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300 professeur·es et chercheur·ses interpellent la rectrice de l’ULB, « Non l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme »

300 professeur·es et chercheur·ses interpellent la rectrice de l’ULB, « Non l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme »

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

A la suite des violences qui ont eu lieu à Amsterdam, après que des ultras et des hooligans fascistes israélien·nes sont venu·es déverser leur haine dans les rues d’Europe, la rectrice de l’ULB s’est fendue d’une publication Facebook où elle y insinuait 1), que l’antisionisme était de l’antisémitisme, 2) que le mouvement étudiant pro-palestinien sur son campus était lui-même antisémite. Une réaction vive de professeur·es, de chercheur·ses mais également d’étudiant·es ne s’est pas fait attendre.

« Tourner sa langue dans sa bouche avant de parler. »

C’est en réaction à la publication d’un texte commun à plus d’une dizaines de groupes internationaux pro-palestiniens, titrée « Solidarité avec nos camarades néerlandais·es » que la rectrice de l’ULB, Annémie Schauss, a jugé bon de s’attaquer à ces étudiant·es.

Dans ce post Facebook, la rectrice assimile l’entièreté des personnes juives et des communautés juives à Israël à et l’idéologie politique qu’est le sionisme « Proclamer « Pas de sionistes dans mon quartier, pas de quartier pour les sionistes » est un appel intolérable à la violence, à la violence contre les Juifs. Au-delà du jeu de mots facile, « pas de quartier » ne signifie rien d’autres que « tuez-les ».« (1)

Elle insinue également que les étudiant·es appellent au meurtre raciste. Elle finit par décrire le génocide en cours, où pour rappel, il est estimé que plus de 200 000 personnes (1) ont été massacrées, comme la « réponse disproportionnée aux actes terroristes du Hamas« (2). Attaque armée qui, elle, a tué 1200 personnes.

Ces propos ont été recadrés par des professeur·es et des chercheur·ses, qui ont clairement expliqué dans une carte blanche (3), dont on vous propose quelques extraits ci-dessous, leur caractère dangereux, faux, mais qui s’apparente aussi à de l’antisémitisme « […] Que les recteurs qualifient la critique d’Israël d’antisémitisme est inquiétant, car « s’il y a quelque chose d’antisémite, c’est le lien constant que divers médias [et maintenant nos recteurs] font entre les crimes d’Israël, et l’identité juive », comme vient de l’écrire Karin Amatmoekrim dans le CNR. Et ce, tout en sachant pertinemment qu’il existe une distinction importante entre le sionisme et les juifs, et entre Israël et les juifs. » Collectif de 300 signataires académiques

« Par exemple, le géographe américain Tristan Sturm affirme que le nombre de sionistes chrétiens aux États-Unis est deux fois plus important que la population juive dans le monde et que plus de la moitié de la population juive ne vit pas en Israël. Il est donc certain que cette non-distinction est carrément anti-intellectuelle et indigne d’un point de vue académique. Les recteurs devraient en savoir plus avant de faire de telles déclarations. Et s’ils ne comprennent vraiment pas la différence entre l’antisionisme et l’antisémitisme, alors c’est peut-être dû au manque d’attention institutionnelle pour la recherche sur le racisme. » Collectif de 300 signataires académiques

« L’antisionisme et l’antisémitisme : ce n’est pas la même chose« , continue le collectif de 300 signataires,

« Des bibliothèques entières sont remplies d’écrits sur la distinction entre antisémitisme et antisionisme, ainsi que sur l’utilisation délibérée d’accusations d’antisémitisme pour justifier le projet d’un État-nation ethnique et étouffer toute critique à son encontre. Pour rappel, l’antisémitisme est un crime et est répréhensible – car il implique « la discrimination, les préjugés, l’hostilité ou la violence contre les juifs en tant que juifs (ou les institutions juives en tant que juives) ». En revanche, l’antisionisme s’oppose à « une idéologie politique qui croit en la création et au maintien d’un État qui privilégie les droits des juifs par rapport à ceux des non-juifs ». Collectif de 300 signataires académiques

« Ainsi, lier l’antisionisme à une définition de l’antisémitisme est non seulement scientifiquement incorrect mais moralement problématique, et donc un réel danger. C’est comme prétendre que la critique de la Russie équivaut automatiquement à du racisme envers les Russes orthodoxes, ou que la critique de l’Angleterre équivaut à de l’anti-anglicanisme parce que l’Angleterre est officiellement un pays anglican. De plus, elle ne rend pas justice à la position de nombreux juifs qui sont fervents antisionistes. Sont-ils donc également antisémites ? Présenter les Juifs comme un groupe homogène qui soutient unanimement Israël est donc une généralisation injustifiée, antisémite et historiquement inexacte, en plus de banaliser le véritable antisémitisme. » Collectif de 300 signataires académiques

