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[Brochure] Comment la police interroge et comment s’en défendre

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Comment la police interroge et comment s’en défendre - version page par page 96 pages A5 à lire sur l’écran ou à imprimer en format livret.

Un interrogatoire n’est pas un échange harmonieux et égalitaire entre deux individus. C’est un conflit.

Introduction

Comprendre pour se défendre

Notre ignorance fait leur force.

Cette phrase résume parfaitement ce sur quoi se base un interrogatoire de police : sur notre ignorance. Ignorance sur le sens du travail de la police, ignorance sur les techniques de manipulation utilisées, ignorance sur le cadre juridique et enfin ignorance sur nos moyens de défense. Un interrogatoire n’est pas un échange harmonieux entre deux individus se plaçant dans un rapport d’égalité. C’est un conflit. Contrairement à un conflit physique où une personne utilise sa force pour attaquer l’autre, dans un interrogatoire la police exploite tes propres faiblesses pour les retourner contre toi et t’attaquer avec. Ce sont les informations livrées par la personne elle-même qui permettront à la police et à la Justice de la frapper – en aiguisant leurs stratégies et manipulations pour des futurs interrogatoires ou sous forme de preuves et d’indices devant un tribunal. On touche ici à un point central pour comprendre comment se défendre : pour mener à bien son travail, la police a besoin de la participation de la personne interrogée. Avec le temps, j’ai fait un constat ; la majorité des personnes qui livrent des informations permettant à la police de faire son travail ne se considèrent pas elles-mêmes comme des « balances ». Bien plus, ils·elles pensent n’avoir rien dit d’important, avoir parlé uniquement d’elles·eux-mêmes, n’avoir eu rien à se reprocher ou même avoir réussi à berner la police en mentant. C’est là tout le propos de cet ouvrage : la meilleure défense lors d’un interrogatoire de police est de refuser d’y participer en gardant le silence.

C’est un propos que je vais répéter souvent dans les pages qui suivent, mais c’est un propos qui a besoin d’être répété encore et encore. Car en face, la police dispose de tout un arsenal de techniques et de stratégies de manipulation pour exploiter tes faiblesses, de possibilités d’enfermement à travers les gardes à vue et détentions provisoires pour t’épuiser et te fragiliser. À cela s’ajoute une culture populaire où l’on intériorise que l’on DOIT répondre quand la police, figure d’autorité, pose des questions.

« Pour mener à bien son travail lors de l’interrogatoire, la police a besoin de la participation de la personne interrogée. »

Avant de continuer, un avertissement

Ce livre n’est pas pensé pour être un guide juridique.

Il s’adresse à un public de différents pays où les législations ne sont pas toujours les mêmes. Toutefois, ces différences juridiques n’affectent que très peu le contenu que je transmets et n’influencent en rien son propos. Les mécanismes et stratégies d’interrogatoire développés par les différents services de police se sont unifiés au fil des années et des échanges entre services et pays. Aujourd’hui inspecteurs et inspectrices de police du monde entier débattent et affinent ensemble leurs méthodes de manipulation lors de congrès et colloques de police ou dans des revues spécialisées. Néanmoins, les stratégies et pratiques analysées et présentées dans les pages qui suivent ont été développées essentiellement par des policiers·policières travaillant dans des pays occidentaux et ce livre reflète donc plutôt une réalité occidentale d’une démocratie capitaliste.

Deuxième avertissement

Ce livre décrit une pratique générale et non la manière exacte dont va se dérouler ton expérience si tu es confronté·e à la police.

Ce livre montre ce que la police apprend et développe comme stratégie d’interrogatoire. Ce qu’apprennent les inspecteurs·inspectrices ne sera pas toujours exactement ce qu’ils·elles vont mettre en pratique. Néanmoins, dans les grandes lignes, ça devrait rester très proche de ce qui va être décrit ici.

Le contenu de ce livre est issu de plusieurs sources

• La littérature policière et forensique, notamment des supports de cours d’académies de police, des revues spécialisées ou des livres de vulgarisation écrits par des inspecteurs (tous les ouvrages que j’ai eu entre les mains ont été écrits par des hommes).

• L’étude et l’analyse de cas de répression concrets, de dossiers d’enquête en cours ou déclassés.

• Mon expérience personnelle ainsi que celle de mon entourage proche à travers les interrogatoires que nous avons subis.

À propos du langage utilisé

Le fait que la police reste une institution reposant sur des schémas profondément virilistes (punition, contrainte, contrôle et surveillance) et défendant un système patriarcal n’empêche pas la majorité des unités de police de recruter des femmes. Ainsi, pour ne pas reproduire la domination du masculin sur les autres identités de genre, j’ai écrit mon texte en langage épicène. En plus de poser le masculin au-dessus du féminin, le langage français impose une binarité violente du monde : rien n’existe en dehors des genres masculins et féminins. Pour ma part, je conçois le terrain de nos identités comme bien plus vaste, même si je n’ai pas trouvé de manière entièrement satisfaisante de le transposer par écrit.

À la fin de l’ouvrage se trouve un lexique regroupant les termes techniques. Ceux-ci sont surlignés dans le texte lors de leur première apparition.

À propos de la police

Ce livre est pensé comme un outil d’auto-défense contre la pratique policière de l’interrogatoire. Il est écrit dans une perspective anarchiste. Je défends l’idée que toute autorité est illégitime et représente une entrave à une vie libre, définie selon les propres besoins et envies de chaque individu.

Ainsi en va-t-il de la police, qui est une structure essentielle sur laquelle s’appuient tous les systèmes autoritaires. À chaque époque où elle a existé, la police fut l’institution réprimant avec violence les tentatives de changements radicaux et émancipateurs. La police et la Justice sont dans leurs fondements les plus profonds des institutions réactionnaires et anti-émancipatrices. Lorsque des personnes cherchent à pratiquer l’autodéfense face aux menaces les concernant, l’État les désarme et s’impose comme protecteur, le plus souvent inefficace [1]. Là où des personnes concernées par un conflit ou une oppression cherchent des résolutions réparatrices, la Justice s’impose comme arbitre et s’accapare le droit de décider seule de la solution à adopter. À travers la fonction sociale de la police, l’État mise sur le contrôle, la dépendance à ses institutions et la punition tout en empêchant la création de dynamiques basées sur la confiance, l’autonomie et la transformation. Non seulement la police et la Justice sont une réponse insuffisante aux agressions et oppressions interhumaines mais elles les reproduisent et les alimentent. Il ne s’agit pourtant pas de lutter contre la police en faveur d’autres formes d’autorité (leader maffieux, gouru, agresseurs·agresseuses), mais de lutter contre le concept même d’autorité sous toutes ses formes.

I) Avant l’interrogatoire

Ce chapitre explique quelle place l’interrogatoire occupe dans l’ensemble du processus de la Justice et quels en sont les enjeux.

