
Le secteur non marchand joue un rôle clé en Belgique, en soutenant la vie sociale, culturelle et économique. Mais aujourd’hui, la continuité de ses services est menacée. Ces organisations, qui aident les plus vulnérables, personnes en grande précarité, malades, jeunes ou encore familles en difficulté, font face à des décisions politiques défavorables et à un blocage des financements, fragilisant leurs services essentiels et les contraignant parfois à licencier du personnel. Un secteur en crise, avec des conséquences dramatiques pour les plus précaires. Le 31 mars, une grève générale touchera l’ensemble des secteurs en Belgique, y compris le non marchand, pour dénoncer les mesures du nouveau gouvernement Arizona.

Avec plus de 147 000 associations sans but lucratif (ASBL) en Belgique, ces associations jouent un rôle clé dans la santé, l’éducation, la culture ou encore la défense des droits. Elles pallient les manques de l’État et assurent des missions d’intérêt général, malgré un financement fragile mêlant subsides publics, dons privés, mécénat ou d’autres moyens encore. Cependant, le secteur associatif belge se trouve aujourd’hui menacé par les décisions du gouvernement Arizona. Malgré les promesses de certains responsables politiques, les coupes budgétaires prévues à tous les niveaux – fédéral, régional, communal – risquent d’avoir des conséquences dramatiques.
Comment les associations peuvent-elles remplir leur mission face à l’augmentation du sans-abrisme, si les politiques en place favorisent expulsions et précarité, tout en leur imposant des moyens stagnants, voire en baisse ?

La lenteur de la formation du gouvernement entraîne également un gel de nombreux subsides, plongeant de nombreuses associations dans l’incertitude. Certaines ignorent si elles pourront continuer à payer leurs employé·es ou assurer leurs missions. Depuis le vote en décembre du premier dispositif de douzièmes provisoires, elles sont sans nouvelles de leurs financements, et beaucoup ont dû suspendre leurs activités. Les douzièmes provisoires sont un mécanisme budgétaire utilisé en l’absence d’un budget annuel adopté. Ils permettent à l’État ou à une entité publique de fonctionner en répartissant le budget de l’année précédente en douze parts égales. Chaque mois, l’administration peut ainsi dépenser un douzième de cette somme. L’annonce, ce vendredi 21 mars, d’une seconde période de douzièmes provisoires prolonge l’instabilité du secteur non marchand, d’autant que le budget alloué, réduit à 85 % du montant habituel, accentue les difficultés des associations.
Le 19 mars, les associations du secteur non marchand ont sorti un communiqué de presse où elles « exhortent les autorités à débloquer immédiatement les financements nécessaires pour permettre à leurs structures de fonctionner normalement. Elles demandent, d’autre part, d’établir une feuille de route budgétaire stable et prévisible pour l’ensemble de l’année 2025 afin d’être en mesure de planifier un minimum l’avenir. Ces associations soulignent enfin l’importance de réviser en profondeur la communication et la transparence entre pouvoirs publics et acteurs du terrain pour éviter de nouveaux blocages. Le secteur non marchand n’est pas une variable d’ajustement budgétaire. C’est un rempart essentiel contre la précarité, l’exclusion et l’isolement social mais aussi un puissant moteur de l’économie bruxelloise. »
Le 21 mars 2025, des membres d’associations se sont rassemblé·es devant le Parlement bruxellois, dénonçant l’instabilité politique et financière. Plus de 5 000 ASBL, réunissant plus de 100 000 travailleurs, sont dans cette situation d’incertitude. La situation est particulièrement alarmante pour des associations qui interviennent dans des domaines vitaux comme la lutte contre la pauvreté, l’aide alimentaire, l’hébergement d’urgence, le soutien aux personnes vulnérables, des personnes handicapées, des réfugié·es, des sans-abri ou encore le domaine de la santé et de la réduction des risques.
L’ASBL Dune, une organisation qui accompagne les usagers et usagères de drogues est directement touchée. Le responsable de cette structure explique les difficultés : « Aujourd’hui, on n’a pas la certitude d’avoir les financements pour le matériel de réduction des risques », en soulignant l’impact direct de cette incertitude sur la lutte contre des maladies graves comme le SIDA et le VIH.
