Sommaire
- Ce lundi 2 juin, une voiture de police a tué Fabian, un enfant de 11 ans au parc Elisabeth à Bruxelles.
- C’est l’intervention et le comportement de la police qui ont mené à la mort de Fabian.
- La police et les médias justifient la mort d’un enfant 11 ans, en le déshumanisant
- Une poursuite en voiture de police est une prise de risque considérable

Ce lundi 2 juin, une voiture de police a tué Fabian, un enfant de 11 ans au parc Elisabeth à Bruxelles.
Tandis que le parquet affirme que l’enfant fuyait un contrôle, des témoins et la famille dénoncent une version mensongère et une brutalité injustifiable. Par ailleurs, des habitant·es du quartier dénoncent une conduite policière dangereuse récurrente dans le parc Elisabeth.
Ce mardi 3 juin, la famille de Fabian s’est réunie le sur le lieu de sa mort, dans la matinée, et une veillée a été organisée à 17h50, également sur le lieu du décès, dans le parc Elisabeth. Plusieurs centaines de personnes sont venues rendre hommage à Fabian et apporter leur soutien à ses proches.

Younes, le cousin de Fabian, explique à la RTBF qui il était : « C’était mon petit-cousin. C’était un enfant de douze ans comme tant d’autres. Il aimait jouer à la PlayStation, il faisait ses devoirs. […] Mon petit-cousin était quelqu’un de bien. Il était tout le temps à la maison. Et malheureusement, quand il sort, il se passe des choses horribles… Il était en sixième primaire. Il allait passer son CEB… »

La police et le parquet parlent d’une « course-poursuite« , une version contestée par Younes. « Tout d’abord, il s’agissait de la trottinette de son grand frère et Fabian faisait simplement un petit tour dans le parc. De ce que me dit la famille, la police a voulu saisir la trottinette. Ils ont donc essayé de le contrôler. Fabian aurait dit qu’il ne comprenait pas pourquoi on le contrôlait, qu’il allait les conduire chez son frère, le propriétaire de la trottinette. La police n’aurait visiblement rien voulu entendre. Ils ont accéléré et l’ont écrasé. Ils ont roulé dessus. Ce n’était pas une course-poursuite. C’est un peu cheap comme explication. Fabian faisait juste un tour dans le parc et il n’y avait aucune course-poursuite, aucun gyrophare, rien du tout. La voiture de police n’est même pas passée sur la route ou sur le chemin de gravier. Elle est passée à travers l’herbe. Donc il n’y a aucune course-poursuite. » explique Younes, qui insiste sur le fait que Fabian n’a pas cherché à éviter un contrôle et se dirigeait vers son frère, le propriétaire de la trottinette, au moment de l’accident.
Selon plusieurs témoins de la scène avec qui nous avons été en contact, la voiture de police aurait effectivement traversé le parc « à toute allure » derrière Fabian. L’enfant s’est engagé sur la pelouse, la voiture de police qui le suivait à toute vitesse, sans gyrophare ni sirènes, l’aurait alors renversé. La voiture de police aurait ensuite roulé sur le corps de l’enfant.
C’est l’intervention et le comportement de la police qui ont mené à la mort de Fabian.
Un témoin direct de la scène nous a contacté·es et assure avoir vu la voiture « tamponner » (renverser) Fabian : « Je rentrais chez moi et j’ai vu une voiture de police suivre un enfant en trottinette. Ils étaient sur le sentier principal à grande allure. Le petit a eu peur et a été sur la pelouse, tremblotant sur sa trottinette. La police a bifurqué sur la pelouse en sortant du sentier et a renversé et roulé sur l’enfant. Son corps est passé sous les roues. »
La personne témoin poursuit : « La voiture a ensuite été se garer plus loin et les policiers ont couru vers l’enfant qui était en sang et recroquevillé, il semblait déjà mort. Ils étaient deux policiers, une femme et un homme. L’homme, le conducteur, a secoué l’enfant et la femme a commencé à agresser les témoins de la scène. 5 minutes après, beaucoup de policiers sont arrivés pour quadriller le secteur. L’ambulance n’est arrivée que 17 minutes après, en essayant de réanimer le garçon, qui était déjà mort. »
Selon le bourgmestre de Ganshoren, Jean-Paul Van Laethem (Les Engagés), Fabian est décédé de ses blessures à l’hôpital, après que des ambulancier·ères aient tenté de le réanimer. Cette version est contestée par des témoins qui affirment que l’enfant était déjà décédé dans le parc. Les ambulancier·ères auraient confirmé sa mort avant qu’il ne soit transféré vers l’hôpital.
Au lendemain de la mort de Fabian, le mardi 3 juin, le parquet a expliqué que la police poursuivait effectivement Fabian. « […] le jeune circulait sur une trottinette et […] le véhicule de police a souhaité procéder à son contrôle. Le jeune a pris la fuite et une course-poursuite a été entamée. ». Une enquête a été ouverte par le Comité P, l’organe qui contrôle la police.
Des ambulancier·ères sont arrivé·es sur place vers 18h10 et auraient effectué un massage cardiaque pendant une trentaine de minutes. Parallèlement, les policier·ères ont intimidé les témoins et les ont « invité à parler de ce qu’ils avaient vu uniquement à la police« , selon une personne présente sur place peu après les faits. Les personnes qui essayaient de filmer la scène après l’accident ont été empêchées et écartées par la police.
La police a contrôlé l’identité de témoins sur place. Dans une vidéo filmée par une personne témoin, on peut entendre un policier justifier et légitimer le meurtre du jeune garçon de 11 ans en expliquant « Quand vos jeunes roulent sur les trottoirs et tuent des petites vieilles sur le trottoir, on ne dit rien », ce à quoi les personnes rassemblées en face de la police ont répondu « Ça mérite de tuer quelqu’un c’est ça ? Ça mérite de le tuer, parce qu’il a roulé sur un trottoir ?! »

