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Appel des intérimaires, des sous-traitants et des travailleur·ses à venir les soutenir au 201 boulevard de la deuxième armée britannique !
Le 9 juillet 2024, la direction d’Audi Brussels a annoncé la délocalisation de l’usine de Forest au Mexique. Celle-ci menace directement l’emploi et la vie de plus de 4 000 personnes. Après 5 mois de lutte, le combat des travailleur·euses du site d’Audi à Forest rentre dans sa dernière ligne droite : d’ici la fin de janvier, les négociations des indemnités seront terminées. Des travailleur·ses avec une santé brisée – après des années de travail au sein de l’usine – voient leur indemnité baissée à 20 000 euros, là où une lutte triomphante pourrait les faire repartir avec 100 000 euros.
Durant ces deux dernières semaines décisives pour les travailleur·ses, ces dernièr·es appellent à se joindre à elles et eux tous les jours, au 201 boulevard de la deuxième armée britannique.
« Audi a tout mis en œuvre pour casser la résistance et éviter la mauvaise publicité : retenir les informations, mentir, diviser. Toutes les stratégies pour nous désunir, les travailleurs d’Audi d’un côté, les sous-traitants et les intérimaires de l’autre.
Nous séparer ça arrange bien les patrons, parce qu’ils ont prévu d’en avoir fini avec nous pour Noël, d’être bien contents en famille, félicités par leurs actionnaires de les avoir enrichis, et de bien en profiter. Pendant que nous ici on n’a pas été payés.
[…] C’est la dernière ligne droite. Viens, ramène toi, ramenez vous ! » Communiqué des travailleur·ses
1. »Diviser pour mieux exploiter » :
Cela fait des années que la direction de l’usine d’Audi à Forest prépare cette délocalisation. En organisant l’éclatement des travailleur·ses, de leurs avantages, ainsi que de leurs conditions de travail au sein de l’usine. Cette division vise à diminuer la solidarité entre les ouvrier·es de l’usine, et donc leur capacité à résister face aux manœuvres patronales, tout en ayant pour objectif de réduire le coût du travail (diminution du salaire pour les sous-traitants et les intérimaires, moins d’avantages pour ces dernier·es, plus de contrôle pour les travailleur·ses Audi interne, …) et donc d’augmenter les profits de l’entreprise.
L’éclatement de la chaine de production entre différentes entreprises a pour résultat que les employé·es partagent moins les mêmes espaces, les mêmes conditions de travail, les mêmes horaires, etc … Concrètement, cela diminue la capacité d’organisation de ces dernier·es en réduisant les espaces et le temps de rencontre entre eux. Cette division permet aussi aux employeurs de tenter d’opposer les intérêts des différents groupes d’ouvrier·es (en leur faisant différentes propositions et en les faisant travailler selon différentes conditions). Cela rend alors le choix d’une stratégie unitaire de lutte plus compliquée. Des conditions de surveillance graves sont également imposées au sein de l’usine pour empêcher la propagation des mouvements de révoltes et l’organisation interne des ouvriers.
Tout est fait que pour des décisions détruisant des milliers de vies passent sous les radars, sans résistance. Pourtant, malgré les efforts de la direction d’empêcher l’organisation des travailleur·ses, depuis le début de leur lutte les internes, sous-traitants et intérimaires, arrivent tout de même à s’organiser et à résister.
2. Rapide historique de la division :
Déjà en 2006, Volkswagen à qui appartient l’usine alors, souhaite la fermer pour défendre ses sites allemands. En 2007, Audi, qui appartient au même groupe d’entreprise reprend le site à Forest.
Ce sont déjà 3 100 emplois qui sont supprimés lors de cette séquence. Bien que déjà insuffisantes, les indémnités que les ouvrier·es ont reçu lors de la suppression de ces emplois sont largement au dessus de celles proposées aujourd’hui aux travailleur·ses. La direction de l’usine fait dans le même temps le choix de placer une partie de la chaine de production en sous-traitance avec l’entreprise Autovision.
Concrètement, cela veut dire qu’une partie de la production est prise en charge par une autre entreprise, qui va employer d’autres travailleur·ses. Tous et toutes les travailleur·ses ne sont donc plus employé·es par Audi. Les travailleur·ses des entreprises en sous-traitance, n’ont donc plus exactement les mêmes conditions de travail que les travailleur·ses « d’Audi interne », ni les mêmes avantages. Les travailleur·ses sous-traitants et les intérimaires sont les plus lésé·es dans cette histoire de délocalisation et sont ceux qui globalement bénéficient des conditions les plus dures.
