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Là.
Là est le nom de l’exposition très particulière à voir en ce moment au Musée d’Art Contemporain de Gand/SMAK.
LA
« Non » en arabe se dit LA. En hébreu, LA signifie « pour elle » , il y a le LA du diapason, la note de musique.
Et puis, Là, n’est pas ici.
Là est un éloge funèbre pour Chantal Akerman, conçu par deux artistes vivant à Bruxelles, Sirah Foighel Brutmann et Eitan Efrat.
Ce sont des installations d’images en mouvement, des sons et des textes. L’œuvre de Chantal Akerman dans sa singularité et sa puissance sont à l’origine de ce travail. Et, en particulier deux films : Là-bas et No Home Movie. Films qui interrogent l’histoire, l’appartenance, l’errance, la perte.
Là-bas, est un très étrange film sur Israël. Enfermée dans un appartement à Tel-Aviv, Chantal regarde le monde par des fenêtres aux persiennes fermées. On y voit des voisins boire du café ou s’installer sur une terrasse, à différents moments de la journée. Des conversations téléphoniques et des textes nous disent ses préoccupations, sa fatigue, son inertie, ses inquiétudes du quotidien. Expression d’une paralysie face à la violence, c’est peut-être même une fuite.
No Home Movie est le dernier film de Chantal Akerman, construit autour de conversations avec sa mère, à distance ou dans l’appartement bruxellois de celle-ci, entrecoupé par des images d’un désert en travelling. Le désert de l’exode, de l’errance, du vide. Le vide du décès de sa mère. Chantal se donnera la mort quelques mois après avoir terminé son film.
S’appuyant sur le travail de Jacques Derrida dans Chaque fois unique, la fin du monde, où le travail du deuil se révèle impossible, interminable. Comment faire pour garder vivantes les personnes disparues ? Sirah explique que Derrida invite à utiliser le langage de la personne défunte. On active sa présence et on la prolonge. Sirah et Eitan adressent deux lettres à Chantal Akerman, comme si elle était présente et pouvait les entendre. Ils ont retrouvé la route dans le désert de No Home Movie. C’est celle qui conduit au site de Massada. Le Mont Massada lieu d’un drame (suicide collectif de ses défenseurs pour ne pas tomber sous le joug romain), dont certains historiens ont récemment remis en cause la véracité historique. De nos jours, des groupes de jeunes, de militaires, de touristes visitent ce site dont le récit a été élevé au rang d’un mythe symbolisant le peuple juif combattant jusqu’à la mort.
Le désert du Néguev/Naqab est la terre des bédouins. Depuis 1948, ils n’ont cessé d’être déplacés, de voir leurs villages détruits, leur désert se métamorphoser, même sur le plan végétal.
Le travail de Sirah et Eitan nous plonge dans des sensations qui dépassent ce que les mots et les slogans tentent de dire. La joie et la tristesse de voir la présence magnifique d’un bédouin jouant du rebab (un violon bédouin) assis dans la portière ouverte de sa voiture, les chameaux placides portant des touristes sur leur dos, un âne blanc qui est, d’après les artistes, Chantal Akerman.
L’eau de la mer morte intervient dans la formation de certaines images, sa composition chimique suscite d’étranges apparitions au cours de leur développement.
Is it A Knife Because…est un film de 2022 qui ne se rattache pas au travail de deuil pour Chantal Akerman. La famille Foighel Brutmann/Efrat et leurs enfants sont dans leur appartement, en face d’un bureau de police. La vie de famille, la présence active et créative des enfants, la recherche de la lumière, et en face le bureau de police avec la femme dénudée sur la calendrier offre un spectacle intriguant et comique, alors que des images d’une police brutale dans les rues de Bruxelles suscitent une grande inquiétude.
Sirah et Eitan ont choisi de s’établir à Bruxelles et y vivent depuis plus de 20 ans. Ils ont tous les deux la passion des archives, qu’elles soient familiales ou autres. Eitan est en train de digitaliser les VHS et autres films qui se trouvent dans le grenier poussiéreux de l’UPJB, parmi les vieilles banderoles… Pour Sirah, Chantal Akerman est comme un membre de sa famille, même si elle ne l’a jamais rencontrée. L’appartement de la mère dans No Home Movie, ressemble à l’appartement de la grand-mère de Sirah, on y voit les mêmes meubles. Et puis cette élégance impeccable des deux femmes toutes deux survivantes d’Auschwitz.
Là-bas, Là.
Quand ? Jusqu’au 8 septembre.
Plus d’infos : https://smak.be/nl/tentoonstellingen/sirah-foighel-brutmann-eitan-efrat-la
Où : SMAK, Jan Hoetplein 1 9000 Gand, Belgique
© Photo : Sirah Foighel Brutmann and Eitan Efrat, Tristrams Starling on a ruin near the Dead Sea. Avec l’aimable autorisation des artistes.
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