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Chute d’Assad : réflexe raciste, l’Europe suspend le statut de réfugié·e pour les syrien·nes

Chute d’Assad : réflexe raciste, l’Europe suspend le statut de réfugié·e pour les syrien·nes

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La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie a déclenché une vague de suspension des demandes d’asile des réfugié·es syrien·nes dans plusieurs pays européens : l’Autriche, l’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, la Norvège, la Pologne, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse et la Belgique. À l’échelle européenne, ces mesures traduisent une volonté collective de déplacer la gestion des flux migratoires vers les pays d’origine ou de transit, tout en réduisant l’accès au droit d’asile sur le territoire européen. Ces politiques s’inscrivent dans un contexte où la criminalisation des migrant·es est devenue un outil politique. Ces derniers ont justifié cette décision par l’instabilité actuelle et la nécessité de réévaluer les conditions sécuritaires pour un éventuel retour des exilé·es. Cette vague de mesures, adoptées à une rapidité surprenante, révèle des dynamiques politiques et des logiques discriminatoires inquiétantes alors que l’incertitude est aussi grande que le soulagement en Syrie.

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En Belgique, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) a annoncé la suspension temporaire du traitement des demandes d’asile des syrien·nes, invoquant l’incertitude de la situation en Syrie après la chute de Bachar al-Assad. MSF Belgique (Médecin Sans frontière) dénonce un « empressement à instrumentaliser une fois de plus les migrants à des fins politiques, et à restreindre le droit à l’asile. Le droit à la protection dans le cadre d’une demande d’asile est basé sur la situation individuelle d’une personne en danger dans son pays, pour quelque raison que ce soit et pas seulement pour des raisons politiques ».

Pire, la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor, a également évoqué la possibilité de réexaminer le statut des syrien·nes arrivé·es au cours des cinq dernières années, laissant planer une incertitude inquiétante. Si les autorités belges affirment que les personnes bien intégrées, comme celles ayant un emploi ou des enfants scolarisé·es, ne seront pas affectées par une révocation de leur statut, cette distinction renforce une logique discriminatoire : seul·es les réfugié·es jugé·es « utiles » ou « conformes » aux attentes de la société belge semblent mériter protection et stabilité. Cette logique utilitariste se retrouve dans de nombreux pays européens, témoignant d’une approche systémique où l’intégration est conditionnée à des critères économiques et sociaux.

Que signifie, concrètement, la suspension des décisions du CGRA pour les Syrien·nes ?

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Pour les demandeu·se·rs d’asile syrien·nes, cette suspension prolonge leur vie sous le régime de la carte de séjour temporaire, communément appelée carte orange. Ce statut précaire engendre de nombreuses difficultés. Se loger devient un casse-tête : de nombreux propriétaires refusent de louer à des personnes en situation d’incertitude administrative, les poussant parfois vers des marchands de sommeil. Côté emploi, les options se réduisent à des secteurs où les conditions de travail sont difficiles et mal rémunérés.

Mais les répercussions ne s’arrêtent pas aux conditions matérielles. L’incertitude et la lenteur des procédures d’asile pèsent lourdement sur la santé mentale. Déjà éprouvées par des traumatismes dans leur pays d’origine, lors de leur parcours migratoire, ou même en Belgique, ces personnes doivent encore faire face à un stress chronique et une anxiété omniprésente. Certain·es expriment un sentiment de déracinement intérieur, l’impression de ne plus s’appartenir. La mise en pause prolongée de leur avenir rend difficile tout engagement dans des projets personnels ou professionnels. De plus, l’attente prolongée peut affecter la mémoire et la concentration, des éléments clés pour répondre aux exigences des interrogatoires du CGRA.

Une incohérence ou un détail oublié peut suffire à compromettre leur dossier et entraîner un refus.

Ces politiques se présentent comme des réponses administratives à une situation complexe, mais révèlent en réalité une tendance : un durcissement général des politiques migratoires, alimenté par la montée de l’extrême droite et une rhétorique sécuritaire. De nombreu·ses·x expert·es soulignent également que ces mesures vont augmenter les risques sur le parcours migratoire pour les personnes en quête de sécurité. Les appels du Haut-Commissariat aux Réfugiés à garantir des retours volontaires, dignes et sécurisés sont largement ignorés. Amnesty International a également dénoncé ces mesures, estimant qu’elles placent injustement le poids de l’incertitude syrienne sur des personnes qui ont déjà été traumatisées par des années de guerre et d’exil.

De plus, l’idée selon laquelle la chute d’Assad pourrait signifier un retour immédiat des réfugié·es ignore la réalité sur le terrain : un pays toujours instable, marqué par des conflits internes qui ne risquent pas de cesser de si tôt et un avenir politique incertain.

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Voir en ligne : BXL Dévie

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