En 2017, la construction de l’Audi A1 est remplacée par un modèle électrique, dont Audi sait qu’il se vendra moins bien que l’A1 (donc moins de production pour l’usine à Forest). En même temps, Autovision est repris par Wertz. En 2022, la sous-traitance est divisée entre 5 nouvelles entreprises, Imperial Logistics, Rhenus Automotive, Sese Van Eupen, Mosolf et Plastic Omnium OP Mobility (qui travaille en dehors de l’usine). En février 2024, une « task-force Audi » est créée par le gouvernement de Croo pour se pencher sur l’avenir de l’usine. Durant l’été 2024, Audi annonce la délocalisation de l’usine et rassure les travailleurs en expliquant qu’il ne faut pas s’inquiéter car plusieurs repreneurs seraient « intéressés« . Poudre aux yeux.
Malgré tout, les travailleur·ses résistent et s’organisent.
3. Les résistances et luttes des travailleur·ses :
En début septembre, les travailleur·ses se réunissent devant l’usine en protestation contre sa délocalisation. Après des semaines, d’innombrables conseils d’entreprises, de délégations syndicales infructueuses,… les travailleur·ses impatientées par une loi Renault* lente, confuse et à la solde des patrons d’Audi Brussels, ralentissent la production qui passe de 19 à une 1 voiture par jour durant un mois.
Le 21 octobre, les travailleur·ses de l’entreprise de sous-traitance Imperial Logistics ont entamé un blocage au sein de l’usine dans le tunnel d’approvisionnement des pièces nécessaires pour la confection du modèle Audi Q8. Imperial Logistics est l’entreprise de sous-traitance qui emploie le plus de monde au sein de l’usine. Ce blocage a démontré la position fondamentale des travailleur·ses sous-traitants dans la chaine de production. A l’issue de ce blocage, toute la chaine de production d’Audi s’est arrêtée. Ils et elles ont par la suite occupé l’usine pendant une semaine. Après l’organisation des travailleur·ses, de leur action de blocage et de l’occupation de l’usine, un front commun syndical s’est créé.
Ce dernier est appelé « Front coquin » par les travailleur·ses pour dénoncer l’opportunisme des syndicats et l’absence d’un réel soutien dans l’intérêt des travailleurs. Rapidement, malgré que les ouvrier·es avaient voté pour continuer le blocage de l’usine, ce dernier a été levé après que les syndicats s’y sont impliqués – lorsque les ouvrier·es les plus déterminé·es étaient rentré·es chez elles et eux se reposer, profitant du « relai » des syndicats.
Le 31 octobre 2024, à la suite de l’annonce de non-reprise par une autre entreprise de l’usine, les syndicats commencent les négociations des plans sociaux pour les travailleurs. Un élément important est que les travailleur·ses sous-traitants et les intérimaires bénéficient tous de traitement différencié par rapport aux travailleur·ses d’Audi interne, mais également entre les différentes entreprises de sous-traitance. Toutes les négociations se font de manière séparées : d’abord Audi interne, puis chacune des entreprises sous-traitants une à une. Ainsi le sort des travailleur·ses et de leur indemnité n’est pas envisagé collectivement et est séparé a priori.
Le 4 novembre, les travailleur·ses de chez Imperial Logistics ont voté par référendum la continuation de l’arrêt du travail. Ce qui a mené à la fermeture de l’usine jusqu’à aujourd’hui.
Le mercredi 13 novembre, durant des négociations entre les syndicats et la direction d’Audi Brussels, les travailleur·ses d’Audi interne ont envahi le bureau de la direction et exigé d’obtenir des chiffres de leur indémnisation en bloquant la direction dans la salle jusqu’au moment où les chiffres seraient donnés. Ce mode d’action est appelé une séquestration sociale. Une centaine d’agents de force de l’ordre ont été déployés, ces derniers sont violemment intervenu pour exfiltrer la direction, sans que les travailleur·ses d’Audi soient repartis avec des chiffres clairs. Les ouvrier·es d’Audi interne se sont alors retrouvés elles et eux-mêmes enfermé·es durant une heure dans l’usine sans explication.
A la suite de cet évènement, les jeudi et vendredi 14 et 15 novembre, Audi a annulé les négociations auprès des deux plus grandes entreprises de sous-traitances (Rhésus et Impérial). Les travailleur.ses d’Audi interne ont alors rejoint le campement des sous-traitants devant l’usine le lundi 18 novembre. Durant un mois, le boulevard de la deuxième armée britannique a été bloqué par les sous-traitants et les travailleur·ses de chez Audi. Un grand feu, alimenté en permanence, bloquait la circulation sur le boulevard.
Le 13 décembre, la commune de Forest pourtant dirigée par un prétendu front de gauche PS-Ecolo-PTB a décidé de retirer le blocage des travailleurs sur le boulevard à l’aide des forces de l’ordre. Cette intervention policière s’est opérée à un moment décisif pour les travailleur·ses, lorsque que la direction d’Audi a donné les premiers chiffres dérisoires, soit 2500 euros brut par année d’ancienneté pour les indémnités de départ. Les syndicats d’Audi interne refusent et la direction d’Audi décide alors de communiquer directement avec les travailleur·ses individuellement, sans passer par la concertation sociale mais en faisant des propositions « à prendre ou à laisser » par téléphone.