1. Les contextes d’un interrogatoire

Plusieurs critères influencent le déroulement d’un interrogatoire. Premièrement, le pays dans lequel tu te trouves. Toutes les polices n’ont pas le même cadre légal ni la même marge de manœuvre. Ensuite la gravité posée sur l’affaire en question. Est-ce qu’il s’agit d’une « banale » affaire de stupéfiants ou est-ce que l’enquête est placée sous le coup de lois antiterroristes ? Peut-être les enquêteurs·enquêtrices vont bâcler l’affaire ou au contraire la prendre très au sérieux suite à la mise sous pression de leur hiérarchie. Il va sans dire que si tu es interrogé·e dans le cadre de violences contre les forces de l’ordre à la suite d’une manifestation par exemple, il y a des chances pour que les inspecteurs·inspectrices le prennent plus personnellement que s’il s’agit d’un vol dans la caisse de ton entreprise. Tous ces critères, ainsi que l’humeur du jour des policiers·policières qui vont t’interroger, ou leur expérience, vont influencer la suite du déroulement. Ainsi, un interrogatoire peut tout autant être un ennuyant moment administratif qu’un instant de tension énorme.

De manière générale, les hiérarchisations habituelles de nos sociétés sont, sans surprise, reproduites dans le comportement de la police et de la Justice. Spoiler alerte : les institutions policières reproduisent les violences structurelles et systémiques que sont par exemple le racisme, le sexisme et l’homophobie. Il y a de fortes chances pour que les agent·es de police que tu rencontres aient des comportements racistes, antisémites, sexistes et homophobes. Pourquoi ? Parce que les sociétés qu’ils·elles défendent sont structurellement racistes, antisémites, sexistes et homophobes et que, par conséquent, cela attire des personnes aux idées racistes, sexistes, antisémites et homophobes [2].

À travers les oppressions systémiques, les structures de pouvoir rendent certains corps plus vulnérables que d’autres. Ces vulnérabilités peuvent également jouer un rôle dans la confrontation que représente un interrogatoire. C’est le privilège de la personne qui s’inscrit dans les normes de la société : ne pas porter le poids mental quotidien de la discrimination.

Faire face au racisme, à l’islamophobie, la transphobie ou d’autres formes de discrimination alourdit la charge mentale liée à une telle épreuve.

Enfin, les circonstances de l’arrestation peuvent affecter ta capacité à faire face à l’interrogatoire. Ton état émotionnel ne sera pas le même s’il s’agit d’une arrestation en pleine rue, sous adrénaline ou d’une convocation reçue par courrier plusieurs jours à l’avance. Se faire réveiller de manière soudaine lors d’une perquisition et se faire interroger peut engendrer une sensation de grand désarroi, surtout si le réveil a eu lieu durant le nadir, le moment le plus profond du cycle du sommeil.

De façon similaire, être enfermé·e dans une cellule de garde à vue pendant plusieurs heures ou jours peut considérablement affaiblir ta capacité de résistance. À l’inverse, une connaissance des procédures de police et des interrogatoires peut t’aider à te défendre.

Tous ces facteurs déterminent les grandes lignes du contexte dans lequel ton interrogatoire va être mené.

2. Le fonctionnement de la Justice

Pour bien comprendre le rôle de l’interrogatoire dans une procédure juridique, il est nécessaire d’examiner la place de la police dans le processus de Justice. Dans la plupart des pays, le processus judiciaire est composé de trois acteurs : la police, les procureurs [3] et les juges. Chacune de ces institutions a une fonctionnalité différente et se place dans un rapport hiérarchique par rapport aux autres.

La police

La police est l’acteur principal de l’action de sécurité [4]. En plus de maintenir l’ordre et de surveiller de potentiels criminels, la police récolte des informations pour les tribunaux. Ces informations permettent ensuite aux tribunaux de juger si une personne a enfreint une loi et de décider de la punition qu’elle subira. Dans ce processus, l’institution policière se trouve en bas de l’échelle hiérarchique, reléguée à la tâche de terrain de collecter des informations. Les policiers·policières constituent un dossier d’enquête composé du maximum d’éléments, afin de donner l’image la plus large et précise sur des faits, leurs déroulements, le contexte, les personnes impliquées ainsi que leurs motivations, rôles et intentions. Lorsque la police estime ne plus être en mesure de récolter de matériel supplémentaire, le dossier d’enquête est bouclé et transmis au·à la procureur. Un dossier d’enquête qui n’est pas assez fourni est synonyme de mauvais travail de la part de la police. Cela montre que l’enquête n’a pas été menée de manière assez efficace pour permettre à un·e juge de se prononcer. Ce qui est positif pour la personne qui se retrouve sur le banc des accusé·es.

Procureur / ministère public / juge d’instruction

Une fois bouclé, le dossier d’enquête est transmis au·à la procureur. Son travail est d’évaluer si le dossier comporte, ou non, assez d’éléments pour un jugement/condamnation. Suivant les pays, pour certaines affaires légères, le·la procureur peut directement proposer une condamnation sans passer par la case tribunal. En se basant sur le dossier, une peine va être proposée à la personne inculpée qui pourra l’accepter ou y faire opposition et ainsi renvoyer l’affaire devant un·e juge. Cette pratique est appelée ordonnance pénale et a surtout été mise en place pour décharger les tribunaux d’une partie de leur travail.

Le·la procureur peut décider de mener lui·elle aussi des interrogatoires, pour se faire une idée plus précise et directe qu’au travers de l’unique lecture du rapport d’enquête. Il·elle pourra chercher à acquérir de nouvelles informations et anticiper les axes de défenses que tu vas choisir en cas de procès.

Si le·la procureur estime que le dossier d’enquête ne donne pas assez d’éléments pour permettre une condamnation, il·elle peut soit classer l’affaire, soit renvoyer le dossier à la police avec des demandes de compléments d’informations. Cela peut être perçu comme un blâme pour la police. Souvent, le·la procureur collabore déjà durant l’enquête avec les enquêteurs·enquêtrices en redirigeant l’enquête dans telle ou telle direction, ou en ordonnant des mesures précises (mise sous écoute, perquisition, élargissement du cas à d’autres affaires en cour, etc.)

Juge

À partir du moment où le·la procureur estime à son tour que le dossier est complet, il·elle le transmet au tribunal, où un·e juge se saisit de l’affaire et prépare un procès.

C’est seulement à partir de cette étape que tu peux consulter ton dossier d’enquête pour connaître les informations utilisables contre toi lors du procès.

Lors du procès, le·la juge (ou le jury selon les pays) va rendre son jugement en se basant sur le dossier d’enquête et en t’interrogeant à nouveau ainsi que d’éventuel·les co-accusé·es et/ou témoins. Le verdict sera choisi en fonction de ce qui est prescrit dans les lois et les jurisprudences ainsi que du contexte de l’affaire (et l’humeur du jour du·de la juge). Selon les pays, il est possible de faire opposition à une condamnation et ainsi faire rejuger l’affaire. Cela revient à renvoyer le dossier devant un autre tribunal pour y être rejugé. Durant ce temps, de nouveaux éléments peuvent être ajoutés au dossier d’instruction, par la défense comme par l’accusation.

