En avril dernier, le gouvernement fédéral faisait le choix de continuer à incarcérer des prisonniers dans la prison de Saint-Gilles afin de faire face à la surpopulation carcérale des prisons belges. Pourtant, le site carcéral saint-gillois est fréquemment pointé du doigt pour ses conditions de vie jugées inhumaines. Malgré d’innombrables alertes à ce sujet et le fait que la date de fermeture de la prison de Saint-Gilles soit repoussée chaque année depuis dix ans, l’incarcération de prisonniers sur ce site carcéral n’est donc pas près de se finir.
Cet énième prolongement de l’activité de la prison de Saint-Gilles a été mis en place par la ministre de la Justice Annelies Verlinden, qui avait présenté le 15 avril dernier une note pour faire face à la surpopulation carcérale. Notons que la population carcérale moyenne en Belgique est estimée à 116,6 %, soit 16,6 % de plus que la capacité maximale des sites carcéraux. Cette note, une fois validée par le gouvernement fédéral, a permis à l’activité du site carcéral saint-gillois d’être une nouvelle fois prolongée. Pourtant, deux mois plus tôt, la Cour d’appel de Bruxelles condamnait encore une fois l’Etat belge pour traitement inhumain et dégradant des prisonniers dans la prison de Saint-Gilles.

Statistiques surpopulation carcérale
Voici un tableau qui dresse l’état de surpopulation des prisons belges les plus touchées par ce phénomène. L’indice de « 100 % » signifie que la totalité de la capacité d’une prison est occupée. Ainsi, avec un indice de 153,1% , un site carcéral comme celui de dinant dépasse de moitié sa capacité maximale. La surpopulation de sites carcéraux est une problématique grave étant donné qu’elle réduit drastiquement la qualité vie ainsi que le suivi personnel et psychologique des prisonniers concernés.
Les mesures d’urgence de cette note sont valables pendant une période de maximum 5 ans. Bien que cette période de 5 ans puisse être raccourcie par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres dans le cas où une évaluation que le taux de surpopulation aurait suffisamment diminué, il serait d’un autre côté probable que la prison de Saint-Gilles soit encore en activité durant l’entièreté de cette période. Pourtant, le site carcéral saint-gillois est en état d’insalubrité très avancée et nécessite d’importants travaux de rénovation.
Ce n’est pas la première fois que cette prison est pointée du doigt pour ses conditions de vie particulièrement inhumaines. En décembre dernier, le chanteur Jonas Gomes lançait l’alerte sur son compte Instagram. Après avoir donné un concert à des prisonniers dans la prison de Saint-Gilles, il a observé les conditions de vie atroces dans lesquelles les prisonniers y sont incarcérés. Dans une tribune publiée sur Instagram, le chanteur fait référence à des cellules sans fenêtres qui sont à la fois étouffantes en été et glacées en hivers, à une hygiène désastreuse : « Les prisonniers n’ont accès qu’à une ou deux douches par semaine et certains n’ont accès qu’à un sceau pour faire leurs besoins » ou encore à la forte de présence de rats ou de punaises de lit.
De la même façon, en janvier 2023 des associations comme la Ligue des droits humains et inter environnement Bruxelles dénonçaient dans un communiqué les conditions de détention de la prison de Saint-Gilles. Dans ce communiqué, les associations déplorent « des conditions de vie abominables pour les détenus » ainsi qu’un sous-effectif record des gardiens de prison dans le site carcéral.
En 2023, trois prisonniers sont morts derrière les barreaux de la prison de Saint-Gilles et des témoignages font ressortir la présence de nombreuses tentatives de suicides dans la prison de Saint-Gilles. En effet, les conditions de vie y sont tellement atroces que certains prisonniers disent vouloir mettre fin à leurs jours tant que ceux-ci ne seront pas transférés vers un autre site carcéral.
Pour rappel, ce sont entre autres ces conditions de détention inhumaines qui ont poussé nos autorités à construire la maxi-prison de Haren en périphérie bruxelloise. En ouvrant les portes de ce site carcéral de grande ampleur, il était question à la fois d’y garantir des conditions de vie jugées comme convenables, de régler les problèmes de surpopulation carcérale et de progressivement vider les prisons de Saint-Gilles et de Forest.
Or, rien n’a changé près de trois ans après l’ouverture de la maxi-prison d’Haren. La situation a empiré.Au moment de son ouverture en septembre 2022, la prison d’Haren était présentée par nos autorités comme une réponse aux mauvaises conditions de détention dans des prisons comme celle de Saint-Gilles. Plus de 2 ans plus tard, les témoignages des prisonniers de la maxi-prison sont marquants. De nombreux suicides y ont été observés ainsi que des agressions de prisonniers par des gardiens. De plus, la question de la surpopulation carcérale dans la maxi-prison d’Haren est, elle aussi, présente et le suivi des dossiers des prisonniers reste anormalement long.
Les témoignages concernant la vie dans la maxi-prison d’Haren son en glaçants, les prisonniers continuent de survivre dans des conditions de vie inhumaines aussi bien à Saint-Gilles que dans cette mégastructure et les problématiques liées à la surpopulation carcérale restent inchangées.
En conclusion, si ce sont aujourd’hui les conditions de détention de la prison de Saint-Gilles ou les questions plus générales liées à la surpopulation carcérale des établissements pénitentiaires belges qui sont pointés du doigt, il semble nécessaire de reconsidérer la question carcérale comme une problématique de société.
S’il est certain que l’enfermement empêchera une personne de commettre un crime, il ne réduit en rien la violence de son mode de fonctionnement. Au contraire, ces logiques d’incarcération inhumaines, fondées sur la rupture des liens sociaux et la suppression des facultés et valeurs humaines fondamentales, ne font qu’aggraver la situation.
En Belgique, le système pénal ne permet pas de penser autrement les infractions qui ne sont que les symptômes de problèmes sociaux et de société. En aucun cas une sanction quelle qu’elle soit ne sera la solution à l’origine de l’acte qui a provoqué le délit. Pire encore, la réponse punitive risque d’aggraver le comportement à l’origine de l’infraction, car le système carcéral tend à isoler et à briser les personnes plutôt qu’à les accompagner. Ainsi, certaines études estiment que les personnes sortant de prison ont un taux de 59 % de recondamnation dans les 5 ans suivant la libération.
Pour appuyer ce raisonnement, à la fin de son texte, le chanteur qui s’est rendu à la prison de Saint-Gilles a écrit cette phrase qui semble être révélatrice des problématiques liées à la fois au modèle carcéral actuel et aux conditions de détention inhumaines, propres à la prison de Saint-Gilles : « Plonger une personne dans cet enfer et penser qu’iel aura la santé mentale pour rentrer dans le droit chemin est une bêtise abyssale ».
Sources :
- Statistiques surpopulation carcérale, de l’Etat.
- Situation problématique à la prison de Haren : le témoignage d’un détenu et d’une assistante sociale
- https://www.rtbf.be/article/la-prison-de-saint-gilles-va-etre-prolongee-pour-faire-face-a-la-surpopulation-carcerale-11533316
- Prison de Saint-Gilles : pas de date de fermeture, malgré la condamnation de l’Etat pour traitements inhumains
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