La police et les médias justifient la mort d’un enfant 11 ans, en le déshumanisant
Comme à chaque fois que la police est impliquée dans la mort d’une personne, le parquet et des médias traditionnels justifient implicitement l’intervention policière et rendent coupable la victime de sa propre mort. Depuis hier, les médias nous expliquent que « rouler en trottinette est interdit aux moins de 16 ans en Belgique« , comme si cela pouvait justifier le fait que la police ait le droit de tuer un enfant de 11 ans. Le parquet explique que la police a voulu le « contrôler » en raison de son âge et de son usage de sa trottinette, et qu’alors l’enfant a « pris la fuite » et que cette fuite serait responsable de la « course-poursuite » et finalement de sa mort.
Selon leur récit, on pourrait presque oublier qu’il s’agit d’un enfant, d’un jeune garçon qui est né en 2013, qui était encore à l’école primaire, qui laisse une famille et des proches en deuil derrière lui.

Le récit médiatique et policier tend à « effacer » son humanité, tend à rendre acceptable sa mort et occulte la responsabilité policière dans ce drame.
Le bourgmestre de Ganshoren, Jean-Paul Van Laethem, déclare que « [Ses] pensées vont à la famille de ce garçon, né en 2013, et aux policiers, qui doivent être sous le choc d’une intervention aussi dramatique ». Ce type de déclaration tend à insister sur un aspect « accidentel » de la mort provoquée par la voiture de police et elle met sur un même pied d’égalité la peine de la famille et le « choc » que les policiers auraient subi. Or, les risques provoqués par de pareils comportements policiers sont connus. Enfant ou pas, personne ne devrait mourir pour avoir enfreint une règle de circulation.

Une poursuite en voiture de police est une prise de risque considérable
Lorsqu’ils souhaitent procéder à une interpellation, les services de police doivent respecter un principe de proportionnalité. La Ligue des droits humains le rappelait il y a déjà plus de deux ans, après d’autres décès survenus lors de courses-poursuites policières :
« […] s’il existe un risque de porter atteinte à la vie de la personne poursuivie, la police doit effectuer une balance d’intérêt et se poser notamment la question suivante : la mise en danger de la vie de l’individu est-elle justifiée pour procéder à l’intervention ? Autrement dit : est-ce que lancer une course-poursuite à vive allure dans les rues de la ville ou pour procéder à l’arrestation de personnes non armées et soupçonnées d’infractions relativement mineures est nécessaire ? »
Interrogé·es par Le Soir, plusieurs habitant·es du quartier ont témoigné du fait que la police conduisait régulièrement de manière dangereuse dans le parc. « Cela fait des années qu’on a un problème avec ces voitures de police qui circulent dans le parc. On a interpellé Philippe Pivin (bourgmestre MR de Koekelberg jusqu’en 2018), il y a huit ans pour cela, on a eu aucune réponse. » explique Tim, un riverain.
« Depuis que le parc a été désigné comme un hotpost de deal, ils conduisent comme des cow-boys. »
Une situation qui se serait donc empirée depuis que le parc a été désigné comme un hotspot* par le Conseil Régional de Sécurité de Bruxelles en février 2025, dans le cadre de sa « guerre contre drogue » . La stratégie des hotspots est sécuritaire et répressive, elle vise à démultiplier les interventions et la présence des forces de l’ordre dans certains lieux où des trafics de drogue peuvent avoir lieu.
Toutes nos pensées vont aux proches et à la famille de Fabian.
Justice pour Fabian.

Légende :
- *Un hotspot désigne un lieu où les activités liées aux drogues sont jugées particulièrement visibles, comme le trafic ou la consommation. Cette désignation est souvent utilisée par les autorités pour justifier des interventions sécuritaires ciblées, parfois lourdes. Mais elle peut aussi contribuer à stigmatiser certains quartiers et leurs habitants.
Sources :
Cet article a été écrit sur base de plusieurs témoignages de personnes ayant assistés à la scène et s’étant rendue rapidement sur les lieux. Les témoignages de ces personnes ont été croisés.
- « Comment un policier en voiture peut se dire que c’est une bonne idée de poursuivre un gosse dans un parc ? » , Le Soir.
- « Courses-poursuites par les forces de police : un débat sur leur légitimité s’impose « , LDH.
- « Un jeune garçon percuté par une voiture de police à Ganshoren : une course poursuite pour échapper à un contrôle ? « , RTBF.
- « Un enfant de 12 ans meurt après une course poursuite avec la police, à Ganshoren « , RTBF.
- « Fabian, 12 ans, percuté mortellement par la police à Ganshoren : « Mon petit-cousin était quelqu’un de bien, il allait passer son CEB « », RTBF.
- « Fabian, 11 ans, a perdu la vie percuté par un véhicule de police : « Il est tombé et la voiture a roulé sur l’enfant » « , RTL.
- « Mort d’un enfant de 12 ans à Ganshoren : les courses-poursuites impliquant la police sont-elles légitimes ? « , RTBF.
- « Bruxelles prolonge de six mois la stratégie des hotspots contre le trafic de drogue « , BruxellesToday.
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