Jeudi 2 janvier dernier, un nouveau référendum à été voté par les travailleur·ses de chez Imperial pour reprendre le travail. La semaine prochaine, la production d’Audi et le travail risquent donc de reprendre.
4. L’appel au soutien des travailleur·ses :
D’ici la fin janvier, les négociations sociales dans le cadre du plan Renault seront terminées. Ce qui est proposé aux travailleur·ses et en particulier aux sous-traitants est misérable et bien en dessous des indemnités qu’ils et elles devraient réellement toucher. Ce sont des dizaines de milliers d’euros en plus que devraient toucher en moyenne les travailleur·ses.
Lors de discussion avec des ouvrier·es de chez Audi, une personne travaillant pour un sous-traitant explique la situation « On va repartir avec 20 000 alors qu’on devrait repartir avec 100 000« .
Les ouvrier·es internes, intérimaires et sous-traitants ont donc particulièrement besoin de soutien dans cette séquence cruciale pour leur lutte. Ils et elles appellent à venir les soutenir tous les jours jusqu’à fin janvier, en se rendant sur place au 201 boulevard de la deuxième armée britannique, en apportant du matériel etc. Le 8 janvier, Audi a coupé l’électricité au campement des travailleur·ses, retiré leurs toilettes, et menacé de le démanteler.
Nous relayons ici un appel au soutien écrit par les travailleur·ses : La perte de ces 4 000 emplois, « […] Cela signifie la galère pour autant de gens. Parce qu’il y a des familles derrière, des enfants, des loyers, la santé foutus en l’air.
Face à ce drame social, depuis le 24 août 2024, nous, les travailleurs, ouvriers, sous-traitants, et quelques délégués syndicaux, nous sommes rassemblés devant l’usine pour affirmer notre désaccord et revendiquer nos droits : le préavis légal et extra-légal !
Nous revendiquons un dédommagement digne pour compenser le drame social dû aux licenciements secs et massifs, sans aucune raison mis à part le profit de quelques actionnaires.
La prime de 400 000 euros annoncé par les patrons dans les médias n’est qu’un mensonge de plus dans leur plan de communication. Il s’agit là d’un cas extrêmement particulier d’un employé qui est là depuis 47 ans avec un salaire de 8000 euros mensuel. En réalité la plupart des travailleurs ont 17 ans d’ancienneté. Après les taxes enlevées, ils n’obtiendront que 1764 euros de prime par années, ce qui est misérable au vu du labeur et de la santé sacrifiées pour les patrons d’Audi.
Maintenant, cela fait plus de quatre mois que nous sommes là, jour et nuit. Parce que nous voulons être écoutés : on se relaie, on s’entre-aide, on entretient le feu.
Mais là, nous ne sommes pas assez nombreux face à ce qu’Audi a préparé. Audi a tout mis en œuvre pour casser la résistance et éviter la mauvaise publicité : retenir les informations, mentir, diviser. Toutes les stratégies pour nous désunir, les travailleurs d’Audi d’un côté, les sous-traitants et les intérimaires de l’autre.
Nous séparer ça arrange bien les patrons, parce qu’ils ont prévu d’en avoir fini avec nous pour Noël, d’être bien contents en famille, félicités par leurs actionnaires de les avoir enrichis, et de bien en profiter. Pendant que nous ici on n’a pas été payés.
Est-ce qu’on devrait accepter ça ?
Est-ce qu’on va se laisser manipuler ?
Est-ce qu’on accepte le minimum ?
Nous devons être nombreux ici, unis ici, pour être écoutés. On a besoin de toi, tu as besoin de nous. Si on est plein ici les jours qui viennent, Audi, les pouvoirs publics, ils devront nous écouter.
C’est la dernière ligne droite. Viens, ramène toi, ramenez vous !
Tu connais le chemin. Viens montrer qu’on dit NON à leurs cacahuètes !
On veut notre plan social !
P-P-P payez nous !«
Légende :
*Procédure Renault est un terme utilisé en référence à loi belge du 13 février 1998, relative aux licenciements collectifs au sein d’entreprise. Le terme trouve ses origines dans un violent licenciement collectif en 1997 dans l’usine du constructeur automobile Renault à Vilvorde.
Il s’est ensuivi une loi en 1998, appelée « loi Renault » ou « procédure Renault ».
Sources :
- Communiqué des travailleurs et des sous-traitants de chez Audi
- Travailleur.ses de chez Audi et soutiens
- https://www.rtbf.be/article/audi-brussels-plusieurs-sous-traitants-viennent-de-declencher-la-procedure-renault-vers-une-reaction-en-chaine-11450441
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