Le travail de la police est de remplir un dossier d’enquête te concernant avec le maximum d’éléments à l’intérieur. Ces éléments seront notamment récoltés grâce aux interrogatoires.

Les policiers·policières ne vont pas poser de verdict par rapport à ta culpabilité ou à ton innocence. Cela n’est ni dans leur cahier des charges, ni de leur ressort.

Une erreur dont j’ai souvent été témoin est que des personnes interrogées tentent de convaincre les policiers·policières qu’ils·elles sont innocent·es en espérant ainsi se tirer d’affaire. Et c’est exactement le piège qui leur est tendu. Leur besoin de s’expliquer, de se trouver des excuses, des mensonges, bref leur besoin de convaincre les enquêteurs·enquêtrices d’une certaine version des faits les poussent à collaborer avec la police. Des réponses (mensongères ou non) sont données, des explications (vraies ou fausses) sont livrées, des demi-vérités sont fournies. Autant d’éléments qui vont permettre à la police de faire son travail : enquêter, vérifier, valider les explications de la personne interrogée, corréler, analyser et construire des hypothèses permettant de rediriger les futures recherches.

Il n’est pas dans le cahier des charges de la police de statuer sur ton innocence ou sur ta culpabilité. À partir du moment où un dossier d’enquête est ouvert, il sera soit transféré à l’échelon hiérarchique supérieur, soit le dossier sera classé sans suite si l’enquête n’a pas fourni assez d’éléments pour poursuivre l’instruction et appeler à un procès. Si tu souhaites convaincre l’un des acteurs du processus de justice de ton innocence, réserves cela uniquement pour le·la juge lors du procès en présence de ton avocat·e. Toute autre démarche te met en danger.

« En général, si tu procèdes à une arrestation c’est que tu as un minimum de preuves. Toutefois, ces preuves ne sont pas toujours suffisantes pour mettre en examen l’individu. De plus, la mise en examen requiert a minima d’avoir entendu le suspect sur les faits lorsque cela est possible » [5]

Présomption d’innocence

La présomption d’innocence est un principe général selon lequel toute personne suspectée d’avoir commis une infraction à une loi est considérée comme innocente tant que sa culpabilité n’a pas été juridiquement établie. Puisque dans la majorité des pays, le·la juge est la seule autorité à pouvoir se prononcer sur la culpabilité d’un individu, cela signifie que tu seras juridiquement uniquement coupable à partir du moment où un·e juge pose ce verdict lors d’un procès. Avant ce moment, tu es prévenu·e, donc soupçonné·e d’avoir commis une infraction.

Ce concept juridique se fonde sur l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 de l’ONU qui le formule de cette façon :

« Article 11. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. [...] »

Aujourd’hui, de la Russie à l’Iran en passant par les USA et la France, presque tous les pays l’ont intégré d’une manière ou d’une autre à leurs codes pénaux et constitutions. La manière dont ils s’y tiennent reste sujet à interprétation. Concrètement, cela implique que c’est à l’état (procureur, police) que réside la charge de rassembler les preuves de ta culpabilité et non à toi de prouver ton innocence. Le travail de la police est de prouver ta culpabilité (ou celle d’autrui). Et chaque élément, chaque information que tu leur donnes les aide à avancer dans ce travail.

« Avant de commencer l’audition, on a généralement déjà un contenu, qui oriente très nettement la suspicion, et donc quelque part vous démarrez une audition en vous disant “il est le coupable”. Mais on va respecter quand même le principe de la présomption d’innocence, car on lui accorde le droit de n’être que suspect, mais dans notre mentalité on est déjà loin dans la suspicion et les indices au moment où on parle avec »

« C’est de la vérité judiciaire la présomption d’innocence, c’est pas de la réalité de terrain. Dès lors que je suis en possession d’indices si importants, j’agis comme s’il était déjà coupable, je dois l’admettre oui. Ça n’empêche pas d’être respectueux et correct, mais bien sûr qu’il est présumé coupable. Mais si on a le moindre doute, on va travailler aussi dans l’autre sens. On peut enquêter dans les deux sens hein, on le fait : 95% à charge et 5% à décharge. La présomption d’innocence n’a pas d’intérêt dans le travail policier. D’autres en ont : le respect des droits, de l’intégrité de la personne, mais la présomption d’innocence n’a aucun intérêt pragmatique. Un intérêt légal mais rien de plus »

Construction parallèle

Imagine qu’un informateur recruté par la police avertit cette dernière avoir connaissance du fait que deux personnes ont commis un crime. Suite à cette information, la police procède à des perquisitions au domicile de ces deux personnes, y trouve des indices de leur culpabilité et place le duo en garde à vue. Des écoutes téléphoniques sont faites dans leur entourage, suite auxquelles les policiers·policières apprennent qu’une troisième personne a également participé au délit en question. Toutefois, dans l’urgence, aucune demande d’autorisation de mise sous écoute n’a été faite au juge (ou procureur ou ministère public selon la juridiction du pays en question). Lors des interrogatoires, les enquêteurs·enquêtrices amènent le duo à trahir l’identité de leur complice sans leur révéler être déjà au courant de son existence.

Une fois l’enquête terminée, la police ne souhaite pas révéler qu’elle a fait usage d’écoutes illégales, ni révéler l’existence de leur informateur, ce dernier pouvant encore leur être utile dans le futur. Ils·elles vont modifier le dossier d’enquête afin de dissimuler ces deux informations. Deux dossiers parallèles sont alors constitués. Le premier, avec le déroulement entier et réel de l’enquête, restera dans les bureaux de la police. Dans le deuxième dossier, spécialement conçu pour être rendu visible lors du procès, les informations sensibles seront remplacées par des informations « tout public ». L’existence de l’informateur sera passée sous silence, un autre motif sera trouvé pour justifier les perquisitions et la connaissance de la troisième personne accusée sera expliquée à travers les réponses fournies durant les interrogatoires et non grâce aux écoutes téléphoniques illégales.

Cette pratique s’appelle la construction parallèle (du terme anglais Parallel Construction). C’est une méthode qui repose sur une grande opacité et sur laquelle, en tout bon sens, aucune police ne communique officiellement. Néanmoins, plusieurs cas de constructions parallèles ont été rendus publics à travers le monde par des journalistes d’investigation [6]. La majorité des (ex-)policiers interviewés déclarait que cette pratique était couramment utilisée et la défendait comme étant une nécessité pour un travail efficace des institutions de police. La plupart des cas connus et médiatisés ont eu lieu aux USA. De mon point de vue néanmoins, on peut partir du principe que l’utilisation de cette méthode de travail est répandue dans toutes les polices, soit à l’échelle de l’initiative personnelle d’un·e enquêteur·enquêtrice, soit de manière systématique et établie par tout le service en question.

Quoi qu’il en soit, l’interrogatoire est un outil pratique pour combler les trous dans un dossier d’enquête ou cacher des sources. Des informations déjà connues par la police peuvent être « blanchies » en amenant les personnes interrogées à redonner la même information et permettre ainsi de dissimuler les véritables sources.