Après avoir expliqué en quoi le positionnement de la rectrice de l’ULB et du recteur de la VUB constituait un non-sens moral et académique, en particulier au sein de ces universités qui prônent le libre-examen, le collectif à conclu sur l’incapacité de ces mêmes recteur·ices à nommer, et vouloir lutter contre le racisme anti-arabe et l’islamophobie :

« Nommez aussi le racisme anti-arabe et l’islamophobie

Au fait, où est la prise de position claire contre le racisme anti-palestinien et anti-arabe ? Si les recteurs souhaitent s’exprimer sur les événements d’Amsterdam, pourquoi restent-ils silencieux sur les actes de violence et les propos racistes des hooligans du Maccabi qui ont scandé des slogans tels que « Mort aux Arabes » et « Il n’y a pas d’écoles à Gaza, parce qu’il n’y a plus d’enfants », entre autres ? Si l’antisémitisme est explicitement rejeté dans le communiqué des deux recteurs, l’islamophobie et le racisme anti-arabe sont généralement regroupés sous l’appellation « racisme sous toutes ses formes ». Le fait de rendre systématiquement explicite l’antisémitisme et non le racisme anti-arabe et l’islamophobie ne contribue-t-il pas à la normalisation de la discrimination à l’égard des musulmans et des personnes originaires du Moyen-Orient ? » Collectif de 300 signataires académiques

« Quiconque critique la politique israélienne est immédiatement placé sur le banc des accusés. Car en suggérant que les propos antisionistes emballent de facto l’antisémitisme, le rectorat met au banc des racistes et des antisémites un large groupe d’étudiants et de personnels. Cette attitude, qui assimile toute critique du sionisme à de l’antisémitisme, réduit de fait au silence les universitaires et les étudiants critiques à l’égard d’Israël. Sous cette censure étouffante, nous, en tant que membres de la communauté universitaire, n’avons guère d’autre choix que de continuer à nous exprimer encore plus fort contre l’assimilation problématique de l’antisionisme à l’antisémitisme et pour défendre notre droit (et surtout notre devoir) à la pensée critique. »

Comme toujours, ces prises de positions de la part de rectrice, ont des conséquences. Elles permettent aux forces réactionnaires d’imposer leur narratif dans le champ médiatique et politique belge. Ainsi, une députée du MR en a profité pour s’attaquer au mouvement étudiant au parlement Wallonie-Bruxelles et un « institut contre l’antisémitisme » créé au lendemain du 7 octobre, par des acteurs unanimement conquis à la défense de l’Etat israélien (et pour qui sa critique est antisémite(4)), ont déclaré avoir porté plainte pour antisémitisme contre l’UPB (le mouvement étudiant à l’ULB) en diffamant d’une manière, remarquable, les propos du communiqué.

Cette instrumentalisation de l’antisémitisme pour défendre sans cesse l’Etat israélien et cette assimilation, elle-même raciste, des personnes juives à cet état et ce projet politique, nuit à la lutte contre l’antisémitisme et grandement. Alors même, que l’antisémitisme à l’instar des autres racismes structurels, comme l’islamophobie, comme la négrophobie, … doit être sérieusement combattu aujourd’hui. Mais pour cela, nous avons besoin de clarté  : car les mêmes personnes qui prétendent lutter contre l’antisémitisme en l’assimilant à de l’antisionisme et ou en confondant identité juive et sionisme, créent en réalité un climat antisémite où des propos confus et ou assimilant l’identité juive à la politique d’Israël finissent par trouver leur place dans un contexte les accueillant. Cela contribue également au climat de suspicion vis-à-vis de vrais actes antisémites où à cause de la propagande coloniale un doute va planer au-dessus d’eux, alors qu’ils devaient être dénoncés sans ambiguïté.

Nous devons donc fermement combattre ces assimilations et confusions volontaires si nous voulons fermement combattre l’antisémitisme.

Souces :
1) aljazeera.com/.../gaza-toll-could-exceed-186000-lancet-study-says
2)

3) Carte blanche des 300 chercheur.ses et professeur.es
4) jonathas.org/a-propos/

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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