes se sont recueillies sur le Boulevard Albert II en la mémoire de Sultan. Neuf mois plus tard, le dossier qui aurait pu permettre à sa famille de bénéficier d’indemnités de la part d’Uber Eats, est classé sans suite par le parquet de Bruxelles.

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

Sultan Zadran était d’origine Afghane. Il travaillait en tant que livreur à vélo pour subvenir aux besoins de ses 5 enfants. Ce décès survenu dans le cadre de son travail met en lumière la situation de milliers de livreur·ses qui travaillent dans des conditions précaires, à la limite du droit du travail. Une importante partie des livreur·ses qui travaillent pour des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo sont des personnes sans-papiers. Elles font face à des conditions de travail dangereuses ainsi qu’à une rémunération faible et irrégulière.

Les conditions de travail des livreur·ses sont pénibles. Iels doivent enchainer de longues journées de livraisons pour espérer toucher un salaire « décent » et ceci au grès de la météo. Il n’est pas normal que des travailleur·ses qui mettent en jeu leur santé pour livrer des plats touchent moins de 5 euros par course et ne bénéficient pas d’une véritable protection sociale, d’un statut de travailleur ou encore moins de congés payés. Le fait d’être rémunéré à la course plutôt qu’avec un tarif horaire pousse les livreur·ses à prendre des risques pour espérer rester un minimum rentable.

Le statut P2P mis en place par Alexander De Croo en 2018 permet aux entreprises de plateforme comme Uber Eats et Deliveroo de ne payer leurs employé·es uniquement lorsqu’iels sont en cours de livraison et non de façon horaire et systématique comme le font la grande majorité des employeurs. Ce statut limite les employé·es à un nombre maximal de 6390 euros par an et ne donne accès à aucun dispositif de sécurité sociale ou de soin de santé étant donné qu’il est considéré que ce régime fiscal ne peut permettre à aucun·e employé·e « d’être sa source de revenue principale ».

Ces mesures sont déconnectées des réalités des travailleur·ses de plateforme dont le salaire repose très fréquemment sur la source de revenu que compose ces livraisons quotidiennes. Une fois les 6390 euros dépassés, de nombreux·ses livreur·ses sont dans la nécessité de créer un nouveau compte sous une autre identité pour pouvoir continuer de travailler. Ces livreur·ses qui ont dépassé cette somme maximale mais aussi des livreur·ses sans-papiers, qui ne peuvent pas travailler légalement à leur nom, sont souvent exploité·es par la personne qui donnerait une identité légale ou par des réseaux de fausses identités.

Face à ces conditions de travail déplorables, des collectifs de coursier·es ont envisagé à de nombreuses reprises d’exprimer leur mécontentement par des grèves ou des actions directes mais il n’est pas évident de réellement définir ce qu’est une grève dans le cadre d’un modèle économique de plateforme. S’agirait-il alors pour les livreur·ses en grève de couper leur application ? De rester connecté mais de ne pas récupérer les commandes ? La question semble bien complexe tant celleux-ci ne verront jamais la tête de leur patron, caché derrière une application.

Dans d’autres cas il a été question de bloquer directement des « dark kitchens », qui sont des cuisines uniquement dédiées à la livraison mais les livreur·ses les plus revendicatif·ves ne sont jamais à l’abris d’un licenciement direct, en un clic et qui plus est, sans le moindre préavis. Il est ainsi nécessaire aujourd’hui que les collectifs de livreur·ses se joignent aux syndicats pour faire remonter leurs revendications malgré le fait que le statut de livreur·ses ne leur donne pas à accès au syndicat à titre individuel, vu qu’iels ne sont pas considéré·es come des travailleur·ses classiques.

Nous tenons à remettre nos sincères condoléances aux proches de Sultan, tué par le travail. Aucune personne ne devrait mourir de l’exploitation et de réels combats sont à mener pour améliorer les conditions de travail des livreur·ses. La maison des livreurs, fondée en novembre 2022, au 123 rue du trône à Ixelles, en fait par exemple partie. Elle a pour vocation de créer un espace dans lequel les liveur·ses de plateformes peuvent se rendre et se reposer entre différentes commandes mais aussi tisser des liens et porter des revendications communes.

Notons qu’en 2020 l’entreprise Uber Eats a réalisé un bénéfice de 7 milliards de dollars alors que des milliers de livreur·es sous-payé·es et sous-protégé·es peinent à travailler dans des conditions précaires et dangereuses. Neuf mois plus tard, dans la continuité de ces politiques de protection quasi nulle de ses travailleur.ses, l’entreprise Uber Eats ne donnera aucune indemnité à la famille de Sultan, laissant 5 enfants derrière lui. Le secteur de la livraison n’est qu’une faible partie de tout l’horizon que constitue le capitalisme de plateforme. Il est nécessaire de s’y opposer et porter des revendications fortes tant ce modèle repose sur l’exploitation moderne d’êtres humains et bafoue les droits du travail.

Sources :
  • Investigation : Le statut P2P, la fausse bonne idée pour les livreurs Deliveroo et Uber Eats – rtbf.be
  • Grève nationale des livreurs Uber Eats en France début décembre (proximus.be)
  • « Les plateformes se moquent du gouvernement » : après le décès d’un livreur, la loi sur l’économie collaborative est pointée du doigt – La Libre
  • Le livreur à vélo Sultan Zadran meurt écrasé par un Flixbus : le dossier classé sans suite par le parquet – rtbf.be

Voir en ligne : Bruxelles Dévie

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