3. Le déroulement d’une enquête

Toute enquête part d’une infraction supposée à la loi, sur laquelle la police va collecter des informations. Dès l’ouverture d’une enquête, des infractions y sont attribuées (par exemple violation de domicile, dommage à la propriété, recel, etc.). La police va ensuite chercher à attribuer la responsabilité de ces infractions à des individus. Au fil de l’enquête, les infractions peuvent être ajustées (ce qui a commencé comme une enquête sur une violation de domicile peut se transformer en une effraction ou un cambriolage). Il arrive régulièrement que de nouveaux délits soient détectés lors d’une enquête et que de nouvelles enquêtes soient ainsi ouvertes. Lorsqu’elles ont des choses en commun (par exemple plusieurs cambriolages imputés au même groupe), ces différentes enquêtes peuvent être traitées en « réseaux d’enquêtes » ou en « enquêtes parallèles ». Les différent·es policiers·policières impliqué·es auront un échange régulier sur les affaires respectives. De plus, beaucoup de services policiers possèdent des bases de données interconnectées : si un·e enquêteur·enquêtrice souhaite être tenu·e au courant de chaque nouvelle mention concernant un individu, un objet, une arme ou un véhicule, il·elle peut s’abonner à une alerte et recevoir l’info par mail en temps réel.

Durant l’enquête, les inspecteurs·inspectrices rassemblent dans le dossier d’enquête les différents éléments récoltés. L’objectif de ce dossier est de donner une vision claire du contexte de l’affaire, des personnes impliquées, du déroulement des faits, des intentions, etc. Lorsque les policiers·policières pensent avoir récolté tous les éléments possibles ou utilisé toutes leurs ressources (temps et budget), le dossier est bouclé et transmis à l’échelon supérieur où sera décidé s’il y a matière à ouvrir une procédure judiciaire.

Tout comme les services de renseignements, la police mène également un travail de surveillance hors-enquête : collecte, traitement et analyse de données sur des individus, groupes, réseaux et contextes sociaux. Ces données seront utiles pour détecter des infractions et pour « nourrir » de futures enquêtes.

Le dossier d’enquête

Le dossier d’enquête comprend la totalité du déroulement de l’enquête, les pièces à conviction, les traces et preuves matérielles trouvées et analysées (empreintes, vidéo-surveillance, ADN, traces de pas, etc.), les auditions des témoins et bien sûr, les procès-verbaux des interrogatoires. Ces dossiers sont souvent construits de manière chronologique, démontrant le chemin d’enquête suivi par les inspecteurs·inspectrices, les hypothèses envisagées, les thèses validées et invalidées. La conclusion finale est toutefois laissée à l’évaluation du·de la procureur/juge. La qualité du travail de la police sera évaluée sur la base de ce rapport d’enquête. L’objectif visé à travers l’élaboration de ce dossier est de brosser un tableau large et précis du contexte de l’infraction, des personnes impliquées, des liens (contextes interindividuels), des intentions, des implications et du déroulement des faits.

Au tout début de la procédure judiciaire, lorsque tu es interrogé·e par la police, en garde à vue ou en détention préventive, tu n’as pas la possibilité de consulter le dossier d’enquête. Cela signifie que tu n’as qu’une connaissance minime du contexte de l’enquête, de ce qui intéresse la police, des éléments et indices qu’ils·elles ont déjà récoltés, des déclarations qu’ont fait ou non les potentiel·les co-inculpé·es. C’est dans ce déséquilibre que se situe le plus grand danger de faire des déclarations. Tu n’as pas la possibilité de savoir si tu livres des informations que la police possède déjà ou non, si tu contredis ce qu’une autre personne a déclaré, si la police possède des éléments lui permettant de déterminer si tu mens, etc. Dans ces conditions, il n’est tout simplement pas possible de décider d’une stratégie de défense efficace et solide autre que de garder le silence.

Ce n’est que lorsque l’affaire est envoyée devant un·e juge que toi et tes avocat·es avez la possibilité de consulter le dossier d’enquête. À partir de ce moment-là, tout nouvel élément ajouté doit t’être notifié, souvent par le biais de tes avocat·es [7]. Une fois que tu as pris connaissance du dossier d’enquête, tu sauras à partir de quelles informations le·la juge va établir son verdict. Tu pourras ainsi préparer en connaissance de cause un axe de défense qui te nuira le moins possible. Si le dossier d’enquête a très peu d’éléments, peutêtre même qu’il fera sens de continuer à garder le silence plutôt que de prendre le risque de se faire piéger par une question habilement posée par un juge ou les procureurs.

Preuves et indices

Les indices sont des informations récoltées par la police lors d’une enquête. Par exemple :

• Indice 1 : Monsieur X possède une Honda rouge

• Indice 2 : Des traces de pneus retrouvées sur les lieux du crime, correspondant à la voiture de Monsieur X

• Indice 3 : Une témoin affirme avoir vu une Honda rouge sur les lieux du crime

• Indice 4 : Un second témoin affirme avoir passé la soirée du vendredi avec Monsieur X dans un bar

• Indice 5 : Les déclarations de Monsieur X lors de son interrogatoire disant que sa fille sait conduire bien qu’elle n’a pas encore passé son permis.

Ces éléments vont être mis en lien et présentés par la police comme des hypothèses. En regroupant les indices 1, 2 et 3, l’hypothèse pourra être émise que Monsieur X était présent sur le lieu du crime avec sa voiture. Une autre hypothèse prenant également en compte l’indice 4 proposera la thèse selon laquelle la voiture de Monsieur X était présente sur les lieux du crime mais pas Monsieur X, celui-ci ayant été vu dans un bar au même moment. L’indice 5 pourrait finalement amener la nouvelle hypothèse que c’est la fille de Monsieur X qui s’est rendue avec la voiture de son père sur les lieux du crime.

À partir des éléments récoltés, la police va donc tenter d’établir des faits, en proposant différentes hypothèses constituées en faisceau d’indices et d’éléments convergents. Certains éléments peuvent par la suite venir invalider des hypothèses, ce qui permettra à la police de travailler par élimination.

Dans tous les cas, la police travaille uniquement avec des indices. C’est le·la juge qui décidera quel élément pourra être utilisé comme preuve, en fonction du cadre légal et de son interprétation. Est-ce que ce témoignage peut être à lui seul utilisé comme preuve ? Est-ce que cette image de caméra de surveillance a plus de poids juridique que les déclarations du suspect ? Ces questions et bien d’autres vont être de l’ordre du champ de bataille entre juge, avocat·es et procureur. Au final c’est le·la juge qui va choisir, en fonction des lois, des jurisprudences mais également de son humeur et de ses convictions. Si les avocat·es de la défense ne sont pas d’accord avec son évaluation, ils·elles pourront introduire un recours et faire rejuger l’affaire par une instance supérieure.

Ce chapitre met en évidence deux points importants.

Premièrement, la question réellement débattue lors d’un procès n’est pas de savoir si tu es coupable ou innocent·e, mais de savoir s’il y a assez d’éléments ou non pour te condamner pour ce dont tu es accusé·e. Une nouvelle fois, cela montre l’importance de cette équation : moins ton dossier d’enquête est rempli d’éléments (y compris tes propres déclarations), mieux tu te porteras lors du procès.

