Racismes / Colonialismes
Affaire Mehdi Bouda : une justice qui veut faire payer les familles de victimes
Le 20 août 2019, Mehdi Bouda, un jeune bruxellois de 17 ans, est tué, violemment percuté par une voiture de police roulant à 98 km/h dans une rue limitée à 30, sans sirène, en pleine zone piétonne. La voiture de police, appelée pour un cambriolage et roulant à très vive allure, l’a fauché.
Six ans plus tard, la décision vient de tomber : les policiers impliqués ne seront pas renvoyés devant le tribunal correctionnel. La chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles a confirmé ce mardi le non-lieu prononcé en avril 2024. Pour la famille, pour la Ligue des droits humains, pour tous ceux qui réclamaient un procès public, c’est une une gifle symbolique, politique et morale très grave.
La justice reconnaît que l’appel de la famille était recevable, mais le juge « non fondé« . La procédure s’achève donc sur ce que beaucoup dénoncent comme une consécration de l’impunité policière.
Mais elle ne s’arrête pas là. Car dans une ironie aussi tragique que révoltante, les proches de Mehdi pourraient aujourd’hui être condamnés à payer les frais de procédure. Comme si réclamer la vérité sur la mort de leur fils était une faute. Comme si, après avoir perdu Mehdi, ils devaient aussi perdre leur droit à la justice.
« C’est une décision qui nie la gravité des faits, qui valide une forme d’indifférence institutionnelle », dénonce la famille dans un communiqué. Elle se dit « profondément choquée, en colère et accablée par un profond sentiment d’injustice ». Comment comprendre qu’un adolescent puisse mourir sous les roues d’un véhicule de police, roulant à trois fois la vitesse autorisée en zone urbaine, sans que personne n’ait à en répondre devant un juge ?
Le frère de Mehdi témoigne :
« Nous avons attendu six ans, rédigé des conclusions longues de soixante pages, et tout ce que nous avons reçu, c’est un mail, une décision d’une page qui ne répond à aucune de nos questions. Même pas un appel, même pas un contact humain. »
« On se sent totalement lésé. Quand on engage une procédure, c’est pour avoir des réponses. Là, on n’a rien. C’est inhumain.«
La violence systémique qui encadre les violences policières ne se limite pas au choc initial de la mort ; elle est aussi dans le traitement, froid, impersonnel, expéditif, usant que réserve la « justice » aux proches et familles de victime, comme l’usage systématique de l’usure : les procédures trop longues, les procès non publics, les reports systématique entre autres…
Pour la Ligue des droits humains, partie civile dans l’affaire, cette décision est la démonstration d’un problème systémique. La justice refuse une nouvelle fois de voir la dimension structurelle des violences policières, notamment dans la gestion des courses-poursuites et des interventions dites prioritaires. « De nombreuses autres affaires, dont certaines très récentes, ont pourtant démontré l’impérieuse nécessité de revoir cet encadrement. »
La justice, dans ce dossier, a refusé de juger les faits. Mais...
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