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Job étudiant dès 15 ans : vers un retour du travail des enfants ?

Job étudiant dès 15 ans : vers un retour du travail des enfants ?

L’abaissement de l’âge légal pour les jobs étudiants à 15 ans fait débat en Belgique et ailleurs. Alors que le ministre de l’Emploi David Clarinval (MR) se prépare à introduire cette mesure dès l’été 2025, elle est loin d’être la bienvenue. Derrière les discours de façade de modernisation et d’émancipation, cette réforme suscite l’indignation de nombreux·ses acteur·rices sociaux et politiques.

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie
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David Clarinval tente de justifier ce choix en vantant l’autonomie financière des jeunes et la flexibilité du marché du travail. Mais derrière ces arguments se cache une réalité bien plus sombre : celle d’une précarisation accrue des jeunes, au profit des employeurs qui bénéficieront d’une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci. En augmentant le plafond des heures de travail à 650 par an et en abaissant l’âge minimum à 15 ans, on transforme insidieusement les jobs étudiants en emplois de substitution, menaçant les droits et les conditions de travail des jeunes.

Les syndicats, notamment la FGTB, dénoncent fermement cette réforme qu’ils qualifient de « mise en concurrence déloyale ». Pourquoi favoriser le travail des adolescents alors que des centaines de milliers de chômeur·euses restent sur le carreau ? Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du chômage et de la précarité, le MR choisit de sacrifier les jeunes sur l’autel de la flexibilité. Une politique court-termiste qui occulte délibérément les risques de décrochage scolaire et de détérioration de la santé mentale des jeunes, pris dans un engrenage travail-études difficile à concilier.

Cette mesure risque d’accentuer la précarité des jeunes issus de milieux modestes, contraints de travailler pour subvenir aux besoins familiaux. Cela pourrait renforcer les inégalités sociales plutôt que de les atténuer. Par ailleurs, un rapport de l’UCLouvain souligne que dès 10 heures de travail par semaine, le risque de décrochage scolaire augmente de 10 %. En effet, les associations étudiantes s’inquiètent également de l’impact psychologique sur les jeunes. Travailler dès 15 ans pourrait les priver d’un temps essentiel de développement personnel et scolaire, d’autant que ces emplois offrent peu de protection sociale. En cas de maladie, par exemple, les étudiant·es n’ont droit au salaire garanti que s’ils travaillent depuis un mois minimum chez le même employeur, une condition rarement remplie.

Derrière ces politiques libérales se cache l’idéal d’un modèle économique national qui continu de favoriser la mise en place d’une main d’œuvre étudiante à la fois précaire et extrêmement bon marché. L’emploi d’étudiant·e arrange considérablement le patronat belge étant donné qu’employer une étudiant·e ne coute presque aucune taxe et qu’aucune sécurité d’emploi n’est allouée au jobeur·euse. Ainsi un·e patron·ne a le libre choix de licencier un·e étudiant·e sans le moindre préavis et les étudiant·es ne bénéficient pas de congés payés en cas de maladie. De plus, rappelons que les heures travaillées avec le statut d’étudiant ne permettent pas de cotiser pour le chômage ou la retraite.

Ces mesure économiques sont faites sans remise en question structurelle des aides allouées aux étudiant·es. Il est avant tout question de travailler plus et plus jeune à la fois pour aider ses proches, pour payer ses études ses assurances, son logement et sa nourriture, etc. Mais les conditions de travail et les salaires souvent extrêmement bas ne permettent pas de sortir de la précarité. Pire, l’augmentation du nombre d’heures et de la moyenne d’âge agissent comme un leur plutôt que de proposer des réformes réellement ancrées dans les besoins des étudiant·es ( plus d’aides sociales, plus d’accessibilité au monde des études, la fin pérenne de la réforme du décret paysage,…).

Au-delà des chiffres, cette réforme pose la question du modèle de société que l’on souhaite promouvoir. Veut-on vraiment considérer des adolescent·es de 15 ans comme des acteur·rices économiques à part entière ? La comparaison avec les États-Unis, où certains États comme la Floride utilisent des adolescent·es pour pallier la pénurie de main-d’œuvre après des mesures anti-migratoires, suscite l’inquiétude. Traiter les jeunes comme une main-d’œuvre flexible et bon marché, au détriment de leur éducation et de leur santé mentale, est un choix plus que contestable.

Par ailleurs, si l’objectif affiché est de répondre à une pénurie d’emplois dans certains secteurs, cette logique n’aborde pas le problème structurel du sous-emploi des adultes. Faire travailler les jeunes ne compensera pas l’absence de politiques de formation et d’insertion pour les demandeurs d’emploi adultes.

De plus, en augmentant le nombre d’heures, on risque de diluer la frontière entre travail étudiant et emploi à temps partiel. Une telle mesure pourrait détourner les jeunes de leurs études, avec des conséquences sur leur avenir professionnel. Les répercussions à long terme, notamment sur la santé physique et mentale des jeunes, semblent largement sous-estimées. On se retrouve donc dans une cycle négatif, où les jeunes issus des milieux défavorisés sortent travaillent plus tôt, dans des conditions toujours plus précaires, pour moins, tout en mettant en danger leur propre avenir puisqu’il devient de plus en plus compliqué de combiner les études et le travail….

Loin d’être un simple ajustement législatif, l’abaissement de l’âge légal pour les jobs étudiants à 15 ans reflète un choix de société aux conséquences multiples. Cette société, ultra libérale, est prête à mettre les enfants au travail pour combler les emplois dans les secteurs en tensions, quitte a sacrifier des générations entières. Plutôt que d’inciter les mineurs à travailler plus, ne serait-il pas plus pertinent de garantir un accès équitable aux études et d’améliorer les conditions d’existence des familles précarisées ? La précarisation croissante des étudiant·es, combinée à l’augmentation des heures autorisées, crée un risque réel de banalisation du travail précaire et ce dès l’adolescence.

Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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