Secondement, le travail de la police se limite à récolter les informations et à les présenter sous forme d’hypothèses. Ce point est important car il met en lumière la fausse croyance selon laquelle les policiers·policières jugent de ta culpabilité ou de ton innocence et qu’il peut être bénéfique d’essayer de les convaincre de ton innocence. Ce besoin de s’expliquer et de se justifier face à la police est habilement exploité pour te soutirer des informations finalement utilisables contre toi ou d’autres personnes.

La place de l’interrogatoire dans l’enquête

L’importance que prend l’interrogatoire dans une enquête évolue en fonction de l’enquête en question. Dans certaines investigations, les policiers·policières récoltent rapidement une grande quantité de traces matérielles et d’indices (empreintes, surveillances, témoignages) ou procèdent à une arrestation en flagrant délit. Dans ces cas-là, les informations fournies par les interrogatoires ne sont pas primordiales à la résolution de l’enquête. Dans certaines enquêtes, les déclarations de la personne soupçonnée ne font plus qu’une différence minime dans l’appréciation qu’aura le·la juge de l’affaire. La personne interrogée subira sans doute moins de pression, vu que l’avancement des investigations ne dépendra pas de ses déclarations.

À l’inverse, certaines enquêtes ne reposent que sur des soupçons minimes, sans aucun élément matériel pour les étayer. Il peut s’agir d’un seul indice qui a amené un soupçon sur la personne interrogée, la menant à une audition devant la police. Ici l’importance d’extorquer des informations à travers l’interrogatoire est cruciale. Sans réponse de ta part, l’enquête n’avancera pas et sera finalement classée sans suite. Sachant cela, il y a fort à parier que la pression perçue lors de l’interrogatoire sera intense.

« 

Les enquêteurs·enquêtrices ne vont jamais communiquer

sur l’absence d’éléments dans leur enquête. »

Par contre, ils·elles peuvent te faire croire qu’ils·elles ont connaissance de beaucoup d’éléments te concernant pour te donner une impression de supériorité, alors qu’en réalité leur dossier est quasiment vide. Il n’y a rien de plus frustrant que de voir des juges condamner des personnes sur l’unique base de leurs propres déclarations. Cela arrive pourtant fréquemment.

L’interrogatoire sert aussi à diriger l’enquête dans une direction précise ; il peut donner des indications sur des personnes à mettre sous surveillance (écoute, filature, perquisition) ou sur des traces à rechercher dans des endroits spécifiques. Par exemple, si à travers ton interrogatoire les inspecteurs·inspectrices apprennent l’identité de tes complices, il est fort probable que ces personnes voient leur domicile perquisitionné. Des outils seront peut-être trouvés, correspondant à des traces sur les lieux du crime. Ainsi, l’enquête peut avancer.

L’aveu

L’aveu est la reine des preuves (proverbe policier)

L’aveu est le moment où une personne donne sa version des faits sans répondre uniquement à une question ciblée. C’est ce moment particulier où une personne reconnaît et/ou avoue des faits. Un aveu peut être total (la personne interrogée donne toutes les informations qui intéressent la police) ou partiel (la personne interrogée reconnaît une partie des faits tout en dissimulant ou niant une autre partie).

Pourtant, les aveux ne sont pas pour autant recueillis sans une certaine forme de méfiance, que cela soit chez la police ou chez le·la juge. Une personne peut mentir pour protéger quelqu’un, ou avouer une partie de la vérité pour en cacher une autre. L’aveu n’a donc pas un poids juridique différent de réponses concises à des questions précises.

En parcourant la littérature policière, deux courants ressortent en ce qui concerne l’importance de l’aveu dans la mise en place des stratégies d’interrogatoire. Le courant le plus classique et le plus ancien place l’aveu au centre de l’interrogatoire. L’interrogatoire est construit dans le but d’amener la personne interrogée vers une confession sous forme d’aveu final, le plus proche possible de la vérité des faits. Les enquêteurs·enquêtrices vérifient les déclarations et contrôlent les alibis pour pouvoir distinguer l’aveu du mensonge.

« Toutes les déclarations de la personne interrogée sont réparties

entre ces deux catégories : aveu ou mensonge.  »

L’aveu implique que la personne interrogée reconnaisse sa culpabilité, au moins de manière partielle. Une théorie de ce courant encourage à partir du principe que lorsque une personne suspectée passe aux aveux, il·elle commencera dans la majorité des cas à minimiser les faits et son implication en fournissant des aveux partiels. Les enquêteurs·enquêtrices vont donc vérifier les faits, élément après élément. Pour ce faire, ils·elles vont pousser la personne interrogée à approfondir chaque détail de l’affaire jusqu’à avoir assez de matière pour vérifier la cohérence des déclarations ou trouver d’éventuelles contradictions indiquant un mensonge. Pour amener une personne vers une posture d’aveu, une stratégie consiste à la pousser vers une anxiété intérieure sous la forme de culpabilité ou de honte. L’anxiété dirigée vers l’extérieur telle la colère, la méfiance ou le mépris limitera par contre le passage à l’aveu. Des stratégies comme la contagion émotionnelle ou l’humanisation du lien seront privilégiées.

Les policiers·policières partent du principe que le·la suspecte va employer un mécanisme de défense pour justifier ses actes et maintenir sa confiance en soi. L’axe d’attaque des interrogateurs·interrogatrices est de briser sa résistance en identifiant et exploitant les vulnérabilités psychologiques du suspect·es (sentiment de culpabilité, deuil, fierté, naïveté, etc.). Des facteurs logistiques peuvent également être utilisés, comme la maladie, la fatigue, le stress, l’isolement social ou la privation de nourriture.

Le deuxième courant se préoccupe moins de l’aveu pour se focaliser sur la recherche d’éléments précis nécessaires au dossier d’enquête. L’interrogatoire n’est plus placé au centre de l’enquête mais est relégué au même niveau que les autres moyens d’enquête (preuve matérielle, collecte de trace, témoignage). Les stratégies misent en place visent à amener la personne interrogée à parler des thématiques précises où les policiers·policières ont besoin d’éléments pour avancer dans leur enquête. Il peut s’agir de récolter des mensonges ou contradictions qui seront retenus à charge contre le·la suspect·e ou des déclarations livrant des indications techniques à la police (nombre de personnes impliquées, connexion interindividuelle, mode opératoire). Les stratégies du sable mouvant, bon flic, méchant flic et rejeter la faute sur autrui seront utilisées.

L’enquête se construit ici en premier lieu sur les preuves matérielles et ensuite seulement sur les déclarations ou aveux de la personne interrogée. Les stratégies vont de préférence viser à affaiblir les capacités de raisonnement et de prise de décision en augmentant la peur, l’incertitude et l’anxiété de l’individu, notamment à travers l’enfermement et/ou l’isolement.

