Le dimanche 9 juin 2024 se déroulaient les élections régionales, fédérales et européennes. Le paysage politique en ressort profondément modifié, marquant un basculement vers la droite, voire l’extrême droite en Flandre. Au niveau européen, les partis d’extrême droite ont progressé dans 17 pays sur 27, dont la Belgique, la France, l’Italie, et l’Allemagne, démontrant une montée des idées fascistes sur tout le continent.
Le Mouvement Réformateur (MR) a remporté les élections francophones. En Flandre, la Nouvelle Alliance Flamande (N-VA) a obtenu 25,6 % des voix, suivie par le Vlaams Belang avec 21,8 %. En Wallonie, le MR a dominé avec environ 32 %, suivi des Engagés et du Parti Socialiste (PS). À Bruxelles, le MR est arrivé en tête avec 26 %, suivi du PS à 22 % et du Parti du Travail de Belgique (PTB) à 20,9 %.Bruxelles semble donc être une exception dans le pays, où la droite ne pourra en tout cas pas gouverner seule. Au niveau fédéral, la N-VA est en tête avec 16,71 %, suivie du Vlaams Belang à 13,77 %, du MR à 10,26 % et du PTB-PVDA à 9,86 %. La formation des coalitions s’annonce cruciale.
En Belgique, la réelle victoire est celle de la droite : la droite d’inspiration macronienne des Engagés, la droite dure conservatrice de la N-VA, et la droite libérale en voie d’extrême droitisation du MR. En Flandre, l’extrême droite augmente et constitue un réel danger pour les droits humains. Cette extrême droite récolte aujourd’hui les fruits d’une stratégie de lissage de son discours de plusieurs décennies. Ses idées et propositions se diffusent, se banalisent, influençant la droite classique et le centre, qui adoptent progressivement des éléments de son programme.
Début avril, Georges-Louis Bouchez minimisait la nature extrémiste du Vlaams Belang en déclarant : « Quand on me dit que le Vlaams Belang, c’est l’extrême droite, on s’appuie sur le passé. » Une analyse des politologues François Debras, Jean-Yves Camus, et de l’avocate en droits humains Sibylle Gioe, du programme électoral 2024 du VB montre que le parti reste bien d’extrême droite, discriminatoire et en contradiction avec les droits fondamentaux. Cette extrême droitisation du discours du MR est confirmée par une étude menée par l’université d’Anvers et l’UCLouvain, qui montre un virage à droite spectaculaire du parti, notamment sur la dimension économique. La disparition du Parti Populaire (extrême droite francophone) en 2019 et la stratégie de positionnement de Bouchez en opposition aux autres partis francophones, majoritairement à gauche, expliquent ce déplacement vers la droite. En l’absence d’un parti politique d’extrême droite en Belgique francophone, ce dernier tente de séduire un public à tendance d’extrême droite avec des thématiques comme la conservation des « traditions » et de la « culture nationale ».
Georges-Louis Bouchez a mis en avant des questions de société dans un style d’agitateur, martelant ses messages sur les réseaux sociaux, en s’attaquant au wokisme, à la sécurité, à l’immigration, ou à la mobilité. Selon lui, la gauche défendrait les droits des minorités et tenterait d’invisibiliser les personnes comme lui. Il en fait une « guerre culturelle », un combat mené depuis longtemps par l’extrême droite. Cette guerre culturelle, Bouchez la « mène » au nom du « peuple », contre des « groupuscules qui, du véganisme à la nécessité de faire un déplacement sur quatre à vélo, nous expliquent que nous avons tout faux et qu’ils sont là pour nous rééduquer en quelque sorte ». Parmi les ennemis déclarés dans cette guerre culturelle, il y a les « Ecolos » qui « alimentent » une « haine anti-automobile », qui est « presque une haine communiste », et les « extrémistes du PTB ».
Bien que la droite et l’extrême droite gardent des différences, notamment sur leur programme économique, elles tendent à être en accord sur la conservation des « traditions » et de la « culture nationale ». Le MR joue un jeu dangereux en dialoguant avec l’extrême droite et en reprenant un pan de son discours pour séduire une partie de son électorat. En avril 2022, Bouchez a même brisé le cordon sanitaire médiatique en acceptant un débat en avril 2022 avec le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken. Ce faisant, il contribue à répandre et à normaliser des idées d’extrême droite, ce qui constitue une menace sérieuse pour le paysage politique belge. La montée en puissance de ces idées met en péril les valeurs démocratiques fondamentales, exigeant une vigilance accrue de la part de tou·tes les acteur·rices politiques et des citoyen·nes.
Sources :
- https://www.rtbf.be/elections-2024/resultats->https://www.rtbf.be/elections-2024/resultats
- https://www.revuepolitique.be/un-conservateur-au-mr-la-politique-est-une-forme-
- https://www.revuepolitique.be/un-conservateur-au-mr-la-politique-est-une-forme-
- https://www.lesoir.be/589501/article/2024-05-22/le-programme-du-vlaams-belang-est-dextreme-droite-discrim
- https://www.rtbf.be/article/plus-a-gauche-ou-plus-a-droite-comment-ont-evolue-les-parti
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