A l’origine, la plateforme Airbnb permettait de proposer une alternative moins coûteuse aux touristes désireu·ses·x de visiter certaines métropoles tout en permettant aux propriétaires de biens immobiliers de monnayer ponctuellement une partie de leurs biens. Aujourd’hui, cette plateforme contribue activement à la crise du logement qui est présente dans des villes comme Bruxelles, Barcelone ou Paris. En relativement peu de temps, les locations proposées sur la plateforme Airbnb sont passées de biens individuels à un véritable business de l’immobilier aujourd’hui. L’entreprise Airbnb couvre plus de 10 000 logements à Bruxelles.
Pour rappel, une crise du logement est présente aujourd’hui à Bruxelles. La question de l’accès à un logement s’est fortement dégradée ces dernières décennies. Cela est dû à différentes raisons, dont la forte croissance démographique qui est intervenue dans la capitale belge depuis le début des années 1990 (passant de 945 000 habitat·es à plus de 1 241 000 aujourd’hui, ce qui est une de plus grande croissance démographique urbaine à l’échelle européenne). Cela s’accompagne au fait que le revenu moyen des bruxellois·es a sans cesse diminué par rapport au reste des Belges, pour aujourd’hui être à 79% du salaire moyen belge. Cette baisse du salaire moyen des bruxellois·es s’est aussi accompagné d’une forte augmentation de l’écart de salaire moyen entre les communes les plus riches et le plus pauvres.
De plus, notons que les prix de l’immobilier du marché locatif bruxellois ont sans cesse augmenté depuis le début des années 1985 (augmentant de près de 20% tous les 10 ans) et que la pression des propriétaires sur les locataires y est plus forte que partout en ailleurs en Belgique avec approximativement 61% de locataires. Rappelons aussi que l’offre en logement social est une des plus faibles du pays avec seulement 8% de logement social et une attente d’environ dix ans pour y avoir accès. C’est pour ces différentes raisons et bien d’autres encore que la situation actuelle à Bruxelles est qualifiée de « crise du logement ». Dénoncer ces mécanismes met en lumière que les groupes sociaux les plus précaires peinent plus que jamais à trouver un logement à la fois décent et abordable.
La majeure partie des logements occupés par Airbnb se trouvent dans des quartiers historiques du centre-ville de Bruxelles. Dans le cadre des logements loués sur cette plateforme, on décompte plus de 50% d’entre eux dont la location sur le site Airbnb est la seule activité. Cela veut dire que sur les 10 000 logements proposés sur Airbnb à Bruxelles, plus de 5 000 d’entre eux ne sont dédiés qu’à la location et sont alors retirés du marché locatif en plus d’êtres vides pendant une importante partie de l’année (cela représente 1% de logement bruxellois qui est volontairement non occupé). Dans une situation de crise aigüe du logement à Bruxelles, c’est autant de logements non loués à des résident.es bruxellois·es potentiellement dans le besoin de trouver un logement bon marché.
De plus, 45% des détenteu·ses·rs de logements Airbnb sont des professionnel·les du secteur, qui en plus de ne pas habiter les logements qu’ils louent, en possèdent en moyenne trois et sont régulièrement sous le couvert d’investisseurs. Ce chiffre traduit le fait que la vocation première affichée par Airbnb de « permettre aux propriétaires de biens immobiliers de monnayer ponctuellement une partie de leurs biens », n’est en réalité qu’une mascarade. Ce chiffre est en constante hausse depuis la création de la plateforme et est dû au fait que la location d’un bien Airbnb est aujourd’hui jusqu’à 5 fois plus rentables que la location d’un bien immobilier à l’année. En prétendant vouloir aider les petits propriétaires immobiliers, Airbnb se permet de justifier des intérêts économiques qui résident dans la mise en marché de biens immobiliers non habités.
A Bruxelles, la mise en location de biens immobiliers à destination de touristes tels que les logements présents sur cette plateforme pousse à une nouvelle forme de gentrification, qu’on qualifie de « gentrification touristiques ». Ce type de gentrification intervient souvent au sein de quartiers touristiques et historiquement populaires de grandes métropoles où une augmentation considérable des prix du logement, mais aussi d’autres biens de consommation est engendrée par l’activité touristique. Il est certain qu’en plus de retirer une partie des logements bruxellois du marché locatif, une entreprise comme Airbnb a vocation à promouvoir le tourisme qui lui-même engendre une augmentation des prix par une implantation accrue de l’Horeca ou de dispositifs à vocation touristique. A Bruxelles, ce phénomène est majoritairement présent dans les quartiers qui bordent la grande place, le centre-ville ainsi que le quartier européen.
Une étude menée par des chercheur·ses bruxellois·es démontre que par logement Airbnb supplémentaire pour 100 ménages, l’augmentation des loyers restants moyens s’élève de 1,6%. A Bruxelles, celui-ci s’additionne à tout un tas de réformes urbaines qui n’ont cessé de détériorer l’accès au logement pour finalement arriver à la crise du logement que l’on connaît aujourd’hui. De plus, l’augmentation des loyers occasionnée par Airbnb est aussi à mettre en lien avec le fait que la diminution occasionnée de l’offre sur le marché locatif exerce une pression des prix des loyers restants.
Dans le cadre d’une crise aggravée du logement, il y a la nécessité de protéger les locataires bruxellois.es en sortant le plus possible le marché locatif des dynamiques concurrentielles de marché et en lui donnant des vocations amplement plus sociales. Une entreprise comme Airbnb apparaît aujourd’hui comme le stade supérieur de ce que le marché immobilier est désormais prêt à « offrir ». Même si la Ville de Bruxelles prévoit de futures réformes afin d’encadrer davantage la location de biens Airbnb, ces mesures restent questionnables quant à leurs réelles efficacités. Récemment, Barcelone a pris des mesures pour interdire les locations Airbnb à partir de 2028. Cela devrait remettre 10 000 logements sur le marché locatif.
Sources ;
- Airbnb tue le logement : vrai ou faux ? – RTBF Actus
- Bruxelles : un lien établi entre la présence d’Airbnb et la hausse du prix des loyers – Le Soir
- thèse : Extraction de la rente dans le secteur de la location de logements, Hugo Périlleux Mai 2023
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