« On sent dès le départ si c’est possible ou pas de l’amener à des aveux, ou à faire évoluer le dossier en tout cas, mais sans avoir une idée préconçue, selon les éléments qu’on a et la sensibilité qu’on a. Ce n’est pas de la manipulation hein, mais on va essayer de l’amener vers une direction qu’on voudrait »

II) Pendant l’interrogatoire

Ce chapitre examine la pratique spécifique de l’interrogatoire : la préparation, les techniques et les stratégies.

4. Préparation

Profilage

Avant tout interrogatoire, les inspecteurs·inspectrices en charge du dossier vont dresser un profil de la personne auditionnée. En fonction de l’importance de l’enquête, ce profil pourra être très détaillé et précis ou au contraire constitué uniquement de quelques traits de caractère grossiers.

Pour se faire une idée du comportement que tu pourrais avoir lors de l’interrogatoire, toute information disponible sur toi est bonne à prendre : situation financière, parcours scolaire, environnement social, relations familiales et professionnelles, passions, sensibilités et valeurs morales. Si tu as déjà eu affaire à la police, les procès-verbaux de tes précédents interrogatoires vont être parcourus afin d’anticiper tes réactions. Si tu as été arrêté·e et placé·e en garde à vue avant ton interrogatoire, les agent·es seront attentifs·attentives à ton attitude à leur égard, au niveau de stress et d’anxiété que te provoque la privation de liberté, à la facilité que tu as de t’exprimer, au choix des mots que tu utilises. Les informations disponibles sur ton état médical (alcoolisme, toxicomanie, maladie chronique, etc.) sont également des informations utiles, pour l’enquête autant que pour l’interrogatoire. Certains corps de police reçoivent des formations basiques de psychiatrie afin que les enquêteurs·enquêtrices soient capable de créer un profil psychologique de la personne interrogée en exploitant ses troubles psychologiques tels que la dépression, la bipolarité ou encore la schizophrénie.

Tu ne connais rien des policiers·policières en face de toi, eux·elles par contre, auront une idée assez précise de qui tu es.

C’est le propre du renseignement : cumuler des informations afin de gagner un avantage stratégique et une emprise sur son adversaire.

Classification des informations

Je sais que tu sais ce que je sais que tu sais (pensée policière)

Contrairement à toi, les inspecteurs·inspectrices ont connaissance du dossier d’enquête. Cela leur procure un avantage non négligeable. Lors de la mise en place de leur stratégie d’interrogatoire, les enquêteurs·enquêtrices vont répartir leurs connaissances en trois niveaux.

• Informations qui peuvent/doivent t’être transmises.

• Informations qui peuvent t’être transmises si cela peut te pousser à donner des informations en retour.

• Informations qui ne doivent en aucun cas t’être transmises.

Les informations de la deuxième catégorie te seront données si les policiers·policières estiment que cela leur donnera de nouvelles informations en retour. En clair, s’ils pensent que cela va aider à te faire parler. J’ai souvent entendu des personnes affirmer répondre aux questions de la police avec l’intention de pouvoir soutirer des informations sur l’état de l’enquête sans en donner eux·elles-même. C’est une vision qui me paraît dangereusement optimiste. Surtout lorsque l’on sait que les inspecteurs·inspectrices font l’effort de lister les informations à ne pas donner aux suspect·es. D’autant plus que l’une de leur stratégie consiste à exploiter une trop grande confiance en soi.

« Les éléments que tu as, tu n’es pas obligé de tout dévoiler d’un coup. Tu te sers de ce que tu as, tu as une boîte à outils si tu veux, alors des fois tu n’as rien dans ta boîte à outils, c’est une partie de poker, des fois tu as des éléments, mais ces éléments-là tu n’es pas obligé de les lâcher d’un coup, il faut les sortir au bon moment. Le travail consiste en ça, l’expérience c’est ça, c’est d’arriver à sortir les outils au bon moment, et de t’en servir avec adresse »

Exemples :

• Informations qui peuvent/doivent t’être transmises.

Tu es inculpé·e pour émeute, manifestation non autorisée et dommage à la propriété

• Informations qui peuvent t’être transmises si cela peut te pousser à donner des informations en retour.

Tu es spécifiquement suspecté·e d’avoir participé au pillage d’un magasin lors de la manifestation en question

• Informations qui ne doivent en aucun cas t’être transmises.

Ton téléphone est mis sous écoute ce qui a permis à la police de savoir avec qui tu étais à la manifestation. Des perquisitions et arrestations sont dès lors prévues.

Anticiper les stratégies de défense

Dernier élément de préparation à un interrogatoire : suite à l’étude de ton profil, anticiper tes stratégies de défense. Est-ce que tu risques de présenter un alibi qu’il s’agira de vérifier avant de continuer la procédure ? Vas-tu t’engager dans la voie du mensonge ? Essaieras-tu de couvrir des ami·es ou vas-tu au contraire accuser un·e complice ? Vas-tu partiellement avouer les faits dans l’espoir de dissimuler une partie de la vérité ? Auras-tu la bonne idée de te protéger par le silence et le refus de répondre à leurs questions ? Comment vas-tu réagir lorsque tu seras confronté·e à tes mensonges, aux éléments de preuves, aux déclarations de co-accusé·es ou de témoins ?

En fonction de tous ces éléments, les inspecteurs·inspectrices vont choisir quelles stratégies et techniques d’interrogatoire utiliser contre toi et lesquelles laisser de côté.

5. Techniques générales de manipulation

« La manipulation consiste à construire une image

du réel qui a l’air d’être le réel. » Philippe Breton

Je définis le terme de manipulation comme une intention d’influencer et de contrôler les impressions, les pensées et les choix d’une personne pour son propre bénéfice. Manipuler une personne, c’est lui refuser la liberté d’un choix libre et en conscience. Un antagonisme donc avec l’idée anarchiste que tout individu est légitime de mener une vie libre par et pour lui-même.

Depuis plusieurs années, la psychologie sociale nomme et pointe des schémas récurrents de manipulation qui, selon le contexte, prennent un nom différent : « harcèlement » dans un contexte d’oppression patriarcale, « mobbing » lorsque la manipulation se fait dans un cadre professionnel, « abus » et « relation toxique » si l’on parle de relation affective.

La pratique de l’interrogatoire policier s’inscrit parfaitement dans ce panel des différents contextes de manipulation. Un interrogatoire est une interaction vécue dans la contrainte et basée sur un rapport de pouvoir inégal. La police se sert des techniques de manipulation couramment utilisées dans l’ensemble des autres contextes précédemment cités. Il existe cependant une nuance entre les techniques et les stratégies de manipulation.

• Les techniques sont des éléments de manipulation concrets et courts (la construction d’une phrase, une intonation).

• Les stratégies sont pensées sur une temporalité plus longue, pouvant englober l’ensemble de l’interrogatoire voire même plusieurs interrogatoires.

Voici une série de techniques de manipulation utilisées notamment lors d’interrogatoires.