Sandrine Couturier, directrice de l’ASBL Convivence qui lutte pour un accès au logement décent et abordable, explique les difficultés à rémunérer les travailleurs et travailleuses : “Au mois de mars, j’étais confrontée à un gros problème de trésorerie, et je ne savais même pas si j’allais pouvoir payer mon personnel, c’est-à-dire seize personnes”,
Guihem Lautrec, directeur de l’asbl Alias qui fait de l’accompagnement psycho-médico-social pour les hommes et les personnes trans concerné·es par la prostitution et le travail du sexe à Bruxelles, parle de cette insécurité économique : « On ne peut pas sécuriser des emplois ou prolonger certains projets. Il y a deux personnes de mon ASBL qui sont parties le 31 décembre car on n’avait pas les moyens de garantir leurs contrats »
Une mesure prévue par l’accord Arizona qui fragilise encore davantage le secteur associatif est la réduction de l’avantage fiscal sur les dons de 45 % à 30 %. Cela signifie qu’en faisant un don à une association, actuellement un donateur ou une donatrice peut récupérer 45 % de la somme sous forme de réduction d’impôt. Selon la Fondation contre le Cancer, cette réduction de l’avantage fiscal est « une goutte d’eau dans le budget de l’État, mais un tsunami pour les associations ». Ce changement pourrait entraîner une diminution significative des dons, affectant ainsi de manière directe les associations qui dépendent d’un financement privé. En effet, des associations comme la Croix-Rouge ou Télévie dépendent à hauteur de 50 % des dons. Elles jouent pourtant un rôle irremplaçable en matière de solidarité, d’aide aux sans-abris, de soutien aux femmes en danger ou de financement pour la recherche contre le cancer.
En fin de compte, fragiliser les associations, c’est fragiliser toute la société. Elles remplissent des missions essentielles que l’État délaisse : lutte contre la pauvreté, soutien aux plus vulnérables, défense des droits fondamentaux. Mais pourquoi l’État a-t-il confié ces tâches sociales essentielles aux associations ? En gestion d’urgence permanente, ces dernières parviennent à maintenir la tête hors de l’eau, mais sans pouvoir créer de véritables changements structurels. Ces solutions temporaires ne règlent pas les problèmes à la racine, et une famille aidée aujourd’hui pourrait se retrouver à la rue demain. Derrière ces coupes budgétaires, une transformation idéologique s’opère : la marchandisation des services d’intérêt général et une gestion purement économique des politiques publiques. Mais combien vaut la vie d’une personne ?
Face à cette situation, une grève générale affectera l’ensemble du pays ce lundi 31 mars 2025. Le secteur du non marchand ne sera pas épargné : travailleurs et travailleuses de la santé, du social, de l’enfance, et de l’aide à domicile, des milliers de professionnel·les se mettront en grève à travers le pays.
Sources :
- Les incertitudes budgétaires à Bruxelles menacent fortement la continuité de centaines de services essentiels à la population
- https://www.rtbf.be/article/la-region-bruxelloise-toujours-sans-gouvernement-des-associations-au-bord-du-gouffre-11521669
- [https://bx1.be/categories/reportages/la-crise-politique-a-bruxelles-met-le-secteur-associatif-sous-pression/?theme=classic
- https://www.unia.be/files/20250203-CP-Unia-accord-gouvernemental.pdf
- https://www.cnapd.be/le-mouvement-pour-la-paix-sinsurge-contre-la-nouvelle-augmentation-annoncee-des-depenses-militaires/
- https://www.lesoir.be/662974/article/2025-03-20/lente-asphyxie-du-monde-associatif-voudrait-supprimer-lassociatif-quon-ne-sy
- https://www.lesoir.be/653780/article/2025-02-07/dons-larizona-met-les-assosiations-sous-pression-infographies
- https://www.levolontariat.be/le-role-et-la-place-des-associations-en-belgique
- https://www.mda-entresambreetmeuse.be/publications/combien-y-a-t-il-d-asbl-en-belgique-le-secteur-associatif-en-5-chiffres-,85-
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