Engendrer de la sympathie

Une partie des stratégies policières nécessite un sentiment de sympathie de la personne interrogée envers les policiers·policières. Cela demande un virage à 180° par rapport à la réalité. Malgré le fait qu’ils·elles enquêtent sur toi, te surveillent, t’enferment et cherchent activement des éléments de preuve permettant ensuite à la Justice de te punir, ils·elles tentent de te convaincre qu’en réalité ils·elles te veulent du bien et te respectent. L’objectif étant de baisser ton niveau de méfiance afin de te rendre plus perméable aux stratégies basées sur le lien interhumain entre policier·policière et suspect·e.

Comment se rend-on sympathique ? Les sociologues qui se sont penché·es sur cette question ont noté plusieurs facteurs ayant une influence certaine et cependant inconsciente chez la plupart d’entre nous : l’apparence physique, la présence de points communs (ce policier a un fils comme moi, cette policière supporte le même club de hockey que moi), une certaine familiarité, des associations positives à leur contact (le policier qui te fait la « faveur » de te donner à manger alors que tu as très faim sera associé au plaisir de pouvoir enfin manger). La flatterie fait aussi partie de l’arsenal de manipulation des enquêteurs·enquêtrices. Contrairement au compliment, la flatterie a pour but de te séduire pour t’inciter à une chose spécifique. Cela te met en confiance, te fait baisser la garde et te place dans des dispositions positives pour la suite.

Principe de réciprocité

« Lorsqu’on t’offre quelque chose,

il est normal de rendre en retour » Norme sociale

Le principe de réciprocité se construit sur la norme sociale stipulant que lorsque tu reçois quelque chose, tu as une obligation de donner en retour. Nous apprenons tous et toutes cette norme au travers de notre éducation. Si tu acceptes de prendre, tu dois donner en retour. Si tu déroges à cette injonction, tu t’exposes à une pression sociale négative, ainsi qu’à un fort jugement. Tu pourras par exemple être qualifié·e d’égoïste, profiteur·profiteuse, parasite, malpoli·e, ingrat·e. Dans cette technique de manipulation, c’est le sentiment de dette qui est exploité, créé par le fait d’avoir reçu quelque chose, alors même que cela n’a pas été demandé.

Lors de l’interrogatoire, cette technique est utilisée dans un rapport de force particulièrement inégal. Les faveurs que « t’offrent » certain·es inspecteurs·inspectrices compensent en réalité des manques créés par ces mêmes inspecteurs·inspectrices au travers de ta détention. T’amener un verre d’eau, te permettre de faire un appel, de recevoir de la visite ou un livre. Autant de « faveurs » utilisées pour créer en toi un sentiment de redevance. Dès la première hésitation à répondre à leurs questions, ces « faveurs » te seront rappelées avec l’attente que tu rendes à présent la politesse.

Écoute aversive

L’écoute aversive, c’est quand le·la policier·policière qui t’interroge regarde ailleurs ou fait autre chose pendant que tu lui parles. C’est ne pas lever la tête vers toi lorsque tu arrives dans la salle d’interrogatoire. L’idée derrière cette attitude est simple : déstabiliser, créer une sensation de gêne et te donner l’impression que ce que tu dis n’a aucun intérêt et que cet interrogatoire ne représente rien d’important, uniquement un ennuyeux protocole de routine à accomplir. Mais aussi que leurs idées sur toi sont déjà toutes faites. En réaction à cette attitude, tu peux vouloir à tout prix attirer leur attention et te justifier sur ce qui s’est passé. Ce faisant, tu livres peut-être bien plus d’information que ce que la police aurait pu tirer de toi avec une attitude confrontative.

Prêcher le faux pour connaître le vrai

Cette technique consiste à poser une question en y incluant sciemment un élément erroné. L’objectif est que ta volonté de rétablir la vérité te pousse à donner plus d’informations que si on t’avait posé la question de manière plus neutre.

Examinons ces deux questions.

1. Qu’est-ce que vous êtes allé·e faire à Paris ?

2. Vous êtes-vous rendu·e à Paris pour voir un·e amant·e ? La première question ne semble pas poser d’enjeu émotionnel particulier, ni dans la question, ni dans la réponse. C’est une question ouverte et plutôt neutre. Visiblement, la police cherche à savoir ce que tu es allé·e faire à Paris.

Lors de la deuxième question, la police suggère déjà savoir ce que tu es allé·e faire à Paris. Cela crée donc l’insinuation que tu as bel et bien un·e amant·e. Les policiers·policières qui te posent cette question savent pourtant pertinemment que tu ne t’es pas rendu·e à Paris pour cette raison. Toutefois, ils·elles ignorent la vraie raison de ta visite et espèrent que, poussé·e par la volonté de te justifier, de rectifier un élément erroné, ta réponse soit plus complète que si la question avait été formulée de manière neutre.

« [l’interrogatoire est comme] une partie d’échecs, ou une partie de poker, comme tu veux, donc tu as le droit de bluffer. En face de toi tu as des joueurs, tu as des gens qui ne te disent pas forcément la vérité, toute la vérité, ou qui l’arrangent à leur façon. Toi tu as des cartes en main, le mec ne sait pas forcément quelles cartes tu as en main, donc tu peux bluffer, tu peux prêcher le faux pour savoir le vrai ».

« Tout dépend de l’inspecteur, il y en a qui vont jouer la menace, d’autres qui vont prêcher le faux pour savoir le vrai. Moi je suis dans la réalité, je suis honnête »

Créer de la suspicion

« Ce n’est pourtant pas ce que nous a

raconté votre ami·e » Insinuation policière

Créer de la suspicion au sein d’un groupe est une bonne méthode pour le fragiliser, créer des dissensions, amener les un·es à se désolidariser des autres et empêcher de tirer de la force d’un sentiment collectif. Il existe beaucoup de méthodes de manipulation utilisées pour semer les graines du doute. Cela va du mensonge pur et dur aux insinuations l’air de rien, concernant ce que tes ami·es auraient dit ou fait.

Même si tu ne souhaites pas y porter attention, le message est capté et intercepté par ton cerveau. Comme ce message est généralement chargé d’affects émotionnels, il ne sera pas simple de l’oublier totalement, et cela même si tu n’y crois pas. Le danger de ces remarques auxquelles tu ne donnes sur le moment aucun crédit repose sur le fait qu’elles peuvent refaire surface au premier signal semblant corroborer ces dires ou dans des moments de faiblesse et d’épuisement émotionnel. Le message a été entendu et enregistré.

Un élément de défense face à cette technique est de rejeter en bloc toute accusation amenée directement ou indirectement par la police sur un ou une de tes proches. Si tu te trouves dans l’impossibilité de vérifier par toi-même une déclaration que te rapportent les enquêteurs·enquêtrices, pars du principe que c’est faux. Il sera toujours temps de revenir là-dessus plus tard, lorsque le danger de l’interrogatoire sera derrière toi. N’oublies pas que contrairement à tes proches ou coaccusé·es, les policiers·policières en face de toi ne sont pas tes ami·es et ne te veulent pas du bien. Leur travail est de t’affaiblir émotionnellement afin de te pousser à faire des déclarations qui leur serviront à remplir leur dossier d’enquête.

− Grand amour n’est-ce pas ? le lieutenant fit une grimace moqueuse.

Lenz haussa les épaules.

− Paraît que ça arrive oui.

Le lieutenant le regarda à nouveau, puis secoua la tête.

− Quand j’étudie votre parcours et que je considère l’importante énergie criminelle que vous avez dépensée pour nous échapper, votre fuite semble carrément ridicule. Que dit le dicton ? Quand l’éléphant se porte trop bien, il danse sur la glace.

Il aurait mieux fait de lui offrir des cigarettes plutôt que de lui présenter de telles sagesses populaires.

− Vous savez ce que je soupçonne ? Que vous nous quittiez uniquement par amour pour votre femme.

− Votre conclusion n’est pas totalement fausse.

C’est ce qu’ils avaient convenu : s’ils devaient être attrapés dans leur fuite, ils diraient qu’il n’y avait aucun motif politique derrière leur intention de passer la frontière, uniquement le désir de réunir leur famille. Mais est-ce que Hannah s’y tient toujours ? Peut-être avait-elle déjà dit la vérité.

− Le grand amour donc ! Malheureusement, votre femme nous a raconté une tout autre histoire.

L’absence de cigarettes aujourd’hui était probablement intentionnelle, il voulait encore se la jouer offensif, ce Lieutenant.

− Vous vous êtes rendu de nombreuses fois à la foire de Leipzig non ? On sait tous comment ça se passe là-bas entre hommes et femmes.

− Pouvez-vous être plus précis ?

− Bien sûr : votre femme a exprimé quelques doutes sur votre fameux « grand amour ». Et encore plus en ce qui concerne votre fidélité.

Lenz dût sourire.

− C’est cela que vous appelez mener une guerre psychologique ?

− Vous ne me croyez pas ?

− Non, sauf si ma femme répète cette phrase en ma présence.

− Vous croyez qu’on essaie de vous monter l’un contre l’autre, vous et votre femme ?

− Disons que le soupçon n’est pas bien loin

− Vous avez une grande confiance en nous dites donc.

Il fit un visage hautain, le camarade lieutenant ouvrit un tiroir et jeta un paquet de cigarettes ouvert sur la table.

− J’avais oublié que vous étiez fumeur.

C’est ce qu’on leur aura appris, aux camarades interrogateurs : à traiter la personne interrogée tantôt avec gentillesse et générosité, tantôt en s’acharnant sur la moindre bagatelle ; ils sont tantôt le compagnon sympathique, tantôt le juge d’instruction sévère. Ils savent que tu répéteras mille fois dans ta cellule chaque mot prononcé ici, et comptent sur le fait que la moindre remarque, lâchée l’air de rien comme ça en passant, s’incruste dans ta tête jusqu’au moment où le doute s’installe : se peut-il que Hannah pense réellement que tu as joué le Don Juan à Leipzig ?

Extrait librement traduit du livre Krokodil im Nacken, Klaus Kordon 2008

Rabaisser et dévaloriser

Rabaisser une personne afin qu’elle se sente dévalorisée, mette en doute ses capacités, manque de confiance en elle et développe une dépendance émotionnelle est un classique dans toute relation toxique ainsi que dans les interrogatoires. Cette technique se pose toutefois en antagonisme avec les stratégies basées sur l’humanisation de la relation enquêteur·enquêtrice-suspect·e. Elle sera donc utilisée uniquement lorsque les inspecteurs·inspectrices estiment que cette manière offensive aura plus de chance de réussir que la manière conciliante.

Pour t’atteindre, leurs jugements moraux et critiques seront dirigés vers les thématiques qu’ils·elles savent sensibles pour toi. Ils·elles peuvent te mettre face à tes contradictions et tes doutes, reporter sur toi la responsabilité de tes erreurs passées et de la situation difficile que tu vis. Ils·elles vont te pousser systématiquement à penser que tu n’aurais pas dû faire tel ou tel choix et que tu as agi stupidement. Apparaissent alors de puissants sentiments de culpabilisation et de dévalorisation, peut-être déjà présents en toi, mais indéniablement amplifiés par la manipulation policière.

En règle générale, il convient de ne considérer aucune critique de la part d’une personne identifiée comme manipulatrice comme étant digne de réflexion. Je ne parle pas ici de critiques constructives, empathiques et bienveillantes venant de la part de celles et ceux qui te veulent du bien. Et là un scoop : Les flics ne sont pas tes ami·es, ils·elles ne se préoccupent ni de ton bien-être ni de ton développement intellectuel et n’ont aucun intérêt à t’amener des critiques constructives. Ils·elles ne sont pas concerné·es par qui tu es, par ce qui est important pour toi, tes sensibilités etc. Ils·elles ont leurs propres intérêts qui n’ont pas de lien avec ta personne mais uniquement avec leur travail quotidien et le dossier d’enquête. Et lorsqu’ils·elles te disent le contraire, rappelle-toi qui t’a enfermé dans cette pièce et t’y retient contre ton gré.

Exploiter les croyances et sensibilités

Nous avons tous et toutes un système de croyances, de valeurs et de sensibilités propres à notre parcours et notre éducation, à nos croyances religieuses et spirituelles, de schémas appris et reproduits depuis l’enfance et de modèles que nous montre la société dans laquelle nous vivons. Certaines sensibilités proviennent de nos expériences et/ou du travail de déconstruction que nous entreprenons pour nous réapproprier nos vies selon nos propres envies, en rupture avec les normes sociales nous entourant. À l’exception de ce travail de déconstruction, nos croyances s’ancrent tôt dans nos vies et sont rarement remises en question.

Lors d’un interrogatoire, identifier tes sensibilités et ton système de valeurs représente un enjeu majeur pour la police. Cela va leur permettre de les utiliser comme levier pour influencer tes émotions et tes sentiments.

Par exemple, pour faire naître en toi un sentiment de culpabilité ou de manque de confiance, ils·elles vont essayer de te convaincre que tes actes ont été en contradiction avec tes propres valeurs.

Voici quelques croyances classiques de nos sociétés occidentales, inconsciemment intégrées et rarement remises en question. Ce sont des vérités absolues, qui ne prennent pas en compte les nuances, contextes et circonstances dans lesquelles elles sont prononcées.

• Il faut tout savoir sinon on est ignorant·e et stupide.

• Il ne faut pas se tromper. Faire des erreurs n’est pas une pratique normale d’une dynamique d’apprentissage mais est synonyme de stupidité.

• Il faut montrer aux autres que l’on est cultivé·e, intelligent·e, intéressant·e sinon l’on n’a pas de valeur.

• Pour être valorisé·e, il faut être compétent·e en toute circonstance.

• Il ne faut pas changer d’avis sinon on est instable et non crédible.

• Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis (inverse de la norme précédente).

• Quand on s’engage, on doit absolument tenir parole et aller au bout, même si l’on change d’avis.

• Il ne faut jamais être ingrat·e et toujours se sentir reconnaissant·e de ce que l’on reçoit même si l’on n’a rien demandé.

• Si l’on te donne, tu dois automatiquement donner en retour si

Voir en ligne : Infokiosques

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